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T-431-97

La Société Radio-Canada (demanderesse)

c.

Leila Paul (défenderesse)

Répertorié: Société Radio-Canadac. Paul(1re inst.)

Section de première instance, juge Tremblay-Lamer" Toronto, 4 novembre; Ottawa, 11 décembre 1998.

Droits de la personne Allégations de discrimination fondée sur le sexe ou l'âge contre la SRCLa compétence de la CCDP est due au caractère prédominant de l'art. 41(1) de la LCDP sur la disposition d'arbitrage des désaccords relatifs à une convention collective du Code canadien du travailLa décision de constituer un tribunal a été annulée à cause d'omissions importantes dans le rapport d'enquête laissant planer un doute sérieux sur la neutralité de l'enquêteur, de l'insuffisance de la preuve pour fonder la décisionLa divulgation du rapport du conciliateur à la CCDP, dévoilant ainsi les positions des parties sans leur consentement, a vicié la décision de constituer un tribunal car elle était fondée sur des éléments de preuve dont on ne disposait pas légitimement, en violation de la Loi et minant le but des négociations confidentielles et le processus de médiation.

Relations du travail Dans un cas de plainte de discrimination, l'art. 41(1) de la LCDP a préséance sur la disposition d'arbitrage des désaccords relatifs à une convention collective du Code canadien du travail.

La défenderesse travaillait pour la SRC comme présentatrice et reporter, principalement pour le bulletin télévisé d'informations locales de fin de soirée. Les deux conventions collectives qui régissaient ses relations de travail avec la SRC interdisaient la discrimination fondée sur les motifs énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). La défenderesse a déposé des griefs relativement à deux concours (un en 1988, l'autre en 1989) pour le poste de présentateur du bulletin d'informations de 18 h, pendant la semaine, News Centre, alléguant qu'elle était plus qualifiée que la candidate reçue. Les griefs ont par la suite été abandonnés, mais auparavant, elle avait également déposé une plainte, auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP), dans laquelle elle alléguait avoir été victime de discrimination en raison de son âge et de son sexe dans le concours de 1989 et en raison de son sexe dans le concours de 1988 pour lequel elle ne s'était même pas portée candidate. Le rapport d'enquête (le RE) préparé par un agent des droits de la personne concluait qu'un conciliateur devait être nommé. Les efforts de conciliation n'ayant pas porté fruit, la Commission a avisé les parties qu'elle avait décidé de renvoyer la plainte à un tribunal des droits de la personne. Il s'agissait d'une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

Tandis que le paragraphe 41(1) de la LCDP confère à la Commission la compétence voulue pour instruire les plaintes de discrimination, à moins que celles-ci ne soient traitées d'une façon plus appropriée par une autre loi, le Code canadien du travail (article 57) prévoyait que toute convention collective devrait contenir une clause d'arbitrage pour régler les désaccords entre les parties qu'elle régit. Les conventions collectives en l'espèce contenaient cette clause d'arbitrage.

Les questions en litige étaient de savoir si l'arbitre a une compétence exclusive à l'égard d'une plainte découlant de la violation alléguée de la LCDP lorsque la conduite reprochée est prohibée par la convention collective qui contient une clause d'arbitrage; si le RE, sur lequel la Commission s'est fondée pour déterminer si elle devait recommander qu'un tribunal soit constitué, était incomplet ou partial à un point tel que la décision de la Commission est déraisonnable; et si la décision que la Commission a prise de recommander qu'un tribunal soit constitué est viciée du fait que le conciliateur a communiqué son rapport à celle-ci sans le consentement de la SRC.

Jugement: la demande doit être accueillie.

Le paragraphe 41(1) de la LCDP confère à la Commission la compétence voulue pour instruire toute plainte découlant d'une convention collective, à moins que celle-ci ne décide que la procédure de règlement des griefs doit être épuisée. Il s'agit ensuite de savoir si l'article 57 du Code canadien du travail peut être interprété comme une exception à la compétence de la Commission. Dans l'arrêt St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier (Section locale 219), [1986] 1 R.C.S. 704, la Cour suprême a dit que l'arbitrage était clairement la juridiction que la législature préfère pour le règlement des litiges qui résultent des conventions collectives; toutefois, dans cette affaire-là, la Cour n'examinait pas une loi comme la LCDP dans laquelle le législateur a clairement conféré compétence à un autre tribunal à l'égard des litiges découlant de présumés actes discriminatoires. En outre, l'article 41 de la LCDP a été édicté après l'article 57 du Code canadien du travail. La première disposition est abrogée implicitement, dans la mesure où elle confère une compétence exclusive à l'arbitre sur des questions que le législateur a expressément confiées à la CCDP. Les tribunaux ont reconnu le caractère prédominant de la LCDP, lorsqu'il y a conflit entre deux textes législatifs. Seule une disposition législative claire (absente en l'espèce) peut avoir pour effet d'annuler l'application de l'alinéa 41(1)a) de la LCDP. Par conséquent, la compétence de la CCDP l'emporte sur celle de l'arbitre, en ce qui concerne les actes discriminatoires, à moins que, comme le prévoit l'alinéa 41(1)a), il n'apparaisse à la CCDP que la victime alléguée doive épuiser la procédure de règlement des griefs qui lui est ouverte.

La LCDP prévoit que, sur réception d'un rapport d'enquête, la CCDP doit déterminer s'il existe un fondement raisonnable dans la preuve (suffisamment d'éléments de preuve) pour passer à l'étape suivante et constituer un tribunal. Ce faisant, la CCDP doit satisfaire à au moins deux conditions: la neutralité et la rigueur. En l'espèce, le rapport d'enquête était partial parce que des renseignements pertinents importants ont été omis (6 faits importants), et la décision que la CCDP a prise de constituer un tribunal devrait être annulée. En outre, il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve justifiant la décision de constituer un tribunal. En vertu de l'article 7 de la LCDP, afin d'avoir des motifs suffisants pour constituer un tribunal, il faut constater l'existence de faits importants précis, établissant un lien entre un acte discriminatoire possible et l'affaire faisant l'objet de l'enquête. Les éléments de preuve en l'espèce ne tendaient seulement qu'à montrer qu'on a "généralement tendance" à agir d'une façon discriminatoire au sein de l'organisation.

Il y a eu violation des règles d'équité procédurale quand la CCDP a obtenu des renseignements de la défenderesse après que le rapport d'enquête eut été rédigé et après que la CCDP eut reçu les observations que la SRC avait à faire au sujet du rapport d'enquête. La CCDP aurait dû informer les parties des effets des nouveaux éléments de preuve, qui se rapportaient au nœud du litige. La SRC aurait dû être informée et aurait dû avoir la possibilité de répondre aux questions soulevées.

Enfin, la décision de la CCDP était fondée en partie sur des éléments de preuve dont elle ne disposait pas légitimement. Le paragraphe 47(3) de la Loi prévoit que les renseignements fournis au conciliateur dans le cadre de la conciliation sont confidentiels, à moins que les parties ne consentent à leur divulgation. En l'espèce, le conciliateur, en remettant son rapport à la CCDP, a divulgué les positions des parties, sans le consentement de la SRC. Cela constituait une violation de la Loi et cela minait le but des négociations confidentielles et tout le processus de médiation, et viciait la décision que la CCDP a prise de recommander qu'un tribunal soit constitué.

Il ne convenait pas dans ce cas-ci de renvoyer l'affaire à la CCDP. Les événements ici en cause se sont produits il y a près de dix ans et la Cour a annulé à deux reprises, pour cause de partialité et de manque d'équité procédurale, la demande de la CCDP pour que soit constitué un tribunal. Il faut mettre fin à ce litige.

lois et règlements

Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 57.

Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 7, 41(1) (mod. par L.C. 1995, ch. 44, art. 49), a),b), 44 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 64), 47.

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18(1) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1(3) (édicté, idem, art. 5).

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35.

jurisprudence

décisions appliquées:

R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686; (1995), 36 C.R. (4th) 171; 178 N.R. 161; 79 O.A.C. 81; Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink et autre, [1982] 2 R.C.S. 145; (1982), 137 D.L.R. (3d) 219; [1983] 1 W.W.R. 137; 39 B.C.L.R. 145; 3 C.H.R.R. D/1163; 82 CLLC 17,014; [1982] I.L.R. 1-1555; 43 N.R. 168; Winnipeg School Division No. 1 c. Craton et autre, [1985] 2 R.C.S. 150; (1985), 21 D.L.R. (4th) 1; [1985] 6 W.W.R. 166; 38 Man. R. (2d) 1; 15 Admin. L.R. 177; 8 C.C.E.L. 105; 85 CLLC 17,020; 61 N.R. 241; Canada (Procureur général) c. Boutilier, [1999] 1 C.F. 459 (1re inst.); Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574; (1994), 73 F.T.R. 161 (1re inst.); Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854; (1996), 140 D.L.R. (4th) 193; 43 Admin. L.R. (2d) 155; 26 C.C.E.L. (2d) 1; 40 C.R.R. (2d) 81; 204 N.R. 1; Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879; (1989), 62 D.L.R. (4th) 385; 100 N.R. 241; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.).

distinction faite avec:

Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; (1995), 125 D.L.R. (4th) 583; 30 Admin. L.R. (2d) 1; 12 C.C.E.L. (2d) 1; 24 C.C.L.T. (2d) 217; 95 CLLC 210-027; 30 C.R.R. (2d) 1; 183 N.R. 241; 82 O.A.C. 321; St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier (Section locale 219), [1986] 1 R.C.S. 704; (1986), 73 N.B.R. (2d) 236; 28 D.L.R. (4th) 1; 184 A.P.R. 236; 86 CLLC 14,037; 68 N.R. 112.

décisions citées:

Byers Transport Ltd. c. Kosanovich, [1995] 3 C.F. 354; (1995), 185 N.R. 107 (C.A.); Société Radio-Canada c. Commission canadienne des droits de la personne et al. (1993), 71 F.T.R. 214 (C.F. 1re inst.).

doctrine

Sopinka, J. et al. The Law of Evidence in Canada. Toronto: Butterworths, 1992.

DEMANDE de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission canadienne des droits de la personne de renvoyer une plainte à un tribunal. Demande accueillie. La décision a été annulée et l'affaire n'a pas été renvoyée à la Commission pour réexamen.

ont comparu:

Peter M. Blaikie et Thomas E. F. Brady pour la demanderesse.

Raj Anand pour la défenderesse.

René Duval pour l'intervenante, la CCDP.

avocats inscrits au dossier:

Heenan Blaikie, Montréal, pour la demanderesse.

Scott & Aylen, Toronto, pour la défenderesse.

Services juridiques de la Commission canadienne des droits de la personne pour l'intervenante, la CCDP.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Tremblay-Lamer: Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision que la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a prise de renvoyer à un tribunal la plainte que la défenderesse Leila Paul avait présentée contre la Société Radio-Canada (Radio-Canada). Cette plainte découlait de deux concours qui avaient été tenus à la station de télévision de Radio-Canada, à Vancouver, en 1988 et en 1989.

LES FAITS

Mme Paul a été embauchée par Radio-Canada à titre de reporter en novembre 1987. Elle était présentatrice du bulletin télévisé d'informations locales de fin de soirée à Radio-Canada, "Night Final", en fin de semaine et elle travaillait parfois comme reporter ou comme remplaçante du présentateur pendant la semaine.

Les relations de travail de Mme Paul avec Radio-Canada étaient régies par les dispositions de la convention collective que Radio-Canada avait conclue avec la Guilde des services de presse du Canada le 17 décembre 1987, lorsque Mme Paul travaillait comme reporter, et par les dispositions de la convention collective que Radio-Canada avait conclue avec le Syndicat canadien de la fonction publique, Conseil de la radiodiffusion (unité des employés de bureau et des professionnels), le 17 décembre 1986, lorsque Mme Paul était présentatrice.

Ces deux conventions collectives interdisent la discrimination fondée sur les motifs énumérés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne1.

En août 1988, un poste permanent de présentateur du bulletin d'informations de 18 h, pendant la semaine, News Centre, a été affiché. Mme Paul ne s'est pas portée candidate à ce poste.

Le 8 mars 1989, Mme Paul s'est démise de ses fonctions de reporter et de présentatrice, la démission devant prendre effet le 16 avril 1989.

Le 8 avril 1989, Mme Paul a retiré sa lettre de démission, avec le consentement de Radio-Canada.

Au printemps 1989, le poste de présentateur en semaine est devenu vacant. Un concours a eu lieu et Mme Paul s'est portée candidate, ainsi que douze autres personnes, dont Mme Gloria Macarenko.

Lors de la tenue du concours, Mme Paul avait 44 ans et elle avait 17 années d'expérience à l'égard du téléjournal. La candidate reçue, Mme Macarenko, avait 27 ans et avait travaillé comme présentatrice suppléante du bulletin météorologique au téléjournal de Radio-Canada à Vancouver. Mme Macarenko avait également figuré dans des messages publicitaires à la télévision.

Dans le cadre de la sélection, un jury, composé du chef de production, Journal télévisé, et du producteur principal, "Night Final", ont évalué les candidats au moyen d'une entrevue; ils ont examiné les CV ou ont vu des auditions enregistrées. Une liste restreinte de trois candidats a été dressée. Le nom de Mme  Paul ne figurait pas sur la liste. Une deuxième série d'entrevues a eu lieu entre le 5 mai et le 15 mai 1989. Mme Macarenko a par la suite été choisie pour occuper le poste.

Mme Paul a déposé deux griefs, le 9 juin 1989 et le 5 juillet 1989, dans lesquels elle alléguait qu'elle était plus qualifiée que Mme Macarenko. Radio-Canada et le SCFP ont discuté de ces griefs conformément à la convention qu'ils avaient conclue entre eux. Le SCFP n'a fait aucune allégation de discrimination fondée sur le sexe ou l'âge. Ces griefs ont par la suite été abandonnés, comme nous le verrons ci-dessous.

Le 13 juin 1989, Mme Paul a déposé auprès de la Commission une plainte dans laquelle elle alléguait avoir été victime de discrimination en raison de son âge et de son sexe lorsque le concours avait eu lieu.

Le 15 septembre 1989, Mme Paul a signé une plainte modifiée dans laquelle elle alléguait en outre avoir été victime de discrimination en raison de son sexe parce que Radio-Canada n'avait pas tenu compte de sa candidature lors du concours tenu en août 1988. Cette plainte a été transmise à Radio-Canada à titre de modification apportée à la plainte du 13 juillet 1989.

Le 15 décembre 1993, à la suite d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Radio-Canada, cette Cour a annulé, pour cause de partialité, la décision que la Commission avait prise de proroger les délais afin d'ajouter la plainte de harcèlement2.

À la suite de cette décision, Mme Paul a déposé deux nouvelles plaintes de harcèlement sexuel, l'une contre Radio-Canada et l'autre contre le chef de production, Journal télévisé, personnellement. En octobre 1994, la Commission a également décidé de proroger les délais se rapportant à ces plaintes.

Radio-Canada a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision. Toutefois, avant que la demande puisse être entendue, Mme Paul s'est désistée des plaintes de harcèlement sexuel. Radio-Canada s'est ensuite désistée de la demande de contrôle judiciaire qu'elle avait présentée.

En août 1989, Mme Paul s'est démise de ses fonctions à Radio-Canada; elle est allée travailler comme présentatrice pour un concurrent.

Par suite de la démission de sa cliente, l'avocat représentant Mme Paul à l'égard des griefs a avisé l'avocat de Radio-Canada que [traduction] "Mme  Paul a[vait] décidé de ne pas retourner travailler à Radio-Canada et [que] le syndicat se désist[ait] donc du grief qui a[vait] été déposé pour le compte de celle-ci"3.

Un rapport d'enquête (le RE) a été préparé par un agent des droits de la personne le 29 juillet 1996. Il était en partie fondé sur les entrevues qui avaient eu lieu avec Mme Paul ainsi qu'avec des employés qui travaillaient ou avaient travaillé à Radio-Canada.

Dans le RE, il était conclu que la preuve montrait que [traduction] "dans ce milieu, un homme, du fait de son sexe, était considéré comme plus digne de foi, en particulier s'il travaillait seul à titre de présentateur"4. L'auteur du RE disait en outre que la preuve démontrait que [traduction] "le processus de sélection utilisé était subjectif et n'était pas appliqué de la façon prévue par la convention collective et par la politique en matière de dotation de la défenderesse"5. En fin de compte, l'auteur du RE concluait qu'un conciliateur devait être nommé, ce qui a été fait le 16 septembre 1996.

À l'automne 1996, les parties ont rencontré un conciliateur, mais elles n'ont pas pu en arriver à un règlement.

Le 14 novembre 1996, la Commission a envoyé une lettre aux parties en y joignant des copies du rapport de conciliation, énonçant les positions des parties et les invitant à présenter des observations par écrit.

Le 14 février 1997, la Commission a informé Radio-Canada qu'elle avait décidé de demander qu'un tribunal soit constitué pour enquêter sur la plainte de Mme Paul6. Aucun motif n'était donné à l'appui de cette décision.

Radio-Canada a présenté la demande ici en cause le 13 mars 1997.

La Commission s'est vu accorder le statut d'intervenante sur la question de la compétence seulement.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

Les alinéas 41(1)a) et b) de la LCDP [mod. par L.C. 1995, ch. 44, art. 49] sont ainsi libellés7:

41. (1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants:

a) la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

L'article 47 de la LCDP prévoit ce qui suit:

47. (1) Sous réserve du paragraphe (2), la Commission peut charger un conciliateur d'en arriver à un règlement de la plainte, soit dès le dépôt de celle-ci, soit ultérieurement dans l'un des cas suivants:

a) l'enquête ne mène pas à un règlement;

b) la plainte n'est pas renvoyée ni rejetée en vertu des paragraphes 44(2) ou (3) ou des alinéas 45(2)a) ou 46(2)a);

c) la plainte n'est pas réglée après réception par les parties de l'avis prévu au paragraphe 44(4).

(2) Pour une plainte donnée, les fonctions d'enquêteur et de conciliateur sont incompatibles.

(3) Les renseignements recueillis par le conciliateur sont confidentiels et ne peuvent être divulgués sans le consentement de la personne qui les a fournis.

L'article 57 du Code canadien de travail [L.R.C. (1985), ch. L-2] se lit comme suit:

57. (1) Est obligatoire dans la convention collective la présence d'une clause prévoyant le mode"par arbitrage ou toute autre voie"de règlement définitif, sans arrêt de travail, des désaccords qui pourraient survenir entre les parties ou les employés qu'elle régit, quant à son interprétation, son application ou sa prétendue violation.

(2) En l'absence de cette clause, tout désaccord entre les parties à la convention collective est, malgré toute disposition de la convention collective, obligatoirement soumis par elles, pour règlement définitif:

a) soit à un arbitre de leur choix;

b) soit, en cas d'impossibilité d'entente sur ce choix et sur demande écrite de nomination présentée par l'une ou l'autre partie au ministre, à l'arbitre que désigne celui-ci, après enquête, s'il le juge nécessaire.

(3) Lorsque la convention prévoit, comme mécanisme de règlement, le renvoi à un conseil d'arbitrage, tout désaccord est, malgré toute disposition de la convention collective, obligatoirement soumis à un arbitre conformément aux alinéas (2)a) et b) dans les cas où l'une ou l'autre des parties omet de désigner son représentant au conseil.

(4) Lorsque la convention collective prévoit le règlement définitif des désaccords par le renvoi à un arbitre ou un conseil d'arbitrage et que les parties ne peuvent s'entendre sur le choix d'un arbitre"ou dans le cas de leurs représentants au conseil d'arbitrage, sur le choix d'un président", l'une ou l'autre des parties"ou un représentant"peut, malgré toute disposition de la convention collective, demander par écrit au ministre de nommer un arbitre ou un président, selon le cas.

(5) Le ministre procède à la nomination demandée aux termes du paragraphe (4), après enquête, s'il le juge nécessaire.

(6) L'arbitre ou le président nommé ou choisi en vertu des paragraphes (2), (3) ou (5) est réputé, pour l'application de la présente partie, avoir été nommé aux termes de la convention collective.

LES POINTS EN LITIGE

1. L'arbitre a-t-il une compétence exclusive à l'égard d'une plainte découlant de la violation alléguée de la LCDP lorsque la conduite reprochée est prohibée par la convention collective (la CC)?

2. Le RE sur lequel la Commission s'est fondée pour déterminer si elle devait recommander qu'un tribunal soit constitué est-il incomplet ou partial à un point tel que la décision de la Commission est déraisonnable?

3. La décision que la Commission a prise de recommander qu'un tribunal soit constitué est-elle viciée du fait que le conciliateur a communiqué son rapport à celle-ci sans le consentement de Radio-Canada?

POSITIONS DES PARTIES

1. La question de la compétence

Radio-Canada soutient que l'arbitre a de prime abord compétence exclusive sur tout désaccord découlant de la CC, sous réserve du contrôle judiciaire, à l'exclusion de toute autre tribunal, y compris la Commission.

Mme Paul soutient que les parties n'ont pas le droit de se soustraire par contrat aux obligations qui leur incombent en matière de droits de la personne; que l'existence d'une procédure de règlement des griefs n'a pas pour effet de priver la Commission de sa compétence; et que les arrêts invoqués par Radio-Canada portent uniquement sur la compétence des tribunaux, et non sur celle de la Commission.

La Commission soutient que la législation sur les droits de la personne l'emporte sur les autres lois; que la LCDP montre clairement que le législateur avait l'intention de conférer à la Commission une compétence sur les plaintes de discrimination, indépendamment de toute CC; et que personne ne peut se soustraire à la législation sur les droits de la personne.

2. Le rapport d'enquête

Radio-Canada soutient que le RE était à la fois partial et incomplet. En outre, la Commission a omis de divulguer de nouveaux faits que Mme Paul lui avait soumis, après que le RE eut été préparé, ce qui constituait une violation des règles d'équité procédurale.

Mme Paul soutient que les modifications apportées à la LCDP permettent maintenant à la Commission de demander qu'un tribunal soit constitué si elle est convaincue que, compte tenu des circonstances, l'examen de la plainte est justifié. La Commission a examiné le RE, ainsi que les observations que les deux parties avaient présentées au sujet de son contenu, et elle a pris sa décision. En outre, l'omission de divulguer les nouveaux faits ne constituait pas une violation des règles d'équité procédurale, étant donné que Radio-Canada n'a pas le droit de connaître tous les détails; les nouveaux faits ne se rapportaient pas à des faits qui n'étaient pas énoncés dans le RE; de plus, la demanderesse n'a pas démontré qu'il s'agissait de renseignements essentiels à l'issue de la cause.

3. Communication du rapport de conciliation

Radio-Canada soutient que le fait de communiquer à la Commission les conditions du règlement sans son consentement constitue une violation de la LCDP. Le fait que la Commission disposait de renseignements en violation de la loi lorsqu'elle a pris sa décision mine les principes de médiation et vicie la décision.

Mme Paul soutient que la Commission a le droit d'examiner toutes les circonstances de l'affaire; que le caractère raisonnable des offres de règlement est un facteur important; et que la Commission avait à sa disposition les arguments présentés par Radio-Canada sur ce point avant de prendre sa décision.

ANALYSE

Questions préliminaires

Le caractère prématuré

La défenderesse soutient que la demande de contrôle judiciaire de la décision que la Commission a prise de constituer un tribunal devrait être rejetée parce qu'elle est prématurée. Ni la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7] ni la jurisprudence n'étayent pareil argument. Cette Cour a compétence pour examiner les décisions que la Commission prend de rejeter une plainte ou de constituer un tribunal8. Cette question est réglée, comme le montre la décision que la Cour d'appel fédérale vient de rendre dans l'affaire Bell Canada9.

Le retard

La défenderesse soutient que Radio-Canada aurait dû soulever la question de la compétence au moment où le conciliateur a été nommé et que le délai de 30 jours qui s'applique aux demandes de contrôle judiciaire est maintenant expiré. Cet argument doit être rejeté pour deux motifs. 1) La décision ici en cause est la décision de constituer un tribunal, et non la décision de nommer un conciliateur. La décision de constituer un tribunal a été communiquée à la demanderesse dans une lettre datée du 14 février 1998. La présente demande a été déposée le 13 mars 1998, soit dans le délai de 30 jours imparti à cette fin. 2) Même si la demande avait été présentée en dehors du délai, la question de la compétence peut être soulevée n'importe quand10. En outre, la plainte découle d'événements qui se sont produits en 1988-1989, alors que la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Weber c. Ontario Hydro11, qui donne lieu à la présente requête, a été rendue en 1995. Il est donc approprié de soulever maintenant la question.

La chose jugée

La défenderesse soutient que, compte tenu de la décision rendue par le juge Noël12, il y a ici chose jugée.

Le principe de la chose jugée comporte trois éléments principaux:

a) une décision judiciaire définitive a été rendue;

b) les actions ou points en litige sont les mêmes;

c) les mêmes parties sont en cause13.

En l'espèce, une décision judiciaire définitive a peut-être été rendue et les parties sont peut-être les mêmes, mais les points en litige ne sont pas les mêmes. La décision du juge Noël se rapportait à la première prorogation de délai. Le juge Noël a annulé la décision de la Commission et a ordonné à cette dernière de réexaminer l'affaire. L'affaire dont je suis ici saisie porte sur la seconde prorogation de délai. La Commission est encore tenue de respecter les règles d'équité procédurale lorsqu'elle réexamine l'affaire. La doctrine de la chose jugée ne s'applique donc pas.

LES POINTS EN LITIGE

1. L'arbitre a-t-il une compétence exclusive à l'égard d'une plainte découlant de la violation alléguée de la LCDP lorsque la conduite reprochée est prohibée par la convention collective (la CC)?

Dans l'arrêt Weber14, la Cour suprême du Canada a statué que l'arbitre a compétence exclusive, sous réserve du contrôle judiciaire, de régler tous les désaccords découlant d'une convention collective.

Toutefois, il ne s'agissait pas d'un cas dans lequel le législateur avait conféré une compétence concurrente à un autre tribunal, comme c'est ici le cas.

Le paragraphe 41(1) de la LCDP confère clairement à la Commission des droits de la personne la compétence voulue pour instruire toute plainte découlant d'une convention collective, à moins que celle-ci ne décide que la procédure de règlement des griefs doit être épuisée.

Compte tenu du libellé de la Loi, il est difficile de soutenir que le législateur avait l'intention de limiter la compétence de la Commission. Je remarque que la loi renferme un certain nombre de dispositions restreignant la compétence de la Commission et que chaque restriction a été libellée en termes exprès.

La question de l'interprétation de la loi a été clairement énoncée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. McIntosh. La Cour suprême a confirmé que les lois doivent être interprétées d'une façon compatible avec leur sens ordinaire et que la loi est censée exprimer complètement ce que le législateur entendait dire.

[. . .] une loi doit être interprétée d'une façon compatible avec le sens ordinaire des termes qui la compose. Si le libellé de la loi est clair et n'appelle qu'un seul sens, il n'y a pas lieu de procéder à un exercice d'interprétation.

[. . .]

La fonction du juge étant d'interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter une interprétation qui l'amènerait à ajouter des termes à la loi; celle-ci est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire [. . .]

Le ministère public demande à notre Cour d'inclure dans le par. 34(2) des termes qui ne s'y trouvent pas. À mon avis, cela équivaudrait à modifier le par. 34(2), ce qui constitue une fonction législative et non judiciaire. L'analyse contextuelle ne justifie aucunement les tribunaux de procéder à des modifications législatives15.

En l'espèce, la loi est tout à fait claire: en vertu de l'article 41 de la LCDP, la Commission décide si le plaignant doit épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs, ou si l'affaire peut avantageusement être instruite en vertu d'une autre loi fédérale.

Il s'agit ensuite de savoir si l'article 57 du Code canadien du travail peut être interprété comme une exception à la compétence de la Commission.

La demanderesse demande à la Cour d'interpréter les arrêts Weber16 et St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier (Section locale 219)17, comme permettant d'exclure tout autre tribunal aux fins du règlement des désaccords découlant d'une convention collective. Je ne suis pas d'accord. Dans l'arrêt St. Anne Nackawic, la Cour dit que l'arbitrage "constitue une partie intégrante de ce régime et est clairement la juridiction que la législature préfère pour le règlement des litiges qui résultent des conventions collectives" [soulignement ajouté]18 . Toutefois, dans cette affaire-là, la Cour n'examinait pas une loi comme la LCDP dans laquelle le législateur a clairement conféré compétence à un autre tribunal à l'égard des litiges découlant de présumés actes discriminatoires.

En outre, l'article 41 de la LCDP a été édicté après l'article 57 du Code canadien du travail. En pareil cas, la règle est claire. La première disposition est abrogée implicitement, dans la mesure où elle confère une compétence exclusive à l'arbitre sur des questions que le législateur a expressément confiées à la Commission des droits de la personne.

Le caractère prédominant de la LCDP, lorsqu'il y a conflit entre deux textes législatifs, a été reconnu par le juge Lamer (tel était alors son titre) dans l'arrêt Heerspink19:

En conséquence à moins que le législateur ne se soit exprimé autrement en termes clairs et exprès dans le Code ou dans toute autre loi, il a voulu que le Code ait préséance sur toutes les autres lois lorsqu'il y a conflit20.

Le juge a en outre donné un avertissement lorsqu'il s'agit de renoncer par contrat à la protection prévue par le Code.

De plus, puisqu'il s'agit de droit public et de droit fondamental, personne ne peut, par contrat, à moins que la loi ne l'y autorise expressément, convenir d'en écarter l'application et se soustraire ainsi à son champ de protection21.

Cet avis a été réitéré dans l'arrêt Winnipeg School Division No. 1 c. Craton et autre22. Voici ce que le juge McIntyre a dit:

Est sans fondement l'argument, soulevé en Cour d'appel mais sur lequel on n'a pas insisté en cette Cour, portant que les parties, en acceptant l'article 14 de la convention collective, ont renoncé par contrat aux dispositions du par. 6(1). The Human Rights Act est une loi qui énonce une politique générale et à laquelle on ne saurait déroger par contrat privé23.

Je souscris à l'avis de l'avocat de la Commission, à savoir qu'interpréter l'article 57 du Code canadien du travail comme conférant une compétence exclusive à l'arbitre aurait en réalité pour effet de suspendre en partie l'application de l'article 41 de la LCDP, dès qu'une convention collective incorpore les dispositions de la LCDP. Ce n'est certainement pas l'effet qui a été prévu dans les arrêts St. Anne Nackawic et Weber.

La question soulevée devant le juge Estey dans l'arrêt St. Anne Nackawic se rapportait au double emploi, dans les cas où le législateur n'a pas assigné la tâche de traiter de certains aspects des relations de travail, et non, comme en l'espèce, au cas où le législateur a expressément édicté dans le Code une disposition qui traite des actes discriminatoires. Les arrêts de la Cour suprême sont uniformes en ce qui concerne la suprématie de la législation sur les droits de la personne par rapport aux lois24. Cela étant, seule une disposition législative claire peut avoir pour effet d'annuler l'application de l'alinéa 41(1)a) de la LCDP.

Aucune disposition du Code canadien du travail ne prévoit expressément que la compétence de l'arbitre l'emporte sur la compétence de la Commission des droits de la personne.

Je conclus donc que la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne l'emporte sur celle de l'arbitre, en ce qui concerne les actes discriminatoires, à moins que, comme le prévoit l'alinéa 41(1)a), il apparaisse à la Commission que la victime alléguée doive épuiser la procédure de règlement des griefs qui lui est ouverte.

Je remarque que dans un jugement récent, qui a été rendu après l'audition de la présente affaire, Mme le juge McGillis a également examiné la question du chevauchement des procédures de règlement des griefs ou de conflit entre pareilles procédures. L'affaire dont Mme le juge McGillis était saisie se rapportait à la compétence que possède l'arbitre nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [L.R.C. (1985), ch. P-35], mais le juge a statué qu'en cas de chevauchement ou de conflit, l'alinéa 41(1)a) de la LCDP montre que le législateur voulait que la primauté soit accordée à la Commission. Le juge McGillis a dit ceci:

Les alinéas 41(1)a) et 44(2)a) indiquent également que le législateur a expressément envisagé la possibilité que des conflits ou des chevauchements se produisent entre des procédures de règlement des griefs prescrites par différentes lois, comme celle qui est prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et les procédures et pouvoirs législatifs prévus dans la Loi canadienne des droits de la personne concernant le traitement des plaintes au sujet d'actes discriminatoires. En cas de conflit ou de chevauchement, donc, le législateur a choisi d'autoriser la Commission, aux termes des alinéas 44(1)a) et 44(2)a), à déterminer si la question devrait être réglée comme un grief en vertu de l'autre loi comme la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ou en tant que plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la per-sonne25.

Je suis d'accord avec ma collègue sur ce point.

2. Le RE sur lequel la Commission s'est fondée pour déterminer si elle devait recommander qu'un tribunal soit constitué est-il incomplet ou partial à un point tel que la décision de la Commission est déraisonnable?

La LCDP prévoit que, sur réception d'un rapport d'enquête, la Commission doit déterminer s'il existe un fondement raisonnable dans la preuve pour passer à l'étape suivante, c'est-à-dire pour constituer un tribunal. Cela sera le cas s'il existe suffisamment d'éléments de preuve justifiant la constitution de pareil tribunal.

Lorsque la Commission n'énonce pas de motifs à l'appui de la décision qu'elle a prise de renvoyer une plainte à un tribunal, ses motifs seront considérés comme étant ceux qui figurent dans le rapport d'enquête26.

La défenderesse soutient que la décision SEPQA27 ne s'applique pas parce qu'elle était fondée sur la LCDP, avant les modifications effectuées en 198528. Cet argument ne tient pas. Les modifications en question étaient des modifications mineures et donnaient des précisions sur la procédure suivie par la Commission. Comme le juge Sopinka l'a fait remarquer:

Cet aspect de la procédure devant la Commission a été élucidé par des modifications apportées à la Loi (S.C. 1985, chap. 26, art. 69). La version actuelle du par. 36(3) se trouve au par. 44(3) des L.R.C. (1985), chap. H-6 (modifié par chap. 31 (1er supp.), art. 64) qui dispose que, sur réception du rapport de l'enquêteur, la Commission peut demander la constitution d'un tribunal si elle est convaincue que, compte tenu des circonstances, l'examen de la plainte est justifié29.

Par conséquent, si le rapport d'enquête, que la CCDP a adopté dans sa décision, est fondamentalement vicié, la décision elle-même de constituer un tribunal sera également viciée30.

La Commission doit respecter les règles d'équité procédurale lorsqu'elle enquête sur une plainte, ce qui veut dire que l'affaire doit être instruite objectivement et avec un esprit ouvert; que la question ne peut pas être tranchée à l'avance; et que les parties doivent être informées des éléments de preuve dont dispose la Commission de façon qu'elles puissent présenter des observations utiles31. En d'autres termes, comme l'a dit mon collègue le juge Nadon dans la décision Slattery, la Commission "doit satisfaire à au moins deux conditions: la neutralité et la rigueur"32.

L'arbitre n'a pas un rôle de poursuivant. Il n'agit pas à l'aveuglette.

Le rôle de la Commission, lorsqu'elle décide si une plainte doit continuer à être traitée, a été établi dans l'arrêt Cooper33. Le juge La Forest, qui parlait au nom de la majorité, a dit ceci:

La Commission n'est pas un organisme décisionnel; cette fonction est remplie par les tribunaux constitués en vertu de la Loi. Lorsqu'elle détermine si une plainte devrait être déférée à un tribunal, la Commission procède à un examen préalable assez semblable à celui qu'un juge effectue à une enquête préliminaire. Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée. Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l'ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L'aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s'il existe une preuve suffisante34.

Dans l'arrêt SEPQA35, la Cour suprême du Canada a établi le critère à appliquer aux fins de l'examen de la décision que la Commission a prise de constituer un tribunal conformément à l'article 44 [mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 64] de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le critère préliminaire est très souple, comme la Cour d'appel fédérale l'a récemment souligné dans l'arrêt Bell Canada36, mais le juge Sopinka a dit que le but de l'alinéa 36(3)b) (maintenant article 44) était que la Commission rejette une plainte "pour les cas où la preuve ne suffit pas pour justifier la constitution d'un tribunal"37. Le juge a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une procédure judiciaire, mais il a dit que la Commission doit déterminer "si la preuve fournit une justification raisonnable pour passer à l'étape suivante"38.

L'enquêteur doit essentiellement recueillir les renseignements qui serviront de fondement adéquat et juste dans une affaire particulière, et qui permettront à la Commission de soupeser tous les intérêts en jeu et de décider de la prochaine étape. Aucun fait pertinent ne devrait être omis. Les omissions, en particulier lorsque les renseignements nuisent à la position du plaignant, laissent uniquement planer un doute sérieux sur la neutralité de l'enquêteur. Je me rends bien compte qu'il s'agit d'une tâche difficile, mais ce n'est qu'en respectant cette norme stricte d'équité que l'enquêteur aidera la Commission à maintenir sa crédibilité.

i)  Omission de faits importants

En l'espèce, j'ai minutieusement examiné la preuve et, à mon avis, le rapport d'enquête est partial parce que des renseignements pertinents importants ont été omis. Voici la liste des omissions importantes:

1. Le rapport d'enquête39 ne fait pas mention du fait que Mme Paul avait déjà déposé et retiré deux griefs présentés en vertu de la convention collective conclue entre Radio-Canada et le SCFP à l'égard de la nomination de Mme Macarenko. La discrimination fondée sur le sexe ou l'âge n'est alléguée dans aucun de ces deux griefs.

2. Le rapport ne mentionne pas que Mme Paul ne s'est pas portée candidate au premier concours.

3. Le rapport ne mentionne pas que, sur les 13 candidats qui se sont présentés au second concours, Mme Paul n'a pas été inscrite sur la liste restreinte.

4. Le rapport ne mentionne pas la mauvaise évaluation du rendement donnée à Mme Paul par le producteur qui l'avait embauchée.

5. Le rapport ne corrige pas des erreurs manifestes commises dans l'interprétation de la convention collective, même si la demanderesse avait présenté à la Commission de nombreuses observations à ce sujet.

6. Enfin, le rapport ne mentionne pas qu'aucune des personnes qui ont eu une entrevue, à l'exception de Mme Paul, ne considérait que le sexe ou l'âge était entré en ligne de compte dans la décision de ne pas l'embaucher.

Le RE ne satisfait donc pas à la norme de neutralité et de rigueur. Par conséquent, la décision que la Commission a prise de constituer un tribunal est annulée.

ii) Le caractère suffisant des éléments de preuve se rapportant à la constitution d'un tribunal

En outre, compte tenu du critère énoncé dans l'arrêt SEPQA, je me demande s'il y avait suffisamment d'éléments de preuve justifiant la décision de constituer un tribunal.

Dans le rapport d'enquête, des remarques générales ont été faites au sujet du traitement des présentateurs de sexe masculin et de sexe féminin dans l'industrie de la radiodiffusion, mais comme je l'ai fait remarquer, aucune remarque n'a été faite au sujet du fait que l'on avait choisi Mme Macarenko plutôt que Mme Paul.

J'ai inclus les passages pertinents des entrevues se rapportant à la question de l'embauchage de Mme Macarenko:

M. Marc Rymal, qui effectuait des reportages de fond à ce moment-là (qui ne travaille plus à Radio-Canada)40:

[traduction] Il dit qu'il ne croit pas que le sexe entre en ligne de compte et qu'il ne peut pas dire si l'âge était pris en considération étant donné qu'il n'a pas personnellement connaissance des raisons pour lesquelles Mme Macarenko a été embauchée. Toutefois, ce facteur entrait probablement en ligne de compte puisque les reporters parlent souvent de la bonne mine des présentateurs et qu'en général, on croit que si on les laissait faire à leur guise, les dirigeants rempliraient la place de beau monde. [Je souligne.]

M. Ted Chernecki, reporter et présentateur de fin de semaine à ce moment-là (qui ne travaille plus à Radio-Canada)41:

[traduction] L'âge et le sexe ont-ils eu quelque chose à voir avec la nomination de Gloria?

Il dit qu'il ne le sait pas, mais qu'il ne le croit pas. Le producteur la préférait.

Gloria était à peine meilleure que Mme Paul devant la caméra, elle était plus chaleureuse. Cependant, Mme Paul avait certes plus de talent en tant qu'intervieweuse, en particulier lorsqu'il s'agissait d'une émission en direct et, en théorie du moins, ses compétences de journaliste étaient meilleures. Elle était compétente, mais elle ne sortait pas de l'ordinaire. [Je souligne.]

M. Graham McMullen, travaillant à la programmation à Radio-Canada, à ce moment-là, maintenant à la retraite42:

[traduction] Croyez-vous qu'il ait été tenu compte de l'âge lorsqu'il s'est agi d'embaucher Mme Macarenko plutôt que Mme Paul?

Il dit qu'il espère qu'il ne lui a pas mis cette idée dans la tête (à Mme Paul). Il a expliqué qu'un bon soir, il a dit que si c'était lui qui effectuait la sélection, il songerait au long terme. Quel genre de présentateur embaucherait-il pour les cinq ou dix années à venir? L'âge serait un facteur. Il dit que dans le monde de la télévision, c'est une question de marchandisage. L'apparence entrerait toujours en ligne de compte dans le processus de sélection; autrement, pourquoi y aurait-il un service du maquillage à Radio-Canada et pourquoi consacrerait-on tant de temps et d'argent à l'apparence du présentateur? Par conséquent, si l'on embauche un présentateur qui sera là pendant les dix prochaines années, il faut tenir compte de l'âge. Il prendrait certainement cela en considération, s'il était le superviseur chargé de l'embauchage. [Je souligne.]

Mme Helen Slinger, autrefois chef de production (qui ne travaille plus à Radio-Canada)43:

[traduction] Y a-t-il eu une évaluation?

[. . .]

Elle mentionne que juste après que Leila Paul eut porté plainte, elle l'a rencontrée dans l'immeuble où étaient situés les bureaux de Radio-Canada à Vancouver et qu'elles ont eu une conversation à ce sujet. Elle lui a dit qu'à son avis, si on ne l'avait pas embauchée, ce n'était pas à cause de son âge ou de son sexe, qu'elle avait tendance à se prendre pour une autre et que ce n'était pas tout que d'avoir de l'éclat. Elle se rappelle avoir essayé de le lui faire comprendre.

Jusqu'à quel point l'âge était-il un facteur?

La télévision est le reflet des temps. Les femmes qui sont sur l'antenne sont jugées comme elles le sont dans la société. En général, on favorise les candidates plus jeunes qui paraissent mieux. Contrairement aux hommes, les femmes ne deviennent pas plus dignes de foi avec l'âge.

Mmes Macarenko et Paul étaient toutes les deux des femmes intelligentes.

Elle dit qu'à son avis, on n'aurait pas dû choisir Mme Macarenko, mais elle croit que Ritchie croyait peut-être avoir découvert un talent.

Mme Paul ne semblait pas vieillir, de sorte qu'elle ne croit pas que son âge l'ait empêchée d'être embauchée. Elle croit que d'autres facteurs sont entrés en ligne de compte (des problèmes de rendement).

Elle croyait que l'égotisme de Mme Paul l'emportait sur d'autres questions. C'est le cas classique de la personne qui ne s'estime jamais fautive; elle blâme toujours un facteur indépendant lorsque son rendement n'est pas ce qu'il devrait être. [Je souligne.]

M. Ron Harris, directeur, Administration et finances, Télévision, Radio-Canada, à Vancouver, qui est maintenant à la retraite, avait ceci à dire44:

[traduction] À votre avis, cherchaient-ils un présentateur de sexe masculin?

Non. Il dit qu'il ne le sait pas.

À ce moment-là, la Société Radio-Canada tentait de se montrer politiquement correcte; elle ne le dirait ou ne l'admettrait certainement pas, même si c'était vrai.

Il ajoute qu'il ne croit pas que le sexe ou la race soient entrés en ligne de compte.

Qu'en est-il de l'âge?

Il ne le croit pas. À ce moment-là, si une personne avait une belle apparence, elle avait des chances.

Wayne Skene ne lui a jamais dit quoi que ce soit qui laisse entendre qu'il y ait eu des préjugés fondés sur le sexe ou sur l'âge. C'était un homme coléreux et il aurait probablement dit quelque chose à un moment donné.

Il dit que Kevin Evans, de NewsCentre, était présentateur à Winnipeg, et c'était lui qui avait la meilleure cote d'écoute à cet endroit. M. Skene l'a embauché pour faire la même chose à Vancouver. Il avait tout à fait le genre "agent de la GRC de race blanche", ce qui convenait fort bien à Winnipeg, mais pas nécessairement ailleurs. M. Skene était fort heureux de l'avoir. [Je souligne.]

Mme Cecilia Walters, autrefois coprésentatrice, a dit ceci45:

[traduction] Croyez-vous que l'âge soit entré en ligne de compte?

Non, lorsqu'il y a un changement de direction (dans ce cas-ci, Helen Slinger était partie), il y a souvent beaucoup de changements: qu'il s'agisse de la formule des émissions, des présentateurs, du décor, etc. Elle dit que c'est comme si la nouvelle direction veut mettre sa propre marque sur les choses afin d'améliorer la cote d'écoute. Elle ajoute que les directeurs de nouvelles veulent leurs propres gens, qu'ils veulent effectuer des changements ou organiser le monde à leur façon.

Mme Jan Tennant, qui était alors présentatrice, avait ceci à dire46:

[traduction] Elle dit qu'en effet, ils agissent d'une façon discriminatoire à l'égard des hommes et des femmes en raison de leur âge, mais ce n'était pas là ce dont elle se plaignait lorsqu'elle travaillait à cet endroit, cela avait plutôt quelque chose à voir avec la direction de l'endroit. Et elle ajoute qu'elle ne sait absolument rien au sujet de Radio-Canada à Vancouver, ou au sujet de Leila Paul, mais qu'elle se rappelle ce que disaient les journaux à ce moment-là. [Je souligne.]

Sur la base de ces entrevues, l'enquêteur a tiré la conclusion suivante47:

[traduction] [. . .] la clientèle (les téléspectateurs et les annonceurs) préférait qu'on choisisse des présentateurs plus jeunes qui paraissaient bien; cette préférence était particulièrement marquée en ce qui concerne les présentatrices.

Lorsqu'une plainte précise de discrimination est portée, des éléments de preuve tendant à montrer qu'on a "généralement tendance" à agir d'une façon discriminatoire au sein d'une organisation fournissentils des motifs suffisants pour permettre à la Commission de constituer un tribunal?

Il est important de noter qu'il s'agit d'une enquête menée en vertu de l'article 7 de la LCDP et non en vertu de l'article 10. À mon avis, afin d'avoir des motifs suffisants pour constituer un tribunal, il faut constater l'existence de faits importants précis, établissant un lien entre un acte discriminatoire possible et l'affaire faisant l'objet de l'enquête.

Il ne s'agit pas ici d'une enquête fondée sur l'article 10 dans laquelle les lignes de conduite discriminatoires d'une organisation font l'objet d'un examen. Toute indication montrant qu'un problème peut exister dans une industrie particulière ne constitue au mieux qu'une preuve corroborante.

À mon avis, cette approche est une arme à double tranchant. L'enquêteur peut se faire une idée à l'avance au sujet de la plainte, en se fondant sur sa connaissance générale. Puis, afin d'aider la victime alléguée, l'enquêteur peut avoir tendance à filtrer l'information, consciemment ou non, de façon qu'elle "corresponde" au modèle. Il en résultera sans doute une version faussée des événements. Les faits sont des faits. Il doit exister certains éléments de preuve qui établissent un lien entre la "tendance générale" et la plainte précise. En l'espèce, je ne puis constater l'existence de liens suffisants.

En résumé:

1) En ce qui concerne la nomination d'un homme au poste permanent de présentateur en semaine de l'émission "Night Final", en septembre 1988, il a été conclu ce qui suit dans le rapport d'enquête48 :

[traduction] La preuve confirme que la présentatrice de News Centre a été destituée de ses fonctions, mais elle montre également qu'il y avait eu des changements dans la direction, ce qui amenait habituellement des changements dans la formule de l'émission et un changement de présentateur. Toutefois, la preuve montre également que, dans ce milieu, un homme, du fait de son sexe, était considéré comme plus digne de foi, en particulier s'il travaillait seul comme présentateur.

2) En ce qui concerne le concours qui a eu lieu en 1989, comme il en a ci-dessus été fait mention, il n'existe aucun élément de preuve, à part les allégations que Mme Paul a elle-même faites au sujet de la discrimination fondée sur l'âge ou le sexe.

iii) La violation des règles d'équité procédurale

Radio-Canada soutient que la Commission a obtenu des renseignements de Mme Paul après que le rapport d'enquête eut été rédigé et après que la Commission eut reçu les observations que Radio-Canada avait à faire au sujet du rapport d'enquête. En particulier, Mme Paul a soumis des lettres de quatre anciens employeurs attestant ses compétences et habiletés49.

Mme Paul soutient qu'une partie n'a pas le droit de connaître l'affaire en détail, mais qu'elle a uniquement le droit d'en être informée en gros; qu'une partie a uniquement droit à la communication lorsque les commentaires font état de faits qui diffèrent de ceux qui sont énoncés dans le rapport d'enquête; et enfin, que pour établir l'existence d'une erreur susceptible de révision, le demandeur doit démontrer qu'on a eu tort de ne pas divulguer les renseignements et que pareils renseignements sont essentiels à l'issue de l'affaire. Je suis d'accord avec la défenderesse pour dire que l'équité exige uniquement qu'une partie soit informée de la substance du rapport, et qu'il n'est pas nécessaire de lui fournir tous les détails50. Toutefois, la Commission doit informer les parties des effets de tout nouvel élément de preuve qui se rapporte au nœud du litige.

Dans l'arrêt Bell Canada, le juge Décary, J.C.A. dit qu'un enquêteur, et par conséquent la Commission, est tenu de faire savoir aux parties quelles pourraient être les conséquences de tout nouvel élément de preuve qui lui est présenté.

Il s'ensuit donc que lorsqu'un enquêteur recueille, au cours de son enquête, une preuve qui ne provient pas de lui et selon laquelle il y aurait un motif de discrimination que la plainte, telle que rédigée, pourrait ne pas avoir englobé, il est de son devoir d'analyser cette preuve, de faire savoir aux parties quelles pourraient être ses conséquences sur l'enquête et, même, de suggérer la modification de la plainte51.

Sur les quatre lettres, les trois premières attestent simplement les habiletés de Mme Paul à titre de reporter. Ces renseignements n'auraient ajouté à l'enquête aucun élément que Radio-Canada n'aurait pas déjà eu l'occasion d'examiner. Toutefois, la quatrième lettre, de Ken Coach, de Damn Good Productions Limited52, renferme des renseignements se rapportant directement à la question de l'atmosphère qui régnait à Radio-Canada. En particulier, il y est fait mention de favoritisme et l'on critique la direction de la salle des nouvelles. Les deux derniers paragraphes de la lettre se lisent comme suit:

[traduction] J'ai remarqué que dans la salle des nouvelles, on fonctionnait sur la base du favoritisme et de la personnalité, et que cela était encouragé par la direction de la salle, qui était composée de personnes étranges qui manquaient de consistance. Radio-Canada à Vancouver n'avait pas le degré de professionnalisme qui existait lorsque je travaillais dans trois autres salles régionales de nouvelles de Radio-Canada, ainsi qu'à la salle nationale des nouvelles de Radio-Canada, et à la salle nationale des nouvelles de CTV [. . .]

Elle fait souvent preuve d'une fougue qui est le propre d'un bon reporter enquêteur mais elle n'avait pas la pétulance de certains de ses collègues.

Ces renseignements n'ont pas été communiqués à la défenderesse, même si les accusations de favoritisme et de mauvaise gestion sont fort pertinentes, en ce qui concerne la plainte portée par Mme Paul.

Comme il en a ci-dessus été question, la Commission était tenue de faire savoir aux parties quelles pourraient être les conséquences d'une nouvelle preuve. La Commission a retenu cet élément de preuve sans informer Radio-Canada et sans lui donner la possibilité de répondre aux questions soulevées. Cette omission équivaut à une violation de l'équité procédurale.

3. La décision que la Commission a prise de recommander qu'un tribunal soit constitué est-elle viciée du fait que le conciliateur a communiqué son rapport à celle-ci sans le consentement de Radio-Canada?

Le paragraphe 47(3) de la Loi prévoit la conciliation et dit que les renseignements fournis au conciliateur sont confidentiels, à moins que les parties ne consentent à leur divulgation.

47. [. . .]

(3) Les renseignements recueillis par le conciliateur sont confidentiels et ne peuvent être divulgués sans le consentement de la personne qui les a fournis.

Il ressort de la preuve que les positions des parties ont été divulguées à la Commission, étant donné que cette dernière a inclus les renseignements dans la lettre qu'elle a envoyée aux parties. Cela constitue une violation de la Loi et cela mine le but des négociations confidentielles. Si la Commission a accès aux positions prises par les parties sans leur consentement, tout le processus de médiation est miné.

La défenderesse soutient que le caractère raisonnable des conditions d'une offre de règlement est un facteur dont la Commission peut légitimement tenir compte. Cela est vrai uniquement si les parties en cause ont consenti à la divulgation des renseignements, ce qui n'est pas ici le cas. La Commission doit observer la loi. La règle énoncée au paragraphe 47(3) ne comporte aucune exception.

Par suite de la divulgation des renseignements confidentiels, en violation de l'article 47 de la Loi, la décision de la Commission est fondée en partie sur des éléments de preuve dont elle ne disposait pas légitimement. Il est impossible de savoir dans quelle mesure la Commission s'est fondée sur ces renseignements.

CONCLUSIONS

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision que la Commission a prise le 14 février 1997 de demander au président de Comité du tribunal des droits de la personne du Canada de constituer un tribunal chargé d'examiner la plainte que Mme Paul avait portée contre Radio-Canada est annulée.

Eu égard aux circonstances, je ne crois pas qu'il convienne dans ce cas-ci de renvoyer l'affaire à la Commission pour réexamen. Les événements ici en cause se sont produits il y a près de dix ans et la Commission en est encore au stade de l'enquête. La Commission a demandé à deux reprises qu'un tribunal soit constitué et la décision a été annulée à deux reprises pour cause de partialité et de manque d'équité procédurale. Il faut mettre fin à ce litige. L'affaire ne sera donc pas renvoyée à la Commission pour réexamen.

1 L.R.C. (1985), ch. H-6, dans sa forme modifiée (ci-après la LCDP).

2 Société Radio-Canada c. Commission canadienne des droits de la personne et al. (1993), 71 F.T.R. 214 (C.F. 1re inst.) (ci-après Radio-Canada c. CCDP).

3 Affidavit de M. Bourassa, par. 8 et pièce 8 qui y est jointe, dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, aux p. 10 et 47.

4 Rapport d'enquête, dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, à la p. 89.

5 Ibid.

6 Lettre de L. Veillette, secrétaire de la CDP, à E. Bourassa, directeur, Planification et développement, Radio-Canada, (14 février 1998), dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, à la p. 133.

7 Supra, note 1.

8 Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18(1) [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4] et 18.1(3) [édicté, idem, art. 5]; Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854; Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879 (ci-après SEPQA).

9 ;Bell Canada c. Syndicat canadien des communications de l'énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.) (ci-après Bell Canada).

10 ;Byers Transport Ltd. c. Kosanovich, [1995] 3 C.F. 354 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Boutilier, [1999] 1 C.F. 459 (1re inst.).

11 [1995] 2 R.C.S. 929 (juge McLachlin) (ci-après Weber).

12 Radio-Canada c. CCDP, supra, note 2.

13 J. Sopinka, S. Lederman & A. Bryant, The Law of Evidence in Canada (Toronto: Butterworths, 1992), aux p. 990 et 991.

14 Weber, supra, note 11.

15 ;R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, aux par. 18 et 26, p. 697 et 701.

16 Weber, supra, note 11.

17 [1986] 1 R.C.S. 704 (ci-après St. Anne Nackawic).

18 Ibid., à la p. 721.

19 ;Insurance Corporation of British Columbia c. Heerspink et autre, [1982] 2 R.C.S. 145 (ci-après Heerspink).

20 Ibid., à la p. 158.

21 Ibid.

22 [1985] 2 R.C.S. 150 (ci-après Craton).

23 Ibid., à la p. 154.

24 Heerspink, supra, note 19; Craton, supra, note 22.

25 Boutilier, supra, note 10, aux p. 475 et 476.

26 Bell Canada, supra, note 9, au par. 30, p. 134 (C.A.); Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574 (1re inst.), à la p. 598.

27 SEPQA, supra, note 8.

28 S.C. 1985, ch. 26, art. 69 [maintenant L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31].

29 Supra, note 8, à la p. 899.

30 Slattery, supra, note 26, à la p. 599; Radio-Canada c. CCDP, supra, note 2, à la p. 226.

31 Radio-Canada c. CCDP, supra, note 2.

32 Slattery, supra, note 26, à la p. 598.

33 Cooper, supra, note 8.

34 Ibid., à la p. 891.

35 SEPQA, supra, note 8.

36 Bell Canada, supra, note 9, au par. 35, p. 136.

37 SEPQA, supra, note 8, à la p. 899.

38 Ibid.

39 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, à la p. 89.

40 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, à la p. 299.

41 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, à la p. 305.

42 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, à la p. 308.

43 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, aux p. 311 à 313.

44 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, à la p. 317.

45 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, aux p. 323 et 324.

46 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 2, à la p. 325.

47 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, à la p. 100.

48 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, à la p. 100.

49 Affidavit de M. Bourassa, par. 15 et pièces 19, 20, 21 et 22 qui y sont jointes, Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1 aux p. 12, 118, 119, 120 et 121.

50 SEPQA, supra, note 8.

51 Bell Canada, supra, note 9, au par. 45, p. 140.

52 Dossier de la demande de la demanderesse, vol. 1, à la p. 121.

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