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Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Tower Investment Inc. (Intimée)
Division de première instance, le juge Collier— Montréal, le 17 mars; Ottawa, le 10 avril 1972.
Impôt sur le revenu—Calcul des profits tirés d'une entre- prise—Déduction de frais de publicité accordée sur la base de l'imputation des dépenses aux revenus correspondants— Application des principes de comptabilité.
La compagnie intimée a construit 24 immeubles d'appar- tements, contenant 660 appartements, en 1963 et 1964. Elle a engagé des frais de publicité de $92,351 en 1963, $58,595 en 1964 et $2,354 en 1965, aux fins d'obtenir des locataires. Toutefois, dans le calcul de ses revenus pour lesdites années, l'intimée a déduit $7,351 pour 1963, $63,595 pour 1964 et $82,354 pour 1965. En établissant la cotisation de l'intimée le Ministre n'a accordé, pour chacune des trois années, que la déduction des frais de publicité réellement engagés dans l'année. Le Ministre a interjeté appel, la Commission d'appel de l'impôt ayant rejeté sa décision.
Arrêt: l'appel est rejeté. Les déductions que l'intimée a faites pour les trois années sont régulières et conformes au principe comptable de l'imputation des dépenses aux reve- nus correspondants.
Arrêt appliqué: Associated Investors of Can. Ltd. c. M.R.N. [1967] R.C.E. 96; arrêt cité: Steer c. M.R.N. [1965] R.C.É. 458.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. Paul A. Boivin, c.r. pour l'appelant. Philip F. Vineberg, c.r. pour l'intimée.
LE JUGE COLLIER --Le présent appel porte sur une décision de la Commission d'appel de l'impôt [1969] Tax A.B.C. 769. Le Ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'inti- mée pour les années d'imposition 1963, 1964 et 1965 et l'appel que l'intimée a interjeté devant la Commission d'appel de l'impôt a été accueilli.
La preuve présentée à cette Cour se compose de la preuve et des actes présentés à la Com mission, ainsi que du témoignage d'un témoin cité par l'intimée.
La question litigieuse est celle de savoir si l'intimée doit (comme le prétend le Ministre) déduire pour chaque année, respectivement, le montant des frais de publicité réellement enga- gés dans l'année ou s'il a le droit (comme il le prétend) de reporter des fractions quelconques desdits frais sur des années ultérieures, confor- mément aux règles habituelles du commerce ou
aux principes reconnus dans le monde des affai- res et à la pratique de la comptabilité, sous réserve, toutefois, de toutes dispositions spécia- les de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Les faits ne sont pas véritablement contestés et je fais miens les extraits suivants des motifs du jugement du président adjoint de la Commis sion. (L'« appelante» mentionné dans lesdits extraits est le contribuable):
[TRADUCTION] L'appelante se décrit comme un agent immobilier. Ses exercices financiers se terminent le 31 août. La première année d'imposition durant laquelle l'appelante a exercé ses activités semble être 1963. Au cours de ladite année, l'appelante a entrepris la construction de 24 immeu- bles d'appartements devant comprendre 660 appartements, sur les terrains d'une ferme située dans une région à faible densité de population, à environ dix milles du centre de Montréal. Elle avait acquis cette ferme au mois de septem- bre 1962. La construction d'un petit centre commercial était prévue pour la commodité des locataires. Le projet a été dûment achevé en quatorze mois environ, comme prévu, et les appartements sont devenus disponibles à la location. Quelques appartements ont été meublés par l'appelante, mais la majorité ne l'a pas été.
Pour trouver des locataires, une importante campagne de publicité, comme on n'en avait jamais vue, a été lancée. A peu près tous les moyens connus pour attirer des locataires éventuels ont été mis en oeuvre et utilisés d'une manière soutenue; on a même fait composer un thème musical. La radio a été le principal moyen utilisé et on n'a eu recours aux services d'aucun agent immobilier. Les annonces com- merciales à la radio étaient tellement fréquentes et elles ont été diffusées pendant une période de temps tellement longue que les gens ont commencé à se plaindre de la publicité incessante qui leur était imposée quotidiennement par les agents de publicité de l'appelante. Des résultats satisfaisants ont néanmoins été obtenus et, en octobre 1964, quatre-vingt-dix pour cent des appartements étaient loués. Comme on peut le supposer, les frais de cette campagne ont été considérables: ils se sont élevés à $153,301.78 au total. Par contre, les revenus locatifs ainsi obtenus ont atteint $674,328.16 en 1964. Plus tard, l'appelante a déduit de son revenu imposable la somme mentionnée en premier lieu, par tranches, ainsi qu'il suit: $7,351.01 en 1963; $63,595.87 en 1964 et $82,354.90 en 1965. Durant cette dernière année, l'entreprise a été entièrement vendue, de manière assez inattendue à ce qu'il semble, pour plus de $4,425,000.00. L'intimée s'est opposée à cette façon de faire et a considéré que l'appelante avait agi irrégulièrement en omettant de déduire lesdits frais de publicité d'un seul coup. L'appelante a préféré déduire lesdits frais par tranches, comme bon lui semblait, au cours des trois années dont appel. Le droit de l'appelante de déduire lesdits frais de publicité n'est pas contesté; le litige porte sur la façon de faire la déduction. L'exactitude des chiffres en cause n'est pas contestée non plus.
Je précise toutefois ici que les frais de publi- cité réellement engagés ont été de $92,351.01
en 1963, $58,595.87 en 1964 et $2,354 en 1965.
En ce qui concerne la vente de l'entreprise en 1965, le président adjoint a déclaré ce qui suit et, cette fois encore, j'emprunte ses paroles:
[TRADUCTION] Abe Weitzman, l'autre témoin, a témoigné le premier et déclaré que lui-même et Kenneth Wolofsky, constructeur, ont été les promoteurs de l'appelante et qu'à l'origine, ils avaient l'intention ferme de conserver les immeubles construits et ne voulaient pas les vendre. Toute- fois, des divergences de vues sont apparues plus tard entre les deux hommes et, plutôt que de persister dans une situation qu'il considérait comme intenable, M. Weitzman a finalement cédé. Il a déclaré: «J'ai décidé de faire comme mon associé et nous avons vendu.» Ces événements se sont produits en octobre 1964, soit pendant l'année d'imposition 1965 de l'appelante, laquelle se terminait le 31 août 1965. Rien dans la preuve ne permet de supposer que MM. Weitzman et Wolofsky savaient, avant le mois d'octobre 1964, que la vente allait avoir lieu; en fait, M. Weitzman a expressément nié qu'il y ait jamais eu quelque intention de vendre. Ce n'est qu'en 1964 qu'une offre spontanée, qui s'est avérée plus tard trop alléchante pour M. Wolofsky, a été reçue et que la question de la vente s'est posée pour la première fois. M. Wolofsky a été le seul à insister alors pour vendre.
Une fois prise la décision de vendre—bien que ce fût à regret en ce qui concernait M. Weitzman—il fallait déduire le solde des frais de publicité car, après, il serait trop tard. Il est donc facile de comprendre que ledit solde a été, en conséquence, déduit du revenu de l'appelante de l'année d'imposition 1965. Il me semble que c'était la chose logique à faire dans les circonstances qui nous ont été révélées.
L'intimée a cité comme témoin devant la Commission d'appel de l'impôt le comptable agréé qui avait dressé ses états financiers, M. Harry Stein. Il a 33 ans d'expérience. A son avis, la façon de procéder suivie dans la pré- sente affaire était la plus appropriée et elle est conforme aux principes de comptabilité généra- lement reconnus. Lorsqu'une importante cam- pagne de publicité produit des résultats qui, selon ce qu'il est raisonnable de prévoir, s'éten- dront sur les années à venir, l'usage est d'impu- ter un certain pourcentage des dépenses au revenu desdites années plutôt que de déduire la totalité des dépenses du revenu de l'année anté- rieure. M. Stein a appuyé sa thèse avec des ouvrages de comptabilité et d'autres publica tions.
Dans l'appel devant cette Cour, M. Howard Gilmour, comptable agréé indépendant, a témoi- gné pour l'intimée. Il a déclaré que la méthode utilisée par l'intimée pour les années en cause
est conforme aux principes de comptabilité reconnus et qu'elle consiste à imputer les dépenses aux revenus correspondants. Il a ajouté que le principe de base de la comptabilité d'exercice est l'imputation des dépenses aux revenus correspondants et que cette méthode exige l'exercice d'une certaine discrétion de la part du comptable ou de son client quant à la répartition de ces frais de publicité sur les années ultérieures.
Comme M. Stein, M. Gilmour a appuyé sa thèse avec des extraits de divers ouvrages de comptabilité et de diverses autres publications.
D'une manière générale, la preuve produite devant cette Cour et devant la Commission d'appel de l'impôt démontre que, dans les cir- constances de la présente affaire, la méthode utilisée par le contribuable, qui consiste à repor ter certaines fractions des frais de publicité sur les années à venir, est non seulement conforme aux principes de comptabilité généralement reconnus, mais qu'elle traduit la situation finan- cière du contribuable d'une manière plus fidèle.
L'appelant n'a présenté aucune preuve en vue de contester ou de contredire les témoignages de M. Stein et de M. Gilmour, ni devant la Commission d'appel de l'impôt, ni devant cette Cour. L'appelant prétend que la décision de la Commission d'appel de l'impôt n'est pas fondée, pour les motifs suivants:
(1) Le principe de l'imputation des dépenses aux revenus correspondants n'a pas été reconnu par les tribunaux et la Loi de l'impôt sur le revenu n'en permet l'application que dans certains cas spéciaux.
(2) En droit, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, les dépenses du genre de celles qui sont en cause dans le présent appel doivent être déduites pour l'année durant laquelle elles ont été faites et elles ne peuvent pas être reportées.
L'avocat de l'appelant a choisi de plaider sa cause en se fondant sur un principe général. En ce qui me concerne, je me propose de limiter ma décision, dans la mesure du possible, aux faits de la présente affaire.
A mon avis, le premier argument de l'appe- lant est trop large. Comme l'a déclaré le juge Thorson dans l'arrêt Publishers Guild of Canada Ltd. c. M.R.N. [1956-60] R.C.É. 32, à la p. 50:
[TRADUCTION] ... le principal critère, lorsque le litige porte sur une méthode comptable, est en premier lieu de savoir si la méthode utilisée convient à l'entreprise pour laquelle elle est utilisée et si elle donne une image fidèle de la situation financière du contribuable, puis, si cette condition est réali- sée, de savoir si la loi de l'impôt sur le revenu applicable en interdit l'usage.
La loi en cause ne contient à mon sens aucune disposition interdisant d'imputer les dépenses aux revenus correspondants. En fait, le juge Kerr a décidé que dans les circonstances particulières de l'affaire Sherritt Gordon Mines
Ltd. c. M.R.N. [1968]2 R.C.É. 459, la page 481, cette méthode était appropriée. Je cite la page 481 du jugement:
[TRADUCTION] Je suis convaincu que, au moins lorsque le montant est important par rapport aux affaires de la compa- gnie, il est conforme aux principes généralement reconnus en comptabilité et dans le monde des affaires de reporter, à titre de partie du coût de la construction, les intérêts payés pendant la période de la construction sur de l'argent emprunté, que la compagnie a dépensé pour ladite construc tion, et de les répartir sur un certain nombre d'années. Les compagnies de services publics utilisent davantage cette méthode, mais d'autres compagnies ont commencé à l'utiliser.
Les faits de l'affaire citée sont très différents de ceux de la présente affaire.
A mon avis, la méthode utilisée dans le cas présent donne une image plus fidèle de la véri- table situation des revenus de l'intimée: par exemple, d'après cette méthode, l'intimée a réa- lisé des bénéfices en 1963 alors que, d'après la méthode de l'appelant, elle aurait subi une perte.
Le principal argument de l'appelant me semble être le second argument que j'ai déjà mentionné. Un certain nombre d'arrêts ont été cités mais, à mon avis, plusieurs d'entre eux ne sont pas comparables à la présente affaire parce qu'ils ne portent pas, directement ou par analo- gie, sur la question en litige dans le présent appel. Je ne citerai que des affaires qui sem- blent porter directement sur la question.
Dans l'affaire Consolidated Textiles Ltd. c. M.R.N. [1947] R.C.É. 77, le contribuable a
cherché à déduire de son revenu de 1939 des dépenses d'exploitation faites en 1938. Cette affaire concerne l'application de la Loi de l'im- pôt de guerre sur le revenu. Le juge Thorson a décidé (pp. 82-83):
[TRADUCTION] A mon avis, l'article 6a) ne permet pas la déduction de débours ou de dépenses qui n'ont pas été faites ou engagées durant l'année d'imposition sur laquelle porte la cotisation. Je crois que cet énoncé est tout à fait conforme à l'intention générale de la loi, car elle traite chaque année d'imposition en prenant les rentrées et les dépenses de ladite année et en déduisant les dernières des premières en vue d'obtenir le profit net, le gain ou les gratifications directement ou indirectement reçus pour chaque année comme revenu imposable de ladite année.
A mon avis, l'affaire qui précède doit être distinguée de la présente affaire; sans trop entrer dans les détails, les articles applicables qu'étudie le président Thorson sont essentielle- ment différents des articles applicables de la loi applicable au présent appel.
Dans l'affaire L. Berman & Co. c. M.R.N. [1961] C.T.C. 237, le président Thorson a étudié la question de savoir si certains débours faits par le contribuable pouvaient régulière- ment être déduits en vertu de l'article 12(1)a), actuellement en vigueur, de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148. Il a décidé que les débours en question étaient régulièrement déductibles. Le contribuable avait déduit tous les débours des recettes de 1956, y compris certains débours faits en 1955. Le président Thorson a cité l'affaire Consolidated Textiles et il a décidé que les dépenses ne pouvaient être déduites qu'au titre de l'année durant laquelle elles avaient été faites. Il a déclaré (p. 249):
[TRADUCTION] Mais l'appelant n'a pas le droit de déduire tous les débours qu'il a faits de ce qui autrement aurait été son revenu imposable de 1956. Les débours faits en sep- tembre et en décembre 1955 ne sont pas déductibles. J'ai eu l'occasion de me prononcer sur une question semblable dans l'affaire Consolidated Textiles Limited c. M.R.N. [1947] R.C.É. 77; [1947] C.T.C. 63. Dans cette affaire, l'appelant, un fabriquant de lingerie, a cherché, dans sa déclaration d'impôt sur le revenu de 1939, à déduire de ses rentrées de 1939 certaines dépenses d'exploitation faites en 1938. Le Ministre a refusé de permettre cette déduction et l'appelant a interjeté appel. J'ai donné raison au Ministre et j'ai décidé que l'article 6a) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu ne permettait pas la déduction de débours ou dépenses qui n'avaient pas été faites ou engagées durant l'année d'imposition sur laquelle porte la cotisation. Par conséquent, je décide que l'appelant n'avait pas le droit de déduire de ses rentrées de 1956 l'un quelconque des verse-
ments faits par lui en 1955. Les motifs de ma décision sont les mêmes que ceux de l'affaire citée et j'inclus ces derniers dans les présents motifs, mutatis mutandis.
Le président Thorson a également cité le jugement qu'il avait rendu dans l'affaire Con solidated Textiles Limited dans un autre juge- ment qu'il a ultérieurement rendu dans l'affaire Rossmor Auto Supply Ltd. c. M.R.N. [1962] C.T.C. 123, la p. 126.
La partie de l'affaire Rossmor qui traite de l'année au titre de laquelle une déduction doit être réclamée est commentée par le président Jackett (maintenant juge en chef de cette Cour) dans l'affaire Associated Investors of Canada Ltd. c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 96, dans une note au bas des pages 100-101. Je cite cette note en entier et je fais respectueusement mien- nes les paroles du président:
[TRADUCTION] II a également été plaidé que l'article 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui énonce:
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable,
doit être interprété comme interdisant, dans le calcul des bénéfices tirés d'une entreprise pour une année, la déduc- tion d'une somme qui n'a pas été déboursée ou dépensée au cours de ladite année. A l'appui de cette prétention, on a invoqué le jugement du président Thorson dans l'affaire Rossmor Auto Supply Ltd. c. M.R.N. [1962] C.T.C. 123, qui déclare (p. 126): [TRADUCTION] «Selon l'interprétation que je donne à l'article 12(1)a), les débours ou les dépenses qui peuvent être déduits dans le calcul du revenu d'un contribuable pour l'année ... se limitent aux sommes déboursées ou dépensées par le contribuable durant l'année sur laquelle porte la cotisation» (les italiques sont de moi). Si cette interprétation était une partie essentielle de l'argu- mentation sur laquelle la décision rendue dans cette affaire a été basée, je me sentirais obligé de la suivre, bien qu'elle ne soit pas, à mon avis, basée sur un principe qui s'applique dans n'importe quelles circonstances. Dans ladite affaire, toutefois, il est clair que le prêt n'a pas été consenti dans le cours ordinaire des affaires de l'appelant, et c'est ce que le président a décidé. A mon avis, bien que certains genres de dépenses doivent être déduites dans l'année durant laquelle elles ont été faites ou engagées, et dans aucune autre, (par exemple, des frais de réparations, comme dans l'affaire Naval Colliery Co. Ltd. c. C.I.R. (1928) 12 T.C. 1017, ou des frais de sarclage, comme dans l'affaire Vallambrosa Rubber Co., Ltd. c. Farmer, (1910) 5 T.C. 529), il existe plusieurs genres de dépenses qui sont déductibles dans le calcul des bénéfices pour l'année «relativement à laquelle» elles ont été faites ou sont dues. (Comparer les articles 11(1)c) et 14 de la Loi.) Par exemple, la façon ordinaire de
calculer les bénéfices bruts d'exploitation aboutit à un pareil résultat (produit des ventes de l'année, dont on retranche l'excédent du stock initial en début d'exercice plus les achats faits durant l'année sur le stock final en clôture d'exercice), c'est-à-dire que (hormis le cas la valeur marchande des marchandises serait inférieure au prix payé) le coût des marchandises vendues dans l'année est déduit du produit de la vente de celles-ci, même si lesdites marchandi- ses ont été achetées et payées au cours d'un exercice antérieur. Il s'agit là, bien sûr, de la seule façon logique de calculer le produit des ventes faites dans l'année. Comparer le jugement du vicomte Simon dans l'affaire LR.C. c. Gard- ner Mountain & D'Ambrumenil, Ltd., (1947) 29 T.C. (page 93): [TRADUCTION] «Dans le calcul des bénéfices imposables d'une entreprise ... le prix des services rendus et des marchandises livrées, lorsqu'il ne sera payé que dans une année ultérieure, ne peut pas, d'une manière générale, être considéré comme une perte pure du contribuable pour l'an- née durant laquelle le prix a été déboursé et, pour l'année durant laquelle le prix sera payé ou viendra à échéance, le prix desdites marchandises ne peut pas être considéré comme un profit pur. En déterminant ... le montant du résultat net de l'opération, les chiffres placés du côté des recettes doivent se rapporter ... au compte des profits et pertes de la même année, et cette année sera l'année durant laquelle le service a été rendu ou durant laquelle les mar- chandises ont été livrées.» Cette Cour a suivi ce raisonne- ment dans le jugement du juge Cameron dans l'affaire Ken Steeves Sales Ltd. c. Le ministre du Revenu national [1955] R.C.É. 108, à la p. 119). La situation est différente dans le cas des «dépenses courantes». Voir le jugement du juge Rowlatt dans l'affaire Naval Colliery Co. Ltd. c. C.LR., précitée (page 1027). [TRADUCTION] «... et les frais de réparation, les dépenses courantes d'une entreprise et ainsi de suite ne peuvent pas être imputés directement aux postes de rentrées correspondants, et leur imputation ne peut pas être limitée de manière à les faire correspondre, ou à essayer de les faire correspondre, aux rentrées réelles de l'année en question. Si des réparations courantes sont faites, si des lubrifiants sont achetés, il n'est évidemment pas question de procéder à une enquête pour déterminer si les réparations ont été en partie rendues nécessaires par l'usure normale d'une pièce de matériel qui a produit des bénéfices durant l'année qui a précédé ou si les réparations faites permettront à la pièce de matériel de contribuer aux profits durant l'année suivante, et ainsi de suite. Les dépenses de ce genre sont considérées, et doivent être considérées, comme des dépenses engagées dans l'exploitation de l'entre- prise envisagée comme un tout chaque année, et les revenus sont les revenus de l'entreprise envisagée comme un tout pour l'année, sans essayer de rattacher chaque dépense à un poste donné des revenus». Voir également Riedle Brewery Ltd. c. Le ministre du Revenu national, [1939] R.C.S. 253. En ce qui concerne la souplesse de la méthode de calcul des revenus permise par la Loi de l'impôt sur le revenu, voir le jugement du juge Cameron dans l'affaire Ken Steeves (pré- citée) aux pages 113-114.
A mon avis, les distinctions que fait le prési- dent Jackett s'appliquent dans un cas comme celui de la présente affaire. Les frais de publi- cité engagés dans la présente affaire ne sont pas
des dépenses courantes au sens usuel de cette expression. Ils ont été engagés en vue de pro- duire des revenus non seulement dans l'année durant laquelle ils ont été faits, mais aussi dans les années à venir.
Par conséquent, je conclus que dans la pré- sente affaire, l'intimée a déduit ses frais de publicité d'une manière régulière, non prohibée par la Loi de l'impôt sur le revenu.
Je me réfère au jugement du juge Noël (main- tenant juge en chef adjoint de cette Cour) dans l'affaire Steer c. M.R.N. [1965] R.C.É. 458,' (pages 466-467):
[TRADUCTION] S'il ne s'agissait que de déterminer le mon- tant des profits réalisés durant la durée totale d'une entre- prise commerciale ou d'une autre source de revenus, le problème serait relativement simple. Lorsqu'une entreprise ou autre source cesse ses activités, le total des dépenses est retranché du total des revenus et le solde représente le profit ou la perte. Aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, les choses ne sont pas aussi faciles, car il faut déterminer les revenus que le contribuable a tirés chaque année d'une source. Cette exigence soulève la question de la répartition des revenus et des dépenses entre plusieurs exercices lorsque la durée des activités de l'entreprise ou de l'autre source de revenus est supérieure à un an. La plupart de ces problèmes ont été résolus dans le cas des entreprises et des autres sources ordinaires de revenus, mais les solu tions adoptées varient beaucoup d'un cas à l'autre, même à l'intérieur d'une même catégorie d'entreprise. Il est très possible qu'une «comptabilité de caisse», c'est-à-dire une comptabilité basée, pour chaque année, sur les rentrées et les débours d'argent comptant faits dans l'année, convienne très bien à une entreprise donnée, et qu'il soit également très approprié qu'une autre entreprise semblable utilise une comptabilité compliquée du genre dit «comptabilité d'exercice».
L'appel est rejeté avec dépens.
Cette décision fut infirmée en appel ([1967] R.C.S. 34). Bien que je sois d'avis que cette citation est un obiter dictum je considère néanmoins qu'il s'applique à la présente affaire.
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