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A-120-95

Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. (appelantes) (requérantes)

c.

Novopharm Limited et Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (intimés) (intimés)

Répertorié: Eli Lilly and Co.c. Novopharm Ltd. (C.A.)

Cour d'appel, juge Strayer, J.C.A."Toronto, 3 décembre; Ottawa, 15 décembre 1998.

Pratique Frais et dépens Fixation des dépens à la suite d'un arrêt de la C.S.C. accueillant un pourvoi à l'encontre d'une décision de la C.A.F.avec dépens en faveur de l'appelante dans toutes les cours— — Compétence de la C.A.F. d'entendre la requête visant l'adjudication d'une somme globale au lieu des dépens taxésPour donner effet à l'adjudication par la C.S.C. de dépens afférents à un jugement de la Cour fédérale, tout pouvoir discrétionnaire prévu par la règle 400 (conférant à la Cour fédérale entière discrétion quant au montant des dépens et leur répartition) qui n'est pas incompatible avec cette adjudication peut être exercéLa demande d'accroissement des dépens n'est pas fondéeEn vertu de la règle 3, le juge a compétence pour entendre la présente requête pour directives, mais en application de l'art. 51 de la Loi sur la Cour suprême et de la règle 403(3), il appartiendrait normalement au juge ayant signé le jugement infirmé par la C.S.C. de l'entendreIl serait préférable, à l'avenir, d'assortir une requête fondée sur la règle 403 d'une demande d'audition devant le juge ayant signé le jugementou tout autre juge désigné par le juge en chef.

Pratique Modification des délais La requête pour prorogation de délai est accueillie notamment parce que les nouvelles Règles sont entrées en vigueur peu de temps avant le dépôt de la requête pour directives concernant les dépensToutefois, la souplesse dont la Cour fait preuve, en raison de la nouveauté des Règles, sera temporaire.

Il s'agissait originalement d'une demande de contrôle judiciaire visant l'obtention d'une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer un avis de conformité à Novopharm Limited relativement à la nizatidine. La Cour d'appel a infirmé la décision de la Section de première instance de rejeter la demande, mais la Cour suprême du Canada l'a rétablie "avec dépens en faveur de l'appelante dans toutes les cours". Dans la présente requête, Novopharm a demandé à la Cour la fixation des dépens de l'appel devant notre Cour à 20 000 $ plus la TPS pour les honoraires et à 2 519,53 $ pour les débours. La première question à trancher portait sur la compétence de la Cour d'accorder une somme globale. La deuxième avait trait au retard mis par Novopharm à présenter sa requête, et la troisième, au bien-fondé de la requête visant à accroître les dépens.

Jugement: la requête est rejetée.

Les mots "avec dépens en faveur de l'appelante dans toutes les cours" signifiaient en l'espèce que les dépens payables à l'égard de l'instance devant la Section de première instance et la Cour d'appel devaient être déterminés conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998) . La règle 400 confère à la Cour "entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir", énumère des facteurs pouvant présider à l'exercice de ce pouvoir et autorise la Cour à adjuger une somme globale ou à prescrire que la taxation soit faite selon une colonne déterminée du tarif B. Pour donner effet à l'adjudication par la Cour suprême de dépens afférents à un jugement de notre Cour, tout pouvoir discrétionnaire prévu par les Règles de la Cour fédérale (1998) qui n'est pas incompatible avec cette adjudication peut être exercé.

Le retard d'un mois à présenter la requête n'est pas fatal, et il convient d'accorder une prorogation de délai. Intervient pour une part dans cette décision le fait que des nouvelles règles opérant un changement à l'égard des requêtes interlocutoires de cette nature, entraient en vigueur le 25 avril 1998, quelques mois seulement avant le dépôt de la requête. La souplesse dont la Cour fait preuve dans l'application des règles, en raison de leur nouveauté, sera temporaire. De plus, aucun élément de preuve n'indique que ce retard a causé quelque préjudice à Eli Lilly.

Le bien-fondé de la requête pour accroissement des dépens n'a pas été établi. Ni l'importance ni la complexité n'ont été démontrées. Aucun élément de preuve appréciable quant à la quantité de travail en cause n'a été fourni. Finalement, la prétention voulant que l'accroissement des dépens se justifie en raison de l'intérêt public, conformément à l'alinéa 400(3)h) des Règles, n'est pas suffisamment établie en preuve. Le facteur de "l'intérêt public" comme justification de l'augmentation des dépens n'a pas pour but de favoriser des parties à un litige dont l'objet est essentiellement commercial.

Il a été adjugé à Novopharm des dépens de 7 419,53 $ comprenant les honoraires et les débours. Les dépens de la présente requête sont à la charge de Novopharm car cette dernière n'a presque certainement rien gagné en la présentant qu'elle n'aurait obtenu dans le cadre du processus ordinaire de taxation.

Le paragraphe 403(3) exige que ce type de requête visant la formulation de directives soit présentée "au juge ou au protonotaire qui a signé le jugement". Mise en contexte, la disposition veut nécessairement dire que la requête doit être entendue par le juge de la Cour d'appel fédérale qui a rendu le jugement infirmé par la Cour suprême. L'article 51 de la Loi sur la Cour suprême prévoit que "l'affaire peut alors être poursuivie comme si le jugement émanait de ce tribunal". La disposition vise à faire établir les dépens par le juge le plus au fait du déroulement de l'affaire devant son tribunal. Le juge en chef a assigné l'affaire à un autre juge. Ce juge avait, en vertu de la règle 3, le pouvoir d'appliquer les règles "de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible". Il serait préférable, à l'avenir, d'assortir une requête fondée sur la règle 403 d'une demande d'audition devant le juge ayant signé le jugement "ou tout autre juge désigné par le juge en chef".

lois et règlements

Loi sur la Cour suprême, L.R.C. (1985), ch. S-26, art. 51.

Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133.

Règles de la Cour fédérale (1998),DORS/98-106, règles 3, 4, 369, 400, 403, tarif B, Colonne III.

jurisprudence

décision critiquée:

MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc. (1981), 124 D.L.R. (3d) 342; 58 C.P.R. (2d) 100; 37 N.R. 296 (C.A.F.).

distinction faite avec:

Smerchanski c. Ministre du Revenu national, [1979] 1 C.F. 801; [1977] C.T.C. 283; (1977), 77 DTC 5198; 16 N.R. 38 (C.A.); Crabbe c. Le ministre des Transports, [1973] C.F. 1091 (C.A.).

décisions mentionnées:

Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1995), 60 C.P.R. (3d) 181; 91 F.T.R. 161 (C.F. 1re inst.); inf. par (1996), 67 C.P.R. (3d) 377; 197 N.R. 291 (C.A.F.); inf. par [1998] 2 R.C.S. 129; (1998), 161 D.L.R. (4th) 1; 80 C.P.R. (3d) 321; Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc. (1996), 66 C.P.R. (3d) 329; 195 N.R. 378 (C.A.F.); Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504; (1981), 122 D.L.R. (3d) 203; 56 C.P.R. (2d) 146; 35 N.R. 390; inf. MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc. (1979), 41 C.P.R. (2d) 94; 35 N.R. 420 (C.A.F.); Smerchanski c. Le ministre du Revenu national, [1974] 1 C.F. 554; (1974), 45 D.L.R. (3d) 254; [1974] CTC 241; 74 DTC 6197; 2 N.R. 197 (C.A.); conf. par [1977] 2 R.C.S. 23; [1976] CTC 488; (1976), 76 DTC 6247; 9 N.R. 459.

REQUÊTE fondée sur la règle 403 des Règles de la Cour fédérale (1998), demandant l'adjudication d'une somme globale au lieu de dépens taxés, par suite d'un arrêt de la Cour suprême du Canada accueillant le pourvoi "avec dépens en faveur de l'appelante dans toutes les cours". Les dépens ont été adjugés conformément au tarif. Requête rejetée avec dépens.

ont comparu:

Anthony George Creber pour les appelantes (requérantes).

Mark S. Mitchell pour les intimés (intimés).

avocats inscrits au dossier:

Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les appelantes (requérantes).

Lang Michener, Toronto, pour les intimés (intimés).

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Strayer, J.C.A.: Je suis saisi d'une requête fondée sur la règle 403 [des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106] visant la fixation des dépens d'un appel entendu par la Cour le 24 avril 1996.

Le 15 septembre 1993, Eli Lilly and Company et Eli Lilly Canada Inc. (Lilly) ont déposé une demande de contrôle judiciaire sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [DORS/93-133] devant la Section de première instance, dans laquelle elles priaient le tribunal d'interdire au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, de délivrer un avis de conformité à Novopharm Limited (Novopharm) relativement à la nizatidine. La Section de première instance a rejeté leur demande le 9 février 1995 [(1995), 60 C.P.R. (3d) 181]. Notre Cour a accueilli leur appel [(1996), 67 C.P.R. (3d) 377] parce qu'une sous-licence avait été délivrée en contravention de la licence obligatoire de Novopharm concernant la vente du médicament et que la licence était donc annulée. Notre Cour avait formulé les mêmes conclusions au sujet d'arguments sensiblement similaires quelque vingt-trois jours plus tôt, dans l'affaire Eli Lilly and Co. c. Apotex Inc.1. La Cour suprême du Canada a autorisé un pourvoi dans les deux cas, et a instruit ensemble les deux affaires. Le 9 juillet 1998, elle a accueilli les deux pourvois "avec dépens en faveur de l'appelante dans toutes les cours" [[1998] 2 R.C.S. 129]. Par la présente requête, Novopharm demande à la Cour la fixation des dépens de l'appel devant notre Cour à 20 000 $ plus la TPS pour les honoraires et à 2 519,53 $ pour les débours. Personne ne conteste que si la Cour ne formulait pas de directives particulières, les honoraires seraient taxés conformément à la Colonne III du tarif B et que, suivant le nombre d'unités attribuées par l'officier taxateur à chacune des étapes, leur montant s'établirait entre 2 700 et 4 900 $. Novopharm, toutefois, demande plutôt une somme globale de 20 000 $. Le montant des débours réclamé, soit 2 519,53 $, n'est pas contesté présentement, et les intimées reconnaissent même que si les dépens sont adjugés conformément à la Colonne III du tarif B, ils devraient se chiffrer à 7 419,53 $, cette somme étant composée de 4 900 $ en honoraires et du montant non contesté des débours.

Compétence

Le premier point à régler a trait à la compétence. L'intimée [dans cette requête, Eli Lilly] affirme que l'adjudication des dépens devant notre Cour par la Cour suprême enlève à la Cour d'appel le pouvoir d'accorder une somme globale. Le jugement de la Cour suprême doit être considéré comme une adjudication des dépens taxés qui rend impossible l'adjudication d'une somme globale au lieu de ces dépens sous le régime du paragraphe 400(4) des Règles. À l'appui de cet argument, l'intimée [Eli Lilly] invoque une décision de notre Cour, rendue en 1981 par le juge Ryan, dans l'affaire MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Ltd. c. Consolboard Inc.2.

Je ne puis adopter le raisonnement du juge Ryan. Dans cette affaire, la Cour suprême avait tranché en faveur de Consolboard [[1981] 1 R.C.S. 504] et avait jugé que cette dernière avait droit aux dépens en Cour d'appel [(1979), 41 C.P.R. (2d) 94]. Consolboard avait demandé des directives particulières ainsi que l'adjudication d'une somme globale. En refusant d'octroyer une somme globale, le juge Ryan, s'appuyant sur la décision du juge en chef Jackett dans l'affaire Smerchanski c. Ministre du Revenu national3, avait considéré que cette demande visait à "remplacer les dépens accordés par le jugement de la Cour suprême par le paiement d'une somme fixe ou globale". À mon humble avis, la décision Smerchanski ne saurait fonder une telle conclusion. Premièrement, le juge en chef Jackett était saisi d'une requête visant la fixation des dépens d'un appel rejeté "avec dépens" par la Cour d'appel fédérale [[1974] 1 C.F. 554], lequel avait fait l'objet d'un pourvoi rejeté par la Cour suprême du Canada [[1977] 2 R.C.S. 23]. Pour autant qu'on puisse l'établir, ni le jugement de la Cour d'appel fédérale ni celui de la Cour suprême ne renfermaient de mentions particulières quant à la taxation des dépens. Toutefois, le juge en chef Jackett avait cité une décision antérieure de la Cour d'appel fédérale, Crabbe c. Le ministre des Transports4 , où la Cour avait jugé que "si la Cour ordonne le paiement des dépens taxés, elle ne peut pas prescrire ensuite le paiement d'une somme globale à moins de procéder à un nouvel examen du jugement" dans les circonstances limitées où un réexamen est possible. Ni dans l'affaire MacMillan Bloedel ni dans l'affaire Smerchanski une ordonnance de paiement de "dépens taxés" n'avait été rendue.

Sans prétendre me prononcer sur l'issue d'une demande de somme globale par une partie ayant obtenu un jugement favorable de la Cour suprême mentionnant expressément des "dépens taxés", je crois que la présente situation est passablement différente. En l'espèce, la Cour suprême a accueilli le pourvoi de Novopharm, annulé le jugement de notre Cour et rétabli celui de la Section de première instance "avec dépens en faveur de l'appelante dans toutes les cours". La seule interprétation possible de ces mots, selon moi, est que les dépens payables à l'égard de l'instance devant la Section de première instance et la Cour d'appel doivent être déterminés conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998) . La règle 400 confère à la Cour "entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir", énumère des facteurs pouvant présider à l'exercice de ce pouvoir et autorise la Cour à adjuger une somme globale ou à prescrire que la taxation soit faite selon une colonne déterminée du tarif B. Il va de soi que certains des pouvoirs discrétionnaires conférés par la règle 400 ne peuvent être exercés à l'égard d'une adjudication de dépens émanant de la Cour suprême du Canada. Notre Cour, par exemple, ne pourrait refuser de les adjuger ou les accorder plutôt à la partie déboutée, mais je suis d'avis que, pour donner effet à l'adjudication par la Cour suprême de dépens afférents à un jugement de notre Cour elle peut exercer tout pouvoir discrétionnaire prévu par les Règles de la Cour fédérale (1998) qui n'est pas incompatible avec cette adjudication.

Je conclus donc que notre Cour a compétence pour entendre la requête.

Retard dans la présentation de la requête

La Cour doit ensuite examiner la question du caractère tardif de la requête de Novopharm. La Cour suprême a adjugé les dépens le 7 juillet 1998. Aux termes de l'article 51 de la Loi sur la Cour suprême5, cet arrêt doit être considéré comme émanant de notre Cour. La règle 403 prescrit que les requêtes pour directives concernant les dépens doivent être faites dans les trente jours suivant le prononcé du jugement. La présente requête n'a été déposée que le 14 septembre 1998, soit plus de deux mois suivant la décision de la Cour suprême. Les avocats de Novopharm expliquent qu'il leur avait échappé que pour présenter une telle requête écrite sous le régime de la règle 369, il leur fallait soumettre le dossier avec l'avis de requête. Ils ont tenté de déposer un avis de requête sans dossier, le 6 août 1998, mais le greffe ne l'a pas accepté, et ils ont alors dû réunir les documents nécessaires à la préparation du dossier, lequel n'a été prêt qu'au mois de septembre. Ils ont demandé une prorogation, et je la leur accorde. Intervient pour une part dans cette décision le fait que des nouvelles Règles sont entrées en vigueur le 25 avril 1998, qui opéraient un changement en prévoyant qu'il fallait dorénavant joindre un dossier de requête à une requête interlocutoire de cette nature. J'espère qu'il sera compris que la souplesse dont la Cour fait preuve dans l'application des règles, en raison de leur nouveauté, est temporaire. Ce facteur mis à part, toutefois, aucun élément de preuve n'indique que ce retard a causé quelque préjudice à Eli Lilly. La prorogation nécessaire est donc accordée.

Bien-fondé de la requête

Quant au bien-fondé de la requête visant à accroître les dépens, la Cour estime qu'il n'a pas été établi. J'examinerai brièvement les justifications soumises qui nécessitent des commentaires.

Novopharm prétend que l'importance et la complexité des questions en cause justifient d'accorder des honoraires plus élevés. Ni l'importance ni la complexité n'ont été démontrées. La question qui se posait avait trait à l'interprétation qu'il convenait de donner à un accord d'approvisionnement d'environ trois pages. Il s'agissait essentiellement d'une question de droit: l'accord équivalait-il à une sous-licence contrevenant aux termes de la licence obligatoire? Novopharm soutient que la question est importante parce que l'arrêt de la Cour suprême mettra fin, selon elle, à au moins quatre autres instances visant Novopharm et d'autres parties. Il ne me paraît pas justifié d'imposer des dépens supplémentaires à Eli Lilly parce que Novopharm n'aura pas à continuer d'assumer d'autres frais dans des poursuites contre d'autres parties. Si ses opposants ont pris, dans ces instances, des positions qui sont maintenant indéfendables, Novopharm peut chercher à recouvrer ses dépens dans ces autres affaires.

Novopharm prétend également que la somme de travail déployé justifie des frais accrus. Malheureusement, les avocats de Novopharm n'ont soumis aucun élément de preuve appréciable quant à la quantité de travail en cause. Je ne dispose que de l'affidavit d'un stagiaire du cabinet déclarant que le compte d'honoraires remis à la cliente relativement à l'appel devant notre Cour se chiffrait à 37 910 $, alors que le montant taxable des dépens était de 4 900 $ et que le montant de la somme globale actuellement demandée est de 20 000 $. Ce document n'indique pas le nombre d'heures consacrées au dossier pour les fins de l'appel et ne renferme aucun autre fait donnant à penser qu'une somme de travail extraordinaire a été déployée. Il est brièvement fait état de la quantité de travail que le dossier a demandé, dans les observations écrites de Novopharm, mais cela, bien sûr, ne constitue pas une preuve.

Finalement, Novopharm exhorte la Cour à accroître le montant des dépens à cause de [traduction] "l'intérêt public dans la résolution judiciaire de l'instance mentionné à l'alinéa 400(3)h ) des Règles de la Cour fédérale [(1998)]". L'essence de cet argument est que Novopharm, en établissant son droit de distribuer certains médicaments génériques, a fait épargner beaucoup d'argent au public. J'ai deux commentaires à formuler concernant cette affirmation. Premièrement, elle n'est pas suffisamment établie en preuve puisque le seul prétendu élément de preuve présenté a été l'affidavit d'une certaine Mme  Rembach, lequel n'a pas été régulièrement soumis puisqu'il s'agissait d'une simple pièce jointe à l'affidavit susmentionné du stagiaire. Il ne pouvait y avoir de contre-interrogatoire relativement à un affidavit ainsi présenté, c'est pourquoi le poids qui peut lui être accordé est minime voire nul. Deuxièmement, je ne suis pas convaincu que le facteur de "l'intérêt public" comme justification de l'augmentation des dépens ait pour but de favoriser des parties à un litige dont l'objet est essentiellement commercial. Il n'existe aucun élément de preuve indiquant que l'intérêt public ait constitué un facteur important ou un facteur de motivation dans la décision de Novopharm de défendre en justice son droit de vendre le présent médicament, même s'il est fort possible que le succès de cette dernière ait profité au public, en lui permettant de se procurer le médicament à un coût substantiellement moindre.

Dispositif

Comme Novopharm n'a pas convaincu la Cour qu'il y a lieu de rendre une ordonnance prescrivant l'augmentation des dépens et comme Eli Lilly reconnaît que le montant ordinaire des dépens, établi conformément à la Colonne III du tarif B, se chiffrerait à 4 900 $ plus les débours (une somme qui semble supérieure à celle qui a été calculée dans l'affidavit déposé par Novopharm), j'adjuge à Novopharm des dépens de 7 419,53 $ comprenant les honoraires et les débours. Les dépens de la présente requête sont à la charge de Novopharm car cette dernière n'a presque certainement rien gagné en la présentant qu'elle n'aurait obtenu dans le cadre du processus ordinaire de taxation.

À qui présenter la requête

Il me reste un dernier point à commenter. Le paragraphe 403(3) des Règles exige que ce type de requête visant la formulation de directives soit présentée "au juge ou au protonotaire qui a signé le jugement". En l'espèce, ces mots signifieraient, si on les interprétait littéralement, un juge de la Cour suprême. Mise en contexte, toutefois, la disposition veut nécessairement dire que la requête doit être entendue par le juge de la Cour d'appel fédérale qui a rendu le jugement infirmé par la Cour suprême. En effet, l'article 51 de la Loi sur la Cour suprême prévoit que les arrêts de cette cour sont certifiés au tribunal de première instance et que:

51. [. . .] l'affaire peut alors être poursuivie comme si le jugement émanait de ce tribunal.

Le renvoi d'une telle requête pour directives au juge qui a signé le jugement a pour but de faire établir les dépens par le juge le plus au fait du déroulement de l'affaire devant son tribunal.

Ce n'est pas moi qui ai signé le jugement de la Cour d'appel fédérale; le juge en chef m'a assigné cette affaire. Les avocats de Eli Lilly n'ont pas élevé d'objection sérieuse à ce que j'entende la requête, et je suis parvenu à la conclusion qu'en vertu de la règle 3, qui confère le pouvoir d'appliquer les Règles "de façon à permettre d'apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible", j'avais compétence pour le faire. Je crois toutefois qu'il serait préférable, à l'avenir, d'assortir une requête fondée sur la règle 403 d'une demande d'audition devant le juge ayant signé le jugement "ou tout autre juge désigné par le juge en chef". Une telle formulation ferait plus clairement appel au pouvoir de la Cour, découlant de la règle 4, de confier l'affaire à un autre juge lorsque le juge initial est, pour quelque raison, incapable de l'entendre, une situation non prévue par les Règles.

1 (1996), 66 C.P.R. (3d) 329 (C.A.F.).

2 (1981), 124 D.L.R. (3d) 342 (C.A.F.).

3 [1979] 1 C.F. 801 (C.A.).

4 [1973] C.F. 1091 (C.A.).

5 L.R.C. (1985), ch. S-26.

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