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Canadian Council of Blue Cross Plans, Ontario Hospital Association, Associated Hospitals of Alberta, l'Association d'hospitalisation du Québec et Maritime Hospital Service Association (Demandeurs)
c.
Blue Cross Beauty Products Inc. et Regent Indus tries Limited (Défenderesses)
Division de première instance, le juge Collier— Ottawa, les 1 e7 et 25 novembre 1971.
Marques de commerce—Violation—Croix bleue: marque de commerce déposée, relative aux soins médicaux—Les défendeurs l'emploient pour des produits de beauté—Y a-t-il violation, concurrence déloyale ou mauvais usages commer- ciaux—Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 7b) et e), 19, 20, 22(1).
Conformément à la Loi sur les marques de commerce, les demandeurs sont, depuis 1954 et 1956, détenteurs et usa- gers inscrits des mots «Blue Cross» et d'une croix colorée en bleu représentant un système d'assurance couvrant l'hos- pitalisation et les soins médicaux, ainsi que le rembourse- ment des médicaments sur ordonnance. Depuis 1952, les défenderesses vendent des produits de beauté dont les étiquettes comportent les mots «Blue Cross» et une croix colorée en bleu. Les défenderesses vendent principalement leurs produits dans des magasins de vente au rabais à rayons multiples, dont un certain nombre ont un comptoir de médicaments sur ordonnance, l'on reconnaît le sys- tème d'assurance des demandeurs qui prévoit le rembourse- ment des médicaments sur ordonnance.
Arrêt: Rejet de l'action des demandeurs.
1. Les défenderesses n'ont violé ni l'article 7b) ni l'article 20 de la Loi sur les marques de commerce. Il est peu probable que leur emploi des marques de commerce entraîne l'individu moyen à conclure que les demandeurs s'occupaient à la fois de vendre des produits de beauté et d'assurer l'hospitalisation et des soins médicaux.
2. Les défenderesses n'ont pas violé l'article 7e) de la Loi. On n'a pas prouvé qu'un usage des affaires ou commer cial ait été transgressé. Arrêts suivis: Eldon Industries Inc. c. Reliable Toy Co. (1966) 54 D.L.R. (21ème) 97; Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. [1968] 2 R.C.É. 552.
3. Les défenderesses n'ont pas violé l'article 19 de la Loi. Les demandeurs n'ont pas de droit exclusif sur ces marques de commerce en ce qui concerne les produits de beauté.
4. Les défenderesses n'ont pas violé l'article 22(1) de la Loi. Il n'est pas vraisemblable que leur emploi de la croix bleue entraîne une diminution de la valeur de la clientèle intéressée par cette marque de commerce. Arrêt suivi: Clai- rol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. (précité).
ACTION.
M. Fleming, c.r. pour les demandeurs.
S. Godinsky, c.r. et R. Uditsky pour les défenderesses.
LE JUGE COLLIER—En l'espèce, les deman- deurs réclament aux défenderesses une répara- tion par suite de la prétendue violation de cer- taines marques de commerce par ces dernières.
) Dans les plaidoiries, les demandeurs ont invo- qué un certain nombre d'articles de la Loi sur les marques de commerce, S.C. 1952-53, c. 49, aujourd'hui S.R.C. 1970, c. T-10, notamment les articles 6, 7, 19, 20 et 22. En outre, les demandeurs soutiennent que les défenderesses sont responsables de par la common law et de par la Loi, d'avoir vendu certaines marchandi- ses en faisant de la concurrence déloyale.
La demanderesse, Ontario Hospital Associa tion (ci-après appelée «Ontario»), a été consti- tuée en corporation en 1941. C'est une organi sation bénévole dont sont membres tous les hôpitaux publics, un nombre important d'hôpi- taux psychiatriques, des hôpitaux privés et des associations d'infirmières. Cette organisation a une section connue sous le nom «Blue Cross Division». Depuis 1941, cette section gère des régimes d'assurance accessibles au public, offrant un système de prévoyance couvrant les frais hospitaliers et autres services connexes. Les gouvernements ayant décidé de s'occuper de ces régimes de prévoyance couvrant les soins hospitaliers et autres soins médicaux que devait payer le public, la «Blue Cross Division» couvre désormais l'ensemble des adhérents (en échange d'une prime) pour tout ce qui concerne les séjours dans des chambres semi -privées des hôpitaux, les soins de longue maladie, les médi- caments sur ordonnance, les soins dentaires et certains autres domaines mentionnés dans la preuve. Tout comme l'association, la «Blue Cross Division» est une organisation bénévole.
La demanderesse, Associated Hospitals of Alberta (ci-après appelée «Alberta»), est une organisation semblable à la demanderesse Onta- rio; elle a aussi une «Blue Cross Division» qui, à présent, vend aux adhérents des assurances pour les cas non prévus par le gouvernement, semblables à celles de l'«Ontario Blue Cross Division».
Les demanderesses, l'Association d'hospitali- sation du Québec (ci-après appelée «Québec») et Maritime Hospital Service Association (ci- après appelée «Maritime»), existent respective- ment depuis 1943 et 1944. Les demanderesses Québec et Maritime n'ont pas les mêmes rap ports avec les hôpitaux que les demanderesses Ontario et Alberta. Elles agissent avant tout comme des organisations de la Croix Bleue, vendant à leurs adhérents les diverses assuran ces dont il a déjà été question (avec certaines exceptions).
La preuve, incontestée, est à l'effet que ces quatre demanderesses ont un grand nombre d'adhérents, traitent, d'un point de vue finan cier, un important volume d'affaires et dépen- sent d'importantes sommes pour faire connaître leurs services.
Le demandeur, Canadian Council of Blue Cross Plans (ci-après appelé «le Conseil cana- dien») a été constitué en corporation en 1951, avant tout pour coordonner les régimes de la Croix Bleue. Ses membres sont les quatre autres demanderesses.
J'ajouterais que la Saskatchewan n'a jamais eu de Croix Bleue. A un moment donné, au Manitoba, la Croix Bleue a offert certains servi ces, et cette organisation a été membre du Con- seil canadien. En Colombie-Britannique, la Croix Bleue a offert ses services jusqu'à l'intro- duction de l'assurance-hospitalisation, mais cette organisation n'a jamais été membre du Conseil canadien.
Avant 1954, les demandeurs utilisaient le nom Croix Bleue et un symbole (une croix bleue) pour les services qu'ils offraient. Ni le nom, ni le symbole n'avaient été déposés en vertu de la Loi sur la concurrence déloyale, S.C. 1932, c. 38, cette loi ne prévoyant pas l'enregis- trement de marques de commerce pour les services.
Après l'adoption de la Loi actuelle, qui pré- voit l'enregistrement de marques de commerce pour les services, le Conseil canadien a obtenu, le 5 novembre 1954, l'enregistrement, en tant que propriétaire, de la marque de commerce «Croix Bleue» (les mots) et d'un symbole (une croix colorée en bleu). Les numéros d'enregis- trement sont 100,000 et 100,001 et, dans
( chaque cas, les marques sont déposées pour des services décrits comme étant (1) l'hospitalisa- !don et (2) les contrats d'assurance couvrant les soins hospitaliers.
En 1956, les demanderesses Ontario, Alberta, Québec et Maritime ont été enregistrées comme usagers inscrits de ces deux marques de com merce. Depuis lors, toutes les demanderesses ont constamment utilisé les mots «Croix Bleue» et le symbole ou la représentation d'une croix bleue, les mots et le symbole apparaissant géné- ralement ensemble, associés d'une manière ou d'une autre, sans que ce soit nécessairement toujours le cas. (Sur la pièce 5, rapport annuel de la demanderesse Québec, les mots «croix bleue» n'apparaissent nulle part; seul un sym- bole représentant une croix bleue figure sur plusieurs des pages.)
La défenderesse, Blue Cross Beauty Prod ucts, Inc. (ci-après appelée «Beauty») est une compagnie californienne qui fabrique et vend certaines marchandises: des produits de beauté exclusivement utilisés pour le soin des ongles. Ces produits se vendent au détail à moins d'un dollar pièce.
En 1949, les mots «Blue Cross» ont été dépo- sés au Bureau des brevets américains pour un liquide repousse peau et, quelque temps après, Beauty est devenue propriétaire inscrite de cette marque de commerce. Beauty, qui vendait ses produits dans tous les États-Unis, a com- mencé en 1952 à les vendre sur le marché de Vancouver (C.-B.) par l'intermédiaire de Pratt's Beauty Supplies. Pratt's vendait ces produits dans toutes les provinces de l'Ouest du Canada, mais son volume d'affaires était peu élevé. En i 1966, la défenderesse Regent Industries Limit ed, compagnie québéquoise, (ci-après appelée I est devenue la compagnie distribu- rice des produits Beauty au Canada, bien que Certaines ventes aient été faites au distributeur de Vancouver jusqu'en 1969, époque à laquelle le propriétaire prit sa retraite.
Les ventes totales au distributeur de Vancou- ver s'élevaient approximativement à $11,000, représentant juste un peu moins de 100,000 articles. En fait, on vendait seulement deux produits de beauté dans cette région; ils ont été produit à titre de pièce au dossier:
(1) Le repousse peau. En haut de l'étiquette du flacon, sont imprimés en bleu les mots «Blue Cross» (en lettre genre manuscrit), une petite croix colorée en bleu séparant les deux mots. A première vue, la croix est presque semblable à la croix colorée en bleu que l'on retrouve dans la documentation publiée par les demanderes- ses. Presqu'au bas de l'étiquette sont inscrits les mots «Blue Cross Beauty Products». Au recto du carton de présentation auquel est attachée la bouteille, les mots «Blue Cross» sont inscrits en blanc, une petite croix bleue séparant les deux mots. Au verso du carton, on retrouve les mêmes mots et symbole que sur l'étiquette de la bouteille, mais en plus gros. Plus bas au verso du carton, le nom de la défenderesse Beauty est inscrit.
(2) Revitalisant. Il s'agit d'une bouteille con- tenant une base pour les ongles. L'étiquette de la bouteille porte essentiellement les mêmes mots et symbole que dans le cas du repousse peau. Le carton auquel est attachée la bouteille est essentiellement le même que celui décrit précédemment, sauf que les mots «Blue Cross» sont écrits en bleu au recto.
La preuve démontre que ces deux produits étaient, à tous égards, identiques à ceux que détenait Regent lorsqu'elle a commencé à les vendre en Ontario et au Québec en 1966. La principale différence était l'inscription du nom de la défenderesse Regent au verso du carton.
Au début de 1966 ou 1967, un autre produit visé par la plainte des demanderesses était dis- tribué par Regent: un flacon appelé «Seal Cote». La soi-disant croix entre les mots «Blue Cross» sur l'étiquette ressemble au signe plus utilisé pour faire des additions et est de couleur jaune. Au bas de l'étiquette sont inscrits (encore en jaune) les mots «Blue ± Cross Beauty Prod ucts, Los Angeles (Californie)». Au bas du recto du carton de présentation auquel est atta- chée la bouteille, sont inscrits en rouge les mots «Un autre produit Blue ± Cross pour la beauté des ongles». Le verso du carton de présentation ressemble à celui du «Cuticle Remover» et du «Nailife».
La plainte des demandeurs, d'après leur avocat, n'est pas dirigée contre l'utilisation par les défenderesses des mots «Blue Cross», mais
contre l'utilisation du symbole coloré en bleu, tout particulièrement lorsque la croix représen- tée est presque identique à celle portée sur les produits de la défenderesse. Cette réserve me paraît très compréhensible car il y a un nombre important de témoignages selon lesquels d'au- tres personnes ou compagnies utilisent depuis un certain temps les mots «Croix Bleue» en liaison avec d'autres services et marchandises.
Je déduis de l'observation d'un certain nombre de pièces que les mots «Croix Bleue» ont été associés également à des hôpitaux ou cliniques vétérinaires dans plusieurs villes du Canada (services) et à différents produits: des chaussures, du saumon, des meubles, des désin- fectants domestiques en bombe et des rubans adhésifs industriels. Dans le cas des produits mentionnés, des marques de commerce enregis- trées «Croix Bleue» ont été obtenues. Dans l'un des cas, alors qu'il s'agissait de services, les mots ont été accompagnés d'une croix bleue (pièce 62).
En ce qui concerne l'utilisation d'une croix bleue comme symbole sur des produits, les défenderesses ont déposé un certain nombre de pièces indiquant que des personnes ou des com- pagnies, autres qu'elles-mêmes ou que les demandeurs, utilisent ce symbole:
Pièces 52, 53: Rubans adhésifs industriels Blue Cross; les étiquettes portent aussi une espèce de croix bleue.
Pièces 54, 55, 56: Les chaussures Croix Bleue utilisent aussi une croix très semblable à celle utilisée par les demanderesses.
Pièces 51-, 81, 82: Des trousses de premiers soins portent de grosses croix bleues très semblables à celles utilisées par les demande- resses, l'une des croix portant l'inscription «Curity» (pièce 81) mais non l'autre (pièce 82).
Jusqu'au jour du procès, le produit de la vente des trois produits Beauty à Regent s'éle- vait approximativement à $17,500 pour à peu près 128,400 articles.
A ce point de mon exposé, je dois dire que ',l'ensemble de la preuve indique que les produits que les défenderesses vendaient en Ontario, l'étaient avant tout à des magasins de vente au rabais y compris les «magasins à rayons» du
genre drug store. Dans la plupart de ces maga- sins, on ne vendait pas de médicaments, sur ordonnance. La preuve démontre aussi que les produits en question occupaient généralement des rayons d'autres espèces de cosmétiques étaient exposés.
Il me semble que la véritable attaque des demandeurs est fondée sur leur mise au point d'un régime de prévoyance accordant aux adhé- rents le remboursement des médicaments sur ordonnance. Les demandeurs déclarent que les produits des défenderesses sont exposés et vendus dans des établissements reconnaissant le régime d'assurance de la Croix Bleue pour le remboursement des médicaments sur ordon- nance et que la masse des adhérents de la Croix Bleue pourrait en déduire que les demandeurs (organisations bénévoles) sont impliqués dans une entreprise à but lucratif de fabrication ou de vente de produits de beauté pour ongles.
D'après la preuve, jusqu'en 1961 en Ontario et ultérieurement en Alberta, au Québec et dans les Maritimes, les demandeurs n'avaient pas offert de système de prévoyance assurant le remboursement des médicaments sur ordon- nance. Cependant, depuis 1952, la défenderesse Beauty vendait du «Cuticle Remover» et du «Nailife» dans l'ouest du Canada, même si les demanderesses, d'après M. Cannon, l'ignoraient totalement.
Les demanderesses s'appuient sur l'article 7b) de la Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, plus particulièrement à l'alinéa 18b) de leur déclaration. Voici ce texte:
7. Nul ne doit
b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;
Bien que la Loi ne définisse pas le terme «confusion», l'article 6' de celle-ci peut être valablement utilisé pour nous aider à en déter- miner le sens (Voir les arrêts: Canadian Con verters' Co. c. Eastport Trading Co. Ltd. [1969] 1 R.C.É. 493, la p. 498; The Carling Breweries (B.C.) Ltd. c. Tartan Brewing Ltd. [1969] 1
R.C.É. 500, la p. 502, jugement infirmé en
appel sans référence à ce point particulier [1970] R.C.S. 323; Old Dutch Foods Ltd. c. W. H. Malkin Ltd. [1969] 2 R.C.É. 316, aux pages 323-324), et les demanderesses semblent avoir paraphrasé l'énoncé de cet article dans leurs allégations exposées à l'alinéa 18a) de la décla- ration, lorsqu'elles déclarent que les défendeurs ont:
18. a) vendu, distribué et annoncé des marchandises en liaison avec des marques de commerce et un nom commer cial, savoir «Blue Cross», «un symbole représentant une croix colorée en bleu» et «Blue Cross Beauty Products Limited», respectivement, au Canada, de manière à faire conclure que les marchandises étaient fabriquées ou ven- dues par les demanderesses ou l'une d'elles, ou en leurs noms, ou que l'entreprise poursuivie sous ce nom commer cial était exploitée par les demanderesses ou l'une d'elles.
A mon avis, d'après la preuve dont nous disposons, les défenderesses n'appelaient pas l'attention du public sur leurs marchandises de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion en ce sens que l'usage qu'elle faisait des mots «Croix Bleue», et plus particulièrement l'usage du symbole de la croix colorée en bleu (qui sur certains éléments des pièces 32, 26 et 35 «Cuticle Remover», «Nai- life», «Seal ± Cote» ressemble de façon frap- pante au symbole utilisé par les demandeurs), serait susceptible de faire conclure que ces mar- chandises étaient vendues ou fabriquées par les demandeurs ou associées de quelque manière à l'entreprise poursuivie par ces derniers.
Je ne mets pas en doute la renommée des services de la Croix bleue fournis par les demandeurs, mais si l'on envisage l'affaire d'un point de vue réaliste et commercial, je ne pense pas qu'un individu moyen pourrait conclure que l'organisation qui offre une assurance et des services relatifs aux dépenses médicales que l'on risque de contracter, s'occuperait aussi de vendre des produits de beauté. Les demandeurs offrent des services et les défenderesses ven- dent des marchandises, et bien que ceci n'écarte pas nécessairement toute confusion au sens de l'article 7b), j'estime qu'il s'agit de circons- tances de l'espèce dont il faut tenir compte. En l'espèce, les parties ne partagent même pas vaguement le même champ d'activité.
La question de la confusion est une question de fait et, d'après la preuve qui m'a été soumise,
je conclus que l'individu moyen associe le sym- bole des demandeurs à des services spécialisés et qu'aucune confusion ne naîtrait vraisembla- blement
dans son esprit à la vue et au vague souvenir des détails précis des produits des défenderesses.
Les demandeurs s'appuient également sur l'article 7e) de la Loi, que voici:
7. Nul ne doit
e) faire un autre acte ou adopter une autre méthode d'affaires contraire aux honnêtes usages industriels ou commerciaux ayant cours au Canada.
La signification de ce texte me paraît large, mais il a été jugé qu'il devait être lu en corréla- tion avec les autres alinéas de l'article 7. (Eldon Industries Inc. c. Reliable Toy Co. Ltd. (1966) 54 D.L.R. (2'ème) 97; Clairol International Cor poration c. Thomas Supply & Equipment Co. [1968] 2 R.C.É. 552.)
Dans l'arrêt Eldon, le juge d'appel Schroeder a souligné qu'il faut prouver, soit par preuve expresse ou dans certains cas par commune renommée, l'existence d'un usage industriel ou commercial qui aurait été transgressé. En l'es- pèce, cette preuve n'a pas été faite.
Dans l'arrêt Clairol, le juge Thurlow, s'est d'abord référé à l'arrêt Eldon, et a ensuite déclaré que les actes ou pratiques commerciales d'un défendeur doivent être malhonnêtes, ou trompeurs d'une certaine façon, ou propres à induire en erreur. Ici encore, nous n'avons aucune preuve de la sorte, ni, à mon avis, aucune preuve dont on puisse déduire une telle intention.
Dans sa thèse, l'avocat des demandeurs s'é- tait fondé sur l'article 10 de la Loi. Les deman- deurs n'ont pas- invoqué cet article dans leurs plaidoiries, mais je ne pense pas qu'un deman- deur doit plaider une question de droit ou y soit obligé. Tout ce qu'on lui demande en vertu des Règles de cette Cour, c'est un exposé précis des faits essentiels sur lesquels il se fonde (Règle 408(1)). A mon avis, les demandeurs n'ont invo- qué ni prouvé aucun fait essentiel leur permet- tant d'invoquer l'article 10.
Les demandeurs s'appuient également sur les articles 19, 20 et 22(1) de la Loi.
19. Sous réserve des articles 21, 31 et 67, l'enregistre- ment d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi, dans tout le Canada, de cette marque de commerce en ce qui regarde ces mar- chandises ou services.
20. Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est censé violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion; mais aucun enre- gistrement d'une marque de commerce ne doit empêcher une personne
a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial, ni
b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce,
(i) le nom géographique de son siège d'affaires, ou
(ii) toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,
d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de la clientèle attachée à la marque de commerce.
22. (1) Nul ne doit employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de la clientèle intéressée.
L'article 19 de la Loi donne aux demanderes- ses le droit exclusif à l'emploi, dans tout le Canada, de leurs marques de commerce, mais seulement en ce qui concerne les services d'hospitalisation et les contrats d'assurance couvrant les soins médicaux et hospitaliers. Les demanderesses n'ont aucun droit exclusif en ce qui concerne les produits de beauté. (Voir l'ar- rêt: Bonus Foods Ltd. c. Essex Packers Ltd. [1965] R.C.É. 735, la p. 743.)
L'autre question est de savoir si, d'après les faits que nous connaissons, le droit est «censé» violé au sens de l'article 20. Ceci nous renvoie au problème de savoir si l'emploi par les défen- deresses du symbole des demandeurs a créé de la «confusion». Il faut lire l'article 20 en corré- lation avec l'article 6. J'en viens au même résul- tat que lorsque j'étudiais l'article 7b). A mon avis, les symboles utilisés par les défenderesses ne permettent pas de déduire que les services
des demandeurs et les produits des défenderes- ses émanent de la même source.
Enfin, j'en viens à la réclamation introduite en vertu de l'article 22(1). A supposer que les défenderesses aient en fait «employé» la marque de commerce des demandeurs, une croix bleue comme symbole, cela ne m'empêche pas d'estimer à nouveau que cet emploi n'aurait vraisemblablement pas entraîné la diminution de la valeur d'une clientèle intéressée par cette marque de commerce. Les demandeurs ne sont pas dans les affaires dans le but de réaliser des bénéfices. M. Fleming, avocat des demandeurs, a naïvement déclaré en introduction qu'il n'y avait aucune preuve de dommages ou de pertes directes, mais il a soutenu que la clientèle des demandeurs avait diminué du fait que certain pensait que les demandeurs étaient maintenant impliqués dans une entreprise à but lucratif.
L'article 22(1) a été étudié par le juge Thur - low dans l'arrêt Clairol, préalablement men- tionné. En l'espèce, les défendeurs, en mettant des colorants pour cheveux sur le marché, utili- saient des dépliants et des emballages contenant des tableaux de comparaison avec les couleurs proposées par les produits concurrents. Sur ces dépliants, les produits des demandeurs étaient identifiés par leur propre marque de commerce déposée. Le juge Thurlow a conclu que les défendeurs violaient l'article 22 et a jugé que la valeur de la clientèle intéressée par les marques de commerce des demandeurs avait diminué. Voici une citation dudit jugement, extraite des pages 573 et 575:
[TRADUCTION] . . . Voyons maintenant ce que l'on entend par «diminuer la valeur» d'une telle clientèle. A mon avis, ceci signifie simplement réduire de quelque manière le béné- fice de la réputation et de l'achalandage auquel je viens juste de faire allusion, écarter la totalité ou une partie des clients auxquels on pourrait autrement s'attendre, en dimi- nuer le nombre et, par conséquent, rendre la clientèle moins avantageuse. A mon avis, la clientèle n'a de valeur que dans la mesure de la réputation et de l'achalandage qu'elle pro cure à son propriétaire et, chaque fois que cet avantage se trouve réduit, la valeur de la clientèle se trouve par la même occasion réduite. Une diminution de cette valeur, à mon avis, provient soit d'une réduction de l'estime que l'on porte à la marque de commerce elle-même, soit de la persuasion directe et de la séduction des clients qui pourraient être autrement des acheteurs éventuels ou des personnes conti- nuant à acheter les marchandises portant la marque de commerce. Toutefois, à mon sens, elle ne provient pas, comme le prétendait M. Henderson, du danger de la perte
de droits exclusifs résultant de l'emploi par d'autres person- nes car ceci, à mon avis, représente la perte possible de droits exclusifs à la marque de commerce elle-même plutôt que la diminution de la clientèle intéressée.
Mais il ne peut pas porter la marque de commerce de son concurrent sur ses produits dans ce but ou dans celui de transmettre un message à des clients habitués aux produits portant cette marque de commerce de manière à ce qu'ils achètent plus facilement ses propres marchandises et, par conséquent, à diminuer la chance que de nouveaux clients, apprenant l'existence des marchandises portant cette marque de commerce, les achètent de préférence aux sien- nes, ou que d'anciens clients, habitués aux marchandises portant la marque de commerce, continuent à acheter les marchandises du propriétaire de la marque. En résumé, il ne peut pas utiliser la marque de commerce de son concurrent dans le but d'attirer les clients de son concurrent en cher- chant à affaiblir l'habitude qu'ils ont d'acheter ce qu'ils achetaient auparavant, ou la probabilité qu'ils,, achètent les produits de son concurrent, ou le lien quel qu'il soit qui les unit aux marchandises de son concurrent, pour s'en assurer la clientèle, car ceci n'est pas seulement calculé pour dimi- nuer ou détruire la clientèle de son concurrent, mais c'est également utiliser la marque de commerce de son concur rent pour accomplir une telle fin.
En l'espèce, le litige porte sur des services et des marchandises appartenant à des genres d'activités totalement différents. On n'a pas prouvé de diminution réelle de la clientèle ni, à mon avis, aucun fait d'où l'on puisse déduire la possibilité d'une telle diminution.
L'action est rejetée avec dépens.
' 6. (1) Aux fins de la présente loi, une marque de com merce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l'emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionné cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionné, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.
(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la con fusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises en liai son avec ces marques de commerce sont fabriquées, ven- dues, données à bail ou louées, ou que les services en liaison avec lesdites marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.
(3) L'emploi d'une marque de commerce crée de la con fusion avec un nom commercial, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom commercial sont
fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services en liaison avec une telle marque et les services en liaison avec l'entreprise poursuivie sous un tel nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchan- dises ou services soient ou non de la même catégorie générale.
(4) L'emploi d'un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l'emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l'entreprise poursuivie sous ce nom commercial et les marchandises liées à une telle marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services en liaison avec l'entreprise poursuivie sous ce nom et les services en liaison avec une semblable marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégo- rie générale.
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, la cour ou le registraire selon le cas, doit tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris
a) le caractère distinctif inhérent des marques de com merce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre des marchandises, services ou entreprises;
cl) la nature du commerce;
e) le degré de ressemblance entre les marques de com
merce ou les noms commerciaux dans la présentation ou
le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.
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