Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[1997] 1 C.F. 154

T-457-88

Newfoundland Processing Limited (demanderesse)

c.

Les propriétaires et toutes les autres personnes intéressées dans le navire South Angela (défendeurs)

T-584-90

Newfoundland Processing Limited (demanderesse)

c.

South Angela Shipping Inc. et al. (défendeurs)

T-620-90

Sa Majesté la Reine (demanderesse)

c.

Belleview Inc. et al. (défendeurs)

Répertorié : Newfoundland Processing Ltd. c. South Angela (Le) (1re inst.)

Section de première instance, juge Rouleau— St. John’s et Montréal, 29, 30, 31 mai, 1er, 7, 8, 9 juin, 25, 26, 27 septembre 1995 et 11 avril 1996; Ottawa, 23 septembre 1996.

Droit maritimeResponsabilité délictuelleAction intentée à l’encontre du navire en vue d’obtenir des dommages-intérêts représentant les frais engagés par suite d’un déversement de pétrole à la raffinerie de la demanderesseLes deux parties sont en fauteLa défense de négligence contributive ne doit plus s’appliquerEn droit maritime, la responsabilité pour les dommages causés doit être partagée en fonction du degré de faute des parties comme dans les cas d’abordageLes coûts du nettoyage sont répartis également entre les parties.

Le navire défendeur, un pétrolier, déchargeait sa cargaison de pétrole brut à la raffinerie de la demanderesse lorsqu’un déversement de pétrole s’est produit. Un reflux de pétrole brut a fait déborder l’une des citernes à résidus du navire.

Il s’agit d’une action en vue d’obtenir des dommages-intérêts spéciaux et généraux représentant les frais et dépenses engagés par la demanderesse par suite du déversement de pétrole.

Jugement : les parties sont également responsables et les frais engagés par la demanderesse pour le nettoyage doivent être également partagés entre la raffinerie demanderesse et le navire défendeur.

Le déversement est le résultat d’une combinaison d’erreurs humaines et de pannes mécaniques dont la responsabilité incombe à la fois à la demanderesse et au défendeur, et les deux parties doivent assumer leur part de responsabilité pour les dommages qu’elles ont causés. La Cour adopte le raisonnement du juge Cameron dans l’arrêt Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. et al. v. Saint John Shipbuilding Ltd. et al. : « Il me semble qu’il est temps pour les tribunaux de corriger l’injustice que cause la défense de négligence contributive et de déclarer que la responsabilité délictuelle, en droit maritime, devrait être partagée selon le degré de faute des parties … Le partage de la faute a traditionnellement été appliqué en droit maritime dans les cas d’abordage. Il me semble qu’il serait logique d’étendre ce partage de la responsabilité à d’autres domaines ».

JURISPRUDENCE

DÉCISION APPLIQUÉE :

Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. et al. v. Saint John Shipbuilding Ltd. et al. (1995), 130 Nfld. & P.E.I.R. 92; 126 D.L.R. (4th) 1 (C.A. T.-N.).

ACTION intentée à l’encontre d’un navire en vue d’obtenir des dommages-intérêts spéciaux et généraux pour les frais et dépenses engagés par la demanderesse par suite du déversement de pétrole qui s’est produit à sa raffinerie. Les deux parties étant également en faute, les frais engagés par la demanderesse pour le nettoyage doivent être répartis également entre la raffinerie demanderesse et le défendeur.

AVOCATS :

Ken A. Templeton pour la demanderesse

John R. Sinnott pour les défendeurs.

Rhodie E. Mercer pour la demanderesse dans l’action T-620-90.

PROCUREURS :

Stewart McKelvey Stirling Scales, St. John’s, pour la demanderesse.

Lewis & Sinnott, St. John’s, pour les défendeurs.

Mercer, MacNab, Vavasour & Fagan, St. John’s, pour la demanderesse dans l’action T-620-90.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Rouleau : Il s’agit d’une action intentée par la demanderesse en vue d’obtenir des dommages-intérêts spéciaux et généraux représentant les frais et dépenses engagés et les pertes subies par suite d’un déversement de pétrole qui s’est produit à sa raffinerie de Come by Chance (Terre-Neuve) le 7 mars 1988.

La demanderesse, Newfoundland Processing Limited (NPL), est une société constituée en vertu des lois de la province de Terre-Neuve. Le M.T. South Angela (le navire) est un pétrolier à coque d’acier de 258,358 mètres de long, 42,012 mètres de large, et ayant une jauge brute de 59.353 tonnaux. Le navire, enregistré au port de Monrovia (Liberia) transportait, pendant toute la période pertinente, une cargaison de 768 320,7 barils américains de pétrole brut Kole, dont la majeure partie a été déchargée à la raffinerie de la demanderesse à Come by Chance (Terre-Neuve) du 4 au 7 mars 1988.

Le 7 mars 1988, le M.T. South Angela (le navire) déchargeait sa cargaison de pétrole brut Kole à la raffinerie de NPL à Come by Chance, baie de Plaisance, à Terre-Neuve. Vers 12 h 35, un déversement de pétrole s’est produit. À ce moment, la majeure partie de la cargaison avait été déchargée et le navire procédait au drainage des conduites de façon que le reste du pétrole toujours à bord du navire reflue dans les citernes à résidus du côté bâbord avant le pompage final à terre. Le déversement a été causé par le remplissage excessif de la citerne nº 6 située à bâbord.

L’excédent de pétrole a coulé sur le pont du navire et s’est déversé dans la mer. La majeure partie de la nappe de pétrole a été entraînée vers le nord en s’éloignant de la raffinerie avant de bifurquer vers la plage. Avant que le nettoyage soit terminé, des résidus de pétrole contenus dans les eaux de marée ont reflué vers la raffinerie. NPL a été tenue de participer au confinement et au nettoyage de la nappe de pétrole pour minimiser autant que possible les dommages à l’environnement et limiter au minimum les dommages pouvant être causés à la raffinerie.

La seule question qui se pose dans la présente action consiste à déterminer quels sont les éléments ou les personnes qui sont responsables du déversement du 7 mars 1988, à Come by Chance (Terre-Neuve). NPL prétend que le déversement a été causé par la négligence du second du navire, M. Lawrence DeCosta, et des autres officiers. Elle allègue que M. DeCosta, qui dirigeait la manœuvre de déchargement, n’a pas communiqué efficacement avec les autres officiers sur le navire ni avec le personnel sur la jetée avant et après le début de l’étape du drainage des conduites. Elle laisse également entendre qu’une pompe d’assèchement était en marche sur le navire, ce qui aurait provoqué l’aspiration ou le refoulement du pétrole se trouvant dans les conduites situées à terre vers le navire. En outre, le troisième officier, M. Shaneanu Midra, aurait omis de fermer la vanne no 2 du navire pendant le drainage des conduites; le pétrole refluant de la raffinerie vers le navire aurait ainsi fait déborder la citerne à résidus no 6.

Le défendeur prétend que le déversement a été causé par NPL qui a laissé le pétrole refluer de la raffinerie. Il soutient que le second DeCosta a bien communiqué avec les employés sur la jetée et que ceux-ci auraient dû fermer la vanne située à terre, ce qui aurait empêché le déversement provoqué par le reflux. Le défendeur soutient également que le déversement est dû au fait que la demanderesse n’avait pas de clapet anti-retour pour empêcher le reflux.

Je suis convaincu que le déversement en question est le résultat d’une combinaison d’erreurs humaines et de pannes mécaniques dont la responsabilité incombe à la fois à la raffinerie demanderesse et au navire défendeur, et que les deux parties doivent assumer leur part de responsabilité pour les dommages qu’elles ont causés.

Pour commencer, je ne crois pas que la preuve appuie la théorie de la demanderesse selon laquelle le fonctionnement d’une pompe d’assèchement sur le navire aurait provoqué l’aspiration ou le refoulement du pétrole se trouvant dans les conduites à terre vers le navire. Le commandant du navire a indiqué dans sa déposition que toutes les pompes étaient fermées et l’ingénieur en chef a déclaré qu’après 12 h 15 aucune pompe ne fonctionnait. En outre, la preuve démontre que tous les réservoirs avaient été vidangés ce matin-là et qu’ils étaient complètement vides, ce qui signifie qu’il n’y avait plus de pétrole à pomper à l’exception du pétrole qui a été drainé dans la citerne à résidus n° 6 du côté bâbord. Cette partie de la cargaison devait être déchargée par la conduite Marpole, qui se trouve à tribord de la conduite de lavage du pétrole brut, laquelle est distincte des conduites principales et, particulièrement, de la conduite principale n° 2.

Par ailleurs, de nombreux éléments de preuve appuient la conclusion selon laquelle il y a eu un reflux à partir de la raffinerie demanderesse. Le témoin de la demanderesse, le commandant Barry Scott, a déclaré dans sa déposition que, d’après les renseignements qui lui ont été fournis, il y aurait eu un reflux de 10 000 barils de pétrole. Un autre des témoins de la demanderesse, le commandant John Benge, expert qui se trouvait sur le navire au moment du déversement, a également affirmé qu’il y avait eu un reflux. Sans ce reflux, dit-il, il était impossible qu’un déversement se produise. Le commandant Michael Ashton, expert, qui était également sur le navire et qui représente les intérêts du navire, a lui aussi indiqué dans sa déposition qu’il y avait eu un reflux. Il a déclaré que le pétrole contenu dans les réservoirs à terre a reflué par la conduite située sur la rive, en passant par les bras de chargement vers les conduites du navire, s’est accumulé dans la citerne à résidus jusqu’à ce que le trop-plein déborde par la partie supérieure.

Bien que les consultants et experts soient unanimes à dire qu’il y a eu un reflux, les experts sur place constatant immédiatement qu’un reflux s’était produit et qu’un déversement n’aurait pas pu se produire sans ce reflux, les employés de la demanderesse maintiennent qu’ils ne peuvent déterminer avec certitude la cause du déversement. M. Daniel McKechnie était le capitaine d’armement de la demanderesse à l’époque en question. C’est lui qui était responsable des opérations sur la jetée et qui, avec le chef de quart Richard Foulston, a fait enquête sur le déversement du 7 mars 1988. M. McKechnie n’était pas disposé à admettre, avec certitude, qu’il y avait eu un reflux le 7 mars 1988. Bien qu’il reconnaisse que ce reflux soit une possibilité, il n’a aucun moyen de le prouver.

Le deuxième témoin cité par la demanderesse, M. Eric Butt, était également chef de quart pour la demanderesse en 1988. Il n’était pas de service au moment du déversement et il ne sait pas si le niveau du pétrole contenu dans la citerne en question, soit la citerne 106, était plus haut ou plus bas que le chiksan, mais il croit qu’il était beaucoup plus haut.

Le troisième témoin cité par la demanderesse, Richard Foulston, était chef de quart au moment du déversement et responsable de l’ensemble des opérations de la raffinerie, avec le superviseur de secteur sur la jetée, M. Fewer, de même que cinq autres superviseurs de secteur se rapportant à lui. C’est lui, en sa qualité de chef de quart au moment du déversement, de même que M. McKechnie, capitaine d’armement, qui ont fait enquête sur le déversement pour le compte de la raffinerie. M. Foulston reconnaît qu’il est physiquement possible qu’il y ait eu un reflux et que cela est [traduction] « l’un des scénarios qui ont pu se produire ». Il a en outre déclaré qu’une jauge aurait été le seul moyen de détecter ce reflux, mais que la raffinerie demanderesse n’en avait pas.

Les autres témoins de la demanderesse ont répondu de façon vague ou n’étaient pas au courant de la question du reflux. M. Bernard Fewer, chef de quart en charge du contrôle de la jetée, ne peut affirmer qu’un reflux s’est produit. Selon lui, il est toujours possible que cela se produise et que le pétrole s’écoule des installations sans que l’on s’en aperçoive. Il déclare également que, s’il y a un reflux, il n’y a aucune façon de le savoir. M. Max Toope, l’un des opérateurs à la jetée, a déclaré pour sa part qu’il était possible qu’il y ait eu un reflux. M. Calvin Boutcher a indiqué dans sa déposition qu’il n’était vraisemblablement pas au courant de ce risque de reflux.

En outre, il est manifeste que, les réservoirs de la rive étant beaucoup plus haut que le niveau du manifold du navire, il y a toujours une possibilité que la conduite de la rive soit sous pression. D’après la preuve, je suis convaincu qu’il y a eu un reflux à partir des réservoirs situés à terre vers les conduites du navire. En fait, la demanderesse n’a pas produit d’éléments de preuve concrets qui puissent me persuader du contraire.

Toutefois, le navire défendeur doit également assumer une certaine responsabilité pour le déversement compte tenu du fait que la fermeture de la vanne n 2 aurait empêché le reflux à partir de la raffinerie demanderesse vers la citerne à résidus qui s’est déversée dans la mer. La preuve démontre qu’après le déchargement de la majeure partie de la cargaison, le navire a commencé le drainage des conduites. Cette procédure implique que toutes les conduites sont drainées, notamment les conduites principales à l’extérieur du manifold, le raccord à la conduite de la rive, et de là jusqu’en haut du bras de chargement. Si la vanne du manifold est fermée trop tôt, le pétrole reste bloqué à l’extérieur du manifold n 2 et ne peut être acheminé jusqu’à terre. En outre, au moment de désaccoupler les conduites, il peut y avoir un risque de déversement.

Après le drainage des conduites, il faut fermer les vannes du manifold. Il ne fait donc aucun doute que la vanne n 2 devait être fermée. La question en l’espèce consiste simplement à savoir à quel moment elle devait l’être. D’après la preuve dont je suis saisi, je suis convaincu que la non-fermeture de la vanne semble être le résultat soit d’une mauvaise communication entre les membres de l’équipage qui ont cru que la vanne était fermée, soit d’une tentative de fermeture infructueuse. Dans sa déclaration en date du 7 novembre 1989, le commandant Benge maintient que l’équipage à bord du navire n’était pas très compétent, que le commandant n’a pas exercé son autorité et n’a joué aucun rôle dans les opérations de déchargement, laissant toute la responsabilité au second. Bien que le second ait été de compétence moyenne, le commandant Benge déclare que cette compétence lui venait de la pratique plutôt que de connaissances techniques.

Le défendeur soutient qu’il a communiqué avec la jetée et informé le personnel que les opérations de déchargement étaient terminées. Cette communication, prétend-on, aurait dû entraîner la fermeture du manifold situé à terre, ce qui aurait empêché le reflux qui a provoqué le déversement de la citerne à résidus du côté bâbord. Les parties ne s’entendent pas du tout quant à savoir si cette communication a eu lieu. La demanderesse nie avoir reçu la communication et prétend que, même si elle a eu lieu, cela ne signifie pas que la vanne située à terre aurait été fermée à moins qu’un employé travaillant sur la jetée en ait reçu l’ordre exprès.

Toutefois, à mon avis, la question de savoir si cette communication a été établie par le navire pour indiquer que les opérations de déchargement étaient terminées n’aide pas à déterminer quelle partie est responsable du déversement.

Ce que la preuve indique clairement, c’est que la fermeture de la vanne n 2 du navire aurait empêché le reflux qui a entraîné le déversement de la citerne à résidus n 6 du côté bâbord du navire. Toutefois, cela ne change rien au fait que le reflux s’est produit à partir de la raffinerie demanderesse et que celle-ci n’avait aucun clapet anti-retour en place qui, même si cela n’est pas exigé par la loi, lui aurait permis de se rendre compte que le pétrole était en train de refluer vers le navire. C’est pour cette raison que je ne peux accepter l’argument de la demanderesse selon lequel le défendeur avait la [traduction] « dernière véritable chance » d’éviter le déversement et par conséquent qu’il devrait en être tenu entièrement responsable. La vanne de la demanderesse et la vanne du manifold du défendeur étaient relativement proches l’une de l’autre, et il est certain que le pétrole a dû passer par ces deux vannes pour provoquer le déversement. Le défendeur n’avait donc pas de dernière véritable chance d’éviter le déversement étant donné que personne n’a su que le reflux était en train de se produire depuis la raffinerie demanderesse tant que le déversement n’a pas été constaté.

Pour parvenir à ma conclusion, c’est-à-dire conclure que la raffinerie demanderesse et le navire défendeur doivent tous deux partager la responsabilité du déversement qui s’est produit le 7 mars 1988, j’ai adopté le raisonnement de la Cour d’appel de Terre-Neuve dans l’arrêt Bow Valley Husky (Bermuda) Ltd. et al. v. Saint John Shipbuilding Ltd. et al. (1995), 130 Nfld. & P.E.I.R. 92, dans lequel Mme le juge Cameron indique ceci, aux pages 139 à 141 :

[traduction] … les causes citées par les défenderesses à l’appui de la proposition selon laquelle la défense de négligence contributive est fermement ancrée dans le droit maritime ne sont pas convaincantes. Par ailleurs, de nombreuses causes appuient l’opinion de l’appelante selon laquelle l’application du droit provincial en matière de négligence aux causes de droit maritime est possible, si les circonstances s’y prêtent.

Certains aspects du droit maritime bénéficieraient grandement d’une uniformisation non seulement au Canada, mais partout dans le monde. (Voir, par exemple, les observations du juge La Forest dans l’arrêt Whitbread c. Walley et al. concernant la nécessité d’une uniformité juridique dans le domaine de la responsabilité délictuelle pour abordages et autres accidents de navigation.) C’est la raison pour laquelle de nombreuses conventions internationales portent sur les aspects du droit maritime. Toutefois, la Loi d’application extracôtière des lois canadiennes fait clairement ressortir qu’au Canada le partage constitutionnel des pouvoirs ne doit pas nécessairement s’arrêter aux frontières provinciales. Le gouvernement du Canada a reconnu la possibilité que les lois provinciales s’appliquent aux régions extracôtières, dans certaines conditions. D’après cette analyse, les règles de droit énoncées dans l’arrêt « Kathy K » ne seraient pas moins applicables à une affaire qui se produirait sur une plate-forme installée sur les Grands Bancs, qu’à des affaires se produisant dans les ports de Terre-Neuve.

Je conclus que le résultat en l’espèce est le même que cette affaire soit jugée comme un délit commis en haute mer ou sur une plate-forme exploitée sur le plateau continental canadien. Toutefois, si j’ai tort d’en venir à cette conclusion et que le droit applicable est le droit maritime canadien à l’exclusion de toute loi provinciale, je refuserais de toutes les façons d’appliquer la défense de common law de négligence contributive.

Il me semble qu’il est temps pour les tribunaux de corriger l’injustice que cause la défense de négligence contributive et de déclarer que la responsabilité délictuelle, en droit maritime, devrait être partagée selon le degré de faute des parties. S’il fut un temps où les juges qui ont élaboré la défense de négligence contributive considéraient qu’elle était la solution appropriée aux problèmes d’un défendeur tenu responsable de la totalité des dommages causés, en fait, en partie par le demandeur et en partie par le défendeur, il ne devrait plus en être de même aujourd’hui. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire que la présente Cour, après un examen approfondi, se prononce sur la solution qui devrait être apportée dans toutes les situations susceptibles de se présenter en droit maritime si la défense de négligence contributive était éliminée. Traditionnellement, la common law s’est constituée au cas par cas, trouvant graduellement des solutions aux problèmes qui se posaient. Je ne vois pas la nécessité de rompre avec cette tradition. Le partage de la faute a traditionnellement été appliqué en droit maritime dans les cas d’abordage. Il me semble qu’il serait logique d’étendre ce partage de la responsabilité à d’autres domaines. [Non souligné dans l’original.]

Enfin, il convient de noter qu’un autre déversement s’est produit le 5 mars 1988. Toutefois, ce déversement ne fait pas partie du présent litige puisque les parties ont convenu que le navire défendeur en était totalement responsable.

Pour tous ces motifs, je suis convaincu que la somme réclamée par la demanderesse dans sa déclaration modifiée concernant les frais qu’elle a dû engager pour le nettoyage consécutif au déversement du 7 mars 1988 devrait être également partagée entre la raffinerie demanderesse et le navire défendeur. Si les parties ne s’entendent pas sur l’évaluation des dommages-intérêts, je serai à leur disposition pour entendre leurs observations verbales.

Étant donné que les parties ont eu partiellement gain de cause, elles assumeront chacune leurs propres dépens.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.