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     A-338-95

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (appelant) (défendeur)

c.

Mohammad Farhad Bayat (alias Mohammad Zulmai Safi), Shakila Bayat (alias Shakila Safi), Marwa Bayat (alias Marwa Safi) (intimés) (demandeurs)

Répertorié: Bayatc. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (C.A.)

Cour d'appel, juges Stone, Linden et Robertson, J.C.A."Toronto, 13 avril; Ottawa, 10 juin 1999.

Citoyenneté et Immigration Statut au Canada Réfugiés au sens de la Convention Appel d'un jugement de la Section de première instance de la Cour fédérale infirmant en partie la décision de la section du statut de réfugiéLa section du statut de réfugié a annulé la décision de l'agent des visas d'accorder aux intimés le statut de réfugié au sens de la Convention; elle a statué que les intimés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention dans le cadre d'une demande fondée sur l'art. 69.2(2) de la Loi sur l'immigrationLe premier intimé a avoué avoir fait de fausses déclarations dans sa demande de résidence permanenteL'art. 69.2(2) permet de présenter une demande devant la section du statut de réfugiépour qu'elle réexamine et annulela décision reconnaissant à une personne le statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu'il a été obtenu par des moyens frauduleux et par de fausses indicationsL'art. 69.3(4) prévoit que la section du statut de réfugiéaccepte ou rejettela demande présentée en vertu de l'art. 69.2(2)En application de l'art. 69.3(5), la section du statut de réfugié peut décider de rejeter la demande s'il reste suffisamment d'éléments qui auraient pu justifier la reconnaissance du statutLe juge des requêtes a écarté le passage de la décision de la section du statut tranchant que les intimés n'étaient pas des réfugiés au sens de la ConventionAppel accueilli (avec dissidence du juge Robertson, J.C.A.)La compétence de la section du statut de réfugié ne se limite pas àannulerla décision reconnaissant le statut de réfugié au sens de la Convention lorsqu'elle statue sur la demande en vertu de l'art. 69.2(2), mais peut aller jusqu'àréexaminer, annulerune telle décision rendue en application de la Loi ou de ses règlementsEn vertu de l'art. 69.3(4), la section du statut de réfugié peut accepter ou rejeter lademande(celle visée à l'art. 69.2(2))Il ressort de la lecture conjointe des art. 69.3(4) et 69.2(2) qu'il est loisible à la section du statut de réfugié d'accepter ou de rejeterla demande qui lui est présentée deréexaminer et annuler— — —Réexaminerne limite pas la compétence de la section du statut de réfugié à ses propres décisions antérieuresLa compétence relative au réexamen s'ajoute à celle relative à l'annulation de la décision.

Il s'agit d'un appel formé contre une décision de la Section de première instance qui a annulé en partie la décision de la section du statut de réfugié. Les intimés sont citoyens de l'Afghanistan. Les intimés adultes se sont installés au Pakistan, et leur fille y est née. Après une entrevue avec un agent des visas au Pakistan, les intimés se sont vu accorder le statut de "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" au Canada. Quelques mois après son arrivée au Canada, le premier intimé a avoué au cours d'une entrevue tenue par la GRC qu'il avait fait de fausses déclarations dans sa demande de résidence permanente. Le ministre a déposé une demande auprès de la section du statut de réfugié, sous le régime du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, afin qu'elle "réexamine et annule" la décision de l'agent des visas reconnaissant aux intimés le statut de réfugié au sens de la Convention. Le paragraphe 69.2(2) autorise le ministre à demander à la section du statut de réfugié de "réexaminer et d'annuler" toute décision relative à la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux ou par de fausses indications. En vertu du paragraphe 69.3(1), la section du statut de réfugié se doit de tenir une audience lorsqu'une demande est présentée sous le régime de l'article 69.2. Le paragraphe 69.3(4) prévoit que la section du statut de réfugié accepte ou rejette la demande formulée en vertu du paragraphe 69.2(2) et qu'elle peut, aux termes du paragraphe 69.3(5), rejeter une demande si elle estime qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut. La section du statut de réfugié a annulé la décision de l'agent des visas et a statué que les intimés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. En infirmant en partie la décision de la section du statut de réfugié, le juge des requêtes a conclu que dans le cadre d'une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2), la section du statut de réfugié n'était pas habilitée à conclure que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention parce qu'elle n'est compétente que pour "accepter ou rejeter" la demande visée par le paragraphe 69.2(2), et à plus forte raison si la décision qui doit être annulée est celle d'un agent des visas à l'étranger puisque les intimés n'auraient pas pu alors bénéficier d'un examen complet de leur revendication quant au fond devant la section du statut de réfugié.

La question qui se pose est de savoir si la section du statut de réfugié a compétence en vertu du paragraphe 69.2(2) pour déclarer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention, une fois qu'il a été établi que cette personne a fait de fausses déclarations au moment de la demande et de l'obtention du statut de réfugié.

Arrêt (le juge Robertson, J.C.A., étant dissident): l'appel est accueilli.

Le juge Stone, J.C.A. (le juge Linden, J.C.A., souscrit à son opinion): Une demande en vertu du paragraphe 69.2(2) ne se limite pas à "l'annulation" d'une décision d'un agent des visas, mais englobe plutôt le pouvoir de "réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance".

La question de savoir si une personne est un "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" nécessite forcément l'examen préalable de son admissibilité au statut de "réfugié au sens de la Convention". L'agent des visas devait donc décider si les intimés entraient dans la définition de "réfugié au sens de la Convention", et dans l'affirmative, s'ils sont de plus admissibles au processus de réinstallation au Canada. La nature informelle du processus au terme duquel cette décision a été rendue ne soustrayait pas les intimés adultes à l'obligation de dire la vérité au cours des entrevues. De plus, les faux noms figuraient bien sur la demande de résidence permanente, dont le contenu était "véridique, complet et exact" selon une déclaration solennelle du premier intimé.

Le paragraphe 69.3(4) s'applique au réexamen et à l'annulation de "toute reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements". Il s'applique donc aux décisions antérieures de la section du statut de réfugié même ou à d'autres, notamment celles des agents des visas, rendues "en application [. . .] [des] règlements". Par conséquent, que la décision antérieure ait été prise par la section du statut de réfugié en vertu de la Loi ou par un agent des visas en vertu des règlements, la compétence conférée à la section du statut de réfugié demeure inchangée. Celle-ci peut "accepte[r] ou rejete[r] la demande" en conformité avec le paragraphe 69.3(4). Le juge des requêtes a dû avoir ce libellé en tête lorsqu'il a décidé que la compétence de la section du statut de réfugié se limitait à "accepte[r] ou rejete[r]" la demande en l'espèce. La formulation du paragraphe 69.3(4) ne doit pas être interprétée séparément de son contexte. La "demande" dont il y est fait mention est manifestement la "demande" décrite plus en détail au paragraphe 69.2(2). Il ressort clairement de la lecture conjointe de ces deux paragraphes que la demande du ministre visait à faire réexaminer et à faire annuler la décision de l'agent des visas et qu'il s'agissait précisément de cette demande que la section du statut de réfugié était habilitée à "accepte[r] ou rejete[r]". La compétence de la section du statut de réfugié ne se limitait pas seulement à "annuler" cette décision, mais aussi à la "réexaminer". Étant donné le contexte, l'usage du mot "réexaminer" n'avait pas pour objectif de limiter la compétence de la section du statut de réfugié à ses propres décisions antérieures. La compétence relative au réexamen s'ajoute à celle relative à "l'annulation" de la décision.

Le juge Robertson, J.C.A. (dissident): La compétence de la section du statut de réfugié se limite à "réexaminer" et à "annuler" une décision reconnaissant à une personne le statut de réfugié au sens de la Convention, selon une interprétation littérale du paragraphe 69.2(2). La section du statut de réfugié n'a compétence que pour "réexaminer et annuler" une décision prise en vertu de la Loi. L'on doit écarter le mot "annuler" pour pouvoir inférer que la compétence de la section du statut de réfugié comprend le pouvoir de déclarer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

Le paragraphe 69.3(5) prévoit que, même si la section du statut de réfugié est convaincue qu'un demandeur a donné de fausses indications sur des faits essentiels, il lui est tout de même loisible de décider de ne pas annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée à la personne en question, dans la mesure où il reste suffisamment d'éléments de preuve pour appuyer cette reconnaissance.

Différentes procédures sont prévues selon que la demande du statut de réfugié est soumise et entendue au Canada, ou à l'extérieur du pays. Si la demande est faite à l'extérieur du Canada, il est peu probable que le dossier devant la section du statut de réfugié soit aussi complet, et il n'est pas loisible à la section du statut de recevoir de nouveaux éléments de preuve. Les personnes dans la situation des intimés ne peuvent se prévaloir du paragraphe 69.3(5) lorsqu'il n'y a aucune preuve sur laquelle la section du statut de réfugié pourrait se fonder pour décider si ces personnes sont des réfugiés au sens de la Convention en dépit de leurs fausses déclarations.

Même si cette interprétation du paragraphe 69.2(2) a pour effet de créer un droit en vertu de la loi qui permet à une personne de soumettre une deuxième demande de statut de réfugié après que la première a été rejetée en raison des fausses indications, c'est précisément ce que permet la Loi. De plus, cette interprétation n'est pas sans précédent. Si les intimés avaient présenté une demande de statut de réfugié à l'extérieur du Canada qui avait par la suite été rejetée, ils auraient quand même pu entrer au Canada et soumettre une nouvelle demande aux termes du paragraphe 46.01. C'est au Parlement qu'il revient peut-être de remédier aux lacunes existantes.

    lois et règlements

        Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6.

        Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 6(1),(2), 46.01(1)d) (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36), 69.2(2) (édicté, par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18), (3) (édicté, idem), 69.3(1) (édicté, idem), (4) (édicté, idem), (5) (édicté, idem).

        Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés, 31 janvier 1967, [1969] R.T. Can. no 29.

        Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir", 7(1).

    doctrine

        Bagambiire, Davies B. N. Canadian Immigration and Refugee Law. Aurora (Ont.): Canada Law Book, 1996.

        Shorter Oxford English Dictionary, Vol. II, 3rd ed., Oxford: Oxford University Press, 1973. "reconsider".

APPEL d'un jugement de la Section de première instance (Bayat et autres c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'immigration) (1995), 96 F.T.R. 76 (C.F. 1re inst.)) infirmant en partie la décision que la section du statut de réfugié avait rendue sur une demande d'annulation fondée sur le paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration et présentée à l'encontre de la décision d'un agent des visas reconnaissant le statut de réfugié au sens de la Convention aux intimés. Appel accueilli.

    ont comparu:

    Claire A. Le Riche pour l'appelant (défendeur).

    Michael F. Loebach pour les intimés (demandeurs).

    avocats inscrits au dossier:

    Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant (défendeur).

    Michael Loebach, London (Ontario), pour les intimés (demandeurs).

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[1]Le juge Stone, J.C.A.: Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une décision de la Section de première instance de la Cour fédérale en date du 15 mai 1995 [(1995), 96 F.T.R. 76], dans laquelle le juge a annulé en partie la décision de la section du statut de réfugié qui se fondait sur le paragraphe 69.3(4) de la Loi sur l'immigration1 (la Loi). La section du statut de réfugié avait ainsi annulé la décision de l'agent des visas d'accorder aux intimés la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention en date du 18 avril 1989 à Islamabad, au Pakistan; elle avait du même coup conclu que les intimés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.

Les faits

[2]Les intimés sont citoyens de l'Afghanistan. Quatre mois avant la date de la décision de l'agent des visas, le premier intimé s'est installé au Pakistan. Il y a été rejoint peu après par son épouse, la deuxième intimée. Leur fille, la troisième intimée, est née au Pakistan. Le dossier indique que les intimés adultes ont connu un certain degré d'inconfort même lorsqu'ils résidaient au Pakistan, où le premier intimé a pu exercer sa profession de médecin.

[3]La preuve relative aux circonstances sur laquelle l'agent des visas s'est appuyé pour rendre sa décision du 18 avril 1989 est peu étoffée. Cependant, il semble évident que ce que chacun des intimés cherchait à obtenir, et ce qu'il a par la suite obtenu, était le statut de "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" au Canada. Au moment où la décision a été rendue, le Règlement sur l'immigration de 19782 (le Règlement) prévoyait la définition de "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" en ces termes:

2. (1) [. . .]

"réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir" désigne un réfugié au sens de la Convention qui ne s'est pas réétabli de façon permanente et qui, selon toute probabilité, n'acceptera pas, de son plein gré, de se faire rapatrier ni ne pourra se réétablir dans le pays où il se trouve;

[4]Le paragraphe 7(1) du Règlement prévoyait:

7. (1) Lorsque l'agent des visas a établi qu'une personne est un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, il tiendra compte, afin de déterminer si ce réfugié et les personnes à sa charge seront en mesure de s'établir avec succès au Canada,

    a) de chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I;

    b) du fait qu'une personne cherche au Canada à faciliter l'admission ou l'arrivée au Canada de ce réfugié et des personnes à sa charge qui l'accompagnent; et

    c) de toute aide financière ou autre offerte au Canada à ces réfugiés. [Non souligné dans l'original.]

[5]Les parties s'entendent pour dire que ce sont les paragraphes 6(1) et 6(2) de la Loi qui constituent les dispositions législatives principales régissant l'admission au Canada de personnes telles que les intimés. Ces paragraphes prévoient:

6. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, les immigrants, notamment les réfugiés au sens de la Convention, les parents et les immigrants indépendants, peuvent obtenir le droit d'établissement s'ils convainquent l'agent d'immigration qu'ils satisfont aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer l'aptitude des immigrants à réussir leur installation au Canada.

(2) Les réfugiés au sens de la Convention et les personnes appartenant à une catégorie déclarée admissible par le gouverneur en conseil conformément à la tradition humanitaire suivie par le Canada à l'égard des personnes déplacées ou persécutées peuvent être admis, sous réserve des règlements pris à cette fin et par dérogation aux règlements d'application générale.

[6]Bien que le Règlement ait subi des modifications3 par la suite, le concept même de "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" semble être demeuré inchangé. Le concept en question a été interprété en ces termes4 :

[traduction] Une autre façon pour un demandeur de bénéficier de la protection du Canada est de prouver qu'il appartient à une catégorie de personnes classées comme ayant le statut de "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller". Il s'agit d'une catégorie qu'il serait possible de définir comme comprenant les personnes qui se qualifient en vertu de la définition de "réfugié au sens de la Convention", qui se trouvent dans un pays de premier asile, qui ne se sont pas établis ni intégrés dans ce pays et qui cherchent à se réinstaller dans un tiers pays comme le Canada.

Les réfugiés au sens de la Convention cherchant à se réinstaller se trouvent dans une situation similaire à celle des réfugiés demandant protection en sol canadien, excepté qu'ils sont dans un pays tiers qui soit n'a pas les moyens ni les capacités de voir à leur établissement, soit n'est pas partie à la Convention, ou soit encore, comme c'est le cas pour l'Italie, n'admet pas de réfugiés provenant de certaines régions du monde.

Ce sont les paragraphes 6(1), 6(2), 6(3) et 6(4) de la Loi sur l'immigration, de même que l'article 7 du Règlement sur l'immigration de 1978, qui régissent l'admission et l'établissement des réfugiés au sens de la Convention cherchant à se réinstaller. Le demandeur doit se trouver dans un pays tiers et chercher à se réinstaller, et être apte à réussir son installation au Canada.

Aux fins de déterminer le degré auquel le demandeur est apte à réussir son installation au Canada, l'article 7 du Règlement exige que le demandeur fasse l'objet d'une évaluation en fonction du système de points d'appréciation visant les immigrants indépendants, tel que l'indique l'Annexe 1 du Règlement. Cet article prévoit également que le réfugié doit avoir à sa disposition des ressources financières et des personnes solvables, prêtes et aptes à s'engager concrètement pour soutenir le réfugié dans sa démarche de ré-établissement une fois au Canada. [Non souligné dans l'original; renvois omis.]

[7]Au cours de l'entrevue avec l'agent des visas le 18 avril 1989, le premier intimé a soumis une demande de résidence permanente au Canada dûment remplie, qui contient des renseignements personnels pertinents. Le document en question comprend une déclaration signée de la main du premier intimé autorisant la [traduction] "divulgation aux autorités canadiennes de l'immigration de tout dossier ou toute information concernant toute enquête, arrestation, inculpation, condamnation, peine et tout procès" aux fins de l'évaluation de son "admissibilité à immigrer au Canada". L'autorisation comprend également le consentement de l'intimé à la divulgation de renseignements médicaux à l'agent des visas et à d'autres personnes. Le document se termine ainsi:

[traduction]

Je comprends et je reconnais que

"    toute fausse déclaration de ma part ou dissimulation d'un fait important pourra entraîner mon exclusion permanente du Canada, et même dans le cas où je serais admis au Canada en tant que résident permanent, une admission frauduleuse en vertu de cette demande peut constituer des motifs à des poursuites contre moi ou à mon renvoi, ou les deux;

"    si mes réponses aux questions 9, 27 et 31 venaient à changer à n'importe quel moment avant mon départ pour le Canada, je dois signaler les changements survenus et retarder mon départ jusqu'à ce que je sois avisé par écrit par le bureau de traitement des demandes que je peux me diriger vers le Canada.

Je déclare également que

"    j'ai compris tous les éléments du présent formulaire, ayant, au besoin, demandé et obtenu une explication de chacun des points que je ne comprenais pas bien;

"    les renseignements que j'ai donnés dans la présente demande sont véridiques, complets et exacts, et je fais cette déclaration solennelle la croyant en conscience vraie et sachant qu'elle a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment.

[8]Seules les notes très brèves de l'agent des visas relativement à l'entrevue avec les intimés adultes figurent dans le dossier, dans le formulaire intitulé "détermination de l'acceptabilité". Elles apparaissent directement sous la phrase suivante: [traduction ] "Je considère que le demandeur est/n'est pas un réfugié au sens de la Convention en vertu de la définition de l'ONU pour les motifs suivants". La décision finale relativement au statut des intimés n'apparaît pas comme telle sur le formulaire même. Les notes montrent que le premier intimé a vécu au Pakistan pendant quatre mois, que son lieu de travail a été la cible de bombes, qu'il n'a pas été arrêté ni détenu, qu'il a fui en raison des attaques perpétrées à son lieu de travail et de la séparation d'avec sa famille, et que tous les habitants du village savaient qu'il [traduction ] "travaillait comme docteur pour Muji".

[9]Par une lettre datée du 28 juin 1989, le Bureau des visas de l'ambassade canadienne à Islamabad a informé le International Committee for Migration, situé dans la même ville, de ce qui suit:

[traduction] Vous trouverez ci-joint une liste des personnes qui ont été admises aux fins de réinstallation au Canada et qui ont obtenu des visas d'immigration canadiens. Comme ces personnes sont considérées par le Canada comme des réfugiés, elles ne sont pas tenues d'avoir en leur possession des documents de voyage pour entrer au Canada. [Non souligné dans l'original.]

Les noms des intimés, tels qu'ils apparaissaient sur la demande de résidence permanente, figuraient sur la liste jointe à la lettre.

[10]La fausseté des déclarations faites par le premier intimé dans sa demande de résidence permanente et au cours de l'entrevue avec l'agent des visas a été révélée pour la première fois dans le cadre de l'entrevue tenue par la GRC quelques mois après son arrivée au Canada. Dans une déclaration devant la GRC, l'intimé a affirmé, entre autres, que l'agent des visas à Islamabad lui avait demandé, le 18 avril 1989, [traduction] "[s]es motifs de départ de l'Afghanistan". Il se rappelle avoir répondu à l'agent des visas notamment ce qui suit: [traduction ] "J'étais étudiant en médecine en Afghanistan, et j'ai fui le pays parce que l'État procédait à l'arrestation des étudiants et qu'il exerçait de la pression sur nous." Il a également fait mention de l' [traduction ] "aide fournie aux moudjahiddin dans le domaine médical". L'intimé a avoué que ces affirmations étaient fausses, tout comme l'intégralité du récit donné à l'agent des visas. Sur ce dernier point, au cours de l'entrevue avec la GRC, l'intimé a affirmé:

[traduction] Bien sûr, toute l'histoire racontée à l'entrevue à l'ambassade canadienne est fausse du début à la fin. Par exemple, les noms, les dates de naissance, le lieu de naissance, le nom de l'école que j'ai fréquentée, tout est faux.

La décision de la section du statut de réfugié

[11]Le 20 septembre 1993, avec le consentement du président de la section du statut de réfugié donné le 17 février 1993 conformément au paragraphe 69.2(2) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18] de la Loi, l'appelant a déposé devant la section une demande [traduction] "pour qu'elle réexamine et annule la décision de l'agent des visas en date du 18 avril 1989" reconnaissant que [traduction ] "[les intimés] sont des réfugiés au sens de la Convention" pour le motif qu'ils ont [traduction ] "obtenu ce statut par le biais de fausses déclarations et par la non-divulgation de faits essentiels".

[12]Le 12 octobre 1994, la demande a été accueillie par une décision majoritaire en ces termes:

[traduction] La demande du ministre est ACCUEILLIE et la Section du statut de réfugié statue que les demandeurs NE SONT PAS DES RÉFUGIÉS AU SENS DE LA CONVENTION.

Par ce raisonnement, la majorité des membres du tribunal étaient d'avis que, une fois le faux témoignage écarté, les autres éléments de preuve portés à la connaissance de l'agent des visas n'étaient pas suffisants pour fonder la décision de l'agent selon laquelle les intimés étaient des réfugiés au sens de la Convention. Ils ne pouvaient ainsi rejeter la demande du ministre présentée en vertu du paragraphe 69.2(2). De plus, ils ont refusé d'examiner les éléments de preuve qui n'avaient pas été soumis à l'agent des visas le 18 avril 19895. Ils ont affirmé dans leurs motifs écrits6:

[traduction] Je ne suis pas convaincu par l'argument du procureur selon lequel le tribunal ne respecterait pas sa tradition humanitaire en faisant une interprétation étroite de cet article et en refusant d'accepter les nouveaux éléments de preuve. Je ne suis pas d'avis que l'intention du législateur ait été de permettre à des personnes provenant d'un pays d'asile, dans lequel elles ont bénéficié d'une protection internationale pendant environ 3 ans, d'entrer au Canada en faisant de fausses déclarations. De plus, je ne suis pas d'avis que l'intention du législateur ait été d'accorder une protection aux personnes qui entrent au Canada sous de fausses identités et qui, une fois au pays, soit un pays de refuge sûr où une protection leur est accordée, n'ont pas cherché à se prévaloir de la protection du Canada sous leur véritable identité, en dépit du fait qu'elles ont résidé au pays pendant 4 ans: des personnes dont la véritable identité n'a été révélée que lors de la tenue par la GRC d'une enquête relative à un meurtre au Canada. Il ressort clairement du dossier que l'intention des intimés n'était pas d'entrer au Canada et de demander le statut de réfugié, mais bien d'immigrer, étant donné que leur comportement au Canada est contraire à celui de personnes ayant une crainte fondée de persécution. Je ne crois pas que l'objectif du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et du système en matière de statut de réfugié soit de faciliter la tâche aux immigrants qui ne peuvent passer ou qui refusent de passer par la procédure usuelle pour obtenir la résidence permanente. [Renvois omis.]

[13]Le membre dissident du tribunal a jugé que le paragraphe 69.3(5) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18] permettait l'examen de nouveaux éléments de preuve. Par conséquent, il était d'avis de rejeter la demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) à la lumière de ces éléments de preuve.

La décision de la Section de première instance de la Cour fédérale

[14]Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, le juge des requêtes a annulé en partie la décision de la section du statut de réfugié. Il a plus particulièrement écarté, dans la décision du 12 octobre 1994, le passage statuant que les intimés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Il a ainsi affirmé7:

[. . .] lorsqu'une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) est présentée par le ministre en vue de faire annuler une décision antérieure concluant que les requérants sont des réfugiés au sens de la Convention, la section du statut n'est pas habilitée à conclure que les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, surtout si la décision qui doit être annulée est celle d'un agent des visas à l'étranger.

Après avoir examiné le libellé du paragraphe 69.3(4), le juge des requêtes a continué8:

Ainsi donc, lorsqu'elle est saisie d'une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2), la section du statut se trouve devant l'alternative suivante: soit elle accepte, soit elle rejette la demande d'annulation de la décision antérieure. Le texte de la disposition est clair, la section du statut n'est pas habilitée à conclure que les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. À mon sens, cela est d'autant plus vrai quand la décision contestée est celle d'un agent des visas à l'étranger, puisque, en pareil cas, les requérants ne peuvent bénéficier d'un examen complet de leur revendication devant la section du statut, examen visant à en déterminer le bien-fondé.

[15]Le juge des requêtes était préoccupé par le fait que la décision de la section du statut de réfugié en date du 12 octobre 1994 ait pour effet de rendre les intimés non éligibles en vertu du paragraphe 46.01(1) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 14; L.C. 1992, ch. 49, art. 36] de la Loi à présenter une nouvelle demande de réfugié au sens de la Convention au Canada. Un agent d'immigration supérieur avait en fait déjà décidé en ce sens, décision que le juge des requêtes a considérée comme ayant peut-être "perdu sa raison d'être" pour le motif que la section du statut de réfugié "prétend[ait] conclure que les requérants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention". En vertu de l'alinéa 46.01(1)d ) de la Loi, dans le cas d'une personne qui prétend être un réfugié au sens de la Convention, "[l]a revendication du statut n'est pas recevable par la section du statut si [. . .] le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu aux termes de la présente loi ou des règlements". Le présent appel ne porte pas directement sur l'interprétation de cet alinéa.

La question en litige

[16]La Cour doit se prononcer sur la question de savoir si le juge des requêtes a commis, dans le cadre de son interprétation des dispositions législatives pertinentes, une erreur de droit qui entraînerait l'annulation du jugement par lequel il a annulé la décision rendue par la section du statut de réfugié relativement au statut de réfugié de l'intimé.

Les dispositions législatives pertinentes

[17]Les dispositions législatives directement pertinentes dans le cas du présent appel sont les paragraphes 69.2(2) et 69.2(3) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18], de même que les paragraphes 69.3(1) [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18], 69.3(4) [édicté, idem] et 69.3(5) de la Loi. Ils prévoient:

69.2 [. . .]

(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.

(3) L'autorisation requise dans le cadre du paragraphe (2) se demande par écrit et ex parte; le président peut l'accorder s'il est convaincu qu'il existe des éléments de preuve qui, portés à la connaissance de la section du statut, auraient pu modifier la décision.

    [. . .]

69.3 (1) Dans les cas visés à l'article 69.2, la section du statut procède à l'examen de la demande par une audience dont elle communique au ministre et à l'intéressé les date, heure et lieu et au cours de laquelle elle leur donne la possibilité de produire des éléments de preuve, de contre-interroger des témoins et de présenter des observations.

    [. . .]

(4) La section du statut accepte ou rejette la demande le plus tôt possible après l'audience et notifie sa décision, par écrit, au ministre et à l'intéressé.

(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

Analyse

[18]Le juge des requêtes était d'avis que la section du statut de réfugié n'était pas habilitée en vertu de la Loi à décider que les intimés n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention pour le motif que, comme il l'exprimait, la section du statut de réfugié n'avait compétence que pour "accepte[r] ou rejete[r]" la demande présentée en vertu du paragraphe 69.2(2). Il faut signaler, toutefois, qu'une demande en vertu de ce paragraphe ne se limite pas à "l'annulation" d'une décision d'un agent des visas, mais englobe plutôt le pouvoir de "réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance".

[19]La question de savoir si une personne est un "réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" nécessite forcément l'examen préalable de son admissibilité au statut de "réfugié au sens de la Convention", dont la définition apparaît dans la Convention de 19519 et dans le Protocole de 196710, de même que dans la Loi. L'agent des visas devait ainsi décider, le 18 avril 1989, si les intimés se qualifiaient sous la définition de "réfugié au sens de la Convention", et dans l'affirmative, s'ils sont de plus éligibles au processus de réinstallation au Canada en vertu des lois du pays. Les intimés prétendent ainsi qu'ils le sont. La seconde question ne pouvait être abordée par l'agent des visas qu'une fois qu'il avait statué que les intimés étaient des "réfugiés au sens de la Convention".

[20]Le processus au terme duquel la décision a été prise était de nature bien informelle. Dans la mesure où l'indique le dossier, il y a eu en grande partie des entrevues personnelles avec les intimés adultes. L'objectif des entrevues était manifestement d'obtenir des renseignements qui soit appuyaient, soit rejetaient les prétentions des intimés quant à leur statut de "réfugiés au sens de la Convention" fuyant l'Afghanistan et quant à leur admissibilité à se réinstaller au Canada. Il est vrai, comme l'a souligné le juge des requêtes, que le processus devant l'agent des visas à Islamabad ne confère pas la même possibilité d'audience en bonne et due forme que dans le cas d'une demande du statut de réfugié entendue devant la section du statut de réfugié et décidée par elle. La possibilité que ce processus informel entraîne quelques désavantages pour le demandeur du statut de réfugié semble avoir été prévue par le législateur au paragraphe 69.3(5). Ce paragraphe vise clairement à aider un demandeur en dépit du fait que ce dernier ait fait de fausses déclarations à l'agent des visas. Je suis d'avis cependant que la nature informelle du processus ne soustrayait pas les intimés adultes à l'obligation de dire la vérité au cours des entrevues. De plus, les faux noms figuraient bien sur la demande de résidence permanente, dont le contenu était [traduction ] "véridique, complet et exact" selon une déclaration solennelle du premier intimé.

[21]Je ne peux endosser l'interprétation voulant que le paragraphe 69.3(4) de la Loi ait pour effet de limiter la compétence de la section du statut de réfugié au point où l'a décidé le juge des requêtes. Ce paragraphe devait s'appliquer au réexamen et à l'annulation de "toute reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements". Cela comprend ainsi les décisions antérieures prises par la section du statut de réfugié même, mais ne s'y limite pas, et englobe notamment celles prises par l'agent des visas "en application [. . .] [des] règlements". Par conséquent, que la décision antérieure soit prise par la section du statut de réfugié en vertu de la Loi ou par un agent des visas en vertu du règlement, la compétence conférée à la section du statut de réfugié demeure inchangée. Celle-ci peut "accepte[r] ou rejete[r] la demande" en conformité avec le paragraphe 69.3(4). Le juge des requêtes a dû avoir ce libellé en tête lorsqu'il a décidé que la compétence de la section du statut de réfugié se limitait à "accepte[r] ou rejete[r]" la demande en l'espèce.

[22]Je suis d'avis que la formulation du paragraphe 69.3(4) ne doit pas être interprétée séparément de son contexte. La "demande" dont il y est fait mention se réfère manifestement à la "demande" décrite plus en détails au paragraphe 69.2(2). Il ressort clairement de la lecture conjointe de ces deux paragraphes que la demande du ministre visait à faire réexaminer et à faire annuler la décision de l'agent des visas en date du 18 avril 1989, et qu'il s'agit précisément de cette demande que la section du statut de réfugié est habilitée à "accepte[r] ou rejete[r]". Ainsi, la compétence de la section du statut de réfugié ne se limitait pas seulement à "annuler" cette décision, mais aussi à la "réexaminer"11. Étant donné le contexte dans lequel elle s'inscrit, je ne suis pas d'avis que l'usage du mot "réexaminer" avait pour objectif de limiter la compétence de la section du statut de réfugié à ses propres décisions antérieures. L'objectif semble plutôt être que la section du statut de réfugié puisse être saisie de la décision contestée pour en faire un nouvel examen en vue de l'infirmer. J'estime que la compétence relative au réexamen ne fait que s'ajouter à celle relative à "l'annulation" de la décision.

[23]Je suis d'avis d'accueillir l'appel et de modifier la décision de la Section de première instance en annulant les paragraphes 2 et 3.

Le juge Linden, J.C.A.: J'y souscris.

    * * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

[24]Le juge Robertson, J.C.A. (dissident): J'ai eu l'occasion de lire les motifs du jugement écrits par mon collègue le juge Stone. Avec égards, je ne peux y souscrire.

[25]La seule question qui se pose dans le présent appel est de savoir si la section du statut de réfugié a compétence en vertu du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration pour déclarer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention, une fois qu'il a été établi que cette personne a fait de fausses déclarations au moment de la demande et de l'obtention du statut de réfugié. À l'instar du juge de première instance, je suis d'avis que la compétence de la section du statut de réfugié se limite à "réexaminer" et à "annuler" une décision selon laquelle une personne est un réfugié au sens de la Convention. Cette interprétation se fonde sur une lecture littérale de la Loi. Le paragraphe 69.2(2) prévoit:

69.2 [. . .]

(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers. [Non souligné dans l'original.]

[26]Avec égards, je suis d'avis que l'obligation de la section du statut de réfugié de "réexaminer" une décision antérieure n'est pas déterminante. Je ne vois pas, plus particulièrement, comment l'expression "réexaminer" habilite le tribunal à non seulement annuler une décision relative au statut de réfugié, mais également à statuer qu'un demandeur qui a fait de fausses déclarations n'est pas un réfugié au sens de la Convention. La section du statut de réfugié n'a compétence que pour "réexaminer et annuler" une décision prise en vertu de la Loi. Avec égards, je crois que, afin d'adopter l'interprétation que mon collègue fait du mot "réexaminer", l'on doit écarter le mot "annuler". En résumé, l'on doit éliminer le mot "annuler" pour que la section du statut de réfugié tire sa compétence implicite pour déclarer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Ainsi, si le mot "annuler" disparaissait du paragraphe 69.2(2), l'on pourrait raisonnablement inférer que le mot "réexaminer" comprend une compétence étendue de la part de la section du statut de réfugié l'autorisant à déclarer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention. De cette façon, le paragraphe 69.2(2) prévoirait que [traduction ] "la section du statut de réfugié peut réexaminer toute décision prise en vertu de la présente Loi". Toutefois, il s'agit d'une chose pour un tribunal que d'incorporer certains mots dans la Loi pour le motif que leur présence est implicitement requise sur le plan de l'interprétation, mais il s'agit d'une toute autre chose que d'éliminer des mots dans le but de créer un sens dont on croit l'existence justifiée.

[27]Je suis conscient qu'une interprétation qui restreint la compétence de la section du statut de réfugié peut être contestée si l'on se reporte au paragraphe 69.3(5). Cette disposition prévoit que, même si la section du statut de réfugié est convaincue qu'un demandeur a fait de fausses déclarations, il lui est tout de même loisible de décider de ne pas annuler la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée à la personne en question, dans la mesure où il reste suffisamment d'éléments de preuve pour appuyer cette reconnaissance. Le paragraphe 69.3(5) prévoit:

69.3 [. . .]

(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut. [Non souligné dans l'original.]

[28]Il est illogique qu'une personne qui a fait de fausses déclarations pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention, et dont la reconnaissance du statut est annulée en raison des éléments de preuve restants qui étaient insuffisants pour appuyer la demande initiale de statut de réfugié, soit autorisée à soumettre une nouvelle demande de statut de réfugié. En effet, du point de vue d'un gestionnaire (et probablement de celui de la plupart des Canadiens), la possibilité qu'une personne entre frauduleusement au Canada et ensuite soumette de nouveau une demande de statut de réfugié est non seulement une idée absurde, mais un abus du système en matière de statut de réfugié, de même qu'un fardeau financier pour le Canada. Bien que cet argument soit persuasif, je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse d'un cas où il faut écarter l'interprétation littérale du paragraphe 69.2(2) en statuant que la section du statut de réfugié détient une compétence implicite pour décider qu'un demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Je m'explique.

[29]Différentes procédures sont prévues selon que la demande du statut de réfugié est soumise et entendue au Canada, ou à l'extérieur du pays. Nous sommes tous conscients que les demandeurs du statut de réfugié bénéficient du principe de l'application régulière de la loi au Canada. Ils ont droit à une audience et peuvent être représentés par un avocat ou un porte-parole. Des interprètes sont mis à leur disposition, et ils ont la possibilité de soumettre des preuves documentaires et de présenter des témoins. Cependant, si la demande est faite à l'extérieur du Canada, il est peu probable que le dossier qui se retrouve devant la section du statut de réfugié soit aussi complet, et il n'est pas loisible à la section du statut de recevoir de nouveaux éléments de preuve. Dans le cas dont nous sommes saisis, les intimés ont été admis au Canada à titre de "réfugiés au sens de la Convention cherchant à se réinstaller" après avoir été interrogés par un agent des visas à l'étranger. Les notes prises par cet agent des visas au cours de l'entrevue sont décrites comme étant [traduction ] "brèves". La preuve documentaire ne comprend qu'une "demande de résidence permanente" dûment remplie, qui permet la divulgation de tous les dossiers relatifs à la détermination de l'"admissibilité [des intimés] à immigrer au Canada", de même que la divulgation des renseignements médicaux à l'agent des visas.

[30]Dans ce contexte, il est évident que des personnes dans une situation comparable à celle des intimés ne peuvent se prévaloir du paragraphe 69.3(5) lorsqu'il n'y a aucune preuve sur laquelle la section du statut de réfugié pourrait se fonder pour décider si ces personnes sont des réfugiés au sens de la Convention, en dépit de leurs fausses déclarations. C'est une des raisons pour lesquelles je ne suis pas prêt à changer l'interprétation littérale du paragraphe 69.2(2) en statuant que la section du statut de réfugié a compétence non seulement pour annuler une décision relative au statut de réfugié, mais aussi pour déclarer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Finalement, je dois avouer que je ne suis pas plus incommodé par le fait que mon interprétation du paragraphe 69.2(2) ait pour effet de créer un droit en vertu de la loi qui permet à une personne de soumettre une deuxième demande de statut de réfugié après que la première eut été rejetée en raison des fausses déclarations. C'est précisément ce que permet la Loi. De plus, cette interprétation n'est pas sans précédent. Si les intimés avaient présenté une demande de statut de réfugié à l'extérieur du Canada qui avait par la suite été rejetée, ils auraient quand même pu entrer au Canada et soumettre une nouvelle demande, du moins selon mon interprétation du paragraphe 46.01 de la Loi. C'est au Parlement qu'il revient peut-être de remédier aux lacunes existantes. Par conséquent, je suis d'avis de rejeter l'appel et de répondre par la négative à la question certifiée qui suit [à la page 80]:

La section du statut a-t-elle compétence dans le cadre d'une demande fondée sur le paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration pour déterminer qu'une personne n'est pas un réfugié au sens de la Convention au motif qu'elle tire implicitement sa compétence du fait d'accueillir une demande d'annulation?

1 L.R.C. (1985), ch. I-2 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 18].

2 DORS/78-172, 24 février 1978.

3 DORS/97-182, 8 avril 1997; DORS/97-184, 30 avril 1997; DORS/98-270, 30 avril 1998.

4 Davies B. N. Bagambiire, Canadian Immigration and Refugee Law (Aurora: (Ont.) Canada Law Book, 1996), à la p. 244.

5 Ce passage de la décision n'a pas été contesté devant la Section de première instance.

6 Dossier d'appel, vol. 1, aux p. 20 et 21.

7 (1995), 96 F.T.R. 76 (C.F. 1re inst.), à la p. 79.

8 Ibid.

9 Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6.

10 Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés, 31 janvier 1967, [1969] R.T. Can. no 6.

11 Le Shorter Oxford English Dictionary, 3e éd. (Oxford: Oxford University Press, 1973), donne la définition suivante du verbe [traduction] "réexaminer": [traduction ] "Examiner (une décision, etc.) une seconde fois en vue d'apporter des changements ou des modifications."

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