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A-269-95

Shirley (Starrs) McKenna (appelante)

c.

Le procureur général du Canada et la Commission canadienne des droits de la personne (intimés)

et

L'Adoption Council of Canada (intervenant)

Répertorié: Canada (Procureur général)c. McKenna (C.A.)

Cour d'appel, juges Strayer, Linden et Robertson, J.C.A."Toronto, 19 et 20 mai; Ottawa, 19 octobre 1998.

Citoyenneté et Immigration Statut au Canada Citoyens Citoyenneté d'enfants nés à l'étranger adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens résidant à l'étrangerLes exigences additionnelles relatives à l'attribution de la citoyenneté prévues aux art. 3(1)e) et 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté constituent une distinction illicite prohibée par les art. 3 et 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP)Il y a à première vue discriminationL'appelante était une victime en vertu de la LCDPLe Tribunal a commis une erreur en statuant sur la question de savoir si les exigences relatives à la résidence permanente étaient justifiées par l'art. 15g) de la LCDPIl y a eu violation des règles de justice naturelle étant donné que le ministre n'a appris que l'art. 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté était en litige qu'à la fin des plaidoyers présentés en réponseDans son opinion dissidente, le juge Linden, J.C.A., a examiné la question de savoir s'il était nécessaire de faire une distinction à l'égard des enfants adoptés nés à l'étranger en vue d'atteindre l'objectif visé par la législation, soit empêcher que l'on contourne le système de l'immigration au moyen d'adoptions frauduleuses.

Droits de la personne CitoyennetéAdoptionLes exigences relatives à l'attribution de la citoyenneté imposées aux enfants nés à l'étranger et adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens résidant à l'étranger en vertu des art. 3(1)e) et 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté constituent une distinction illicite prohibée par les art. 3 et 5 de la LCDPIl y a à première vue discriminationLa mère adoptive était une victime en vertu de la LCDPIl y a eu violation de la justice naturelle étant donné que les questions en litige n'avaient pas été définies de façon adéquateLa conclusion du Tribunal selon laquelle l'attribution de la citoyenneté constitue un service destiné au public au sens de la LCDP est rejetéeCette conclusion n'est pas étayée par la décision rendue par la C.A.F. dans l'arrêt Druken.

L'appelante avait trois fils qui étaient nés au Canada et qui avaient obtenu la citoyenneté canadienne de plein droit lorsque son mari et elle, qui étaient citoyens canadiens et résidents permanents de l'Irlande, ont adopté deux filles conformément aux lois de ce pays. Les deux enfants étaient nées en Irlande en 1974 et 1975 et étaient citoyennes de ce pays. Les enfants nés à l'étranger de parents qui sont citoyens du Canada obtiennent "automatiquement" la citoyenneté, mais les filles adoptives de l'appelante doivent être admises au Canada à titre de résidentes permanentes, comme l'exige l'alinéa 5(2)a ) de la Loi sur la citoyenneté, qui incorpore par renvoi les exigences imposées par la Loi sur l'immigration en ce qui concerne le statut de résident permanent. À cause du traitement différent dont font l'objet les enfants biologiques et les enfants adoptés nés à l'étranger ainsi que du refus du gouvernement canadien de délivrer des passeports à ses deux filles adoptives, l'appelante a déposé devant la Commission canadienne des droits de la personne une plainte dans laquelle elle alléguait avoir fait l'objet de discrimination pour un motif fondé sur sa situation de famille, en violation des articles 3 et 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).

Le Tribunal des droits de la personne s'est dit compétent pour le motif que l'attribution de la citoyenneté constitue un "service [. . .] destiné [. . .] au public" au sens de l'article 5 de la LCDP. Le Tribunal a également conclu que l'appelante était une "victime" au sens de l'alinéa 40(5)c ) de la LCDP, de sorte qu'une réparation pouvait être accordée aux deux filles adoptives, qui n'avaient pas qualité pour déposer une plainte devant la Commission. De plus, le Tribunal a conclu que le traitement différent dont faisaient l'objet les enfants adoptés et les enfants biologiques nés à l'étranger constituait à première vue de la discrimination. Le Tribunal a statué que les exigences n'étaient pas raisonnablement justifiées et a ordonné que les deux enfants de l'appelante se voient attribuer la citoyenneté et que le ministre cesse la pratique discriminatoire que constitue le fait d'exiger l'observation de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté.

Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, le juge des requêtes a accueilli la demande et a infirmé la décision du Tribunal pour le motif que l'appelante n'avait pas fait la preuve prima facie de l'existence d'une distinction. En ce qui concerne la question du motif justifiable, le juge des requêtes a statué qu'il y avait eu violation de la justice naturelle parce que les questions soulevées dans la plainte n'avaient pas été définies de façon adéquate, parce que le procureur général ne savait pas qu'il était tenu de justifier toutes les exigences relatives à la procédure d'immigration en ce qui concerne la reconnaissance du statut de résident permanent comme le prévoit la Loi sur la citoyenneté. Le juge des requêtes a également conclu que le Tribunal n'avait pas compétence pour rendre une ordonnance en faveur des deux filles adoptives de l'appelante parce que ces dernières n'étaient pas des "victimes" au sens de la LCDP et qu'elles n'avaient donc pas droit à une réparation.

Arrêt (le juge Linden, J.C.A., étant dissident): l'appel est rejeté.

Le juge Robertson, J.C.A.: Le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que l'appelante n'avait pas fait la preuve prima facie de l'existence d'une distinction. En outre, l'appelante était une "victime" en vertu de la LCDP en ce sens que la discrimination contre ses deux filles adoptives a "injustement été portée" sur elle.

Le Tribunal n'a pas commis d'erreur en reconnaissant la pertinence de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Le mot "adopted" (adopté), tel qu'il est employé dans la version anglaise de l'alinéa 3(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté, n'est pas réputé se rapporter implicitement aux adoptions "légitimes", de sorte que l'alinéa 5(2)a ), et nécessairement les dispositions de la Loi sur l'immigration, ne s'appliquent pas. Enfin, ce n'était pas l'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la citoyenneté qui était pertinent en l'espèce, mais l'alinéa 3(1)e) ainsi que l'alinéa 5(2)a). Le Tribunal a commis une erreur en statuant sur la question de savoir si l'alinéa 15g) de la LCDP justifiait les exigences relatives à la résidence permanente imposées par cette disposition. Le ministre n'a pas été avisé que l'alinéa 5(2)a) était en litige et qu'il devait présenter une preuve en vue de justifier chacune de ses exigences. Il était impossible de souscrire à la conclusion du Tribunal, à savoir que l'attribution de la citoyenneté constitue un service destiné au public au sens de la LCDP, et que le Tribunal a donc compétence pour négocier avec le ministre responsable la façon dont les dispositions de la Loi sur la citoyenneté doivent s'appliquer dans l'avenir.

La décision rendue par la Cour dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Druken, [1989] 2 C.F. 24 (C.A.) n'étayait pas la thèse selon laquelle le refus d'accorder des prestations d'assurance-chômage (ou la citoyenneté en l'espèce) avait pour effet de priver une personne d'un service au sens de la LCDP, mais montrait uniquement que le procureur général avait concédé la chose. La Cour n'était pas empêchée d'examiner la question dans des affaires subséquentes.

L'alinéa 3(1)e) de la nouvelle Loi prévoyait que les enfants nés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi (15 février 1977) (ce qui comprenait les deux filles adoptives de l'appelante) avaient automatiquement droit à la citoyenneté s'ils étaient visés par les dispositions de l'alinéa 5(1)b) de l'ancienne Loi, c'est-à-dire s'ils pouvaient établir qu'ils étaient nés d'un père ayant qualité de citoyen, ou encore d'une mère ayant qualité de citoyenne s'ils étaient nés "en dehors du mariage". Par conséquent, les filles adoptives de l'appelante pouvaient uniquement obtenir la citoyenneté canadienne au moyen de l'application de l'alinéa 5(2)a ) de la nouvelle Loi, qui incorpore par renvoi l'exigence relative à la résidence permanente prévue par la Loi sur l'immigration. La discrimination découlait de l'alinéa 3(1)e) parce qu'elle privait les filles adoptives de l'appelante du droit d'obtenir automatiquement la citoyenneté, droit qui est reconnu aux enfants nés à l'étranger de parents ayant qualité de citoyen. La discrimination découlait de l'alinéa 5(2)a) parce qu'elle imposait aux enfants adoptés l'obligation d'être admis au Canada à titre de résidents permanents conformément à tous les critères pertinents énoncés dans la Loi sur l'immigration. Ce n'étaient pas les dispositions de la Loi sur l'immigration qui étaient discriminatoires, mais le fait que l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté incorporait par renvoi les exigences relatives à la résidence permanente imposées par la Loi sur l'immigration.

Une fois que l'appelante avait fait la preuve prima facie de l'existence d'une discrimination, il incombait au ministre d'établir l'existence d'un motif justifiable à l'égard de l'acte discriminatoire visé à l'alinéa 15g) de la LCDP. Plus précisément, le ministre était tenu d'établir que chacune des exigences était "raisonnablement nécessaire" en ce sens qu'il n'existait aucune solution de rechange raisonnable qui serait moins contraignante pour les enfants adoptés nés à l'étranger et qui permettrait au ministre d'atteindre les objectifs visés par le législateur. Malheureusement, le ministre ne l'a pas fait, parce que les deux parties ont mis l'accent sur la question de savoir si le traitement différent donnant lieu à l'acte discriminatoire était justifié pour le motif qu'il était nécessaire d'empêcher les adoptions de convenance. Toutefois, ce n'est qu'à la fin des plaidoyers présentés en réponse que la Commission a soutenu pour la première fois que l'alinéa 5(2)a ) de la Loi sur la citoyenneté était en cause. Il était alors trop tard pour poursuivre cet argument sans rouvrir l'audience.

Le juge des requêtes n'a pas commis d'erreur de fait en concluant qu'il y avait eu violation de la justice naturelle dans la présente espèce.

Le juge Strayer, J.C.A.: Il faut souscrire à l'avis du juge Robertson en ce qui concerne le règlement de l'appel. Il ne s'agissait pas d'une affaire fondée sur la Charte; l'application de la Loi relevait du tribunal spécialisé. Il ne s'agissait pas d'un cas tel que celui qui existait dans Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 R.C.S. 358, sur lequel l'appelante et le juge Linden s'appuyaient, où le fondement de la distinction (entre les enfants nés d'un père canadien et ceux nés d'une mère canadienne) ne pourrait manifestement pas être justifié en vertu de l'article premier de la Charte. S'il s'agissait ici d'un litige ordinaire, il serait possible de rejeter l'appel et de clore le dossier parce que la question relative à l'alinéa 5(2)a) n'a pas été plaidée. Mais la justice exige que l'affaire soit renvoyée au Tribunal pour réexamen de façon que les parties bénéficient des règles de justice naturelle.

Le juge Linden, J.C.A. (dissident): l'appel devrait être accueilli.

Il s'agissait principalement de savoir si les enfants adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens faisaient l'objet de discrimination en ce sens qu'ils se voyaient refuser l'attribution "automatique" de la citoyenneté, contrairement aux enfants nés à l'étranger de parents ayant qualité de citoyen. L'argument du ministre exigerait que la Cour reconnaisse que, parce que les adoptions frauduleuses posaient un problème, les dispositions de l'alinéa 5(2)a ) constituaient des mesures appropriées en vue de régler ce problème, et que c'était donc l'habitude d'appliquer aux enfants adoptés les dispositions de cet alinéa qui donnait lieu à "l'acte discriminatoire" en question. L'acte discriminatoire consistait à empêcher les enfants adoptés de se prévaloir de l'article 3, en vertu duquel la citoyenneté leur serait attribuée automatiquement. Le groupe de référence était composé des "enfants dont les parents sont citoyens canadiens".

Il s'agissait donc principalement de savoir si l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté créait une distinction illicite à l'égard des enfants adoptés et de leurs parents et, dans l'affirmative, s'il existait un motif justifiable conformément à l'alinéa 15g) de la LCDP.

Par le passé, les enfants adoptés et leurs parents avaient énormément de difficulté à obtenir les mêmes droits que les enfants non adoptés. De nos jours, dès que le droit reconnaît qu'une personne a été légalement adoptée, aucune distinction ne peut plus être faite entre cette personne et la personne qui n'a pas été adoptée.

L'article 3 de la Loi sur la citoyenneté est expressément discriminatoire, parce que les enfants adoptés par des citoyens canadiens n'acquièrent pas automatiquement la citoyenneté canadienne. La distinction n'est pas uniquement fondée sur le lieu de naissance. La distinction est fondée sur le statut différent"celui d'enfant adopté et celui d'enfant biologique.

Il n'existait pas de motif justifiable de ne pas attribuer automatiquement la citoyenneté aux enfants adoptés. En l'espèce, la législation visait à empêcher les abus qui pourraient être commis si les gens essayaient sans motif légitime de contourner le système de l'immigration en utilisant l'adoption comme moyen d'être admis au Canada sans être pour autant admissibles à titre d'immigrants. Toutefois, il était possible d'assurer l'intégrité du système canadien d'immigration sans faire de distinction illicite à l'égard des enfants adoptés. Il suffisait d'établir que l'adoption avait été effectuée conformément au droit local et qu'elle avait créé un véritable lien de filiation. Pour qu'une adoption soit véritable, elle doit nécessairement être conforme au droit et être effectuée de bonne foi; l'adoption fictive qui vise simplement à contourner la loi n'est pas une adoption. La vérification effectuée à l'égard des enfants adoptés ainsi qu'à l'égard des enfants nés d'un parent canadien permettrait au ministre, qui a le pouvoir d'enquêter sur le caractère véritable d'une adoption, d'éliminer les adoptions de convenance. Il est également loisible au gouverneur en conseil d'annuler un stratagème frauduleux destiné à permettre l'acquisition de la citoyenneté.

Dans la mesure où nous attribuons la citoyenneté de plein droit aux enfants de citoyens, en croyant que le fait qu'ils sont les enfants de citoyens crée un lien suffisant avec le Canada, ce droit doit être accordé sans qu'il soit fait de distinction entre les enfants adoptés et les autres enfants.

Les intimés et le juge des requêtes avaient l'impression erronée que l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté n'était pas discriminatoire, étant donné qu'il traitait tous les ressortissants étrangers de la même façon. Toutefois, c'était le fait même que l'article 3 excluait expressément les filles de l'appelante qui constituait de la discrimination dans ce cas-ci. L'alinéa 5(2)a) de la Loi n'avait rien à voir avec le règlement des questions qui se posaient en l'espèce. C'était l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté, qui traite de la citoyenneté de plein droit, qui était en litige. Les dispositions relatives à la procédure de naturalisation figurant à l'alinéa 5(2)a) n'intéressaient pas l'appelante, étant donné qu'elle n'avait pas l'intention de faire naturaliser ses filles de la façon régulière. On ne saurait donc pas dire qu'il y a eu violation de la justice naturelle en ce qui concerne la façon dont cette cause a été présentée et traitée.

Le Tribunal a eu raison de conclure que l'effet que les dispositions discriminatoires de la Loi sur la citoyenneté avaient sur les filles de Mme McKenna était suffisamment direct pour que l'appelante soit considérée comme une victime au sens de la LCDP et pour qu'il soit enjoint au ministre d'attribuer immédiatement la citoyenneté aux deux filles.

Les autres ordonnances réparatrices, à savoir l'ordonnance selon laquelle le ministre devait cesser d'appliquer la loi d'une façon qui fait une distinction illicite et consulter la Commission canadienne des droits de la personne au sujet des mesures à prendre, étaient conformes à l'arrêt Canada (Procureur général) c. Druken. Toutefois, il était impossible de souscrire à l'ordonnance portant que le ministre cesse d'appliquer l'alinéa 5(2)a) d'une façon discriminatoire étant donné que cette disposition n'était pas en litige en l'espèce et qu'aucune conclusion ne pouvait être tirée à ce sujet.

Cette décision n'était pas une décision constitutionnelle dans laquelle une règle de droit était déclarée invalide. Il s'agissait simplement d'une affaire individuelle de discrimination résultant de l'application inéquitable d'une disposition particulière à deux enfants légalement adoptées et à leurs parents. Rien n'empêcherait le gouvernement en l'espèce de tenter dans l'avenir d'établir l'existence de motifs justifiables.

lois et règlements

Adoption Act, R.S.B.C. 1936, ch. 6, art. 10(1).

Adoption Act, R.S.B.C. 1996, ch. 5, art. 37, 47.

Adoption Act, R.S.N.B. 1952, ch. 3, art. 30(2).

Adoption Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. A-4, art. 18(1), 26.

Adoption Act, 1976, Acts of the Oireachtas, vol. II, no 29, art. 7.

Adoption of Children Act, R.S.N. 1990, ch. A-3, art. 20, 24.

British Nationality Act 1981 (U.K.), 1981, ch. 61, art. 3(1).

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, n 44], art. 1, 15.

Child Welfare Act, S.A. 1984, ch. C-8.1, art. 65, 70.

Child Welfare Act (The), R.S.A. 1955, ch. 39, art. 83, 84(1).

Children's Services Act, R.S.N.S. 1989, ch. 68, art. 23, 29.

Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 569, 574.

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 155 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 21).

Code ontarien des droits de la personne, L.R.O. 1980, ch. 340.

Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989, [1992] R.T. Can. no 3, Art. 21.

Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, La Haye, 29 mai 1993.

Family Services Act (The), R.S.S. 1978, ch. F-7, art. 60(2)b), 66.

Immigration and Nationality Act, 8 U.S.C. " 1433 (1994).

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 3, 5, 15g), 40(5), 53(2)a).

Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, ch. 33, art. 5.

Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, ch. 48, art. 3(2)c), 4(3)d) (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 80, art. 2).

Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 3(1)b),e), 5(2)a), 10.

Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, ch. 108.

Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, ch. C-19, art. 5(1)b).

Loi sur l'adoption, L.R.N.-B. 1973, ch. A-3, art. 30, 35.

Loi sur les services à l'enfant et à la famille, L.M. 1985-86, ch. 8, art. 57, 61(1).

Loi sur les services à l'enfance et à la famille, L.R.O. 1990, ch. C.11, art. 158(2).

Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 3; L.C. 1992, ch. 47, art. 77; ch. 49, art. 11; 1995, ch. 15, art. 2; 1996, ch. 19, art. 83), 24 (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 4), 27 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 4; L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16; 1995, ch. 15, art. 5).

Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 2(1) "adopté" (mod. par. DORS/93-44, art. 1).

jurisprudence

décisions appliquées:

Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321; (1992), 9 O.R. (3d) 224; 93 D.L.R. (4th) 346; 138 N.R. 1; 55 O.A.C. 81; Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279; (1988), 53 D.L.R. (4th) 609; 10 C.H.R.R. D/5515; 88 CLLC 17,031.

décision examinée:

Canada (Procureur général) c. Druken, [1989] 2 C.F. 24; (1988), 53 D.L.R. (4th) 29; 23 C.C.E.L. 15; 9 C.H.R.R. D/5359; 88 CLLC 17,024; 88 N.R. 150 (C.A.).

décisions mentionnées:

Gill (B.S.) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 122 F.T.R. 251; 36 Imm. L.R. (2d) 67 (C.F. 1re inst.); conf. par (1998), 229 N.R. 267 (C.A.F.); Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 R.C.S. 358; (1997), 143 D.L.R. (4th) 577; 42 C.R.R. (2d) 1; 37 Imm. L.R. (2d) 195; 208 N.R. 81; Clement Estate, Re, [1962] R.C.S. 235; Schafer v. Canada (Attorney General) (1996), 29 O.R. (3d) 496; 135 D.L.R. (4th) 707; 24 C.C.E.L. (2d) 1; 39 C.C.L.I. (2d) 33; 4 O.T.C. 20 (Div. gén.); inf. par (1997), 35 O.R. (3d) 1; 149 D.L.R. (4th) 705; 102 O.A.C. 321; 33 O.T.C. 240 (C.A.); Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679; (1992), 93 D.L.R. (4th) 1; 92 CLLC 14,036; 10 C.R.R. (2d) 1; 139 N.R. 1; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114; (1987), 40 D.L.R. (4th) 193; 27 Admin. L.R. 172; 87 CLLC 17,022; 76 N.R. 161; Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpsons-Sears Ltd. et autres, [1985] 2 R.C.S. 536; (1985), 52 O.R. (2d) 799; 23 D.L.R. (4th) 321; 17 Admin. L.R. 89; 9 C.C.E.L. 185; 7 C.H.R.R. D/3102; 64 N.R. 161; 12 O.A.C. 241; Dickason c. Université de l'Alberta, [1992] 2 R.C.S. 1103; (1992), 127 A.R. 241; 95 D.L.R. (4th) 439; [1992] 6 W.W.R. 385; 4 Alta. L.R. (3d) 193; 17 C.H.R.R. D/387; 92 CLLC 17,033; 11 C.R.R. (2d) 1; 141 N.R. 1; 20 W.A.C. 241; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 25 C.C.E.L. 255; 10 C.H.R.R. D/5719; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255; Bell c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1996), 136 D.L.R. (4th) 286; 33 Imm. L.R. (2d) 305; 197 N.R. 315 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Rosin, [1991] 1 C.F. 391; (1990), 34 C.C.E.L. 179; 91 CLLC 17,011 (C.A.); Commission ontarienne des droits de la personne et autres c. Municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202; (1982), 132 D.L.R. (3d) 14; 82 CLLC 17,005; 40 N.R. 159; Pabo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 53 (C.I.S.R. (SAI)); Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 37; (1990), 11 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.); Glynos c. Canada, [1992] 3 C.F. 691; (1992), 96 D.L.R. (4th) 95; 148 N.R. 66 (C.A.); Cheung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 2 C.F. 314; (1993), 19 Imm. L.R. (2d) 81 (C.A.); Singh (Re), [1989] 1 C.F. 430; (1988), 51 D.L.R. (4th) 673; 86 N.R. 69 (C.A.).

APPEL d'une décision de la Section de première instance (Canada (Procureur général) c. McKenna, [1995] 1 C.F. 694; (1994), 88 F.T.R. 202 (1re inst.)) accueillant une demande de contrôle judiciaire d'une décision du Tribunal des droits de la personne (McKenna c. Canada (Ministère du Secrétariat d'État), [1993] D.C.P.D. no 18 (QL)) dans laquelle il avait été statué que le traitement différent dont faisaient l'objet les enfants adoptés et les enfants biologiques nés à l'étranger constituait à première vue de la discrimination. Appel rejeté.

ont comparu:

Mary Eberts et Margaret Manktelow pour l'appelante.

Brian Saunders pour le procureur général du Canada, intimé.

Margaret R. Jamieson pour la Commission canadienne des droits de la personne, intimée.

Willa Marcus et John A. Myers pour l'Adoption Council of Canada, intervenant.

avocats inscrits au dossier:

Eberts Symes Street & Corbett, Toronto, pour l'appelante.

Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada, intimé.

La Commission canadienne des droits de la personne, Ottawa, pour la Commission canadienne des droits de la personne, intimée.

Willa Marcus, Toronto, et Taylor, McCaffrey, Winnipeg, pour l'Adoption Council of Canada, intervenant.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Strayer, J.C.A.: J'ai lu les motifs de mes collègues et j'ai conclu que je dois souscrire à l'avis du juge Robertson, J.C.A., en ce qui concerne le règlement du présent appel.

Je suis d'accord avec mes deux collègues pour dire que le juge des requêtes [[1995] 1 C.F. 694] a commis une erreur en omettant de conclure que le paragraphe 3(1) de la Loi sur la citoyenneté [L.R.C. (1985), ch. C-29] crée à première vue une distinction à l'égard des enfants nés à l'étranger et adoptés par des citoyens canadiens, contrairement à ce qui se produit dans le cas des enfants nés à l'étranger de parents qui sont citoyens canadiens. Je suis prêt à reconnaître qu'il s'agit d'une forme de discrimination prohibée par l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne [L.R.C. (1985), ch. H-6] en ce qui concerne la fourniture d'un service, mais comme le juge Robertson, je me demande si l'attribution de la citoyenneté à une personne née à l'étranger peut à juste titre être considérée comme un "service [. . .] destiné [. . .] au public". Toutefois, cette question n'a pas été débattue devant nous.

Je suis également d'accord avec mes collègues pour dire que l'appelante Shirley McKenna, en sa qualité de mère adoptive de deux filles nées en Irlande, peut être considérée comme une "victime", au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne .

Je souscris à l'avis du juge Robertson, lorsqu'il confirme la conclusion subsidiaire tirée par le juge des requêtes, à savoir que le Tribunal avait violé les règles de justice naturelle [McKenna c. Canada (Ministère du Secrétariat d'État), [1993] D.C.D.P. no 18 (QL)]. Cette violation découlait du fait que le Tribunal avait conclu au caractère injustifiable des exigences de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, qui prévoit la façon dont les enfants étrangers nés à l'étranger et adoptés par des citoyens canadiens peuvent devenir citoyens canadiens, à savoir en satisfaisant aux exigences relatives à la résidence permanente imposées à tous les autres ressortissants non canadiens. Je conviens que, selon le dossier, le Tribunal n'a pas été saisi de l'affaire de la façon appropriée. Ayant été informée par des fonctionnaires que l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté ne rendait pas ses filles adoptives habiles à devenir citoyennes canadiennes, l'appelante a déposé devant la Commission une plainte dans laquelle elle alléguait avoir fait l'objet de discrimination parce que ses filles [traduction] "n'avaient pas automatiquement droit à la citoyenneté canadienne". Elle ne soutenait pas subsidiairement que si la Loi canadienne sur les droits de la personne n'exigeait pas l'attribution automatique de la citoyenneté, d'autres modalités d'obtention de la citoyenneté prévues par la Loi sur la citoyenneté étaient néanmoins inacceptables parce qu'elles comportaient des conditions injustifiées. En examinant cette plainte, le Tribunal a lui-même statué que le fait d'attribuer automatiquement la citoyenneté aux enfants adoptés "permettrait à certaines personnes de contourner les exigences de la législation canadienne en matière d'immigration" et qu'il était donc raisonnable d'imposer d'autres conditions en plus de celles prévues à l'article 3. Cependant, le Tribunal a ensuite statué, sans motif, sur la question de savoir si les conditions imposées à l'article 5 étaient raisonnables, question dont il n'avait pas été saisi dans le cadre de la présentation de la preuve, comme le montre clairement le dossier.

En concluant que l'affaire doit être renvoyée au Tribunal, comme l'a proposé le juge Robertson, je songe à deux considérations fondamentales.

En premier lieu, il s'agit ici d'un contrôle judiciaire; la Cour appelée à exercer ce contrôle, et cette Cour en appel, ne peuvent pas simplement substituer leurs opinions sur les faits et le droit à celles du tribunal et tirer la conclusion qu'elles estiment exacte. Nous devons nous fonder sur le dossier tel qu'il nous a été présenté et nous limiter aux critères applicables au contrôle judiciaire, tout en nous rappelant à tout moment qu'il ne peut pas facilement être remédié à une violation des règles de justice naturelle dans le cadre de pareil contrôle. Nous devons nous assurer que le Tribunal agit d'une façon légitime, mais il appartient au Tribunal de rendre une décision sur les faits, une fois que ces faits ont été débattus devant lui de la façon appropriée. Compte tenu des faits tels qu'ils ont été débattus devant lui, le Tribunal a conclu qu'il était "raisonnable et justifiable" d'exiger plus que l'attribution "automatique" de la citoyenneté en vertu de l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté . Je ne suis pas convaincu que nous devrions maintenant statuer que le Tribunal aurait dû interpréter l'article 3 comme s'appliquant aux enfants adoptés, quels que soient le moment et le lieu où ils sont nés, puis limiter le sens du mot "adoption" comme l'a proposé le juge Linden, J.C.A. Entre autres choses, on omettrait ainsi de tenir compte du fait que d'autres dispositions de la Loi sur la citoyenneté prévoient l'attribution de la citoyenneté dans le cas des enfants adoptés. Pourtant, ce n'est que de cette façon que nous pourrions enjoindre au Tribunal de tirer une conclusion non fondée sur l'article 5, mais ayant pour effet d'exiger que la citoyenneté soit attribuée aux personnes en question.

En second lieu, il ne s'agit pas ici d'une affaire fondée sur la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]]; or, l'application de la Loi, lorsque réalisée d'une manière légitime, relève initialement du tribunal spécialisé, et ce, même si en fin de compte les conclusions de droit que celui-ci tire sont susceptibles de révision. Il ne s'agit pas ici d'un cas tel que celui qui existait dans l'arrêt Benner c. Canada (Secrétaire d'État)1, sur lequel l'appelante et le juge Linden s'appuient, où le fondement de la distinction"à savoir, la distinction entre les enfants nés d'un père canadien et ceux nés d'une mère canadienne"ne pourrait manifestement pas être justifié en vertu de l'article premier de la Charte. Je crois qu'en l'espèce, le Tribunal, qui a décidé que l'attribution automatique de la citoyenneté selon l'article 3 n'était pas exigée, aurait dû, en avisant l'intimé d'une façon appropriée, se demander si, compte tenu de la preuve présentée à l'égard de l'alinéa 5(2)a ) de la Loi sur la citoyenneté, les exigences imposées par cette disposition sont raisonnablement justifiées au sens où l'entend la Loi canadienne sur les droits de la personne. S'il s'agissait ici d'un litige ordinaire, il nous serait loisible, à proprement parler, de rejeter simplement l'appel et de clore le dossier parce que la question relative à l'alinéa 5(2)a) n'a jamais été plaidée, mais la justice me paraît exiger que le Tribunal ait la possibilité, si l'appelante le désire, d'examiner de nouveau l'affaire en tenant compte de toutes les questions pertinentes tout en respectant les règles de justice naturelle. Il faut éviter de faire preuve d'autant de rigueur qu'en matière de procédure civile dans des audiences telles que celle-ci, à condition que les exigences relatives à l'équité soient satisfaites.

Par conséquent, je suis d'avis de régler l'appel de la façon dont le juge Robertson, J.C.A. propose de le faire.

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Linden, J.C.A.: (dissident): En l'espèce, il s'agit principalement de savoir si les enfants adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens font l'objet de discrimination en ce sens qu'ils se voient refuser l'attribution "automatique" de la citoyenneté, contrairement aux enfants nés à l'étranger de parents ayant qualité de citoyen. Ou encore, les parents canadiens, qui ne peuvent pas transmettre leur citoyenneté aux enfants qu'ils ont adoptés à l'étranger comme ils peuvent le faire à l'égard des enfants à qui ils ont donné naissance, font-ils l'objet de discrimination?

Les faits

L'appelante, Mme McKenna, est une citoyenne canadienne qui habite en Irlande. Elle a trois fils qui sont nés au Canada et qui ont obtenu la citoyenneté canadienne de plein droit. Son mari et elle ont également adopté, en Irlande, deux filles, Mary Caragh et Siobhan Maria. Les deux filles sont nées en Irlande et ont été adoptées conformément au droit irlandais. Mary Caragh est née le 24 mai 1974 et a été adoptée le 20 mai 1975. Siobhan Maria est née le 21 janvier 1975 et a été adoptée le 19 février 1976. Mme McKenna se débat depuis près de 20 ans pour obtenir pour ses deux filles adoptives la citoyenneté qui a été si facilement été attribuée à ses fils.

En 1979, la famille a décidé de faire un séjour au Canada et Mme McKenna a présenté une demande à l'ambassade du Canada à Dublin, en Irlande, en vue d'obtenir des passeports canadiens pour ses filles. Il n'a pas été fait droit à cette demande parce que, comme on l'a fait savoir à l'appelante, les filles, puisqu'elles étaient nées en Irlande de parents irlandais, n'étaient pas canadiennes de naissance, et parce que l'appelante ne pouvait pas leur transmettre sa citoyenneté. Les fonctionnaires de l'ambassade ont confirmé que si les filles avaient été les enfant biologiques de l'appelante nées en Irlande, elles auraient obtenu la citoyenneté canadienne de plein droit. En avril 1986, après l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de la Charte canadienne des droits et libertés, l'appelante a écrit au ministère de la Justice, à Ottawa, pour l'informer de ce que l'ambassade du Canada, à Dublin, lui avait dit en 1979, et pour demander si la politique avait changé. Le ministère de la Justice a répondu par une lettre datée du 12 mai 1986, dans laquelle Catherine Lane, greffière de la citoyenneté, a expliqué qu'il était fondamentalement possible d'acquérir la nationalité dérivée de deux façons: selon le jus soli (droit du sol) ou selon le jus sanguinis (droit du sang). Mme Lane a fait remarquer que [traduction] "[l]'enfant biologique et l'enfant adopté n'ont jamais été traités de la même façon par la loi canadienne en matière de nationalité"2. Elle a ajouté que les enfants adoptés pouvaient, s'ils le désiraient, demander la citoyenneté au moyen de la naturalisation.

Parler de l'attribution "automatique" de la citoyenneté selon le principe du jus soli ou du jus sanguinis est une façon sommaire de décrire les modalités plutôt simples par lesquelles les enfants nés à l'étranger de parents canadiens peuvent obtenir la citoyenneté canadienne. En fait, la citoyenneté n'est pas attribuée "automatiquement", mais il est très facile de remplir les conditions nécessaires"essentiellement, il s'agit tout simplement de confirmer certains faits, c'est-à-dire qu'il faut prouver que le parent est citoyen canadien et que l'enfant est né de ce parent à l'étranger. En ce qui concerne les enfants adoptés à l'étranger, des conditions plus rigoureuses doivent être remplies, et ce, à cause de l'alinéa 3(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté, qui exclut expressément les enfants adoptés de la définition des personnes qui acquièrent automatiquement la citoyenneté canadienne:

3. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne:

[. . .]

b) née à l'étranger après le 14 février 1977 d'un père ou d'une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance;

Pour respecter les exigences de l'alinéa 3(1)b), il suffit de démontrer que la personne en cause est née à l'étranger et que le père ou la mère était citoyen canadien au moment de la naissance. Toutefois, dans le cas d'un enfant adopté, ce sont les exigences du paragraphe 5(2) de la Loi qui s'appliquent:

5. [. . .]

(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté:

a) sur demande qui lui est présentée par la personne autorisée par règlement à représenter celui-ci, à l'enfant mineur d'un citoyen, légalement admis au Canada à titre de résident permanent et n'ayant pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration;

Cette disposition exige que l'enfant adopté, comme tous les autres ressortissants étrangers, remplisse les conditions d'admission aux fins de la résidence permanente prévues par la Loi sur l'immigration. Cela veut dire qu'en plus d'établir simplement que l'enfant en question a légitimement été adopté par un citoyen canadien, il faut prouver qu'il a établi une résidence permanente au Canada et qu'il a l'intention de résider en permanence au Canada, et soumettre des attestations concernant la santé, la sécurité et la criminalité3. Une distinction est donc faite entre les enfants biologiques et les enfants adoptés. Les premiers sont automatiquement citoyens canadiens alors que les derniers doivent être admissibles à titre d'immigrants, devenir résidents permanents et se faire naturaliser, soit une procédure beaucoup plus rigoureuse.

À la suite de la réponse donnée par Mme Lane en 1986, Mme McKenna a déposé une plainte pour son propre compte, le 30 mars 1987, devant l'intimée, soit la Commission canadienne des droits de la personne, contre le Secrétariat d'État du Canada4. La plainte était fondée sur un motif de distinction illicite prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne5, soit la situation de famille, étant donné que les filles de l'appelante n'avaient pas obtenu la citoyenneté canadienne parce que les McKenna n'étaient pas leurs parents biologiques. Les dispositions pertinentes de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoient ce qui suit:

3. (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

[. . .]

5. Constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public:

a) d'en priver un individu;

b) de le défavoriser à l'occasion de leur fourniture.

[. . .]

15. Ne constituent pas des actes discriminatoires:

[. . .]

g) le fait qu'un fournisseur de biens, de services, d'installations ou de moyens d'hébergement destinés au public, ou de locaux commerciaux ou de logements en prive un individu ou le défavorise lors de leur fourniture pour un motif de distinction illicite, s'il a un motif justifiable de le faire.

Dans une décision datée du 8 octobre 1993, le Tribunal des droits de la personne a conclu qu'il y avait eu discrimination et qu'il n'existait aucun motif justifiable d'imposer aux enfants adoptés l'obligation de se faire naturaliser. Selon le Tribunal, les seules exigences justifiables étaient: qu'il fallait s'assurer que l'adoption avait été effectuée de la façon appropriée conformément aux lois locales et que l'adoption créait un véritable lien de filiation entre le parent et l'enfant. Selon Mme Mactavish, qui constituait le Tribunal, on n'avait présenté aucun élément de preuve à l'appui des exigences prévues à l'alinéa 5(2)a) de la Loi relativement à la naturalisation, à titre de motif justifiable permettant de faire une distinction entre les enfants adoptés et les enfants biologiques. Comme le Tribunal l'a dit, "[l]'intimé n'a présenté aucune preuve permettant d'expliquer pourquoi les enfants adoptés devraient faire l'objet d'un examen préliminaire aux fins de la citoyenneté pour des raisons liées à la santé, à la criminalité ou à la sécurité, tandis que les enfants biologiques ne seraient pas astreints à des exigences de cette nature"6. Le Tribunal a conclu que Mme McKenna elle-même était suffisamment touchée par l'acte discriminatoire pour être considérée comme une "victime" en vertu de la loi et il a attribué la citoyenneté aux filles en tant que réparation. De plus, il a ordonné à l'intimé de cesser la pratique discriminatoire que constitue l'application des dispositions de la Loi, notamment l'alinéa 5(2)a ), de façon à faire une distinction à l'égard des enfants adoptés par les citoyens canadiens. Enfin, il a été ordonné à l'intimé de consulter la Commission des droits de la personne au sujet des mesures ordonnées.

À la suite d'une demande de contrôle judiciaire présentée devant la Section de première instance de la Cour fédérale, la décision du Tribunal a été infirmée. Dans une décision datée du 8 décembre 1994, le juge des requêtes a entre autres conclu à l'absence de discrimination parce que tous les enfants nés à l'étranger de parents qui ne sont pas des citoyens canadiens sont traités de la même façon. Le juge des requêtes a également conclu, dans le cadre d'une opinion incidente, qu'il y avait eu violation de la justice naturelle en ce sens que l'intimé n'avait pas été avisé d'une façon adéquate que les exigences de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté devaient être examinées par le Tribunal. Voici ce que le juge des requêtes a dit:

J'ai conclu qu'il y a eu violation de la justice naturelle qui paraît être survenue parce que les questions litigieuses n'ont jamais été identifiées ou définies de façon adéquate. Dans sa plainte, la plaignante n'a mentionné aucun article de la Loi sur la citoyenneté. Le texte de la plainte met l'accent sur la citoyenneté automatique et l'inéligibilité des filles à la citoyenneté de plein droit7.

Enfin, le juge des requêtes a conclu que le Tribunal avait commis une erreur en accordant une réparation aux filles, étant donné que celles-ci n'étaient pas des victimes en vertu de l'alinéa 40(5)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

À mon avis, l'appel doit être accueilli. Je souscris au résultat auquel le Tribunal est arrivé, mais je ne souscris pas à certains motifs énoncés par Mme Mactavish. Il y avait énormément de confusion devant le Tribunal en ce qui concerne la disposition de la Loi qui était examinée. L'article 3 de la Loi fait une distinction entre les enfants biologiques et les enfants naturels et a pour effet d'obliger les enfants adoptés à se faire naturaliser afin d'obtenir la citoyenneté. L'alinéa 5(2)a) de la Loi impose ensuite des exigences additionnelles aux enfants adoptés en ce sens qu'ils doivent être admis à titre de résidents permanents en vertu de la Loi sur l'immigration. Mme Mactavish a conclu que les exigences prévues à l'alinéa 5(2)a) n'étaient pas fondées sur un motif justifiable sauf en ce qui concerne la condition selon laquelle il fallait prouver que l'adoption avait légitimement eu lieu. Toutefois, ce n'est pas l'alinéa 5(2)a) qui est en cause dans ce cas-ci. La plainte de Mme McKenna était fondée sur ce que l'article 3 faisait une distinction illicite à son égard parce qu'il avait pour effet de défavoriser ses filles adoptives par rapport à ses enfants biologiques. Le Tribunal a commis une erreur en tirant une conclusion à l'égard de l'alinéa 5(2)a) et de fait si cette disposition était pertinente aux fins qui nous occupent, il serait peut-être nécessaire de renvoyer l'affaire au Tribunal pour nouvelle décision étant donné que le ministre n'a pas été avisé que cette disposition était en cause. La confusion qui régnait sur ce point semble être en bonne partie attribuable à la façon dont la preuve a été présentée tant devant le Tribunal que devant la Section de première instance. Le problème ne s'est pas posé devant cette Cour, et ce, grâce aux arguments forts valables que les avocats des parties ainsi que l'intervenant, soit l'Adoption Council of Canada, ont présentés.

Comme nous le verrons, l'argument du ministre exige que nous reconnaissions que, parce que les adoptions frauduleuses posent un problème, les dispositions de l'alinéa 5(2)a) constituent des mesures appropriées en vue de régler ce problème, et que c'est donc l'habitude d'appliquer aux enfants adoptés les dispositions de l'alinéa 5(2)a) qui donne lieu à "l'acte discriminatoire" en question. Toutefois, cet acte discriminatoire ne consiste pas à appliquer les dispositions de l'alinéa 5(2)a ), mais à empêcher les enfants adoptés de se prévaloir de l'article 3, en vertu duquel la citoyenneté leur serait attribuée automatiquement.

La confusion est en partie attribuable à la façon ambiguë dont les groupes de référence ont été définis dans ce cas-ci. Aux fins de son plaidoyer, le ministre suppose que le groupe de référence est composé des "enfants nés de parents qui ne sont pas citoyens canadiens". Les McKenna présument que le groupe de référence est composé des "enfants dont les parents sont citoyens canadiens". Il s'agit d'une différence cruciale. Dans le premier cas, l'alinéa 5(2)a ) s'applique à tous les enfants nés de parents qui ne sont pas citoyens canadiens et, par conséquent, il n'y a pas de discrimination. Dans le second cas, un groupe d'enfants est assujetti à une procédure beaucoup plus rigoureuse, de sorte qu'il y a discrimination. Si la position prise par le ministre était exacte, il ne serait pas nécessaire de fournir une justification, car il n'y aurait rien qui soit susceptible de constituer un acte discriminatoire. Par conséquent, même dans ce cas-là, les dispositions de l'alinéa 5(2)a) ne seraient pas en litige. Toutefois, si le groupe de référence pertinent est celui que les McKenna ont proposé"position à laquelle je souscris"il existe un acte discriminatoire qui, afin de pouvoir être maintenu, doit être justifié. En pareil cas, les dispositions de l'alinéa 5(2)a ) ne sont pas pertinentes, parce qu'il ne s'agit pas de savoir "pourquoi ces enfants doivent se faire naturaliser", mais plutôt "pourquoi ces enfants ne sont pas automatiquement citoyens canadiens". Ce raisonnement est conforme aux remarques que le juge Iacobucci a faites dans l'arrêt Benner c. Canada (Secrétaire d'État)8 où, dans le contexte de l'article premier de la Charte, il a dit ceci:

L'intimé a soutenu que l'obligation de prêter serment et celle de se soumettre à une enquête de sécurité sont des moyens parfaitement rationnels de s'assurer que les personnes qui deviennent citoyens canadiens partagent notre engagement envers le Canada et qu'elles ne constituent pas une menace pour la sécurité nationale. Le juge Linden de la Cour d'appel fédérale a retenu cet argument. En toute déférence, je dois exprimer mon désaccord. La question pertinente est celle de savoir si la discrimination a un lien rationnel avec les objectifs législatifs. Nous devons donc nous demander non pas s'il est raisonnable de demander aux éventuels citoyens de prêter serment et de se soumettre à une enquête de sécurité avant de leur attribuer la citoyenneté, mais plutôt s'il est raisonnable de l'exiger uniquement des enfants nés d'une mère canadienne, et non de ceux nés d'un père canadien. Il n'y a manifestement aucun lien inhérent entre cette distinction et les objectifs législatifs poursuivis: les enfants nés d'une mère canadienne ne sont pas, par nature, moins engagés envers le pays ou plus dangereux que ceux nés d'un père canadien9.

Il s'agit donc principalement de savoir si l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté crée une distinction illicite à l'égard des enfants adoptés et de leurs parents et, dans l'affirmative, s'il existe un motif justifiable conformément à l'alinéa 15g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À mon avis, il y a clairement discrimination, et ce, sans motif justifiable. Comme nous le verrons, une fois que la question principale est réglée, les autres questions peuvent également l'être facilement10.

Le contexte dans lequel s'inscrit l'adoption

Par le passé, les enfants adoptés et leurs parents avaient énormément de difficulté à obtenir les mêmes droits que les enfants non adoptés. Dans de nombreux domaines, il a fallu au droit, et à la société, énormément de temps pour se rendre compte que les enfants adoptés sont aussi légitimes que les enfants biologiques. On stigmatisait bien souvent les enfants adoptés parce qu'ils n'étaient pas de "véritables" enfants, que ce soit expressément ou en leur déniant des droits que les enfants non adoptés acquièrent naturellement.

Ces problèmes se manifestent d'une manière évidente dans le domaine du droit des successions. Le droit que possède une personne d'hériter des biens de membres de sa famille est un droit fondamental dans notre culture. Initialement, la législation prévoyait que les enfants adoptés devaient pour l'application de la loi être considérés comme des enfants biologiques, mais ces enfants ne pouvaient pas hériter ab intestat des biens de membres de la famille adoptive autres que leurs parents. Les parents transmettaient automatiquement à leurs enfants biologiques des droits de succession qui n'étaient pas transmis automatiquement à leurs enfants adoptifs. Ainsi, The Child Welfare Act, R.S.A. 1955, ch. 39, article 83, prévoyait que l'enfant adopté était [traduction] "à toutes fins utiles, l'enfant du parent adoptif", mais en vertu du paragraphe 84(1), cet enfant pouvait uniquement hériter ab intestat des biens du parent adoptif et non de ceux des autres membres de la famille. Il s'agissait d'une disposition typique, en ce qui concerne la législation de l'époque11.

L'arrêt Clement Estate, Re12 montre également d'une façon caractéristique les préjugés dont étaient victimes les enfants adoptifs par le passé. Dans cette affaire-là, le testament stipulait que les biens devaient être légués à certaines conditions à la "postérité" de la sœur du testateur au moment du décès de cette dernière. Les demandeurs étaient les enfants de la fille adoptive de la sœur du testateur. Cette fille adoptive était décédée en 1936, à une époque où la législation de l'Ontario ne conférait un droit de succession aux enfants adoptés qu'en vertu du testament de leur parent adoptif. Le juge Judson, au nom de la majorité, a conclu que le droit, tel qu'il était en vigueur le 1er  janvier 1960 (soit à la date du décès de la titulaire de domaine viager (la sœur)), ne pouvait pas avoir pour effet de conférer des droits à la fille adoptive en vertu du testament du frère de cette dernière. Le juge Locke (qui a prononcé des motifs concourants) a été plus direct. Il a conclu que le testament parlait de la "postérité":

[traduction] Il n'y avait pas de tels enfants. La fille adoptive, Margaret Jukes Gordon, n'était pas l'enfant biologique d'Edith Maud Gordon et, si elle avait été vivante, elle n'aurait eu aucun droit et ses enfants n'en ont aucun eux non plus13.

À ce moment-là, l'enfant adopté était d'une façon inéquitable considéré en droit comme étant d'une certaine façon différent des enfants biologiques.

De même, dans d'autres branches du droit, on a tardé à mettre sur le même pied les enfants adoptés et les enfants nés des parents qui avaient effectué l'adoption. On a également tardé à considérer le parent adoptif comme étant le véritable parent de l'enfant adopté. Ainsi, l'article 155 du Code criminel14 traite de l'inceste, dont un élément est que la victime doit être liée par les liens du sang à l'infracteur, et ce, bien que l'inceste soit dégoûtant non pas tant à cause de la relation consanguine (de fait, aucune infraction n'est commise si l'existence des liens du sang n'est pas connue), mais parce que le parent trahit la confiance de son enfant. Il peut donc être surprenant d'apprendre qu'aux termes de l'article 155, le fait d'avoir des rapports sexuels avec un enfant adopté ne constitue pas de l'inceste.

En droit du travail, cette attitude aveugle a existé jusqu'à récemment. Pendant bien des années, les normes de travail provinciales accordaient aux mères biologiques un congé pendant leur grossesse et après la naissance de leur enfant, mais les mères adoptives ne se voyaient accorder aucun congé par suite de l'adoption. Dans la décision Schafer v. Canada (Attorney General)15, le juge Cameron, en première instance, a examiné l'historique des normes de travail:

[traduction] Avant 1984, la législation sur les normes d'emploi n'accordait aux parents adoptifs un congé parental et ne protégeait leur emploi que dans deux ressorts. En 1984, le Code canadien du travail a été modifié de façon à accorder aux parents biologiques et aux parents adoptifs 24 semaines de congé non payé. Les mères biologiques obtenaient toujours un congé de maternité de 17 semaines. En 1986, dans la plupart des provinces et territoires du Canada, la législation sur les normes de travail n'accordait toujours pas de congé parental aux parents adoptifs. L'Ontario n'a accordé pareil congé aux parents adoptifs qu'en 199016.

Cette situation s'est maintenue même si les autorités provinciales exigeaient souvent que les nouveaux parents restent chez eux pendant au moins six mois, après l'adoption.

D'une façon générale, l'historique montre que par le passé, on estimait que les enfants adoptés étaient un "second choix", et que les parents adoptifs n'étaient pas de "véritables" parents. Cependant, au cours des dernières années, il y a eu une évolution marquée et une attitude plus sensible et plus humaine a été adoptée. Dans de nombreux domaines, le droit a commencé à traiter les parents adoptifs et les enfants adoptés avec autant de respect que leurs homologues non adoptés. En droit du travail, un grand nombre des avantages qui étaient autrefois accordés uniquement aux parents biologiques sont maintenant également reconnus aux parents adoptifs17 . Comme nous le verrons, les enfants adoptés sont maintenant traités à peu près de la même façon que les enfants biologiques. Tout stigmate social qui existe encore nous vient du passé et des anciennes attitudes.

La façon dont les enfants adoptés sont traités au Canada dans le contexte de la citoyenneté nous vient également du passé. Il est intéressant de noter qu'ailleurs, les droits des enfants adoptés ont également évolué en faveur de ceux-ci. Selon le droit américain et le droit britannique, les citoyens qui résident à l'étranger peuvent utiliser une procédure accélérée en vue de demander la citoyenneté pour leurs enfants adoptés nés à l'étranger. Aucun de ces régimes n'exige que l'enfant adopté soit admis à titre d'immigrant et se fasse naturaliser. Le droit britannique permet aux citoyens du pays d'inscrire à titre de citoyens leurs enfants adoptés mineurs nés à l'étranger sans aucune exigence médicale et sans aucune exigence relative à la résidence18. Les dispositions du droit britannique sont de nature discrétionnaire, mais aux États-Unis, la citoyenneté doit être attribuée à l'enfant adopté si le parent ou le grand-parent satisfait aux exigences relatives à la résidence19. Chaque pays impose ses propres restrictions, mais dans tous les cas, celles-ci sont moins strictes qu'en droit canadien. Le Canada insiste pour que l'enfant adopté à l'étranger par un citoyen satisfasse aux mêmes exigences rigoureuses que les autres ressortissants étrangers.

Les traités internationaux reconnaissent également les droits des enfants adoptés et renferment des dispositions prévoyant un traitement égal. Ainsi, l'article 21 de la Convention relative aux droits de l'enfant [20 novembre 1989, [1992] R.T. Can no 3] prévoit ceci:

Article 21

Les États parties qui admettent et/ou autorisent l'adoption s'assurent que l'intérêt supérieur de l'enfant est la considération primordiale en la matière, et:

a) Veillent à ce que l'adoption d'un enfant ne soit autorisée que par les autorités compétentes, qui vérifient, conformément à la loi et aux procédures applicables et sur la base de tous les renseignements fiables relatifs au cas considéré, que l'adoption peut avoir lieu eu égard à la situation de l'enfant par rapport à ses père et mère, parents et représentants légaux et que, le cas échéant, les personnes intéressées ont donné leur consentement à l'adoption en connaissance de cause, après s'être entourées des avis nécessaires;

b) Reconnaissent que l'adoption à l'étranger peut être envisagée comme un autre moyen d'assurer les soins nécessaires à l'enfant, si celui-ci ne peut, dans son pays d'origine, être placé dans une famille nourricière ou adoptive ou être convenablement élevé;

c) Veillent, en cas d'adoption à l'étranger, à ce que l'enfant ait le bénéfice de garanties et de normes équivalant à celles existant en cas d'adoption nationale;

d) Prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que, en cas d'adoption à l'étranger, le placement de l'enfant ne se traduise pas par un profit matériel indu pour les personnes qui en sont responsables;

e) Poursuivent les objectifs du présent article en concluant des arrangements ou des accords bilatéraux ou multilatéraux, selon le cas, et s'efforcent dans ce cadre de veiller à ce que les placements d'enfants à l'étranger soient effectués par des autorités ou des organes compétents20.

L'attention qui est portée aux problèmes auxquels fait face l'enfant adopté montre les progrès réalisés au cours des dernières années lorsqu'il s'est agi de créer un monde dans lequel l'enfant adopté est traité de la même façon que l'enfant biologique.

Le droit contemporain de l'adoption

De nos jours, par suite des progrès accomplis partout au monde, dès que le droit reconnaît qu'une personne a été légalement adoptée, aucune distinction ne peut plus être faite entre cette personne et la personne qui n'a pas été adoptée. Lorsqu'un enfant est légalement devenu l'enfant d'une autre personne au moyen de l'adoption, ses droits sont les même que ceux de tout autre enfant. De plus, la personne qui adopte un enfant a maintenant les mêmes droits et les mêmes obligations à l'égard de celui-ci que ceux d'un autre parent. Le rapport juridique existant entre le parent adoptif et l'enfant adopté est identique à celui qui existe entre le parent et l'enfant biologique.

À l'heure actuelle, et au moment où Mme McKenna a demandé la citoyenneté pour ses filles, la législation irlandaise et les lois provinciales canadiennes exigeaient que les enfants adoptés soient traités comme s'ils étaient des enfants biologiques. Ainsi, la Loi sur les services à l'enfance et à la famille21 de l'Ontario prévoit ce qui suit:

158. [. . .]

(2) À compter de la date à laquelle est rendue une ordonnance d'adoption et à toutes les fins de la loi:

a) l'enfant adopté devient l'enfant du père adoptif ou de la mère adoptive et cette personne devient le père ou la mère de l'enfant;

b) l'enfant adopté cesse d'être l'enfant de la personne qui était son père ou sa mère avant l'ordonnance d'adoption, et cette personne cesse d'être son père ou sa mère, sauf si cette personne est le conjoint du père adoptif ou de la mère adoptive,

comme si l'enfant adopté était né du père adoptif ou de la mère adoptive.

Certaines dispositions législatives provinciales proclament d'une façon encore plus ferme l'égalité entre l'enfant adopté et l'enfant biologique. Ainsi, en Saskatchewan, The Family Services Act22 énonce les effets de l'ordonnance d'adoption:

[traduction]

60. [. . .]

(2) Sauf indication contraire à l'alinéa (3)a), l'ordonnance:

[. . .]

b) fait à toutes fins utiles de l'enfant l'enfant du parent adoptif comme s'il était un enfant issu du mariage légitime du parent adoptif.

À toutes fins utiles, l'enfant adopté est donc l'égal de l'enfant biologique sur le plan juridique. La législation de chacune des autres provinces est tout aussi claire23. L'adoption crée une présomption de droit voulant que l'enfant soit né de ses parents adoptifs.

La législation est tout à fait claire et parfaitement logique. Si les droits de l'enfant adopté n'étaient pas identiques à ceux de l'enfant biologique, un vide juridique serait créé. Quel régime légal s'appliquerait aux droits de l'enfant adopté? Quelle serait la relation entre le parent et l'enfant sur le plan juridique? Ces questions devraient être réglées par la voie législative, puisque l'adoption n'existe pas en common law. La solution législative simple et logique est qu'il ne peut y avoir aucune distinction juridique entre les deux groupes. La législation des provinces et territoires du Canada est fort simple et humaine: au regard de la loi, les enfants adoptés sont les égaux des enfants biologiques.

De plus, la législation irlandaise prévoit que la notion d'enfant dans toute loi du parlement (Oireachtas) comprend l'enfant adopté24. Je remarque également que dans la plupart des lois provinciales, l'enfant adopté dans un autre ressort (qu'il s'agisse d'une autre province ou d'un autre pays) est réputé avoir été adopté conformément aux lois de la province dans la mesure où l'adoption a été effectuée conformément à la législation locale25. Les seules exceptions sont le Manitoba, la Colombie-Britannique et le Québec, où l'adoption doit avoir été effectuée conformément à des lois à peu près identiques à celles qui existent dans la province en cause26. Pour donner effet au libellé et à la philosophie de la législation de chaque province canadienne, il faut reconnaître que toute distinction entre les enfants adoptés et les autres enfants n'est pas tenable.

L'approche adoptée en matière de droits de la personne

Comme nous l'avons vu, l'adoption a par le passé été considérée comme un genre d'anomalie sur le plan juridique, et les droits des enfants adoptés étaient moins respectés que ceux des enfants biologiques, mais la situation a maintenant entièrement changé grâce aux lois provinciales qui reconnaissent un statut égal aux enfants adoptés. La législation sur les droits de la personne doit avoir un effet sur la façon de traiter les enfants adoptés. De la même façon, bien que la Charte canadienne des droits et libertés n'ait pas été invoquée en l'espèce, on ne saurait omettre de tenir compte de son esprit. Il faut laisser la Charte nous éclairer dans ce domaine ainsi que dans toutes les autres branches du droit.

Pour déterminer s'il y a eu discrimination dans ce cas-ci, il faut commencer par les remarques que le juge en chef Dickson a faites dans l'arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) [ci-après appelée] Action Travail des Femmes27:

La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l'essor des droits individuels d'importance vitale, lesquels sont susceptibles d'être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu'en interprétant la Loi, les termes qu'elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet. Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu'offre la Loi d'interprétation fédérale lorsqu'elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s'interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets28.

Cette attitude est conforme aux remarques que le juge McIntyre a faites dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et O'Malley c. Simpson-Sears Ltd. et autres29, où il était question de la législation sur les droits de la personne en général et du Code ontarien des droits de la personne [L.R.O. 1980, ch. 340] en particulier:

Une loi de ce genre est d'une nature spéciale. Elle n'est pas vraiment de nature constitutionnelle, mais elle est certainement d'une nature qui sort de l'ordinaire. Il appartient aux tribunaux d'en rechercher l'objet et de le mettre en application30.

De même, dans l'arrêt Dickason c. Université de l'Alberta31, le juge L'Heureux-Dubé a fait remarquer que "[d]ès qu'elles entrent en vigueur, les lois visant à protéger les personnes contre toute discrimination acquièrent un statut quasi constitutionnel, qui leur donne préséance sur les lois ordinaires"32. Ces opinions incidentes nous incitent à examiner l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne en tenant compte de son but. La nature quasi constitutionnelle de ce genre de législation donne à entendre qu'elle vise à permettre un certain genre de contrôle qu'il ne faudrait pas éliminer sans motif valable.

La discrimination

La définition classique de la discrimination nous vient de la décision que le juge McIntyre a rendue dans l'affaire Andrews c. Law Society of British Columbia33, qui était la première affaire à être tranchée en vertu de l'article 15 de la Charte. Le juge McIntyre a défini la discrimination comme suit:

J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont rarement34.

Une question préliminaire est de savoir quelle partie de la Loi sur la citoyenneté crée une distinction illicite à l'égard des appelantes. Sa Majesté soutient que la Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, ch. C-19 (l'ancienne Loi), n'est pas ici pertinente parce qu'elle a été remplacée, en 1977, lorsque la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la nouvelle Loi), qui s'applique à l'heure actuelle, est entrée en vigueur. Seule la nouvelle Loi est pertinente, est-il allégué, et cette Loi n'attribue automatiquement la citoyenneté qu'aux enfants nés de parents canadiens à l'étranger après le 14 février 1977. Étant donné que les deux enfants sont nées avant cette date, soutienton, elles ne peuvent pas se prévaloir de cette disposition pour obtenir la citoyenneté. Il est conclu qu'il est donc impossible de dire que l'alinéa 3(1)b) de la nouvelle Loi crée à leur égard une distinction illicite fondée sur la situation de famille, étant donné qu'elles n'auraient même pas obtenu la citoyenneté si elles avaient été les enfants biologiques des McKenna. À mon avis, cet argument n'est pas convaincant35.

En fait, c'est l'article 3 de la nouvelle Loi qui est expressément discriminatoire, et ce, parce que les enfants adoptés par des citoyens canadiens n'acquièrent pas automatiquement la citoyenneté canadienne. En effet, les personnes adoptées sont expressément exclues de l'application des dispositions de l'alinéa 3(1)b). Elles sont implicitement exclues au moyen de l'alinéa 3(1)e) de la nouvelle Loi, qui prévoit qu'une personne est automatiquement citoyenne canadienne si elle était "habile au 14 février 1977, à devenir citoyen aux termes de l'alinéa 5(1)b ) de l'ancienne loi". La disposition en question de l'ancienne Loi, qui a été incorporée dans la nouvelle Loi, se lit comme suit:

5. (1) Une personne née après le 31 décembre 1946 est un citoyen canadien de naissance,

[. . .]

b) si elle est née hors du Canada [. . .] et si

(i) son père ou, dans le cas d'un enfant né hors du mariage, sa mère, au moment de la naissance de cette personne, était un citoyen canadien, [. . .]

Les deux Lois traitent donc les enfants adoptés d'une façon différente des enfants nés de parents canadiens. En vertu des deux Lois, l'enfant adopté par un parent canadien n'est pas automatiquement citoyen canadien. C'est donc l'article 3 de la nouvelle Loi qui crée une distinction, que ce soit au moyen des dispositions expresses de l'alinéa 3(1)b) ou de l'incorporation implicite de l'ancienne Loi en vertu de l'alinéa 3(1)e).

Le juge de première instance a décidé que la "distinction" entre les fils et les filles de l'appelante tirait son origine de "leurs lieux de naissance respectifs" et que leur adoption "n'[était] pas pertinente"36. En toute déférence, je ne suis pas d'accord. La distinction entre les fils et les filles de l'appelante n'est pas fondée sur leur lieu de naissance; si les fils étaient nés en Irlande, ils seraient néanmoins citoyens canadiens. La distinction est fondée sur leur statut différent"celui d'enfant biologique et celui d'enfant adopté. Entre eux, c'est la seule distinction réelle qui existe. Le Tribunal a correctement identifié et réglé la question principale comme suit:

[. . .] les enfants adoptés à l'étranger par des Canadiens doivent suivre la démarche de naturalisation pour obtenir la citoyenneté canadienne, tandis que les enfants biologiques nés à l'étranger de Canadiens obtiennent automatiquement la citoyenneté canadienne. Cette différence de traitement découle uniquement de la situation de famille de l'enfant, soit du fait qu'il est un enfant adopté37.

Dans l'arrêt Benner38, la Cour suprême du Canada a examiné les anciennes dispositions de la Loi sur la citoyenneté [S.C. 1974-75-76, ch. 108], qui permettaient au père canadien marié de transmettre sa citoyenneté à l'enfant né à l'étranger, mais qui ne conféraient pas ce droit aux mères canadiennes. Le juge Iacobucci a examiné la question du statut de l'enfant né d'une mère canadienne:

Il s'agit tout autant d'un "statut" que le sont le fait d'avoir la peau d'une certaine couleur ou celui d'appartenir à une origine ethnique ou religieuse donnée: c'est un état de fait en cours. Les personnes dans la situation de l'appelant continuent aujourd'hui d'être privées du droit à la citoyenneté qui est conféré d'office aux enfants nés d'un père canadien39 .

Cette remarque pourrait s'appliquer tout aussi bien aux enfants adoptés qu'aux enfants biologiques. Supposons, comme M. le juge Iacobucci le fait, que des enfants noirs, nés à l'étranger de parents canadiens, se voient refuser les droits reconnus aux autres enfants par la Loi sur la citoyenneté. La Cour leur refuseraitelle l'égalité des droits? S'il s'agissait d'enfants de sexe féminin ou d'enfants illégitimes nés à l'étranger, qui étaient traités différemment, la Cour refuserait-elle de leur conférer des droits analogues à ceux des autres enfants? Certainement pas. Les enfants adoptés sont donc traités d'une façon différente des enfants biologiques uniquement à cause de préjugés voulant qu'ils soient d'une certaine façon différents ou inférieurs. La Cour a ici l'occasion de remédier à cette situation intolérable dans le domaine du droit canadien de la citoyenneté.

Je me rends bien compte qu'en disant que les enfants adoptés sont les égaux des enfants biologiques, j'omets peut-être de tenir compte de certaines différences factuelles évidentes. L'enfant adopté n'est pas né de ses parents adoptifs. Ses parents l'on délibérément choisi. Il serait possible de distinguer les enfants adoptés des enfants biologiques sur les plans sociologique, psychologique ou démographique. Il pourrait bien s'agir de faits ou de mythes ou des deux, mais je crois que ce sont précisément ces choses dont le droit nous oblige à ne pas tenir compte. En présumant que les enfants adoptés sont les égaux des enfants biologiques, le droit dit que ce qui distingue l'enfant adopté de l'enfant biologique n'est donc pas pertinent. Ce n'est que de cette façon qu'il est possible d'assurer l'égalité entre les deux groupes.

À mon avis, l'article 3 de la Loi a pour effet de créer de la discrimination, ce qui constitue, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, une distinction illicite fondée sur la situation de famille. En refusant expressément aux enfants adoptés les droits et privilèges accordés aux autres enfants, cette disposition reprend les anciennes lois et les anciens arrêts. Toutefois, partout au Canada, le droit exige maintenant que les enfants adoptés soient traités de la même façon que les autres enfants. Étant donné qu'en vertu de l'article 3, les enfants adoptés ne sont pas traités de la même façon, il y a purement et simplement discrimination.

Je me rends bien compte qu'on a fortement tendance à n'attribuer automatiquement la citoyenneté qu'aux personnes qui sont nées au Canada ou à celles qui sont nées de citoyens canadiens. Dans les deux cas, il existe de fait un lien intuitif étroit entre la personne en cause et le Canada, ce qui n'est pas aussi évident dans le cas des enfants adoptés. De même, nous n'attribuons pas automatiquement la citoyenneté aux personnes qui épousent des citoyens canadiens. Elles doivent suivre la procédure de naturalisation comme tous les autres ressortissants étrangers. Dans ce cas également, on s'inquiète de la possibilité d'une fraude ainsi que d'autres caractéristiques du conjoint qui pourraient militer contre l'attribution de la citoyenneté. Toutefois, je ne crois pas que la façon dont nous traitons le mariage constitue un modèle approprié pour juger la façon dont nous traitons les personnes adoptées. Il y a une différence entre les deux groupes. Les liens qui existent entre une personne et le Canada par suite du mariage sont tout à fait différents de ceux qui existent entre un parent et son enfant. Lorsqu'un enfant est né d'un Canadien ou qu'il est adopté par un Canadien, on estime également qu'il a un patrimoine canadien, qu'il existe un lien ancestral entre l'enfant et le Canada. Le mariage n'engendre pas pareil sentiment.

En l'espèce, les remarques que le juge McIntyre a faites dans l'arrêt Andrews, supra, s'appliquent tout à fait à la façon différente dont les filles adoptives ont été traitées. Le traitement différent réservé aux enfants adoptés par rapport aux autres enfants est "fondé sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe". Ce traitement différent est uniquement fondé sur le fait que la personne en cause appartient au groupe des gens qui ont été adoptés ou qui ont adopté des enfants. La pratique voulant qu'on exige que les enfants adoptés soient naturalisés alors que leurs homologues non adoptés obtiennent automatiquement la citoyenneté ne découle pas d'une différence entre les deux groupes, en ce qui concerne le mérite ou les qualités, mais exclusivement du statut des enfants adoptés.

L'existence d'un motif justifiable

Le ministre se trompe lorsqu'il soutient qu'il n'y a pas discrimination parce que l'enfant adopté est traité de la même façon que tous les ressortissants étrangers et qu'il peut simplement se prévaloir des dispositions de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Cela nous amène simplement à nous demander quelle est la justification de cette discrimination. Il ne s'agit pas de savoir si les dispositions relatives à la naturalisation sont justifiées à l'égard de tous les ressortissants étrangers, y compris les enfants adoptés par des citoyens canadiens. Il s'agit de savoir s'il existe un motif justifiable de faire une distinction entre les enfants adoptés par des citoyens canadiens et les enfants nés de citoyens canadiens, en ce qui concerne l'obtention de la citoyenneté canadienne.

Le Tribunal a conclu qu'il existe un motif justifiable de ne pas attribuer automatiquement la citoyenneté aux enfants adoptés et que le problème que posent les adoptions frauduleuses a été à juste titre traité au moyen de dispositions du Règlement sur l'immigration de 1978 qui ont été incorporées à l'alinéa 5(2)a) de la Loi. Cependant, le Tribunal a conclu que seules les dispositions relatives à la légitimité des adoptions pourraient être maintenues. Cette façon d'aborder le problème est plutôt incohérente. Si le mot "adopted" (adopté) tel qu'il figure dans la version anglaise de l'article 3 de la Loi, laisse entendre une adoption légitime, comme je crois qu'il le fait, l'alinéa 5(2)a ) de la Loi ne s'applique pas dans ce cas-ci. Comme nous le verrons, cette interprétation du mot "adopté" est conforme au droit canadien, et la conclusion que le Tribunal a tirée au sujet de l'alinéa 5(2)a ) est donc inutile.

Le critère permettant de déterminer s'il existe un motif justifiable a été énoncé par la Cour dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Rosin40. Il a été établi que les critères applicables correspondent au critère relatif à l'exigence professionnelle justifiée énoncé à l'article 15 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et sont aussi étendus que ce critère. Dans l'arrêt Rosin, la Cour a dit ceci:

De la même manière, on pourrait conclure que les deux expressions""exigences professionnelles justifiées" (alinéa 15a )) et "motif justifiable" (alinéa 15g ))"ont la même signification, sauf que la première expression est applicable aux situations d'emploi, alors que la deuxième est utilisée dans d'autres contextes. Le choix de ces différents termes pour justifier une discrimination à première vue ne constitue donc qu'une question de forme plutôt qu'une question de fond41 .

Une fois qu'une preuve prima facie de discrimination est faite, la charge de la preuve incombe toujours à la partie qui tente d'établir l'existence d'un motif justifiable. Il faut satisfaire au critère voulant que l'acte discriminatoire ait été commis de bonne foi et qu'il ait été raisonnablement nécessaire pour permettre d'atteindre l'objectif visé par la politique en question42.

En l'espèce, la législation vise à empêcher les abus qui pourraient être commis si les gens essayaient sans motif légitime de contourner le système de l'immigration en utilisant l'adoption comme moyen d'être admis au Canada sans être pour autant admissibles à titre d'immigrants. Le problème des adoptions de convenance est apparu au cours des années 1970; en réponse, la Loi sur l'immigration a été modifiée. Les agents des visas se sont vu conférer le pouvoir de déterminer si une véritable adoption avait été effectuée. Le paragraphe 2(1) [mod. par DORS/93-44, art. 1] du Règlement sur l'immigration de 1978 définit le mot "adopté" comme suit:

"adopté" Personne adoptée conformément aux lois d'une province ou d'un pays étranger ou de toute subdivision politique de celui-ci, dont l'adoption crée avec l'adoptant un véritable lien de filiation. La présente définition exclut la personne adoptée dans le but d'obtenir son admission au Canada ou celle d'une personne apparentée.

Ce règlement a effectivement été utilisé en vue d'empêcher les abus. Ainsi, dans l'affaire Pabo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)43, une femme avait adopté son neveu et sa nièce aux Philippines. Elle avait cherché à parrainer leur admission au Canada à titre de personnes à charge, mais on avait refusé de délivrer des visas pour le motif que l'adoption n'avait pas créé un véritable lien de filiation. La chose était certainement compréhensible compte tenu des faits.

De plus, l'application des dispositions du Règlement sur l'immigration de 1978 relève du droit interne. Il s'agit de savoir si les enfants adoptés conformément aux lois d'autres ressorts sont "adoptés" au sens attribué à ce terme au Canada. Dans l'arrêt Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)44 , le juge Hugessen, J.C.A., a fait remarquer ce qui suit au sujet des adoptions effectuées à l'étranger:

La question que l'agent de visas et la Commission d'appel de l'immigration devaient donc se poser dans ces deux cas n'était pas de savoir si les personnes que désiraient parrainer les deux appelants avaient effectivement le statut de fils adoptés en Inde; c'est une situation qui serait visée par la présomption créée par l'article 16 de The Hindu Adoptions and Maintenance Act, 1956 si celle-ci était applicable. La question est plutôt de savoir s'il y a eu, avant le treizième anniversaire de naissance de chacun des enfants, une adoption "en conformité des lois" de l'Inde qui a créé un lien entre père et enfant faisant des enfants adoptés les "fils" de chacun des répondants. Cette question relève du droit canadien45 .

Il ne s'agit pas tant de savoir si l'adoption était légale dans le ressort étranger, mais si cette adoption légale avait pour effet de créer un lien de filiation entre le parent et l'enfant au regard du droit canadien.

Il est soutenu qu'il serait porté atteinte au pouvoir de contrôler le problème des adoptions de convenance si l'adoption avait automatiquement pour effet de conférer la citoyenneté à l'enfant adopté. Il est soutenu qu'il est donc raisonnable pour les personnes adoptées de se faire naturaliser, procédure qui incorpore les dispositions du Règlement sur l'immigration de 1978 et qui confère au ministre le pouvoir d'enquêter sur le caractère véritable de l'adoption. Le ministre affirme que cela est raisonnable et que cela constitue un motif justifiable.

Toutes les parties conviennent qu'il faut assurer l'intégrité du système canadien d'immigration, mais cela peut être accompli sans faire de distinction illicite à l'égard des enfants adoptés. Il est également possible d'atteindre cet objectif sans faire plus que ce qui est nécessaire afin de veiller à ce qu'on n'utilise pas les règles relatives à la citoyenneté en vue de contourner la procédure d'immigration. Il suffit d'établir que l'adoption a été effectuée conformément au droit local et qu'elle a créé un véritable lien de filiation. Si la politique que nous essayons de promouvoir vise à empêcher les adoptions de convenance aux fins de l'immigration, il n'existe aucun lien naturel entre cet objectif et les exigences de la Loi sur l'immigration et de son règlement d'application. Ce qui importe, en ce qui concerne l'article 3, c'est l'adoption. Le concept d'"adoption" n'a pas besoin de la Loi sur l'immigration pour être amplifié. Pour qu'une adoption soit véritable, elle doit nécessairement être conforme au droit et être effectuée de bonne foi; l'adoption fictive qui vise simplement à contourner la loi n'est pas une adoption. Or, toutes les parties conviennent que les adoptions effectuées par les McKenna sont tout à fait légitimes.

Comme il en a déjà été fait mention, la citoyenneté "automatique" dont nous parlons à l'égard des enfants nés d'un parent canadien n'est pas réellement automatique. Il faut néanmoins effectuer une vérification. Ainsi, il faut établir que la personne est réellement née d'un père ou d'une mère ayant qualité de citoyen. Cette obligation n'est pas rigoureuse, mais elle existe néanmoins. De la même façon, il faut effectuer une vérification à l'égard des enfants adoptés. Les enfants adoptés seraient donc traités de la même façon que les autres enfants, puisque dans les deux cas, il faudrait vérifier leur situation en vue de leur permettre d'obtenir la citoyenneté. Si l'adoption est effectuée d'une façon qui a un sens dans notre société et conformément à nos lois, cela montre normalement qu'un véritable lien de filiation entre le parent et l'enfant a été établi. S'il existe un véritable lien de filiation, comme c'est le cas pour la majorité des adoptions, les enfants adoptés devraient donc être traités de la même façon à tous les égards, notamment en ce qui concerne le droit à la citoyenneté, que les enfants biologiques. Bien sûr, il est toujours loisible au ministre, dans un cas approprié, de contester une demande de citoyenneté pour le motif qu'il n'y a pas eu une véritable adoption, que ce qui est allégué être une véritable adoption est simplement une adoption de convenance.

Il est également loisible au gouverneur en conseil d'annuler un stratagème frauduleux destiné à permettre l'acquisition de la citoyenneté. L'article 10 de la Loi sur la citoyenneté confère expressément ce pouvoir:

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée:

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

Lorsqu'une personne a effectué une adoption fictive afin d'obtenir frauduleusement la citoyenneté ou en vue de permettre à un membre de la famille d'obtenir frauduleusement la citoyenneté, il est loisible au ministre d'annuler l'adoption.

Le pouvoir conféré au ministre comprend la possibilité d'enquêter sur le caractère véritable d'une adoption, et ce, parce que le mot "adopted" tel qu'il figure dans la version anglaise de l'alinéa 3(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté doit sous-entendre la création d'un véritable lien de filiation. Le mot lui-même n'est pas défini dans la Loi sur la citoyenneté et nous devons donc nous fonder sur des sources autres que la Loi pour lui attribuer un sens. Ce sens doit s'harmoniser avec la façon dont la société conçoit la relation créée par une adoption. Cette conception n'inclut certainement pas une fausse adoption qui est effectuée simplement en vue de permettre à une personne d'obtenir la citoyenneté canadienne.

Selon le droit canadien, tel qu'il est maintenant énoncé dans les lois provinciales, les enfants adoptés sont les enfants de leurs parents adoptifs au même titre que les enfants nés de ces mêmes parents. La création de ce rapport juridique laisse entendre la création d'un véritable lien de filiation. Le sens normal que nous attribuons au mot "adoption" ne laisse pas entendre une adoption effectuée à des fins restreintes, à la suite de laquelle pareil lien de filiation n'est pas destiné à être créé. La personne en cause doit s'être conformée à une procédure souvent exigeante qui est régie par un régime légal, entraînant un changement complet de la situation de famille de la personne concernée. Cette procédure crée une présomption de droit"à savoir, qu'une personne née d'une personne donnée est l'enfant d'une autre personne, comme si elle était née de cette dernière.

L'élément fondamental, en ce qui concerne l'acquisition de la citoyenneté de plein droit, est l'existence d'un lien avec le Canada. Ce lien résulte du droit du sang ou du droit du sol. Dans les deux cas, le lien découle autant d'une présomption de droit que la relation créée par l'adoption. L'enfant qui est né à l'étranger d'un parent qui est citoyen canadien n'est pas plus lié au Canada que celui qui est adopté à l'étranger par un citoyen canadien. L'enfant né au Canada d'un ressortissant étranger qui s'installe ensuite dans un autre pays n'est pas plus lié au Canada, et l'est peut-être encore moins, que celui qui est adopté par un citoyen canadien. Dans les deux cas, il s'agit de présomptions, la citoyenneté étant définie comme quelque chose de naturel qui est conféré à la naissance. Cependant, en réalité, la citoyenneté n'a rien de naturel, et en fait il serait probablement possible de soutenir que personne ne devrait automatiquement devenir citoyen d'un pays, indépendamment de sa filiation ou de son lieu de naissance. Il serait peut-être possible pour un pays d'exiger que chaque citoyen éventuel, à un moment donné, établisse l'existence de liens étroits avec le pays ou soit prêt à déclarer qu'il s'acquittera de ses obligations de citoyen. Cependant, dans la mesure où nous attribuons de plein droit la citoyenneté aux enfants de citoyens, en croyant que le fait qu'ils sont les enfants de citoyens canadiens crée un lien suffisant avec le Canada, ce droit doit être accordé sans qu'il soit fait de distinction entre les enfants adoptés et les autres enfants. En effet, le lien qui est créé avec le Canada du fait qu'un enfant est né d'un parent canadien ne devrait pas être différent de celui qui est créé par l'adoption d'un enfant par un Canadien. À mon avis, toute autre exigence imposée par la Loi sur la citoyenneté ne peut pas être justifiée.

Le seul élément de preuve dont disposait le Tribunal était que les adoptions frauduleuses posaient un problème, et les deux parties conviennent qu'il s'agit d'un problème sérieux. Cependant, la discrimination n'a été justifiée qu'à l'égard de la fraude. Il incombait au ministre de démontrer pourquoi les enfants adoptés ne devraient pas se voir attribuer automatiquement la citoyenneté, comme elle l'est aux autres enfants de citoyens canadiens. La preuve présentée en l'espèce à l'égard de cette distinction se rapportait aux adoptions frauduleuses. Cependant, étant donné la façon dont je considère le statut créé par l'adoption, et j'entends par là uniquement les adoptions légitimes non frauduleuses, aucune justification n'a été établie à l'égard de la distinction en question.

La justice naturelle

L'intimé a soutenu, et le juge de première instance a reconnu la chose dans une opinion incidente, qu'il y a eu violation des règles de justice naturelle en ce sens qu'il n'avait pas été avisé que les dispositions de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté devaient être examinées par le Tribunal. Étant donné la façon dont j'ai abordé la principale question qui se pose dans cet appel, cet argument doit être rejeté. Les intimés et le juge des requêtes avaient l'impression erronée que l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté n'était pas discriminatoire, étant donné qu'il traitait tous les ressortissants étrangers de la même façon. Selon les intimés, il est donc tout à fait logique de dire que cette disposition ne s'appliquerait pas aux filles de l'appelante. Toutefois, c'est le fait même que l'article 3 exclut expressément les filles de l'appelante qui constitue de la discrimination dans ce cas-ci. À mon avis, l'alinéa 5(2)a) de la Loi n'a rien à voir avec le règlement des questions qui se posent en l'espèce. Les deux parties ont fait mention de cette disposition à différents moments au cours des audiences, mais il ne s'agissait pas de la véritable question en litige. Si cela avait été un élément crucial, comme on l'a soutenu, l'argument fondé sur la justice naturelle aurait bien pu être retenu.

La décision du juge des requêtes montre clairement que pareille conclusion doit être tirée. Voici ce que le juge a dit:

Le texte de la plainte met l'accent sur la citoyenneté automatique et l'inéligibilité des filles à la citoyenneté de plein droit46.

Compte tenu de cette remarque, il est clair que l'intimé savait que l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté, qui traite de la citoyenneté de plein droit, était en litige. Le juge des requêtes a également reconnu que les dispositions relatives à la procédure de naturalisation figurant à l'alinéa 5(2)a) n'intéressaient pas Mme McKenna, étant donné que les McKenna n'avaient pas l'intention de faire naturaliser leurs filles de la façon régulière. Leur position, qui est celle qu'il faut retenir, est que leurs filles ont droit à la citoyenneté conformément à l'article 3 de la même façon que tout autre enfant né de citoyens canadiens"de plein droit. Malgré tous les éléments de preuve que l'intimé aurait pu présenter pour justifier les dispositions relatives à la naturalisation, cela n'aurait pas avancé sa cause du tout en ce qui concerne la discrimination qui est créée à l'article 3. À mon avis, on ne saurait donc dire qu'il y a eu violation de la justice naturelle en ce qui concerne la façon dont cette cause a été présentée et traitée.

La réparation accordée à la "victime" de la discrimination

La Loi canadienne sur les droits de la personne confère au Tribunal un large pouvoir en ce qui concerne l'octroi de réparations. Ce pouvoir est énoncé à l'alinéa 53(2)a):

53. [. . .]

(2) À l'issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut, sous réserve du paragraphe (4) et de l'article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire:

a) de mettre fin à l'acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment:

(i) d'adopter un programme, plan ou arrangement visé au paragraphe 16(1),

(ii) de présenter une demande d'approbation et de mettre en œuvre un programme prévus à l'article 17;

b) d'accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont, de l'avis du tribunal, l'acte l'a privée;

c) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiquée, des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte;

d) d'indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction qu'il juge indiquée, des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d'autres biens, services, installations ou moyens d'hébergement, et des dépenses entraînées par l'acte.

La Loi confère au Tribunal le pouvoir d'accorder une réparation à la "victime" de la discrimination seulement. L'avocat de Sa Majesté soutient qu'il n'est pas possible d'attribuer la citoyenneté aux filles de l'appelante parce qu'elles ne sont pas des victimes. Dans ce cas-ci, il est soutenu que la mère adoptive se plaint de ce qu'elle ne peut pas transmettre sa citoyenneté à ses filles adoptives de la même façon qu'elle peut le faire pour ses autres enfants. Toutefois, cela revient à dire que les filles adoptives se voient dénier le droit d'obtenir la citoyenneté grâce à leur mère comme leurs frères peuvent le faire. La distinction illicite fondée sur la situation de famille touche souvent non seulement les personnes en cause, mais aussi d'autres membres de la famille. La mère et les enfants subissent tous un préjudice dans ce cas-ci. Dans ce cas-ci, l'acte qui a eu lieu équivaut à de la discrimination tant pour la mère que pour les filles. Toutefois, aux termes du paragraphe 40(5) de la Loi canadienne sur les droits de la personne , les filles ne peuvent pas être des "victimes" étant donné qu'elles ont fait l'objet de discrimination à l'étranger et qu'elles n'étaient pas citoyennes canadiennes à ce moment-là47 . Par conséquent, tant la mère que les enfants subissent un préjudice par suite de l'acte discriminatoire, mais seule la mère est une "victime" en vertu de la loi. C'est donc la mère qui a droit à une réparation en vertu de la Loi, et non les enfants. Dans l'arrêt Benner48 , M. le juge Iacobucci a cité cette Cour lorsqu'elle a dit que "la discrimination contre la mère [était] injustement portée sur l'enfant"; dans ce cas-ci, on peut dire que "la discrimination contre les enfants était injustement portée sur la mère". De même, dans l'affaire Glynos c. Canada49 , où l'enfant d'une femme s'était vu refuser la citoyenneté, il a été dit que la femme "a néanmoins un intérêt, à titre de femme et de mère canadienne, à savoir si son fils peut être déclaré citoyen de naissance et à prendre part à une procédure visant l'obtention d'un jugement déclaratoire à cet effet". Le contraire est sans doute également vrai.

Cela est conforme à la décision que la Cour a rendue dans l'affaire Cheung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)50. Dans cette affaire-là, une demanderesse du statut de réfugié qui venait de la Chine était victime de la politique de stérilisation de ce pays. La Cour devait déterminer non seulement si la demanderesse était une réfugiée (et elle l'était), mais aussi si sa fille, à laquelle elle avait donné naissance en violation de la politique de l'enfant unique, était également une réfugiée. Il a été statué que la persécution de la mère constituait également de la persécution à l'égard de la fille. Le contraire est également vrai. Dans toutes ces affaires, la Cour prend note de ce qui est évident aux yeux de chaque parent et de chaque enfant. Causer un préjudice à l'un c'est également causer un préjudice à l'autre.

Le droit à la citoyenneté est essentiel à la pleine participation à la vie de notre société; être un citoyen de naissance est, comme l'a dit mon collègue le juge Décary, "un privilège hautement estimé"51. Les citoyens ont le droit inconditionnel de rester au Canada et ils ne peuvent pas être expulsés. De même, les citoyens se voient accorder certains droits protégés par la Charte. Si une personne veut participer à la vie de notre société de quelque façon que ce soit, en politique, en affaires, ou en vivant au Canada et en élevant ses enfants à titre de Canadiens, ce n'est qu'à titre de citoyenne qu'elle peut le faire pleinement et inconditionnellement. En l'absence de la certitude qu'assure la citoyenneté, la pleine participation ne peut jamais exister. Il est ici encore opportun de citer les remarques que le juge en chef Dickson a faites dans l'arrêt Action Travail des Femmes:

La législation sur les droits de la personne vise notamment à favoriser l'essor des droits individuels d'importance vitale, lesquels sont susceptibles d'être mis à exécution, en dernière analyse, devant une cour de justice. Je reconnais qu'en interprétant la Loi, les termes qu'elle utilise doivent recevoir leur sens ordinaire, mais il est tout aussi important de reconnaître et de donner effet pleinement aux droits qui y sont énoncés. On ne devrait pas chercher par toutes sortes de façons à les minimiser ou à diminuer leur effet. Bien que cela puisse sembler banal, il peut être sage de se rappeler ce guide qu'offre la Loi d'interprétation fédérale lorsqu'elle précise que les textes de loi sont censés être réparateurs et doivent ainsi s'interpréter de la façon juste, large et libérale la plus propre à assurer la réalisation de leurs objets52.

La question de savoir qui est la victime doit être tranchée compte tenu de cette approche réparatrice. Dans l'arrêt Singh (Re)53, la Cour a fait la remarque suivante:

La question de savoir qui est la "victime" de l'acte discriminatoire reproché est presque exclusivement une question de fait. La législation sur les droits de la personne ne tient pas tant compte de l'intention à l'origine des actes discriminatoires que de leur effet. L'effet n'est d'aucune façon limitée à la "cible" présumée de l'acte discriminatoire et il est tout à fait concevable qu'un acte discriminatoire puisse avoir des conséquences qui sont suffisamment directes et immédiates pour justifier qu'on qualifie de "victimes" des personnes qui n'ont jamais été visées par l'auteur des actes en question54 .

J'estime que le Tribunal a eu raison de conclure que l'effet que les dispositions discriminatoires de la Loi sur la citoyenneté ont sur les filles de Mme McKenna est suffisamment direct pour que Mme McKenna soit elle-même une victime au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les deux parties conviennent que les adoptions, dans ce cas-ci, ont créé un véritable lien de filiation, de sorte qu'il ne se pose aucun problème de vérification. La seule réparation qui peut donner pleinement effet à l'esprit de la législation sur les droits de la personne pour la victime consiste à attribuer aux filles la citoyenneté que leur mère a le droit de leur transmettre. Il était approprié pour le Tribunal d'enjoindre au ministre d'attribuer immédiatement la citoyenneté à Siobhan et à Caragh McKenna.

Les autres réparations

Le Tribunal a rendu deux autres ordonnances réparatrices. En premier lieu, à la suite de la décision que la Cour a rendue dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Druken55, le Tribunal a ordonné à l'intimé de cesser la pratique discriminatoire que constitue le fait d'appliquer les dispositions de la Loi sur la citoyenneté d'une façon qui fait une distinction illicite à l'égard des enfants adoptés par des citoyens canadiens, si ce n'est dans la mesure jugée justifiée. Dans l'arrêt Druken, la Cour a défini d'une façon tout à fait claire le pouvoir que possède le Tribunal de rendre ce genre d'ordonnance. M. le juge Mahoney croyait qu'une restriction empêchant la délivrance de pareille ordonnance ne serait pas conforme à la loi. Voici ce qu'il a dit:

À mon avis, l'imposition d'une telle limitation au pouvoir d'un tribunal de rendre une ordonnance est incompatible avec l'alinéa 41(2)a) de la Loi sur les droits de la personne, qui autorise expressément un tribunal à ordonner que soient prises des mesures "destinées à prévenir les actes semblables". Cette disposition n'a pas seulement pour objet d'empêcher la répétition de la pratique discriminatoire concernée à l'égard d'un plaignant particulier: elle vise à prévenir toute répétition d'un tel acte par la personne qui est considérée l'avoir commis. Ainsi, l'ordonnance prescrivant que la CEIC interrompe l'application des alinéas 3(2)c ) et 4(3)d) de la Loi sur l'assurance-chômage et de l'alinéa 14a) du Règlement sur l'assurance-chômage semble-t-elle tout à fait valide56.

L'avocat de Sa Majesté n'a pas contesté le pouvoir que possède le Tribunal à cet égard57. J'aimerais mentionner que dans cet arrêt, la Cour ne reconnaît pas que le Tribunal a le pouvoir d'ordonner que l'article 3 soit radié ou remanié, comme un juge qui rend une décision fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés peut le faire. À mon avis, le Tribunal a simplement le pouvoir d'enjoindre au ministre de cesser d'appliquer la loi d'une façon discriminatoire, mais cela ne veut pas dire qu'il a le pouvoir de lui enjoindre de cesser d'appliquer la loi. Dans ce cas-ci, le ministre ne s'est tout simplement pas acquitté de l'obligation qui lui incombait en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne de justifier l'acte discriminatoire. Le ministre ne peut donc pas appliquer l'article 3 à ces enfants, car cela constituerait de la discrimination injustifiée. Si dans l'avenir, le ministre peut s'acquitter de cette obligation, l'acte discriminatoire sera peut-être justifié.

En second lieu, le seul avertissement que le juge Mahoney a donné à l'égard de ce genre d'action était que, si pareille ordonnance était rendue, il incomberait au Tribunal d'enjoindre également à la personne responsable de l'acte discriminatoire, conformément à son mandat, de consulter la Commission canadienne des droits de la personne. Le Tribunal a rendu cette autre ordonnance conformément à l'alinéa 53(2)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et a en outre suspendu l'exécution de l'ordonnance pour une période de six mois de façon à permettre la consultation. Je conclus que les ordonnances réparatrices que le Tribunal a rendues sont appropriées, eu égard aux circonstances de l'espèce, et je suis d'avis de les rétablir.

Dans son ordonnance, le Tribunal a également enjoint au ministre de cesser d'appliquer l'alinéa 5(2)a) d'une façon discriminatoire. Je ne puis souscrire à cette ordonnance étant donné que l'alinéa 5(2)a) n'est pas en litige et qu'aucune conclusion ne peut être tirée à ce sujet.

Conclusion

Il importe de noter que cette décision n'est pas une décision constitutionnelle dans laquelle une règle de droit est déclarée invalide. Il s'agit simplement d'une affaire individuelle de discrimination résultant de l'application inéquitable d'une disposition particulière à deux enfants légalement adoptées et à leurs parents. Dans ce cas-ci, il s'agissait de véritables adoptions effectuées conformément à la législation irlandaise. Voici ce que le Tribunal a dit [aux pages 68 et 69]:

Le Tribunal est convaincu que l'adoption de Caragh et de Siobhan McKenna a été faite de bonne foi et non pour des fins touchant à l'immigration, ce que l'intimé a d'ailleurs admis. Le Tribunal est également convaincu que l'adoption a créé un véritable lien de filiation entre les parents et les enfants. La plaignante a témoigné au sujet de la démarche qu'elle a suivie pour adopter les enfants. L'intimé n'a pas contesté le fait que les adoptions se sont déroulées conformément au droit irlandais.

Rien n'empêcherait le gouvernement en l'espèce de tenter dans l'avenir d'établir l'existence de motifs justifiables. Il n'y a ici rien qui permette à des Canadiens de faire semblant d'adopter des enfants à l'étranger, de sorte que la citoyenneté leur serait automatiquement attribuée sans passer par les voies régulières. La présente décision vise simplement à remédier à la discrimination injuste dont font l'objet des enfants adoptées légalement qui doivent maintenant être considérées comme les égales, sur le plan de la citoyenneté, et à tous les autres égards, des enfants biologiques.

Je suis d'avis d'accueillir l'appel, d'infirmer la décision du juge des requêtes et de rétablir l'ordonnance du Tribunal, sauf dans la mesure où elle prétend s'appliquer à l'alinéa 5(2)a).

* * *

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Robertson, J.C.A.:

La question en litige

L'appelante et son mari sont des citoyens canadiens et des résidents permanents de l'Irlande qui ont adopté deux filles conformément aux lois de ce pays. Les deux enfants sont nées en Irlande et sont citoyennes de ce pays. En vertu de la législation canadienne, les filles adoptives de l'appelante n'obtiennent pas "automatiquement" la citoyenneté comme cela est le cas pour les enfants nés à l'étranger de parents qui sont citoyens du Canada. Les filles adoptives de l'appelante doivent plutôt être admises au Canada à titre de résidentes permanentes. Cette condition est prévue à l'alinéa 5(2)a ) de la Loi sur la citoyenneté, qui incorpore par renvoi les exigences imposées par la Loi sur l'immigration en ce qui concerne le statut de résident permanent. À cause du traitement différent dont font l'objet les enfants biologiques et les enfants adoptés nés à l'étranger et du refus du gouvernement canadien de délivrer des passeports à ses deux filles adoptives, l'appelante a déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant avoir fait l'objet de discrimination pour un motif fondé sur sa situation de famille, en violation des articles 3 et 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Décisions des instances inférieures

Le Tribunal des droits de la personne établi en vue d'entendre la plainte s'est dit compétent pour le motif que l'attribution de la citoyenneté constitue un "service [. . .] destiné [. . .] au public" au sens de l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne . Le Tribunal a également conclu que l'appelante était une "victime" au sens de l'alinéa 40(5)c ) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de sorte qu'une réparation pouvait être accordée aux deux filles adoptives, qui n'avaient pas qualité pour déposer une plainte devant la Commission. En plus de ces questions de compétence, le Tribunal a conclu que le traitement différent dont faisaient l'objet les enfants adoptés et les enfants biologiques nés à l'étranger constituait à première vue de la discrimination.

En ce qui concerne la question de savoir si le ministre a établi l'existence d'un motif justifiable à l'égard de l'acte discriminatoire, comme l'exige l'alinéa 15g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le Tribunal a statué que les exigences suivantes imposées par l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, ainsi que par la Loi sur l'immigration, n'étaient pas raisonnablement justifiées: 1) la nécessité d'établir l'intention de résider au Canada; 2) la nécessité de satisfaire à certaines exigences relatives à la santé, à la sécurité et à la criminalité; 3) la nécessité d'obtenir une lettre de non-opposition du bureau de protection de l'enfance de la province; et 4) la nécessité pour l'enfant d'être adopté avant d'avoir atteint l'âge de 19 ans (ou de 13 ans avant le mois de février 1993). Toutefois, le Tribunal a confirmé les exigences voulant que l'adoption soit faite conformément aux lois du pays étranger et que cette adoption ait pour effet de créer un véritable lien de filiation entre le parent et l'enfant, par opposition à une relation visant à contourner les lois canadiennes en matière d'immigration (la soi-disant "adoption de convenance"). On ne savait pas trop dans quelle mesure les autorités de l'immigration pouvaient empêcher l'admission pour ce dernier motif tant que la Loi sur l'immigration n'a pas été modifiée en 1992 de façon à prévoir expressément que l'adoption ne devait pas viser à assurer l'admission au Canada: voir la définition du mot "adopté" au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 et Gill (B.S.) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 229 N.R. 267 (C.A.F.).

Conformément aux conclusions qu'il avait tirées, le Tribunal a ordonné que les deux enfants de l'appelante se voient attribuer la citoyenneté et que le ministre cesse la pratique discriminatoire que constitue le fait d'exiger l'observation de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté, sous réserve des deux exceptions susmentionnées. Enfin, le Tribunal, "reconnaissant le bien-fondé de la préoccupation relative à la possibilité que la procédure d'immigration fasse l'objet d'abus", a suspendu l'exécution de l'ordonnance pour six mois afin de permettre à la Commission et au ministre de se consulter au sujet des mesures ordonnées. Le procureur général a ensuite demandé le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal.

Le juge des requêtes a accueilli la demande et a infirmé la décision du Tribunal pour le motif que l'appelante n'avait pas fait la preuve prima facie de l'existence d'une distinction. En ce qui concerne la question du motif justifiable, le juge des requêtes a statué qu'il y avait eu violation de la justice naturelle parce que les questions soulevées dans la plainte n'avaient pas été définies de façon adéquate. Le procureur général ne savait donc pas qu'il était tenu de justifier toutes les exigences relatives à la procédure d'immigration en ce qui concerne la reconnaissance du statut de résident permanent comme le prévoit l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Enfin, le juge des requêtes a conclu que le Tribunal n'avait pas compétence pour rendre une ordonnance en faveur des deux filles adoptives de l'appelante parce que ces dernières n'étaient pas des "victimes" au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qu'elles n'avaient donc pas droit à une réparation.

Analyse

Les trois questions susmentionnées sur lesquelles le juge des requêtes a statué ont été reprises dans le présent appel. Mon collègue le juge Linden a prononcé des motifs exhaustifs et, à mon avis, convaincants en ce qui concerne deux de ces questions. Je suis d'accord pour dire que le juge des requêtes a commis une erreur en concluant que l'appelante n'avait pas fait la preuve prima facie de l'existence d'une distinction et j'adopte les motifs du juge Linden en entier sur ce point. Je suis également convaincu qu'eu égard aux circonstances de la présente espèce, l'appelante est une "victime" en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne en ce sens que la discrimination contre ses deux filles adoptives a "injustement été portée" sur elle. Ici encore, je n'ai qu'à me reporter aux motifs du juge Linden à l'appui de cette conclusion. Je ne suis pas d'accord avec mon collègue en ce qui concerne la présumée violation de la justice naturelle et la conclusion selon laquelle l'alinéa 5(2)a ) de la Loi sur la citoyenneté n'est pas en cause. En particulier, je ne puis reconnaître que le mot "adopted" (adopté), tel qu'il est employé dans la version anglaise de l'alinéa 3(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté, est réputé se rapporter implicitement aux adoptions "légitimes", de sorte que l'alinéa 5(2)a ), et nécessairement les dispositions de la Loi sur l'immigration, ne s'appliquent pas. À mon avis, il n'est pas approprié de sous-entendre l'existence de ce mot lorsque la Loi sur la citoyenneté incorpore expressément par renvoi les dispositions de la Loi sur l'immigration qui traitent déjà de la question des adoptions légitimes, par rapport aux adoptions de convenance. En outre, je ne connais aucun arrêt qui étaye l'idée selon laquelle ces adoptions peuvent être empêchées en vertu d'un mot qui est sous-entendu dans la Loi sur la citoyenneté. Enfin, et je reviendrai plus loin sur ce point, l'alinéa 3(1)b) de la Loi sur la citoyenneté n'est pas pertinent aux fins qui nous occupent. C'est plutôt l'alinéa 3(1)e) qui doit être examiné ainsi que l'alinéa 5(2)a).

À mon avis, le Tribunal n'a pas commis d'erreur en reconnaissant la pertinence de l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté. Il a commis une erreur en statuant sur la question de savoir si l'alinéa 15g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne justifie les exigences relatives à la résidence permanente imposées par cette disposition. Le ministre n'a pas été avisé que l'alinéa 5(2)a) était en litige et qu'il devait présenter une preuve en vue de justifier chacune de ses exigences. Bien que j'insiste sur ce point particulier, je ne veux pas donner l'impression que je souscris à la conclusion du Tribunal, à savoir que l'attribution de la citoyenneté constitue un service destiné au public au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et que le Tribunal a donc compétence pour négocier avec le ministre responsable la façon dont les dispositions de la Loi sur la citoyenneté doivent s'appliquer dans l'avenir. Étant donné que ce point particulier n'a pas été repris devant le juge des requêtes ou devant la Cour, je ne me propose pas de l'examiner si ce n'est pour écarter l'idée erronée selon laquelle la décision que la Cour a rendue dans l'affaire Canada (Procureur général) c. Druken, [1989] 2 C.F. 24 (C.A.) étaye de quelque façon la thèse voulant que le refus d'attribuer la citoyenneté ait pour effet de priver une personne d'un service.

a) L'affaire Druken

Dans l'affaire Druken, un certain nombre de prestataires s'étaient vu refuser des prestations d'assurance-chômage en vertu des alinéas 3(2)c) et 4(3)d) [mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 80, art. 2] de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage [S.C. 1970-71-72, ch. 48] au motif qu'elles avaient été employées par leur mari. Une plainte a été déposée devant la Commission et le tribunal établi pour entendre la plainte a statué que les dispositions pertinentes de cette Loi étaient discriminatoires parce qu'elles entraînaient la privation d'un service destiné au public pour le motif de distinction illicite fondé sur l'état matrimonial. Le tribunal a ordonné à la Commission d'assurance-chômage de cesser d'appliquer les dispositions pertinentes et de payer aux plaignantes les prestations qu'on leur avait refusées. De plus, il a accordé la somme de 1 000 $ à chacune des prestataires pour "préjudice moral". La Cour a refusé d'infirmer la décision du tribunal, mais elle n'a pas souscrit à la thèse selon laquelle la possibilité d'obtenir des prestations d'assurance-chômage constitue un "service" au sens de l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne [S.C. 1976-77, ch. 33]. Le juge Mahoney, au nom de la Cour, a expressément fait remarquer que le procureur général avait soulevé dans son mémoire l'argument voulant que la fourniture de pareilles prestations ne soit pas un "service" et que sa privation ne constitue pas de la discrimination fondée sur l'état matrimonial. Le juge Mahoney a en outre fait remarquer que les deux questions avaient été abandonnées à l'audition de la demande de contrôle judiciaire. À la page 28, voici ce qu'il a dit:

Bien qu'ils fussent soulevés dans le mémoire du procureur général, n'ont pas été repris l'argument voulant que la fourniture de prestations d'assurance-chômage ne soit pas un service destiné au public et l'argument que sa privation en vertu de l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'assurance-chômage et de l'alinéa 14a) [. . .] du Règlement sur l'assurance-chômage est fondée sur l'état matrimonial et/ou la situation de famille de la personne concernée. Cette dernière assertion semble si évidente en soi qu'elle n'a pas besoin d'être commentée. En ce qui concerne la proposition précédente, le requérant semble avoir trouvé convaincante l'opinion incidente exprimée dans l'arrêt Singh (Re), [1989] 1 C.F. 430 (C.A.) [. . .]

[. . .]

Quoi qu'il en soit, la conclusion de fait fondamentale du tribunal que les intimées ont été victimes d'un acte discriminatoire illicite n'a pas été contestée.

À mon avis, l'arrêt Druken n'étaye pas la thèse selon laquelle le refus d'accorder des prestations d'assurance-chômage a pour effet de priver une personne d'un service au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne; elle montre uniquement que le procureur général a concédé la chose. Bien sûr, cela ne veut pas pour autant dire que le procureur général ou la Cour sont empêchés d'examiner la question dans des affaires subséquentes. Étant donné que la présente affaire doit être renvoyée au Tribunal pour nouvel examen, je m'abstiens de faire d'autres remarques et je reviens à mon analyse.

b) Le contexte juridique

Cette affaire est d'autant plus complexe que les deux filles adoptives de l'appelante sont nées et ont été adoptées lorsque la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1970 était en vigueur. Cette loi a été modifiée par la Loi sur la citoyenneté de 1974-75-76, qui est entrée en vigueur le 15 février 1977. Pour plus de commodité, je parlerai de l'"ancienne Loi" et de la "nouvelle Loi" respectivement. La demande que l'appelante avait présentée en vue d'obtenir des passeports canadiens pour ses filles adoptives a été rejetée en 1979, lorsque la nouvelle Loi était en vigueur. La plainte a été déposée devant la Commission en 1987.

En vertu de l'ancienne Loi, les enfants adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens n'acquéraient pas automatiquement la citoyenneté à la date de leur adoption. Pour obtenir la citoyenneté, il fallait suivre la procédure qui s'appliquait à tous les ressortissants étrangers, à commencer par la procédure d'admission prévue par la Loi sur l'immigration. La citoyenneté n'était automatiquement attribuée qu'aux enfants nés à l'étranger d'un père ayant qualité de citoyen conformément à l'alinéa 5(1)b) de l'ancienne Loi. Les enfants biologiques n'obtenaient pas automatiquement la citoyenneté grâce à leur mère, à moins d'être nés "en dehors du mariage". (L'alinéa 5(2)b ) de la nouvelle Loi vise à corriger le fait qu'auparavant, les mères canadiennes ne pouvaient pas transmettre leur citoyenneté à leurs enfants biologiques nés à l'étranger. En ce qui concerne la validité de l'ancienne disposition, voir Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 R.C.S. 358.)

La nouvelle Loi tenait compte du problème de la rétroactivité en faisant une distinction entre les enfants nés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi et ceux qui étaient nés après son entrée en vigueur. La distinction est faite à l'alinéa 3(1)b), qui s'applique aux enfants nés après le 14 février 1977, et à l'alinéa 3(1)e), qui s'applique aux enfants nés avant cette date. Ces dispositions se lisent comme suit:

3. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, a qualité de citoyen toute personne:

[. . .]

b) née à l'étranger après le 14 février 1977 d'un père ou d'une mère ayant qualité de citoyen au moment de la naissance;

[. . .]

e) habile, au 14 février 1977, à devenir citoyen aux termes de l'alinéa 5(1)b) de l'ancienne loi.

Comme il en est clairement fait mention à l'alinéa 3(1)e), les enfants nés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi (ce qui comprend les deux filles adoptives de l'appelante) ont automatiquement droit à la citoyenneté s'ils sont visés par les dispositions de l'alinéa 5(1)b) de l'ancienne Loi. Cependant, comme il en a été fait mention ci-dessus, cette disposition n'attribuait automatiquement la citoyenneté qu'aux enfants qui pouvaient établir qu'ils étaient nés d'un père ayant qualité de citoyen, ou encore d'une mère ayant qualité de citoyenne, s'ils étaient nés "en dehors du mariage". Par conséquent, les deux filles adoptives de l'appelante peuvent uniquement obtenir la citoyenneté canadienne au moyen de l'application de l'alinéa 5(2)a ) de la nouvelle Loi, qui incorpore par renvoi l'exigence relative à la résidence permanente prévue par la Loi sur l'immigration. Cette disposition se lit comme suit:

5. [. . .]

(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté:

a) sur demande qui lui est présentée par la personne autorisée par règlement à représenter celui-ci, à l'enfant mineur d'un citoyen, légalement admis au Canada à titre de résident permanent et n'ayant pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration.

En ce qui concerne les enfants nés à l'étranger après l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi, l'alinéa 3(1)b) prévoit qu'ils ont automatiquement droit à la citoyenneté s'ils sont nés d'un père ou d'une mère ayant qualité de citoyen. S'ils ne remplissent pas cette condition, l'alinéa 5(2)a) de la nouvelle Loi s'applique de la même façon qu'il s'applique aux enfants nés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la Loi. Bref, les enfants nés à l'étranger et adoptés par des citoyens canadiens n'ont pas automatiquement droit à la citoyenneté, et ce, que ce soit en vertu de l'ancienne Loi ou de la nouvelle Loi. Ils doivent satisfaire aux exigences énoncées dans la Loi sur l'immigration, telle qu'elle s'appliquait à la date pertinente.

c) L'erreur

Compte tenu de ce contexte, la discrimination dont l'appelante et ses deux filles adoptives ont à première vue fait l'objet découle de l'application des alinéas 3(1)e) et 5(2)a) de la nouvelle Loi. La discrimination découle de l'alinéa 3(1)e) parce qu'elle prive les filles adoptives de l'appelante du droit d'obtenir automatiquement la citoyenneté, droit qui est reconnu aux enfants nés à l'étranger de parents ayant qualité de citoyen. La discrimination découle de l'alinéa 5(2)a) parce qu'elle impose aux enfants adoptés l'obligation d'être admis au Canada à titre de résidents permanents conformément à tous les critères pertinents énoncés dans la Loi sur l'immigration. L'alinéa 3(1)b) est également une source de discrimination, mais il ne s'applique pas en l'espèce parce qu'il vise uniquement les enfants nés après le 14 février 1974. Comme je l'ai fait remarquer au début de ces motifs, les deux filles adoptives de l'appelante sont nées avant cette date. Je crois qu'il est important de reconnaître que ce ne sont pas les dispositions de la Loi sur l'immigration qui sont discriminatoires, mais le fait que l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté incorpore par renvoi les exigences relatives à la résidence permanente imposées par la Loi sur l'immigration.

Une fois que l'appelante a fait la preuve prima facie de l'existence d'une discrimination, il incombe au ministre d'établir l'existence d'un motif justifiable à l'égard de l'acte discriminatoire visé à l'alinéa 15g) de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À mon avis, afin de satisfaire à cette obligation, le ministre devait traiter de chaque critère imposé par la Loi sur l'immigration en ce qui concerne l'admission d'une personne à titre de résidente permanente. Plus précisément, le ministre était tenu d'établir que chacune des exigences était "raisonnablement nécessaire" en ce sens qu'il n'existait aucune solution de rechange raisonnable qui serait moins contraignante pour les enfants adoptés à l'étranger et qui permettrait au ministre d'atteindre les objectifs visés par le législateur: voir Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne) , [1992] 2 R.C.S. 321; Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279. Malheureusement, le ministre ne l'a pas fait, et ce, pour les raisons énoncées ci-après.

Dans la plainte qu'elle avait initialement déposée devant la Commission, l'appelante ne citait pas expressément une disposition particulière de la nouvelle Loi (ci-après appelée la "Loi sur la citoyenneté—), et elle ne faisait pas expressément mention de cette Loi. La transcription des plaidoiries finales présentées devant le Tribunal révèle qu'au départ, la Commission avait soutenu que l'acte discriminatoire découlait de l'application de l'alinéa 3(1)b ) de la Loi sur la citoyenneté. Évidemment, le ministre a soutenu que cette disposition ne s'appliquait pas puisqu'elle ne visait que les personnes nées après le 14 février 1977 et que les deux filles adoptives de l'appelante étaient nées avant cette date. Il est également évident que la Commission a soutenu que les deux filles adoptives de l'appelante avaient automatiquement droit à la citoyenneté. Les deux parties ont mis l'accent sur la question de savoir si le traitement différent donnant lieu à l'acte discriminatoire était justifié pour le motif qu'il était nécessaire d'empêcher les adoptions de convenance. Devant le Tribunal, la Commission a soutenu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve à l'appui de la thèse selon laquelle pareil problème existait, du moins en ce qui concerne les adoptions effectuées en Irlande. Chacune des trois personnes qui ont témoigné pour le compte du ministre n'a traité que de ce point. Ce n'est qu'à la fin des plaidoyers présentés en réponse que la Commission a soutenu pour la première fois que l'alinéa 5(2)a) de la Loi sur la citoyenneté était en cause. Cependant, à mon avis, il était trop tard pour poursuivre cet argument sans rouvrir l'audience. À proprement parler, le Tribunal aurait pu rejeter la plainte une fois qu'il avait conclu que "le fait d'accorder automatiquement aux enfants adoptés le statut de citoyen canadien permettrait à certaines personnes de contourner les exigences de la législation canadienne en matière d'immigration" (motifs du Tribunal, à la page 38). À mon avis, le juge des requêtes n'a pas commis d'erreur de fait en concluant qu'il y avait eu violation de la justice naturelle dans la présente espèce. Plus précisément, je ne puis constater l'existence d'aucune erreur dans les deux passages suivants des motifs de l'ordonnance que le juge des requêtes a rendue [aux pages 702 et 703]:

J'ai conclu qu'il y a eu violation de la justice naturelle qui paraît être survenue parce que les questions litigieuses n'ont jamais été identifiées ou définies de façon adéquate. Dans sa plainte, la plaignante n'a mentionné aucun article de la Loi sur la citoyenneté. Le texte de la plainte met l'accent sur la citoyenneté automatique et l'inéligibilité des filles à la citoyenneté de plein droit. Aucune mention n'est faite du processus de naturalisation, ce qui est normal dans le contexte. Puisque la famille McKenna n'avait pas l'intention de demeurer au Canada, la plaignante n'a jamais pensé utiliser le processus de naturalisation pour demander la citoyenneté pour ses filles. Pendant l'audience, l'avocat de la Commission a fait un long contre-interrogatoire sur la question de résidence permanente qui, allègue-t-il, n'était pertinente que parce que l'alinéa 5(2)a) était en cause. La position de la Commission paraît être qu'on devrait s'attendre à ce que le procureur général découvre la nature fondamentale des arguments à partir du contre-interrogatoire mené par l'avocat de la partie adverse. Cette allégation ne peut être retenue, surtout parce que la Commission n'a jamais mentionné l'alinéa 5(2)a) dans son plaidoyer final, même pas dans sa réplique. Dans son plaidoyer principal, la Commission a effectivement dit qu'elle cherchait à obtenir un redressement en vertu de l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté. C'est l'article qui a conféré automatiquement la citoyenneté aux fils.

Beaucoup plus tard, à la fin du plaidoyer en réplique, l'avocat de la Commission a dit pour la première fois [traduction] "C'est l'alinéa 5(2)b ) qui s'applique le plus directement au cas de Mme McKenna [. . .] Je pense que l'alinéa 5(2)b) peut couvrir la situation de Mme McKenna". En réponse, le Tribunal a demandé [traduction ] "Où en êtes-vous alors avec votre demande de redressement? Votre demande de redressement se fonde sur l'article 3". Au cours du débat qui a suivi le Tribunal a demandé aux avocats leur opinion quant à savoir s'il avait compétence pour [traduction ] "examiner un autre article qui n'a pas été invoqué en l'espèce". À mon avis, le Tribunal n'a reçu aucune réponse utile. Plus tard, à la fin de l'audience, l'avocat de l'intimé s'est opposé à la tactique de la Commission consistant à soulever l'alinéa 5(2)b ) pour la première fois au stade de la réplique. Bref, il est évident que l'alinéa 5(2)a) n'a jamais été examiné. Je suis donc convaincue qu'il y a eu violation de la justice naturelle en ce que l'avocat de l'intimé n'a pas été avisé qu'il devait défendre et justifier l'alinéa 5(2)a).

Dispositif

Je suis d'avis de rejeter l'appel sans adjuger de dépens, et de confirmer l'ordonnance par laquelle le juge des requêtes a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a infirmé la décision du Tribunal. Toutefois, je suis d'avis de modifier cette ordonnance de façon à renvoyer l'affaire au Tribunal pour nouvel examen et nouvelle décision conformément aux présents motifs.

1 [1997] 1 R.C.S. 358.

2 Lettre du 12 mai 1986, dossier d'appel, vol. II, à la p. 232.

3 Voir Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 19 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 3; L.C. 1992, ch. 47, art. 77; ch. 49, art. 11; 1995, ch. 15, art. 2; 1996, ch. 19, art. 83], 24 [mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 4], 27 [mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 4; L.C. 1992, ch. 47, art. 78; ch. 49, art. 16; 1995, ch. 15, art. 5]; Règlement sur l'immigration de 1978 [DORS/78-172], art. 2.

4 Mme McKenna a de nouveau essayé d'obtenir la citoyenneté pour ses filles en vertu de l'art. 5(4) de la Loi sur la citoyenneté le 31 janvier 1991 en écrivant au ministre qui était alors responsable de la citoyenneté, mais ses efforts ont échoué.

5 L.R.C. (1985), ch. H-6.

6 [1993] D.C.D.P. no 18 (QL), à la p. 41.

7 [1995] 1 C.F. 694 (1re inst.), à la p. 702.

8 Supra, note 1.

9 Ibid., aux p. 404 et 405.

10 Il a été déterminé devant le Tribunal que l'attribution de la citoyenneté était un "service" au sens de l'art. 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne . Aucun argument n'a été présenté sur ce point devant la Section de première instance ou devant la Cour et je m'abstiendrai donc de faire des remarques à ce sujet.

11 Voir, par exemple, Adoption Act, R.S.B.C. 1936, ch. 6, art. 10(1); Adoption Act, R.S.N.B. 1952, ch. 3, art. 30(2).

12 [1962] R.C.S. 235.

13 Ibid., à la p. 240.

14 L.R.C. (1985), ch. C-46 [art. 155 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 21)].

15 (1996), 29 O.R. (3d) 496 (Div. gén.), infirmé par (1997), 35 O.R. (3d) 1 (C.A.).

16 Ibid., à la p. 513.

17 Cependant, voir Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679 et Schafer v. Canada (Attorney General) (1997), 35 O.R. (3d) 1 (C.A.); infirmant (1996), 29 O.R. (3d) 496 (Div. gén.).

18 Voir British Nationality Act 1981 (R.-U.), 1981, ch. 61, art. 3(1).

19 Immigration and Nationality Act, 8 U.S.C. " 1433 (1994).

20 Voir également la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, La Haye, 29 mai 1993.

21 L.R.O. 1990, ch. C.11, art. 158(2), d'abord édicté par An Act to revise The Child Welfare Act, S.O. 1978, ch. 85, art. 86.

22 R.S.S. 1978, ch. F-7, art. 60(2)b).

23 Voir Child Welfare Act, S.A. 1984, ch. C-8.1, art. 65; Adoption Act, R.S.B.C. 1996, ch. 5, art. 37; Loi sur les services à l'enfant et à la famille, L.M. 1985-86, ch. 8, art. 61(1); Loi sur l'adoption, L.R.N.-B. 1973, ch. A-3, art. 30; Adoption of Children Act, R.S.N. 1990, ch. A-3, art. 20; Children's Services Act, R.S.N.S. 1989, ch. 68, art. 23; Adoption Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. A-4, art. 18(1); Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 569.

24 Adoption Act, 1976, Acts of the Oireachtas, vol. II, no 29, art. 7.

25 Voir Child Welfare Act, S.A. 1984, ch. C-8.1, art. 70; Loi sur l'adoption, L.R.N.-B. 1973, ch. A-3, art. 35; Adoption of Children Act, R.S.N. 1990, ch. A-3, art. 24; Children's Services Act, R.S.N.S. 1989, ch. 68, art. 29; Adoption Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. A-4, art. 26; The Family Services Act, R.S.S. 1978, ch. F-7, art. 66.

26 Voir Adoption Act, R.S.B.C. 1996, ch. 5, art. 47; Loi sur les services à l'enfant et à la famille, L.M. 1985-86, ch. 8, art. 57; et Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 574.

27 [1987] 1 R.C.S. 1114.

28 Ibid., à la p. 1134.

29 [1985] 2 R.C.S. 536.

30 Ibid., à la p. 547.

31 [1992] 2 R.C.S. 1103.

32 Ibid., à la p. 1154, en dissidence.

33 [1989] 1 R.C.S. 143.

34 Ibid., aux p. 174 et 175.

35 La question du caractère rétrospectif n'a pas été soulevée en l'espèce compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1997] 1 R.C.S. 358; étant donné cette décision, la Cour rendrait maintenant, selon toute probabilité, une décision différente de celle qu'elle a rendue dans l'affaire Bell c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1966), 136 D.L.R. (4th) 286 (C.A.F.).

36 Supra, note 7, à la p. 700.

37 Supra, note 6, aux p. 27 et 28.

38 Supra, note 1.

39 Ibid., à la p. 386.

40 [1991] 1 C.F. 391 (C.A.).

41 Ibid., aux p. 408 et 409.

42 Voir Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321; Commission ontarienne des droits de la personne et autres c. Municipalité d'Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202.

43 (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 53 (C.I.S.R. (sect. d'appel)).

44 [1990] 3 C.F. 37 (C.A.); voir également Gill (B.S.) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 122 F.T.R. 251 (C.F. 1re inst.); conf. par (1998), 229 N.R. 267 (C.A.F.), où le juge Marceau, J.C.A., a dit ceci, à la p. 271:

Il est logique que nous examinions non seulement la preuve de la légalité de l'adoption faite à l'étranger, mais aussi la preuve de la création d'un lien de filiation réel sans lequel la personne adoptée ne pourrait être considérée comme un véritable membre de la famille.

45 Ibid., à la p. 43.

46 Supra, note 7, à la p. 702.

47 Cela est plutôt paradoxal, étant donné que selon ces motifs, les filles auraient dû être considérées comme des citoyennes à compter de leur adoption.

48 Supra, note 1, à la p. 401.

49 [1992] 3 C.F. 691 (C.A.), à la p. 701.

50 [1993] 2 C.F. 314 (C.A.).

51 Glynos, supra, note 49, à la p. 701.

52 Action Travail des Femmes, supra, note 27, à la p. 1134.

53 [1989] 1 C.F. 430 (C.A.).

54 Ibid., à la p. 442.

55 [1989] 2 C.F. 24 (C.A.).

56 Ibid., aux p. 35 et 36.

57 Je crois donc qu'il ne serait pas sage de faire des remarques sur ce point.

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