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T-864-98

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, et l'article 108 de la Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. C-1;

ET certaines plaintes reçues au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada concernant la communication de renseignements personnels recueillis par le ministère du Revenu national à la Commission de l'assurance-emploi du Canada;

ET une demande d'avis présentée par voie de mémoire spécial à la Section de première instance de la Cour fédérale, aux termes de l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7.

Répertorié: Loi sur la protection des renseignements personnels (Can.) (Re)(1re inst.)

Section de première instance, juge Tremblay-Lamer" Ottawa, 30 novembre 1998 et 29 janvier 1999.

Protection des renseignements personnels La communication de renseignements par Revenu Canada (Douanes) à la CAEC aux termes du protocole d'entente concernant la collecte et la communication de renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs (programme ayant pour but d'identifier les prestataires de l'assurance-emploi qui n'ont pas signalé leur absence du Canada) n'est pas autorisée par l'art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ni par l'art. 108 de la Loi sur les douanesLes renseignements fournis par les voyageurs sont desrenseignements personnelsselon la définition donnée à l'art. 3 de la Loi sur les renseignements personnelsL'art. 8(2)b) de la Loi sur les renseignements personnels autorise la communication de renseignements personnels aux fins qui sont conformes aux lois fédérales autorisant leur communicationL'art. 108(1)b) de la Loi sur les douanes autorise la communication de renseignements, mais dans certaines circonstances seulement, et non pas, comme en l'espèce, en vertu d'une autorisation générale de communication en vue de l'application des lois fédérales ou provinciales.

Douanes et accise Loi sur les douanes La communication derenseignements personnelspar Revenu Canada (Douanes) à la CAEC aux termes du protocole d'entente concernant la collecte et la communication de renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs (programme ayant pour but d'identifier les prestataires de l'assurance-emploi qui n'ont pas signalé leur absence du Canada) n'est pas autorisée par l'art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ni par l'art. 108 de la Loi sur les douanesL'autorisation générale donnée par le ministre (par laquelle la communication de renseignements obtenus pour les fins de la Loi sur les douanes est permise lorsque ceux-ci sont exigés pour l'application des lois fédérales ou provinciales) constitue un exercice non valide de son pouvoir discrétionnaire: en vertu de l'art. 108 de la Loi sur les douanes, des renseignements confidentiels ne peuvent être communiqués que dans certaines circonstances; le ministre a fait entrave à son pouvoir discrétionnaire, puisqu'il n'a pas examiné les circonstances particulières de l'affaire.

Assurance-emploi La communication derenseignements personnelspar Revenu Canada (Douanes) à la CAEC aux termes du protocole d'entente concernant la collecte et la communication de renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs (programme ayant pour but d'identifier les prestataires de l'assurance-emploi qui n'ont pas signalé leur absence du Canada) n'est pas autorisée par l'art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ni par l'art. 108 de la Loi sur les douanes.

Interprétation des lois La communication derenseignements personnelspar Revenu Canada (Douanes) à la CAEC aux termes du protocole d'entente concernant la collecte et la communication de renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs (programme ayant pour but d'identifier les prestataires de l'assurance-emploi qui n'ont pas signalé leur absence du Canada) n'est pas autorisée par l'art. 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels ni par l'art. 108 de la Loi sur les douanesPuisque la Charte n'a pas été invoquée en l'espèce, l'affaire doit être décidée par voie d'interprétation des lois, au moyen de la méthode contextuelleLes renseignements fournis par les voyageurs sont desrenseignements personnelsselon la définition donnée à l'art. 3 de la Loi sur les renseignements personnelsL'art. 8(2)b) de la Loi sur les renseignements personnels autorise la communication de renseignements personnels pour les fins qui sont conformes aux lois fédérales autorisant leur communicationL'art. 108(1)b) de la Loi sur les douanes autorise la communication de renseignements, mais dans certaines circonstances seulement, et non pas comme en l'espèce, en vertu d'une autorisation générale de communication en vue de l'application des lois fédérales ou provincialesLe ministre s'est appuyé sur des considérations étrangères à l'objet de la Loi, faisant ainsi entrave à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

La Commission de l'assurance-emploi du Canada voulait mettre sur pied un programme ayant pour but d'identifier les prestataires de l'assurance-emploi qui n'avaient pas signalé leur absence du Canada pendant qu'ils touchaient des prestations auxquelles ils n'avaient pas droit. À cette fin, la Commission a négocié une entente avec Revenu Canada, Douanes, en vertu de laquelle Douanes Canada rendait accessibles certains renseignements fournis par les voyageurs: le nom, la date de naissance, le code postal, l'objet du voyage et les dates de départ et de retour au Canada. Ces renseignements étaient électroniquement comparés aux fichiers de la Commission sur les prestataires de l'assurance-emploi. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a reçu certaines plaintes concernant la communication de renseignements personnels recueillis par le ministère du Revenu national à la Commission. Il s'agit d'une demande d'avis présentée par voie de mémoire spécial à la Section de première instance pour savoir si l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l'article 108 de la Loi sur les douanes autorisent la communication de "renseignements personnels" par le ministère du Revenu national à la Commission aux termes du protocole d'entente pour la collecte et la communication de données extraites des renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs.

Jugement: la réponse est négative.

Puisque la Charte n'a pas été invoquée en l'espèce, le dossier porte uniquement sur l'interprétation des dispositions légales. En pareil cas, les tribunaux doivent appliquer une méthode d'interprétation contextuelle: les termes de la Loi doivent être interprétés dans le sens grammatical ordinaire qui s'harmonise avec l'économie de la loi. L'analyse contextuelle ne justifie pas les tribunaux de procéder à des modifications législatives.

L'un des buts de la Loi sur la protection des renseignements personnels est de protéger les renseignements personnels que des institutions fédérales conservent au sujet des particuliers. Les renseignements personnels communiqués en vertu du programme sont des "renseignements personnels" selon la définition donnée à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements personnels . L'alinéa 8(2)b) de la Loi autorise la communication de renseignements personnels aux fins qui sont conformes aux lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication.

L'alinéa 108(1)b) de la Loi sur les douanes autorise la communication de renseignements à toute personne autorisée par le ministre, sous réserve des conditions que celui-ci précise. Le programme en l'espèce a été établi en vertu d'une autorisation générale, par laquelle la communication de renseignements obtenus pour les fins de la Loi sur les douanes est permise lorsque, notamment, les renseignements sont exigés pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale. Le critère de contrôle applicable à l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un ministre, comme en l'espèce, a été établi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2: la cour de révision doit uniquement se demander si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle, et s'il s'est fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la Loi.

L'autorisation donnée par le ministre constitue un exercice non valide de son pouvoir discrétionnaire. En exerçant son pouvoir discrétionnaire, le ministre doit se fonder sur des considérations qui sont pertinentes à l'objet de la Loi en question (en l'espèce la Loi sur les douanes). Dans l'arrêt Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., [1998] 4 C.F. 439 (C.A.), la Cour a formulé l'objet des articles 107 et 108 de la Loi sur les douanes en déclarant que ces articles ont pour objet de préserver le caractère confidentiel des renseignements recueillis dans le cadre de l'application de la Loi et de les communiquer dans certaines circonstances seulement. Malgré cela, le ministre a donné une autorisation générale ayant pour but de permettre la communication de renseignements aux fins de l'application et de l'exécution non seulement de la Loi sur les douanes, mais de toute loi fédérale ou provinciale. La condition selon laquelle, de l'avis de certains responsables, les renseignements sont nécessaires pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale ne fait pas partie des "circonstances" mentionnées dans l'arrêt Glaxo . En outre, cela indique que l'on s'est appuyé sur des considérations étrangères à l'objet de la Loi sur les douanes énoncées par la Cour d'appel fédérale. De plus, en donnant une autorisation générale, le ministre a fait entrave à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il n'y a pas eu d'examen des circonstances particulières de l'affaire. Même si le ministre a examiné le programme dans son ensemble, l'alinéa 108(1)b) ne lui permet pas d'autoriser les recherches décrites dans le protocole d'entente. Autoriser le programme équivaudrait à exercer son pouvoir discrétionnaire à l'encontre des objectifs poursuivis par la Loi sur les douanes.

lois et règlements

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44].

Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 17(3)b).

Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, art. 2, 3 "renseignements personnels" (mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144), 4, 5, 7, 8.

Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 107 (mod. par L.C. 1995, ch. 41, art. 27), 108 (mod., idem, art. 28).

jurisprudence

décisions appliquées:

Verdun c. Banque Toronto-Dominion, [1996] 3 R.C.S. 550; (1996), 139 D.L.R. (4th) 415; 28 B.L.R. (2d) 121; 12 C.C.L.S. 139; 203 N.R. 60; R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686; (1995), 36 C.R. (4th) 171; 178 N.R. 161; 79 O.A.C. 81; Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554; (1993), 100 D.L.R. (4th) 658; 13 Admin. L.R. (2d) 1; 46 C.C.E.L. 1; 17 C.H.R.R. D/349; 93 CLLC 17,006; 149 N.R.1; Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; (1982), 137 D.L.R. (3d) 558; 44 N.R. 354; Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., [1998] 4 C.F. 439; (1998), 162 D.L.R. (4th) 433; 20 C.P.C. (4th) 243; 81 C.P.R. (3d) 372; 228 N.R. 164 (C.A.).

doctrine

Sullivan, Ruth. Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. Toronto: Butterworths, 1994.

DEMANDE d'avis présentée par voie de mémoire spécial à la Cour pour savoir si la communication de "renseignements personnels" par le ministère du Revenu national à la Commission de l'assurance-emploi du Canada aux termes d'un protocole d'entente pour la collecte et la communication de renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs est autorisée par l'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l'article 108 de la Loi sur les douanes. La réponse à la question est négative.

ont comparu:

Brian A. Crane, c.r., pour le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Brian Saunders et Darrell Kloeze, pour le procureur général du Canada.

avocats inscrits au dossier:

Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Le sous-procureur général du Canada pour le procureur général du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par

Le juge Tremblay-Lamer: Il s'agit d'une demande d'avis présentée par voie de mémoire spécial à la présente Cour, aux termes de l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale1.

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

Les faits de la présente instance sont décrits dans l'exposé conjoint des faits et sont résumés de façon concise dans le mémoire du procureur général de la façon suivante:

[traduction]

1.  Le présent mémoire ayant pour but d'obtenir l'avis de la Cour aux termes de l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale est présenté par le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et le procureur général du Canada.

2.  Le contexte factuel de ce dossier est énoncé dans l'exposé conjoint des faits, dont les points saillants sont résumés ci-après.

Exposé conjoint des faits, annexe A du dossier.

Assurance-emploi

3.  La Loi sur l'assurance-emploi établit un programme d'assurance-emploi ayant pour objectif d'indemniser les travailleurs pour les pertes de revenus résultant de la perte ou de la cessation de leur emploi et de leur assurer provisoirement une sécurité économique et sociale.

4.  Le programme d'assurance-emploi fonctionne à partir des déclarations faites par les intéressés, et compte sur les demandeurs pour obtenir les renseignements qui permettront d'établir leur admissibilité aux prestations et leur maintien dans leur droit aux prestations pendant toute la période visée.

    Exposé conjoint des faits, par. 9 et 10.

5.  Le programme d'assurance-emploi est administré par la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) qui a recours aux services des fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines.

    Exposé conjoint des faits, par. 8.

6.  En vertu de la Loi sur l'assurance-emploi, les demandeurs n'ont pas droit aux prestations pour toute période au cours de laquelle ils ne sont pas au Canada à moins d'être visés par une exception prescrite par le Règlement sur l'assurance-emploi. Les demandeurs sont habituellement informés de leurs droits et de leurs obligations touchant la période de prestations lorsqu'ils remplissent pour la première fois leur demande de prestations. Parmi les obligations qui leur incombent, ils doivent être à la recherche d'un emploi pendant toute la période au cours de laquelle ils touchent des prestations et signaler immédiatement toute absence du Canada. Les demandeurs sont informés qu'ils peuvent s'acquitter de cette dernière obligation en avisant leur Centre d'Emploi Canada ou en notant leurs absences sur leur fiche de déclaration de quinzaine.

    Exposé conjoint des faits, par. 12 et 14;

    annexes H, I, J.

7.  Environ 29 000 prestataires ont signalé leur absence du Canada en 1995 et 1996 et ont donc cessé de toucher des prestations pendant cette période d'absence.

    Exposé conjoint des faits, par. 15.

8.  Le programme en litige (le Programme) a pour but d'identifier les prestataires de l'assurance-emploi qui n'ont pas signalé leur absence du Canada pendant qu'ils touchaient des prestations et de recouvrer les trop-payés qui en ont résulté et, lorsque cela est justifié, d'imposer des pénalités.

    Exposé conjoint des faits, par. 39 et 59.

Le Programme

9.  Les personnes qui arrivent au Canada doivent se présenter à un agent du ministère du Revenu national (Douanes Canada ou Revenu Canada) à leur arrivée à un point d'entrée et répondre à toute question que leur pose l'agent dans l'exercice de ses fonctions en vertu de la Loi sur les douanes ou de toute autre loi fédérale. Les personnes qui arrivent au Canada par avion doivent également remplir la Déclaration du voyageur E-311 (la fiche E-311) et y inscrire les renseignements demandés.

    Exposé conjoint des faits, par. 1

10.  À la suite d'une demande qui lui a été faite par la Commission, Douanes Canada a accepté de lui communiquer des renseignements tirés des fiches E-311 qui pouvaient manifestement être utilisés par la Commission pour l'application et l'exécution de la Loi sur l'assurance-emploi. Douanes Canada a conclu que les renseignements pouvaient être communiqués à la Commission en vertu de l'alinéa 108(1)b) de la Loi sur les douanes, sans contrevenir à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

    Exposé conjoint des faits, par. 31 à 35;

    annexes O et V.

11.  La Commission s'est engagée à utiliser les renseignements qui lui ont été communiqués par Douanes Canada uniquement pour les fins de la Loi sur l'assurance-emploi et de ne pas les divulguer à des tiers.

    Exposé conjoint des faits,

    annexe V.

12.  En vertu du Programme, Douanes Canada rend accessibles certains renseignements tirés des fiches E-311 remplies par les résidents canadiens revenant au Canada par avion, pour qu'ils soient comparés électroniquement avec les renseignements recueillis par la Commission. Les renseignements ainsi communiqués par Douanes Canada sont le nom du voyageur, sa date de naissance, son code postal, l'objet de son voyage et les dates de départ et de retour au Canada.

    Exposé conjoint des faits, par. 48;

    annexe P.

13.  Les renseignements tirés des fiches E-311 sont électroniquement comparés au fichier de la Commission sur les prestataires d'assurance-emploi. La Commission conserve les renseignements tirés des fiches E-311 relativement aux résidents canadiens qui se sont absentés du Canada et qui ont touché des prestations d'assurance-emploi après janvier 1994.

    Exposé conjoint des faits, par. 36, 50 et 51.

14.  La Commission prend ensuite un certain nombre de mesures pour identifier les prestataires qui ont continué de toucher des prestations d'assurance-emploi pendant une absence non signalée du Canada. Elle communique avec ces prestataires et leur demande de fournir des renseignements ou une explication relativement à la preuve attestant qu'ils ont touché des prestations pendant une absence non signalée du Canada.

    Exposé conjoint des faits, par. 45 à 58.

15.  À la fin de novembre 1997, l'application du Programme avait entraîné l'inadmissibilité de 31 467 prestataires. À la fin d'août 1998, 98 914 prestataires avaient perdu leur droit aux prestations, ce qui a donné lieu à des trop-payés dans 83 749 cas, pour un montant total de 55 146 255 $. En outre, à la fin d'août 1998, 40 689 pénalités avaient été imposées par suite de l'application du Programme.

    Exposé conjoint des faits, par. 60 (sic).

Commissariat à la protection de la vie privée

16.  La Commission a effectué une étude de faisabilité relativement au bien-fondé du Programme en 1995. À la suite de l'étude, la Commission a informé le Commissariat à la protection de la vie privée du Programme en janvier 1996 et l'a avisé que des appariements pilotes étaient projetés pour la période du 1er avril 1996 au 1er octobre 1996, en vue d'une application permanente ultérieure. Cet avis a été donné pour respecter la politique du Conseil du Trésor sur la protection des renseignements personnels et des données.

    Exposé conjoint des faits, par. 29, 40 à 43,

    annexes K, R et S.

17.  Dans une lettre datée de mars 1996, John Bell, chef de portefeuille au Commissariat à la protection de la vie privée a informé la Commission de ce qui suit:

"D'après notre analyse de l'évaluation jointe au protocole et à laquelle se sont ultérieurement ajoutées les observations écrites de M. David Lintaman, nous estimons que les exigences de la procédure de notification prévue par la politique de comparaison des données du gouvernement ont été respectées. Nous n'avons pas l'intention de nous opposer à l'application de ce Programme, qui a pour but d'identifier les personnes qui peuvent avoir séjourné à l'extérieur du Canada pendant qu'elles touchaient des prestations d'assurance-chômage.

Manifestement, la législation en matière d'assurance-chômage autorise la collecte de ces renseignements, et la Loi sur les douanes autorise la communication de renseignements sur les voyageurs pour la comparaison des données projetée. Nous acceptons les assurances que vous nous avez données selon lesquelles vous mettrez à jour les descriptions de fichiers de renseignements personnels figurant dans InfoSource et que les modifications appropriées seront apportées à la fois par Développement des ressources humaines Canada et par Revenu Canada. En outre, il est entendu que Développement des ressources humaines Canada veillera à faire parvenir à notre bureau une copie de l'entente signée par Développement des ressources humaines Canada et Revenu Canada."

    Exposé conjoint des faits, par. 44 et 46;

    annexe T.

18.  InfoSource, dont il est question dans la lettre de M. Bell, est un répertoire publié au moins une fois par année conformément à l'article 11 de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il énonce notamment les fins pour lesquelles les renseignements contenus dans les fichiers de renseignements personnels relevant du contrôle d'une institution gouvernementale sont recueillis et indique les usages qui en sont faits.

    Exposé conjoint des faits,

    annexe W.

19.  Par conséquent, Développement des ressources humaines Canada et Revenu Canada ont modifié leurs descriptions respectives des fichiers de renseignements personnels dans InfoSource pour indiquer l'utilisation qui serait faite des données recueillies en vertu de la Loi sur les douanes par d'autres ministères fédéraux. En outre, une copie de l'entente signée entre la Commission et Revenu Canada au sujet du Programme a été transmise au Commissariat à la protection de la vie privée.

    Exposé conjoint des faits, par. 45, 60 et 61;

    annexes Y et Z.

20.  Par suite, notamment, de la lettre du 19 mars 1996 du Commissariat à la protection de la vie privée, le Programme est entré en vigueur en septembre 1996.

    Exposé conjoint des faits, par. 46.

21.  Dans une lettre en date du 20 janvier 1997, le Commissaire à la protection de la vie privée faisait part au ministre du Revenu national et au ministre du Développement des ressources humaines de ses préoccupations au sujet du Programme. Dans sa lettre, le Commissaire déclarait qu'il avait obtenu des avis juridiques qui concluaient que le Programme était anticonstitutionnel.

    Exposé conjoint des faits,

    annexe BB.

22.  Dans une lettre ultérieure datée du 5 février 1997, le Commissaire à la protection de la vie privée expliquait que l'approbation donnée par le Commissariat dans la lettre du 19 mars 1996 visait le projet-pilote et rien d'autre. Le Commissaire expliquait ses préoccupations au sujet du Programme de la manière suivante:

"Nous ne pouvions accepter la rétroactivité et il fallait que la fiche E-311 porte une mention pour informer le public que les données seraient comparées. Quand nous avons demandé des avis juridiques sur ces deux points, le problème de la compatibilité avec la Charte est apparu."

    Exposé conjoint des faits,

    annexe DD.

23.  Le 4 mars 1997, le ministre du Développement des ressources humaines a répondu au Commissaire à la protection de la vie privée que, bien que les demandeurs aient été amplement informés qu'ils devaient signaler leur absence du Canada, des mesures additionnelles étaient prises pour bien leur faire comprendre l'obligation qui leur incombait. En outre, en réponse à la préoccupation concernant la rétroactivité du Programme, le ministre convenait que seuls les cas remontant à janvier 1994 seraient examinés afin de retracer les trop-payés éventuels et que les cas rétroactifs ne donneraient pas lieu à des poursuites.

    Exposé conjoint des faits, par. 1, 62 et 68;

    annexes AA et GG.

LA QUESTION SOULEVÉE

L'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels de la vie privée [L.R.C. (1985), ch. P-21] et l'article 108 de la Loi sur les douanes [L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1 (mod. par L.C. 1995, ch. 41, art. 28)] autorisent-ils la communication de "renseignements personnels" par le ministère du Revenu national à la Commission de l'assurance-emploi du Canada aux termes du protocole d'entente auxiliaire pour la collecte et la communication de données extraites des renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs?

DISPOSITIONS LÉGALES PERTINENTES

Loi sur la protection des renseignements personnels

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en matière de protection des renseignements personnels relevant des institutions fédérales et de droit d'accès des individus aux renseignements personnels qui les concernent.

Article 4

4. Les seuls renseignements personnels que peut recueillir une institution fédérale sont ceux qui ont un lien direct avec ses programmes ou ses activités.

Article 5

5. (1) Une institution fédérale est tenue de recueillir auprès de l'individu lui-même, chaque fois que possible, les renseignements personnels destinés à des fins administratives le concernant, sauf autorisation contraire de l'individu ou autres cas d'autorisation prévus au paragraphe 8(2).

(2) Une institution fédérale est tenue d'informer l'individu auprès de qui elle recueille des renseignements personnels le concernant des fins auxquelles ils sont destinés.

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne s'appliquent pas dans les cas où leur observation risquerait:

a) soit d'avoir pour résultat la collecte de renseignements inexacts;

b) soit de contrarier les fins ou de compromettre l'usage auxquels les renseignements sont destinés.

Article 7

7. À défaut du consentement de l'individu concerné, les renseignements personnels relevant d'une institution fédérale ne peuvent servir à celle-ci:

a) qu'aux fins auxquelles ils ont été recueillis ou préparés par l'institution de même que pour les usages qui sont compatibles avec ces fins;

b) qu'aux fins auxquelles ils peuvent lui être communiqués en vertu du paragraphe 8(2).

Article 8

8. (1) Les renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l'individu qu'ils concernent, que conformément au présent article.

(2) Sous réserve d'autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants:

[. . .]

b) communication aux fins qui sont conformes avec [sic] les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication;

Loi sur les douanes

Article 108

108. (1) L'agent peut communiquer ou laisser communiquer des renseignements obtenus en vertu de la présente loi ou du Tarif des douanes aux personnes suivantes, ou laisser celles-ci examiner les livres, dossiers, écrits ou autres documents obtenus par le ministre ou en son nom pour l'application de ces lois, ou y avoir accès:

a) les agents ou les personnes employées par le ministère du Revenu national;

b) les personnes autorisées par le ministre ou appartenant à une catégorie de personnes ainsi autorisées, sous réserve des conditions que celui-ci précise;

c) les personnes ayant, d'une façon générale, légalement qualité à cet égard.

(2) L'agent peut, sur ordonnance ou assignation d'une cour d'archives:

a) déposer au sujet des renseignements obtenus par le ministre en son nom pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes;

b) produire les livres, dossiers, écrits ou autres documents obtenus par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes.

(3) L'agent peut présenter tout livre, dossier, écrit ou autre document obtenu pour l'application de la présente loi ou du Tarif des douanes, ou permettre d'en donner copie, soit à la personne par qui ou au nom de qui le document a été fourni, soit au mandataire autorisé par elle à accomplir les opérations visées par ces lois, à condition que l'intéressé en fasse la demande et acquitte les frais éventuellement fixés par règlement.

(4) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer les circonstances où des frais sont exigibles pour fournir des renseignements, permettre l'accès aux documents ou leur examen, pour en faire des copies ou en certifier la conformité de celles-ci, ainsi que de fixer le montant de ces frais.

ANALYSE

1. Interprétation des dispositions légales

Le dossier dont je suis saisie porte uniquement sur l'interprétation des dispositions légales. La Cour suprême du Canada a déclaré à maintes reprises qu'en pareil cas les tribunaux doivent appliquer une méthode d'interprétation contextuelle: les termes de la loi doivent être interprétés dans le sens grammatical ordinaire qui s'harmonise avec l'économie de la Loi. Ce principe, extrait de la révision faite par le professeur Sullivan de l'ouvrage Driedger on the Construction of Statutes2, a été récemment énoncé dans l'arrêt Verdun c. Banque Toronto-Dominion3.

[traduction] De nos jours, il n'y a qu'un seul principe ou méthode; il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global selon le sens grammatical et ordinaire qui s'harmonise avec l'économie et l'objet de la loi et l'intention du législateur [. . .] Dans Victoria (City) c. Bishop of Vancouver Island [[1921] A.C. 384, à la p. 387], lord Atkinson l'a exposé en ces termes:

Dans l'interprétation des lois, on doit donner aux termes leur sens grammatical ordinaire, à moins que quelque chose dans le contexte, ou dans l'objet visé par la loi où ils figurent, ou encore dans les circonstances où ils sont employés, indique qu'ils ont été employés dans un sens spécial et différent de leur acception grammaticale ordinaire.

Cette analyse contextuelle, toutefois, ne justifie pas les tribunaux de procéder à des modifications législatives. Comme il est dit dans l'arrêt McIntosh, une décision antérieure de la Cour suprême du Canada:

[. . .] une loi doit être interprétée d'une façon compatible avec le sens ordinaire des termes qui la compose [sic]. Si le libellé de la loi est clair et n'appelle qu'un seul sens, il n'y a pas lieu de procéder à un exercice d'interprétation [. . .]

[. . .]

La fonction du juge étant d'interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter l'interprétation qui l'amènerait à ajouter des termes à la loi: celle-ci est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire [. . .]

Le ministère public demande à notre Cour d'inclure dans le par. 34(2) des termes qui ne s'y trouvent pas. À mon avis, cela équivaudrait à modifier le par. 34(2), ce qui constitue une fonction législative et non judiciaire. L'analyse contextuelle ne justifie aucunement les tribunaux de procéder à des modifications législatives4.

Il est important de rappeler que le présent renvoi se fonde uniquement sur l'interprétation de principes légaux. Il ne s'agit pas d'une affaire fondée sur la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]] où, comme réparation, la Cour peut "inclure" les éléments manquants à la loi. Comme l'a déclaré le juge en chef Lamer dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop , en l'absence d'une contestation fondée sur la Charte, celle-ci ne peut être utilisée pour donner à la loi un effet qui n'avait pas été envisagé par le législateur5.

Si sa constitutionnalité n'est pas contestée en vertu de la Charte, lorsque l'intention du législateur est évidente, les cours de justice et les tribunaux administratifs n'ont d'autres pouvoirs que d'appliquer la loi. Si la signification ou la portée du texte de loi est ambiguë, les cours de justice devraient alors, au moyen des règles d'interprétation habituelles, tenter de cerner l'objet de la loi et, s'il existe plus d'une interprétation qui soit compatible avec cet objet, il faut opter pour celle qui est le plus conforme à la Charte.

Je tiens toutefois à répéter que, s'il n'y a pas de contestation fondée sur la Charte, celle-ci ne peut être utilisée pour interpréter une loi de façon à contrarier son objet ou à lui donner un effet que le législateur ne souhaitait pas de toute évidence.

Par conséquent, comme les parties ont choisi de soumettre séparément la question fondée sur la Charte, le présent renvoi doit être examiné en fonction de l'interprétation des lois seulement.

2. Loi sur la protection des renseignements personnels

La Loi sur la protection des renseignements personnels a un double objectif énoncé à l'article 2: protéger les renseignements personnels relevant des institutions fédérales; et donner aux individus un droit d'accès aux renseignements personnels qui les concernent. Le présent renvoi traite du premier objectif, c'est-à-dire empêcher que des renseignements personnels soient communiqués sans le consentement de l'intéressé, sauf dans des circonstances bien précises.

a) Renseignements personnels

Les renseignements personnels communiqués en vertu du programme sont le nom du voyageur, sa date de naissance, son code postal, la date de son départ du Canada et la date de son retour au pays, et l'objet général de son séjour à l'étranger6. Il s'agit de "renseignements personnels" selon la définition donnée à l'article 3 [mod. par L.C. 1992, ch. 1, art. 144] de la Loi sur la protection des renseignements personnels .

b) Communication de renseignements personnels sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels

(i) Protection générale contre la communication des renseignements

Sauf dans certaines situations, la Loi sur la protection des renseignements personnels assure une protection générale contre la communication de renseignements personnels.

Plus précisément, le paragraphe 8(1) prévoit que les renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale ne peuvent être communiqués à défaut du consentement de l'individu qu'ils concernent, sous réserve des exceptions prévues au paragraphe 8(2).

(ii) Exceptions prévues au paragraphe 8(2)

Les exceptions prévues au paragraphe 8(2) vont du très restreint au très large. Par exemple, en vertu de l'alinéa 8(2)c), la communication est limitée aux cas où elle a pour but de se conformer à un mandat ou à une ordonnance et lorsque la personne ou l'organisme qui a rendu l'ordonnance a la compétence appropriée. En vertu de l'alinéa 8(2)g), par contre, les renseignements personnels peuvent être communiqués "à un parlementaire fédéral en vu d'aider l'individu concerné par les renseignements à résoudre un problème". Dans le présent renvoi, les deux exceptions en cause se trouvent aux alinéas 8(2)b ) et m), dont la portée est très large.

L'alinéa 8(2)m) autorise la communication de renseignements personnels lorsque, de l'avis du responsable de l'institution, en l'espèce le ministre, "des raisons d'intérêt public justifieraient nettement une éventuelle violation de la vie privée" ou "l'individu concerné en tirerait un avantage certain". D'après la preuve dont je suis saisie, cet alinéa ne s'applique pas.

L'alinéa 8(2)b), par ailleurs, autorise la communication de renseignements personnels aux fins qui sont conformes aux lois fédérales. Il est rédigé dans les termes suivants:

8. (2) Sous réserve d'autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants:

[. . .]

b) communication aux fins qui sont conformes avec [sic] des lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication; [Non souligné dans l'original.]

Le demandeur soutient que l'utilisation de l'adjectif possessif "its" dans la version anglaise, qui renvoie au mot communication, est une indication que le législateur voulait que la communication de renseignements personnels soit expressément autorisée par une loi fédérale.

Je ne peux accepter l'argument du demandeur. La Loi sur la protection des renseignements personnels ne traite pas de renseignements généraux, mais bien de renseignements personnels. Par conséquent, la Loi ne peut autoriser que la communication de renseignements personnels. L'utilisation de l'adjectif possessif "its" dans la version anglaise indique simplement la portée limitée de la Loi.

Par conséquent, aux termes de l'alinéa 8(2)b), la communication de renseignements personnels est autorisée pour toute fin conforme à toute loi fédérale qui en autorise la communication.

3. Loi sur les douanes

a) Autorisation de communication

L'alinéa 108(1)b) de la Loi sur les douanes autorise la communication de renseignements à toute personne autorisée par le ministre, sous réserve des conditions que celui-ci précise.

Le libellé très large de l'alinéa 108(1)b) n'exclut pas expressément les renseignements personnels. Par conséquent, une interprétation ordinaire et normale du sens des mots de la disposition mène à la conclusion que tout renseignement, qu'il soit personnel ou non, peut être communiqué lorsque le ministre en donne l'autorisation.

Le 26 juillet 1991, le ministre a donné une autorisation générale, par laquelle la communication de renseignements obtenus pour les fins de la Loi sur les douanes est permise lorsque, notamment, les renseignements sont exigés pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale:

[traduction] Aux termes de l'alinéa 108(1)b) de la Loi sur les douanes, j'autorise par la présente un agent du ministère du Revenu national, Douanes et Accise, à communiquer ou à permettre que soient communiqués des renseignements obtenus en vertu de la Loi, ou à permettre l'inspection de tout livre, dossier, écrit ou document obtenu par moi ou en mon nom pour l'application de la Loi, ou l'accès à ces documents:

[. . .]

b) à toute personne employée par d'autres institutions fédérales ou le gouvernement d'une province, ou une institution de celui-ci, qui est responsable de l'application ou de l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale, à condition que, de l'avis de toute personne énumérée à l'appendice A, ces renseignements soient exigés aux fins de la préparation, de l'application ou de l'exécution de toute loi fédérale ou provinciale, ou pour la tenue d'une enquête licite.

Le programme en litige a été établi aux termes de cette autorisation.

b) Examen de l'autorisation du ministre donnée aux termes de l'alinéa 108(1)b)

Le critère de contrôle applicable à l'exercice du pouvoir discrétionnaire d'un ministre a été établi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Maple Lodge Farms7:

[. . .] la cour de révision doit uniquement se demander si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle, et s'il s'est fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la Loi.8 [Non souligné dans l'original.]

Dans l'arrêt Glaxo Wellcome PLC9, la Cour d'appel fédérale a réitéré ce critère dans le contexte d'une autorisation de communiquer des renseignements en vertu de l'alinéa 108(1)b). En l'espèce, comme le ministre est censé avoir autorisé la communication en vertu de l'alinéa 108(1)b), le même critère s'applique.

D'après ce critère, je suis d'avis que l'autorisation donnée par le ministre constitue un exercice non valide de son pouvoir discrétionnaire, pour deux raisons.

Tout d'abord, en exerçant son pouvoir discrétionnaire, le ministre doit se fonder sur des considérations qui sont pertinentes à l'objet de la Loi en question. En l'espèce, la loi en question est la Loi sur les douanes.

Dans l'arrêt Glaxo [à la page 457], la Cour d'appel fédérale a formulé l'objet des articles 107 [mod. par L.C. 1995, ch. 41, art. 27] et 108 de la Loi sur les douanes dans les termes suivants:

[. . .] préserver le caractère confidentiel des renseignements recueillis dans le cadre de l'application de la Loi et [. . .] les communiquer dans certaines circonstances seulement.

Malgré cela, le ministre a donné une autorisation générale ayant pour but de permettre la communication de renseignements aux fins de l'application et de l'exécution non seulement de la Loi sur les douanes, mais de toute loi fédérale ou provinciale.

À mon avis, l'autorisation générale donnée par le ministre va carrément à l'encontre de l'objectif de la Loi sur les douanes. La condition selon laquelle, de l'avis de certains responsables, les renseignements sont nécessaires pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale ne fait pas partie des "circonstances" mentionnées dans l'arrêt Glaxo.

En outre, la décision de communiquer des renseignements après avoir évalué s'ils sont ou non nécessaires pour l'application ou l'exécution d'une loi fédérale ou provinciale indique que l'on s'est appuyé sur des considérations étrangères à l'objet de la Loi sur les douanes énoncé par la Cour d'appel fédérale.

Deuxièmement, comme le note l'arrêt Glaxo, "[l]'essence du pouvoir discrétionnaire exige néanmoins que chaque cas soit considéré comme un cas d'espèce et qu'il soit examiné selon les faits et les circonstances qui lui sont propres"10.

En l'espèce, en donnant une autorisation générale, le ministre a fait entrave à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il n'y a pas eu d'examen des circonstances particulières de l'affaire. À tout le moins, le ministre aurait dû lui-même examiner le programme dans son ensemble. Au lieu de cela, son autorisation très large fait entièrement échec à l'objectif de l'alinéa 108(1)b), qui est de préserver le caractère confidentiel des renseignements et de les communiquer dans certaines circonstances seulement.

Même si le ministre examine le programme actuel, je suis toutefois d'avis que, selon l'analyse effectuée ci-dessus, l'alinéa 108(1)b) ne lui permet pas d'autoriser les recherches décrites dans le protocole d'entente. Autoriser le programme équivaudrait à exercer son pouvoir discrétionnaire à l'encontre des objectifs poursuivis par la Loi sur les douanes énoncés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Glaxo.

CONCLUSION

L'article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et l'article 108 de la Loi sur les douanes autorisent-ils la communication de "renseignements personnels" par le ministère du Revenu national à la Commission de l'assurance-emploi du Canada aux termes du protocole d'entente auxiliaire pour la collecte et la communication de données extraites des renseignements recueillis par les douanes sur les voyageurs?

La réponse est non.

1 L.R.C. (1985), ch. F-7.

2 Driedger on the Construction of Statutes, 3e éd., R. Sullivan (Toronto: Butterworths, 1994).

3 [1996] 3 R.C.S. 550, à la p. 559.

4 R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, aux par. 18 et 26, p. 697 et 701.

5 [1993] 1 R.C.S. 554, aux p. 581 et 582.

6 Exposé conjoint des faits, aux par. 48 et 49.

7 Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2.

8 Glaxo Wellcome PLC c. M.R.N., [1998] 4 C.F. 439 (C.A.), aux p. 455 et 456.

9 Ibid.

10 Précité, note 9, à la p. 456.

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