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[1997] 3 C.F. 169

A-282-97

(T-317-97)

Le gouverneur en conseil (appelant) (intimé)

c.

John Edward Dixon (intimé) (requérant)

Répertorié : Dixon c. Canada (Gouverneur en conseil) (C.A.)

Cour d’appel, juge en chef Isaac, juges Marceau et McDonald, J.C.A.—Ottawa, 25 juin et 17 juillet 1997.

Enquêtes — Le décret fixant les derniers délais pour l’enquête sur la Somalie n’est pas ultra vires — Nature des commissions d’enquête — Émanations du gouverneur en conseil, elle ne peuvent fonctionner en dehors des paramètres qu’il a fixés — Elles ne sont pas des tribunaux judiciaires — Elles ne rendent pas jugement, mais enquêtent, rendent compte et recommandent — Le pouvoir du gouverneur en conseil de rapporter ou de modifier les conditions de nomination d’une commission d’enquête a sa source dans la Loi sur les enquêtes, et non dans la Loi d’interprétation.

Droit constitutionnel — La Section de première instance de la Cour fédérale a déclaré ultra vires le décret coupant court à l’enquête sur la Somalie, par ce motif qu’il enfreint les principes de droit — Malgré l’absence de valeur pratique, la Cour d’appel a entendu l’appel, car l’affaire est au cœur de la division des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif — Il s’agit de savoir dans quelle mesure les tribunaux judiciaires peuvent toucher aux décisions discrétionnaires du gouverneur en conseil — Le juge de première instance aurait dû rejeter le recours en contrôle judiciaire pour absence de question jugeable — La question de savoir si une décision du gouverneur en conseil est motivée par des considérations d’expédient politique échappe aux fonctions juridictionnelles de la Cour.

Le gouverneur en conseil ayant, après deux prorogations accordées antérieurement, ordonné par décret C.P. 1997-174 à la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie d’en terminer avec les audiences publiques et de soumettre son rapport final à des dates fixes, celle-ci a dû renoncer à enquêter sur le rôle de hauts fonctionnaires dans l’affaire somalienne, y compris la question de savoir si l’assassinat d’un jeune Somalien avait été camouflé ou non. Il s’ensuit que lorsque l’intimé, à l’époque conseiller spécial du ministre de la Défense nationale, cherchait à se faire reconnaître la qualité de partie dans le cadre de l’enquête afin d’expliquer ce que lui-même et son ministre savaient de cette mort, la Commission a dû rejeter sa demande. Cet appel attaque la décision par laquelle la Section de première instance a fait droit au recours en contrôle judiciaire et déclaré le décret en question ultra vires par ces motifs : il n’est pas conforme au paragraphe 31(4) de la Loi d’interprétation, qui exige qu’un décret qui restreint le mandat soit énoncé en termes clairs; il enfreint les principes de droit en exigeant l’impossible des commissaires et en les mettant dans une situation où ils ne peuvent se conformer à la loi; il enfreint les principes de droit en ne respectant pas l’indépendance dont jouissent les commissaires.

Puisque l’affaire en instance porte sur la question de savoir dans quelle mesure une instance judiciaire peut toucher aux décisions discrétionnaires du gouverneur en conseil, question qui est au cœur de la division des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif, il est conforme à l’intérêt de la justice d’entendre l’appel bien qu’il n’ait plus aucune valeur pratique.

Arrêt : il faut faire droit à l’appel.

L’existence d’une commission d’enquête instituée en application de la Loi sur les enquêtes dépend entièrement de la volonté du gouverneur en conseil (le Cabinet). Rien ne permet de conclure qu’une fois créée, une commission d’enquête acquiert une indépendance et une autonomie telles qu’elle peut passer outre à la volonté du gouverneur en conseil pour ce qui est de sa structure et de son existence. Les commissions d’enquête instituées sous le régime de la Partie I de la Loi sur les enquêtes ne sont pas censées fonctionner et agir en organes juridictionnels pleinement indépendants, à l’image des tribunaux judiciaires et complètement séparés du pouvoir exécutif qui les a créées. Leur importance publique ne saurait avoir pour effet de leur conférer un statut juridique spécial. Émanations de l’exécutif, elles ne sauraient fonctionner en dehors des paramètres fixés par le gouverneur en conseil. Enfin, à la différence des tribunaux judiciaires, elles n’ont pas pour rôle de résoudre les litiges entre les parties en présence ou d’établir l’innocence ou la culpabilité. Elles n’ont pas pour responsabilité de trancher des points litigieux, de juger. Leur objectif, qui est au premier chef de conseiller et d’aider le gouvernement dans l’exercice convenable de ses responsabilités, n’est pas de trancher les litiges ou de tirer des conclusions définitives. Les commissaires ont pour obligation légale de faire rapport, mais leur rapport se limite à expliquer ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont pu dégager de leurs investigations (c’est-à-dire des conclusions sur les faits) et quels conseils ils sont en mesure de donner au pouvoir exécutif à la lumière de ces conclusions. Le gouverneur en conseil ne peut exiger des commissaires qu’ils résolvent, comme un tribunal judiciaire, toutes les questions couvertes par leur mandat.

Le pouvoir qu’a le gouverneur en conseil de rapporter ou de modifier la nomination ou les conditions de nomination d’une commission d’enquête a sa source dans la Loi sur les enquêtes elle-même, et non dans la Loi d’interprétation. Celle-ci prévoit des règles d’interprétation, elle ne confère aucun pouvoir. Son paragraphe 31(4) est juste une disposition interprétative. Il ne porte pas sur le contenu du pouvoir de réglementation, et il ne confère certainement pas à l’instance judiciaire la compétence pour contrôler le caractère raisonnable de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire validement prévu, par ce motif que le décret en cause n’a pas été pris conformément à cette disposition.

Les tribunaux n’ont pas droit de regard sur les considérations de politique générale qui motivent les décisions du Cabinet. La validité d’un décret s’apprécie à la lumière du contexte législatif dans lequel il a été pris, et non en fonction de son contenu.

Les motifs pris par le juge de première instance pour déclarer le décret en question ultra vires—atteinte à l’indépendance de la Commission et impossibilité pour les commissaires de remplir leur mission dans le délai impose—n’ont aucun fondement. La décision de première instance tient à une méprise sur le rôle des commissaires et sur la nature de leur rapport. Les commissaires n’ont pas pour rôle de trancher définitivement les questions soumises à leurs investigations et leur rapport ne vise pas à rendre jugement, mais seulement à expliquer les résultats de leurs travaux et l’opinion (c’est-à-dire leurs conclusions et recommandations) qu’ils ont été en mesure de formuler compte tenu des délais et des ressources mises à leur disposition, et ce, ni plus ni moins.

Le décret en cause a été régulièrement pris sous le régime de la partie I de la Loi sur les enquêtes. Il était valide tel quel. Seules une mauvaise interprétation des pouvoirs que le législateur confère au gouverneur en conseil et une méprise sur le statut juridique des commissions d’enquête expliquent que le juge de première instance ait conclu que le gouverneur en conseil a agi de façon contraire à la loi.

Une fois établi que le décret attaqué a été pris conformément à la loi, le juge de première instance aurait dû rejeter la demande de contrôle judiciaire par ce motif que celle-ci ne soulevait aucune autre question jugeable. Il n’appartient pas à l’instance judiciaire d’examiner si une décision du gouverneur en conseil a pu être motivée par des considérations d’expédient politique.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Acte pour autoriser les Commissaires chargés de s’enquérir de certaines matières qui concernent les affaires publiques, à recevoir les témoignages sous serment, S. Prov. C. 1846, ch. 38, préambule.

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 31(4), 35(1) « gouverneur en conseil » ou « gouverneur général en conseil ».

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2 « office fédéral » (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1), 18 (mod., idem, art. 4).

Loi sur les enquêtes, L.R.C. (1985), ch. I-11, art. 2, 3.

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75 Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38 C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Thorne’s Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autre, [1983] 1 R.C.S. 106; (1983), 143 D.L.R. (3d) 577; 46 N.R. 91; Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources), [1989] 2 R.C.S. 49; (1989), 61 D.L.R. (4th) 604; 97 N.R. 241.

DÉCISIONS CITÉES :

Le ministre du Revenu national et la Reine c. Creative Shoes Ltd., [1972] C.F. 993; (1972), 29 D.L.R. (3d) 89; 73 DTC 5127 (C.A.); Saskatchewan Wheat Pool c. Canada (Procureur général) (1993), 107 D.L.R. (4th) 190; 17 Admin. L.R. (2d) 243; 67 F.T.R. 98 (C.F. 1re inst.); Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire de l’enquête sur l’approvisionnement en sang), [1997] 2 C.F. 36 (1997), 142 D.L.R. (4th) 237; 207 N.R. 1 (C.A.); Beno c. Canada (Commissaire et président de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie), [1997] 2 C.F. 527 (1997), 146 D.L.R. (4th) 708 (C.A.); Procureur général (Qué.) et Keable c. Procureur général (Can.) et autre, [1979] 1 R.C.S. 218; (1979), 90 D.L.R. (3d) 161; 43 C.C.C. (2d) 49; 6 C.R. (3d) 145; 24 N.R. 1; Loi modifiant le droit pénal, renvoi, [1970] R.C.S. 777; Reference as to the Validity of the Regulations in relation to Chemicals, [1943] R.C.S. 1; [1943] 1 D.L.R. 248; (1943), 79 C.C.C. 1; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735; (1980), 115 D.L.R. (3d) 1; 33 N.R. 304; Attorney- General for Canada v. Hallet and Carey Ld., [1952] A.C. 427 (P.C.); Gouriet v. Union of Post Office Workers, [1978] A.C. 435 (H.L.).

APPEL contre la décision de la Section de première instance (Dixon c. Canada (Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie), [1997] 2 C.F. 391 (1997), 146 D.L.R. (4th) 156) qui déclare ultra vires le décret C.P. 1997-174 fixant les délais pour la clôture des investigations et la présentation du rapport des commissaires de l’enquête sur la Somalie. Appel accueilli.

AVOCATS :

Donald J. Rennie et Sandy Graham pour l’appelant (intimé).

Joseph J. Arvay, c.r., pour l’intimé (requérant).

PROCUREURS :

Le sous-procureur général du Canada pour l’appelant (intimé).

Arvay, Finlay, Victoria, pour l’intimé (requérant).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Marceau, J.C.A. : Il y a en l’espèce appel formé par le gouverneur en conseil contre la décision fort médiatisée par laquelle la Section de première instance [[1997] 2 C.F. 391 a jugé qu’il avait excédé ses pouvoirs par le décret C.P. 1997-174 relatif à la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie (ci-après la Commission ou l’enquête sur la Somalie)[1].

Dès l’ouverture de l’audience, l’appelant a reconnu, par la voix de son avocat, qu’il se posait la question de savoir si la Cour devrait refuser d’entendre l’appel, qui ne présentait plus aucun intérêt pratique. En effet, à la suite de la décision de la Section de première instance, le gouverneur en conseil a pris un autre décret pour limiter le mandat de la Commission de façon satisfaisante pour l’intimé et conforme aux prescriptions du juge de première instance[2]. Il a cependant demandé à la Cour d’entendre et de régler l’appel malgré la disparition du litige réel, par ce motif que l’affaire mettait en jeu une importante question de droit public, dont la Cour n’aurait probablement pas à connaître de sitôt.

La Cour a accepté d’entendre l’appel. La décision de première instance, qu’elle fût judicieuse ou non, porte sur une question qui est au cœur de la division des pouvoirs entre le judiciaire et l’exécutif. En effet, il s’agit de savoir en l’espèce dans quelle mesure une instance judiciaire, exerçant les fonctions juridictionnelles dont elle est investie, peut toucher aux décisions discrétionnaires du gouverneur en conseil. L’affaire est donc unique en son genre en ce sens que la nécessité qui se pose au pouvoir judiciaire de délimiter sa fonction juridictionnelle légitime dans notre système politique engage effectivement à entendre l’appel. Qui plus est, l’intimé tenait à contester l’appel, ce qui en préserve le contexte contradictoire et garantit que les points litigieux soient pleinement débattus devant la Cour. Ainsi qu’il ressort des procédures encore pendantes devant la Section de première instance, malgré la publication le 30 juin 1997 du rapport des commissaires (après les débats de l’appel en instance), l’issue de l’appel pourrait avoir des conséquences secondaires, lesquelles pourraient influer sur la forme finale de la version publique de ce rapport. À la lumière des critères définis par la Cour suprême dans Borowski c. Canada (Procureur général)[3], nous avons conclu que, tout bien pesé, il était conforme à l’intérêt de la justice d’entendre l’appel, ce que nous avons fait.

Les faits de la cause sont si connus qu’il suffit d’en donner un aperçu très général.

La Commission a été constituée, sous le régime de la partie I de la Loi sur les enquêtes[4], par décret C.P. 1995-442 du 20 mars 1995, pour enquêter sur certaines facettes du déploiement des Forces canadiennes dans une mission de protection de la paix en Somalie. Cette mesure s’expliquait surtout par deux événements qui ont retenu l’attention des médias du pays : la mort suspecte d’un jeune Somalien, Shidane Arone, survenue le 16 mars 1993 pendant qu’il était sous la garde du groupement tactique du Régiment aéroporté du Canada, et les incidents du 4 mars 1993 au cours desquels un Somalien a été tué et un autre blessé à proximité du campement des Forces canadiennes à Belet Uen. Le mandat de la Commission était cependant défini en termes généraux de façon à embrasser à la fois la fonction d’enquête et la fonction consultative. Les commissaires étaient chargés :

… de faire enquête et de faire rapport sur le fonctionnement de la chaîne de commandement, le leadership au sein de la chaîne de commandement, la discipline, les opérations, les mesures et les décisions des Forces canadiennes, ainsi que les mesures et les décisions du ministère de la Défense nationale, en ce qui a trait au déploiement des Forces canadiennes en Somalie …

Les commissaires étaient « notamment » chargés de faire enquête et de faire rapport sur 19 questions spécifiques réparties entre trois phases de la mission de protection de la paix : la période antérieure au déploiement (avant le 10 janvier 1993), la phase des opérations sur le théâtre (du 10 janvier au 10 juin 1993), et la période qui a suivi le déploiement (du 11 juin 1993 au 28 novembre 1994). Ces 19 questions spécifiques sont reproduites dans la décision de première instance [aux pages 402 à 404]; il ne sert à rien de les reprendre dans les présents motifs.

Pour accomplir leur mission, les commissaires étaient munis, en sus des pouvoirs fondamentaux issus de la Loi sur les enquêtes, d’importantes autorisations connexes. Ils pouvaient fixer leurs propres règles de procédure, siéger aux dates et aux lieux au Canada qu’ils voulaient, prendre à bail les bureaux et installations dont ils avaient besoin, retenir les services d’experts et autres, et siéger à huis clos s’ils jugeaient que l’intérêt général le justifiait.

Le décret C.P. 1995-442, tout en portant constitution de la Commission, lui prescrivait de présenter son rapport (dans les deux langues officielles) au Cabinet fédéral au plus tard le 22 décembre 1995. Ce délai devait cependant être prorogé à la demande des commissaires qui faisaient savoir, à trois reprises par la suite, qu’il leur fallait plus de temps pour mener l’enquête à bien. Le 26 juillet 1995, par décret C.P. 1995-1273, le délai prévu pour la présentation du rapport a été prorogé au 28 juin 1996. Le 20 juin 1996, par décret C.P. 1996-959, il a été prorogé encore au 31 mars 1997. Enfin, le 4 février 1997, a été pris le décret C.P. 1997-174, qui donnait aux commissaires jusqu’au 31 mars 1997 pour en terminer avec les audiences publiques et jusqu’au 30 juin 1997 pour soumettre leur rapport final. Les commissaires avaient demandé, pour une dernière fois, que la date limite du rapport fût fixée au 30 septembre 1997 au plus tôt. Par réponse en date du 10 janvier 1997, un représentant du Bureau du Conseil privé a expliqué à la Commission pourquoi le gouverneur en conseil refusait de proroger le délai autant que l’avaient demandé les commissaires :

[traduction] Après examen de toutes les projections de votre plan de travail, le gouvernement, dans sa volonté de trouver des solutions le plus tôt possible, estime qu’il n’est pas conforme à l’intérêt national d’attendre encore un an pour recevoir le rapport de la Commission.

C’est ce dernier décret, lequel, à l’instar des prorogations antérieurement consenties par le gouverneur en conseil, n’accordait qu’une partie du temps demandé par les commissaires, qui a été attaqué devant la Section de première instance et jugé ultra vires. Le recours avait été intenté par l’intimé, ancien conseiller spécial du ministre de la Défense nationale à l’époque des incidents de Somalie. M. Dixon avait cherché à se faire reconnaître la qualité de partie dans le cadre de l’enquête afin d’expliquer ce que lui-même et son ministre savaient à l’époque de la mort d’Arone. Les commissaires ont cependant refusé par ce motif que leur mandat ayant été « tronqué » par la décision du Cabinet portant cessation des audiences publiques au 31 mars 1997, il leur était impossible de faire enquête sur le rôle de hauts fonctionnaires dans l’affaire somalienne, y compris la question de savoir si l’assassinat d’Arone avait été camouflé ou non. Informé du refus des commissaires, l’intimé a décidé de saisir la Section de première instance de la Cour.

Le juge de première instance a fait droit au recours en contrôle judiciaire de l’intimé, fondant sa conclusion que le décret C.P. 1997-174 excédait les pouvoirs du gouverneur en conseil sur les trois motifs suivants :

1) Il n’est pas conforme au paragraphe 31(4) de la Loi d’interprétation, qui exige qu’un décret qui restreint le mandat soit énoncé en termes clairs.

2) Il enfreint les principes de droit en exigeant l’impossible des commissaires et en les mettant dans une situation où ils ne peuvent se conformer à la loi.

3) Il enfreint les principes de droit en ne respectant pas l’indépendance dont jouissent les commissaires. Ces derniers ont le droit de déterminer comment faire enquête sur les éléments énoncés dans leur mandat et quand leur enquête est suffisante pour étayer les conclusions qu’ils exposeront dans leur rapport[5].

À la suite de ces conclusions, le juge de première instance a ordonné notamment ce qui suit :

(4) Que le décret C.P. 1997-174 est infirmé parce qu’il excède les pouvoirs du gouverneur en conseil, et que les échéances concernant la présentation du rapport final de la Commission d’enquête qui étaient indiquées dans les décrets antérieurs (C.P. 1995-442, C.P. 1995-1273 et C.P. 1996-959) ont expiré et n’ont plus force exécutoire;

(5) Que, en vue de corriger les problèmes d’ambiguïté et d’impossibilité d’exécution qui ont été relevés en rapport avec le décret C.P. 1997-174, le gouverneur en conseil peut :

a)   faire passer un décret imposant des échéances finales qui procurent à la Commission d’enquête le temps dont elle a raisonnablement besoin pour s’acquitter de son mandat original, ou

b)   faire passer un décret éliminant des questions précisées du mandat de la Commission d’enquête et imposant des échéances finales qui procurent à la Commission d’enquête le temps dont elle a raisonnablement besoin pour s’acquitter de sa tâche réduite, ou

c)   prendre les autres mesures qu’il juge appropriées et compatibles avec l’ordonnance et les motifs exposés dans la présente.

Le juge de première instance a prononcé de longs motifs à l’appui de ses conclusions. Sauf le respect que je lui dois, ces motifs trahissent deux contradictions dans son raisonnement d’ensemble. L’une concerne le statut des commissions d’enquête, l’autre le devoir de rendre compte des commissaires. Une analyse préalable de ces contradictions simplifiera considérablement l’analyse des motifs par lesquels le juge de première instance a conclu que le décret C.P. 1997-174 excédait les pouvoirs du gouverneur en conseil.

Examinons en premier lieu sa conception du statut des commissions d’enquête. Il est constant que l’actuelle Loi sur les enquêtes a son origine dans l’Acte pour autoriser les Commissaires chargés de s’enquérir de certaines matières qui concernent les affaires publiques, à recevoir les témoignages sous serment, adopté le 9 juin 1846 et dont le préambule énonçait clairement le but des enquêtes publiques et le souci de protéger la bonne réputation des personnes concernées :

ATTENDU qu’il devient souvent nécessaire pour le gouvernement exécutif d’instituer des enquêtes sur certaines matières qui se rattachent au bon gouvernement de cette province; et attendu que l’autorisation d’interroger les témoins sous serment en pareil cas, contribuerait puissamment à promouvoir l’intérêt public et à protéger les sujets de Sa Majesté contre les faux témoignages et les représentations malicieuses[6] :

Que le législateur ait adopté l’actuelle Loi sur les enquêtes dans le même but et avec le même souci de protéger la bonne réputation des personnes concernées ressort clairement de l’ensemble de cette Loi, et en particulier des termes de ses articles 2 et 3 :

2. Le gouverneur en conseil peut, s’il l’estime utile, faire procéder à une enquête sur toute question touchant le bon gouvernement du Canada ou la gestion des affaires publiques.

3. Dans le cas d’une enquête qui n’est pas régie par des dispositions législatives particulières, le gouverneur en conseil peut, par commission, nommer les commissaires qui en sont chargés.

Le juge de première instance devait donc se rendre compte que l’existence d’une commission d’enquête instituée en application de la Loi sur les enquêtes dépend entièrement de la volonté du gouverneur en conseil, c’est-à-dire de l’organe investi du pouvoir exécutif du gouvernement du Canada (savoir, par convention constitutionnelle, le Cabinet)[7]. En d’autres termes, le gouverneur en conseil était investi du plein pouvoir discrétionnaire pour instituer l’enquête sur la Somalie à titre de source d’information et de consultation sur un important élément du gouvernement de ce pays, nos forces armées. Comment le juge de première instance peut-elle conclure qu’une fois créée, la Commission a acquis un statut indépendant, non seulement pour ce qui est de la façon dont elle exerçait les pouvoirs conférés par son mandat, mais encore pour ce qui est son existence même et de ses structures institutionnelles. En effet, la décision du juge de première instance signifie que le gouverneur en conseil ne peut fixer la durée (ni, de ce fait, le coût) d’une commission d’enquête en imposant un délai pour le rapport : le mieux qu’il puisse faire, selon le juge de première instance, c’est de prévoir des « échéances ». Le pouvoir qu’il a d’imposer une date limite, finale et impérative, pour le rapport est subordonné soit à l’acceptation par les commissaires de faire rapport sur tous les sujets visés par leur mandat à la date fixée, soit à une restriction formelle de ce mandat conformément à ce que les commissaires considèrent comme raisonnable au regard de l’état d’avancement de leur enquête. Je ne vois pas comment, dans le contexte de notre droit public, pareille situation pourrait se concevoir. Par quel principe de droit public une commission d’enquête peut-elle acquérir, une fois créée, une indépendance et une autonomie telles qu’elle peut passer outre à la volonté du gouverneur en conseil pour ce qui est de sa structure et de son existence? Comment la Loi sur les enquêtes peut-elle être interprétée de façon à conférer un tel statut juridique aux commissions d’enquête?

Il a été souvent dit, expressément ou implicitement, en particulier dans les médias mais aussi dans d’autres sphères, que les commissions d’enquête doivent fonctionner et agir en organes juridictionnels pleinement indépendants, à l’image des tribunaux judiciaires et complètement séparés du pouvoir exécutif qui les a créées. Il s’agit là, à mon avis, d’une vue complètement fallacieuse. On pourrait peut-être accepter l’idée d’un organe d’enquête, entièrement autonome, investi de tous les pouvoirs et autorisations nécessaires pour découvrir la vérité, et sans être comptable envers qui que ce soit, si on est prêt à ignorer les risques pour les individus comme les particularismes du contexte canadien. Il se trouve cependant qu’une commission instituée en application de la partie I de la Loi sur les enquêtes n’est pas du tout un organe de ce genre. On se rend facilement compte de l’influence énorme que les commissions d’enquête, telles qu’elles existent de nos jours, peuvent avoir sur la société canadienne, mais, à mon avis, leur importance publique n’a pas et ne saurait avoir pour effet de leur conférer un statut juridique spécial. Personne ne nie la nécessité qu’il y a à préserver leur indépendance pour ce qui est de la façon dont elles peuvent exercer leurs pouvoirs, conduire leurs investigations, organiser leurs délibérations et préparer leurs rapports. Le rôle qu’elles jouent dans notre démocratie est devenue bien trop vitale pour qu’on accepte que leur processus d’enquête et de formulation de leurs conclusions et recommandations puisse être manipulé et influencé à loisir par quiconque appartient ou non au gouvernement en place, et cela s’applique à n’importe quelle commission, que ses investigations portent ou non sur les agissements d’autorités gouvernementales. En tout cas, c’est la Loi elle-même qui institue cette indépendance dans les fonctions d’enquête et de consultation en prévoyant explicitement, encore que succinctement, la nature, le rôle général et les pouvoirs fondamentaux des commissions d’enquête. Tout cela ne change cependant rien à la réalité fondamentale que les commissions d’enquête doivent leur existence au pouvoir exécutif. Je ne vois pas comment, émanations de l’exécutif, elles pourraient fonctionner en dehors des paramètres fixés par le gouverneur en conseil.

En ce qui concerne le rôle et les attributions des commissaires, les contradictions du juge de première instance sont encore plus frappantes. Elle reconnaît à plusieurs reprises que les commissions d’enquête ne sont pas des tribunaux judiciaires, dont la nature et l’objectif véritables sont complètement différents. Elle était saisie de deux jugements récents de notre Cour[8] qui réitéraient l’avertissement de longue date qu’il ne faut pas assimiler ou confondre ces deux institutions publiques[9]. N’empêche que dans son raisonnement, elle n’a pas vu, ou a simplement ignoré, ce qui peut être la différence principale entre les deux. Le tribunal judiciaire a pour rôle, s’il est une juridiction civile, de résoudre les litiges entre les parties en présence ou, s’il est une juridiction répressive, d’établir l’innocence ou la culpabilité. Il doit tirer des conclusions définitives, il ne peut laisser un problème de côté parce qu’il n’y a pas de preuves ou parce qu’il n’y a pas une solution évidente. Bref, il a pour responsabilité de trancher les points litigieux dont il est saisi, de juger. Des règles de procédure concernant les questions comme la charge et le fardeau de la preuve ont été élaborées justement pour permettre aux tribunaux judiciaires de remplir cette responsabilité. Les commissions d’enquête, qu’elles aient des fonctions d’investigation proprement dites ou simplement des fonctions consultatives, ne sont nullement tenues à cette responsabilité. À titre d’organes d’enquête, elles sont bien entendu appelées à rechercher la vérité, et nul doute qu’elles sont idéalement adaptées à la tâche de découvrir des faits qui ne pourraient pas être découverts par quelque autre moyen (du fait même qu’elles sont investies de larges pouvoirs d’investigation, elles sont inquisitoires de par leur nature, et ne sont pas tenues aux règles strictes de preuve qui caractérisent les tribunaux judiciaires). D’où leur prestige. Mais aucune règle ne leur impose le devoir de conclure. Au contraire, leur objectif, qui est au premier chef de conseiller et d’aider le gouvernement dans l’exercice convenable de ses responsabilités, ne sous-entend pas le règlement des litiges ou l’aboutissement à des conclusions définitives. Les commissaires ont pour obligation légale de faire rapport, mais leur rapport se limite à expliquer ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont pu dégager de leurs investigations (c’est-à-dire des conclusions sur les faits) et quels conseils ils sont en mesure de donner au pouvoir exécutif à la lumière de ces conclusions. Il semble inusité qu’un décret portant création d’une commission d’enquête soit aussi détaillé que le décret C.P. 1995-442. Cependant les sujets spécifiés ne visaient qu’à définir le mandat et délimiter le champ des pouvoirs d’investigation de la Commission en raison, je suppose, du domaine d’activité extrêmement sensible sur lequel portait l’enquête. Il est manifeste que le gouverneur en conseil ne pouvait exiger des commissaires qu’ils résolvent, comme un tribunal judiciaire, toutes les questions couvertes par leur mandat.

J’en viens maintenant aux motifs par lesquels le juge de première instance a conclu que le décret C.P. 1997-174 excédait les pouvoirs du gouverneur en conseil.

Le premier—savoir que ce décret n’a pas été adopté conformément au paragraphe 31(4) de la Loi d’interprétation[10]—tient à une mauvaise interprétation de la source du pouvoir qu’a le gouverneur en conseil de rapporter ou de modifier la nomination ou les conditions de nomination d’une commission d’enquête. Ce pouvoir a sa source dans la Loi sur les enquêtes elle-même, et non dans la Loi d’interprétation, puisqu’il découle nécessairement du large pouvoir inconditionnel de nommer des commissions, que le gouverneur en conseil tient de la première. La Loi d’interprétation prévoit des règles d’interprétation, elle ne confère aucun pouvoir. Il est vrai que le paragraphe 31(4) prévoit les conditions d’exercice du pouvoir, mais cette disposition ne vise qu’à souligner que le pouvoir implicite d’abroger, de modifier ou de remplacer un décret existant doit s’exercer par voie de décret pris en application de la même loi fédérale, aux mêmes conditions de consentement, le cas échéant, que celles imposées par cette loi. Le paragraphe 31(4) n’est qu’une disposition interprétative. Il ne porte pas sur le contenu du pouvoir de réglementation, et il ne confère certainement pas à l’instance judiciaire la compétence pour contrôler le caractère raisonnable de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire validement prévu.

Il est fort possible que le refus du gouverneur en conseil de prolonger le mandat de la Commission du temps demandé par les commissaires fût motivé par des considérations d’expédient politique, mais c’est là une question qui échappe à la compétence de la Cour. Un principe de droit établi de longue date, qui est aussi un principe fondamental de notre système de gouvernement, dans lequel le législatif, et non le judiciaire, assume le rôle suprême, pose que les tribunaux n’ont pas droit de regard sur les considérations de politique générale qui motivent les décisions du Cabinet. À moins d’abus de compétence ou de contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés[11], il est de droit constant que dans les cas où le Cabinet agit conformément à une délégation valide de pouvoirs par le Parlement, il est comptable de ses décisions au Parlement seul et, à travers celui-ci, au public canadien. Autrement dit, la validité d’un décret s’apprécie à la lumière du contexte législatif dans lequel il a été pris, et non en fonction de son contenu. Ce principe a été rappelé en ces termes par le juge Dickson (il était juge puîné à l’époque) dans Thorne’s Hardware Ltd. et autres c. La Reine et autre :

Les décisions prises par le gouverneur en conseil sur des questions de commodité publique et de politique générale sont sans appel et ne peuvent être examinées par voie de procédures judiciaires. Comme je l’ai déjà indiqué, bien qu’un décret du Conseil puisse être annulé pour incompétence ou pour tout autre motif péremptoire, seul un cas flagrant pourrait justifier une pareille mesure[12].

Les deux autres motifs pris par le juge de première instance pour déclarer le décret C.P. 1997-174 ultra vires—savoir atteinte à l’indépendance de la Commission et impossibilité pour les commissaires de remplir leur mission dans le délai imposé—découlent directement de sa méprise sur le rôle des commissaires et sur la nature de leur rapport, méprise que j’ai relevée supra. Il est manifeste que ces motifs n’ont aucun fondement si, comme je le pense, les commissaires n’ont pas pour rôle de trancher définitivement les questions soumises à leurs investigations et si leur rapport ne vise pas à rendre jugement, mais seulement à expliquer les résultats de leurs travaux et l’opinion (c’est-à-dire leurs conclusions et recommandations) qu’ils ont été en mesure de formuler compte tenu des délais et des ressources mises à leur disposition, et ce, ni plus ni moins. L’indépendance des commissaires, pour ce qui est de l’appréciation des preuves et témoignages et de la possibilité d’exprimer leurs vues, n’est limitée d’aucune façon, et leur aptitude à produire un rapport complet et valable, dans ce sens, est incontestable. Encore une fois, le droit des commissaires de décider quand ils ont suffisamment de preuves pour tirer une conclusion ou faire une recommandation n’est certainement pas compromis par l’exercice par le gouverneur en conseil du pouvoir, qui lui revient à lui seul, de décider à quel moment il veut avoir le rapport et les conseils de la Commission. De même, la définition du mandat, c’est-à-dire de l’étendue des pouvoirs d’enquête de la Commission, donnera, je suppose, une idée du cadre de son rapport, mais elle ne peut déroger, en ce qui concerne le contenu du rapport, à l’obligation pour les commissaires de ne pas déborder des limites de leurs constatations et des conclusions qu’ils ont pu en tirer.

J’estime donc que le juge de première instance ne pouvait pas conclure, comme elle l’a fait, que le décret C.P. 1997-174 excédait les pouvoirs du gouverneur en conseil. Ce décret a été régulièrement pris sous le régime de la partie I de la Loi sur les enquêtes. Il était valide tel quel. Seules une mauvaise interprétation des pouvoirs que le législateur confère au gouverneur en conseil et une méprise sur le statut juridique des commissions d’enquête expliquent qu’elle ait conclu que le gouverneur en conseil a agi de façon contraire à la loi.

Enfin, je suis même d’avis qu’une fois établi que le décret attaqué a été validement pris en application de la partie I de la Loi sur les enquêtes, le juge de première instance aurait dû rejeter la demande de contrôle judiciaire par ce motif que celle-ci ne soulevait aucune autre question justiciable. Comme indiqué supra, il se peut que les considérations de politique générale qui motivaient la décision du gouverneur en conseil de mettre fin à l’enquête sur la Somalie au 30 juin 1997 soient discutables, voire suspectes. Mais il s’agit là d’une question dont une cour de justice, proprement confinée dans son rôle juridictionnel, ne doit pas connaître[13].

Par ces motifs, je suis d’avis de faire droit à l’appel, d’annuler les ordonnances et jugements déclaratoires rendus par le juge de première instance et de déclarer que le décret C.P. 1997-174, attaqué en l’espèce, n’excédait pas les pouvoirs du gouverneur en conseil.

Le juge en chef Isaac : Je souscris aux motifs ci-dessus.

Le juge McDonald, J.C.A. : Je souscris aux motifs ci-dessus.



[1] Gouverneur en conseil s’entend dans ces motifs du représentant de la Couronne du chef du Canada, conformément à la Loi d’interprétation [L.R.C. (1985), ch. I-21, art. 35(1)], aux termes de laquelle « gouverneur en conseil » signifie « le gouverneur général du Canada agissant sur l’avis ou sur l’avis et avec le consentement du Conseil privé de la Reine pour le Canada ou conjointement avec celui-ci ».

[2] Décret C.P. 1997-456, en date du 3 avril 1997.

[3] [1989] 1 R.C.S. 342.

[4] L.R.C. (1985), ch. I-11.

[5] [1997] 2 C.F. 391(1re inst.), à la p. 427.

[6] S. Prov. C. 1846, ch. 38 (9 Vict.).

[7] Soit dit en passant, on pourrait voir une question de compétence dans la procédure telle qu’elle a été engagée. En effet, il est possible de citer la jurisprudence posant que la Cour n’a pas compétence pour connaître des décisions du gouverneur en conseil, le pouvoir de contrôle prévu à l’art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4)] ne s’étendant qu’au « office fédéral », lesquels, selon la définition qu’en donne l’art. 2 [mod., idem, art. 1] de cette Loi, ne s’entendent pas de la Couronne (V. notamment Le ministre du Revenu nationale et la Reine c. Creative Shoes Ltd., [1972] C.F. 993 (C.A.), à la p. 999). Les parties n’ont pas soulevé cette question, et je ne pense pas qu’il y ait lieu de l’analyser en détail. Qu’il suffise de dire que je partage la conclusion tirée par le juge Rothstein dans Saskatchewan Wheat Pool c. Canada (Procureur général) (1993), 107 D.L.R. (4th) 190 (C.F. 1re inst.), savoir que dans les cas où le gouverneur en conseil agit en vertu d’une loi, il est un office fédéral, et non pas l’incarnation de la Couronne.

[8] Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire de l’enquête sur l’approvisionnement en sang), [1997] 2 C.F. 36(C.A.); et Beno c. Canada (Commissaire et président de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie), [1997] 2 C.F. 527(C.A.).

[9] Cf. Procureur général (Qué.) et Keable c. Procureur général (Can.) et autre, [1979] 1 R.C.S. 218, aux p. 243 et 244, motifs prononcés par le juge Pigeon.

[10] L.R.C. (1985), ch. I-21. Cette disposition porte ce qui suit :

31.

(4) Le pouvoir de prendre des règlements comporte celui de les modifier, abroger ou remplacer, ou d’en prendre d’autres, les conditions d’exercice de ce second pouvoir restant les mêmes que celles de l’exercice du premier.

[11] Qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

[12] [1983] 1 R.C.S. 106, à la p. 111. Voir aussi Loi modifiant le droit pénal, renvoi, [1970] R.C.S. 777, à la p. 782; Reference as to the Validity of the Regulations in relation to Chemicals, [1943] R.C.S. 1, à la p. 12; Procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et autre, [1980] 2 R.C.S. 735, à la p. 753; Attorney-General for Canada v. Hallet and Carey Ld., [1952] A.C. 427 (P.C.), à la p. 446; et Gouriet v. Union of Post Office Workers, [1978] A.C. 435 (H.L.).

[13] Dans Canada (Vérificateur général) c. Canada (Ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources), [1989] 2 R.C.S. 49, aux p. 90 et 91, le juge en chef Dickson explique la notion de justiciabilité en ces termes :

Comme je l’ai souligné dans Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, à la p. 459, en reprenant au nom de la majorité de cette Cour l’analyse du juge Wilson commençant à la p. 460, la justiciabilité est une « doctrine […] fondée sur une préoccupation à l’égard du rôle approprié des tribunaux en tant que tribune pour résoudre divers genres de différends ». Selon le juge Wilson, une question est non justiciable des tribunaux si elle met en cause « des considérations morales et politiques qu’il n’est pas du ressort des tribunaux d’évaluer » (p. 465). L’examen de la justiciabilité consiste, d’abord et avant tout, en un examen normatif de l’opportunité pour les tribunaux, sur le plan de la politique judiciaire constitutionnelle, de trancher une question donnée ou, au contraire, de la déférer à d’autres instances décisionnelles de l’administration politique.

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