Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

MCA Canada Ltée, Leeds Music Limited et The Robert Stigwood Group Limited (Demanderes-
ses) c.
Robert Simpson Productions, Foster Hewitt Broadcasting Limited, Two Star Productions, Mavin Holdings, Al Hinkle, Masonic Temple Corporation Limited et David Mann (Défen-
deurs)
Division de première instance, le juge Heald— Toronto, le 18 novembre; Ottawa, le 19 novem- bre 1971.
Procédure—Signification de documents—Corporation défenderesse—Signification à son contrôleur—Signification irrégulière—Règle 309(2).
Dans une demande d'injonction interlocutoire à l'encontre de plusieurs défendeurs de Toronto, visant à interdire une représentation théâtrale, la signification de l'avis de requête à une corporation défenderesse a été faite à une personne que l'affidavit de signification décrit comme son contrôleur.
Arrêt: Rejet de la requête faite contre cette défenderesse. Les demanderesses n'avaient pas démontré que la significa tion au contrôleur d'une corporation entrait dans le cadre des Règles de la Cour fédérale sur la signification aux corporations (R. 309(2)), et la preuve n'avait pas indiqué une urgence telle qu'elle justifie une injonction ex parte.
DEMANDE d'injonction interlocutoire.
R. T. Hughes pour les demanderesses.
W. M. Gordon, c.r. pour les défenderesses.
LE JUGE HEALD—Les demanderesses pré- sentent une demande d'injonction interlocutoire interdisant à la défenderesse, Foster Hewitt Broadcasting Limited et à ses dirigeants, admi- nistrateurs, employés, représentants et préposés de:
(i) présenter l'opéra rock Jesus Christ Superstar;
(ii) présenter une partie importante de l'o- péra rock Jesus Christ Superstar;
(iii) présenter plus de deux chansons extrai- tes de l'opéra rock Jesus Christ Superstar à chacune des représentations; et
(iv) annoncer une des représentations men- tionnées aux alinéas (i), (ii) ou (iii) en liai son avec l'expression Jesus Christ Superstar.
A l'audition, le procureur des demanderesses a indiqué qu'il désirait poursuivre sur cette
requête uniquement contre la défenderesse Fostkr Hewitt Broadcasting Limited. On aurait signifié à ladite défenderesse des copies certi fiées de l'avis de requête, de la déclaration et des affidavits de MM. William T. B. Bird et Allan Allbutt le 16 novembre 1971 en les remet- tant personnellement à M. Douglas Longstaff, contrôleur de ladite demanderesse, qui est une corporation dûment constituée en vertu des lois de la province d'Ontario, ayant son siège social au 1, rue Grenville, Toronto.
L'affidavit de Donald Lewis Marston, étu- diant en droit qui a fait la signification à M. Douglas Longstaff, déclare que la signification a eu lieu le 15 novembre 1971. A l'audition, cependant, le procureur des demanderesses a reconnu que ledit affidavit comportait une erreur typographique et qu'en fait, la significa tion avait eu lieu le 16 novembre 1971. J'ai alors accordé la permission aux demanderesses de produire un affidavit additionnel rectifiant la date de la signification à M. Douglas Longstaff.
La Règle 321 (2) de la Cour fédérale prévoit que:
RÈGLE 321. (2) Sauf si la Cour accorde une permission spéciale à l'effet contraire, il faut qu'il y ait un intervalle de 2 jours francs entre la signification d'un avis de requête et le jour indiqué dans l'avis pour l'audition de la requête.
Le délai entre la signification et le jour de l'audition se terminait le 18 novembre 1971 et l'audition a eu lieu devant moi à Toronto ce même jour. La prétendue signification à la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Lim ited avait eu lieu le 16 novembre 1971. Une telle signification ne laissait pas un délai de deux jours francs et, ainsi, ne se conformait pas aux exigences de la Règle 321(2). Cependant, le procureur des demanderesses m'a demandé d'accorder «une permission spéciale à l'effet contraire» comme le prévoit la Règle 321(2). A l'audition du 18 novembre 1971, personne ne s'est présenté devant moi pour la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Limited.
La preuve qu'on m'a apportée établit que les représentations en cause devaient débuter le 10 novembre 1971 au Masonic Auditorium, 888 Yonge Street à Toronto, devaient avoir lieu en soirée du 10 novembre 1971 au 30 novembre 1971 inclus et qu'on avait projeté de poursuivre
les représentations au Playhouse de l'avenue Bayview à Toronto, et de les conserver long- temps à l'affiche. La défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Limited est en cause du fait de la publication d'une brochure, jointe comme pièce 9 à l'affidavit de William T. B. Bird, portant qu'au moins une desdites repré- sentations au Masonic Auditorium devait être présentée en collaboration avec ladite défende- resse. On a également prouvé devant moi que la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Lim ited exploite une station radiophonique et exerce par ailleurs son activité à Toronto et aux environs sous la raison sociale 1430 CKFH.
Ladite défenderesse est en outre en cause du fait de la publication d'un autre bulletin d'infor- mation, dont un exemplaire constitue la pièce 10, jointe à l'affidavit de William T. B. Bird. Voici les premiers mots de ce bulletin, daté du 8 novembre 1971:
[TRADUCTION] CKFH, EN COLLABORATION AVEC ROBERT SIMPSON PRODUCTIONS, PRÉSENTE EN PREMIÈRE AU CANADA .
la représentation en cause, le 10 novembre 1971 au Masonic Auditorium.
On m'a également présenté une preuve sui- vant laquelle il y a eu au moins une représenta- tion, savoir la première du 10 novembre 1971. M. Allan Allbutt, directeur technique général de la division musicale chez MCA Canada Ltée, une des demanderesses aux présentes, assistait, au Masonic Auditorium, à ladite représentation qui a duré environ une heure trente-cinq minu tes. L'auditorium contient environ 750 sièges qui étaient pratiquement tous occupés.
Étant donné que la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Limited était en cause au moins dans la première représentation, je crois qu'on devrait accorder aux demanderesses la possibilité de présenter leurs arguments contre cette défenderesse, et j'ai donc exercé le pou- voir discrétionnaire que me confère la Règle 321(2) en autorisant les demanderesses à réduire à un jour franc le délai entre la significa tion à ladite défenderesse et le jour de l'audition.
Malheureusement, les demanderesses ont un autre problème de procédure.
La Règle 309(2) de la Cour fédérale traite de la façon de signifier des documents aux corpo rations. La Règle 309(2)b)(i) prévoit la signification:
... au président, directeur ou autre officier en chef, au trésorier, au secrétaire, au trésorier adjoint, au secrétaire adjoint, à un vice-président ou à une personne employée en qualité de conseiller juridique par la corporation, ...
L'affidavit de signification de Donald Lewis Marston, étudiant en droit, porte que la signifi cation a été faite à• M. Douglas Longstaff [TRA- DUCTION] «qui occupe le poste de contrôleur de ladite corporation défenderesse». On ne m'a pas présenté de preuve d'après laquelle je pourrais conclure que ledit Douglas Longstaff est l'une des personnes visées par la Règle 309(2)b)(i).
La Règle 309(2)b)(ii) n'aide pas davantage les demanderesses. Cette Règle est le pendant de la Règle 309(2)b)(i) et autorise la signification:
... à la personne qui, au moment de la signification, semble être en charge du bureau principal ou de la succursale ou agence au Canada la signification est faite, ...
Il n'y a rien dans l'affidavit de signification de M. Donald Marston ni ailleurs dans la preuve qui me permette de conclure ou de supposer de façon sensée que ledit Douglas Longstaff était «la personne qui, au moment de la signification semblait être en charge».
La Règle 309(2)c) permet encore la signification
... à une personne exerçant, pour la corporation en ques tion, des fonctions comparables à celles d'un officier, diri- geant ou employé mentionné à l'alinéa a) ou au sous-alinéa b)(i),
Il n'y a pas de preuve m'indiquant quelles sont les fonctions de Douglas Longstaff dans la cor poration défenderesse, si ce n'est qu'on le décrit comme étant son contrôleur. Je déclare donc que la Règle 309(2)c) ne permet pas la significa tion à Douglas Longstaff.
La Règle 309(2) prévoit encore d'autres pos- sibilités de signification:
... ou de toute autre façon prévue en l'espèce par une loi telle qu'exigé pour la signification d'un document à une corporation par une cour supérieure de la province dans laquelle le document est signifié.
En conséquence, j'ai examiné les Rules of Practice, [TRADUCTION] Règles de pratique, de la Cour suprême de l'Ontario pour voir si elles ne permettraient pas la présente signification. La Règle applicable est la Règle 23 qui permet la signification au:
[TRADUCTION] 23. (1) ... maire, gouverneur, premier magistrat, président ou autre officier en chef ou au greffier du township, de la ville, de la cité ou du comté, ou au caissier, trésorier ou secrétaire, greffier ou représentant d'une telle corporation ...
La signification en cause n'entre dans le cadre d'aucun de ces modes de signification.
Le Shorter Oxford English Dictionary, 3 e édi- tion, décrit le mot «comptroller» [TRADUCTION] contrôleur, comme étant une épellation erron- née du mot «CONTROLLER» [TRADUCTION] con- trôleur, qu'il définit ainsi:
[TRADUCTION] Contrôleur-1. Celui qui est chargé de véri- fier le travail d'un trésorier ou d'une personne chargée des comptes.
Le Earl Jowitt's Dictionary of English Law donne la définition suivante du mot «controller» [TRADUCTION] contrôleur:
[TRADUCTION] Contrôleur—un inspecteur ou officier ayant pour fonction d'examiner et vérifier les comptes d'autres officiers.
Toutes les parties à une action sont fondées à invoquer les Règles de la Cour. Il se peut fort bien que la signification au contrôleur, Douglas Longstaff, n'ait pas été portée à l'attention des dirigeants de la corporation défenderesse qui ont le pouvoir et la responsabilité de prendre des décisions sur des questions juridiques de ce genre.
Ou encore, si cette signification a été portée à leur attention, ils peuvent avoir conclu qu'elle était irrégulière et décidé de s'en remettre aux règles de la signification.
En tout état de cause, la corporation défende- resse n'a pas comparu.
Je déclare donc que la signification à Douglas Longstaff, faite le 16 novembre 1971, de l'avis de requête et des affidavits à l'appui, ne consti- tuait pas une signification à la corporation défenderesse, Foster Hewitt Broadcasting Limited.
En vertu de la Règle 469(2), la Cour a le pouvoir de prononcer ex parte une injonction interlocutoire «en cas d'urgence».
Le savant juge en chef de cette Cour exprime, à la page 61 du Manuel de pratique— La Cour fédérale du Canada, l'opinion suivante sur ce sujet:
... Une telle demande d'ordonnance ex parte ne peut être faite qu'en cas d'urgence (Règle 469(2)) et il est rare que la Cour fédérale ait à connaître d'un cas revêtant une urgence telle qu'elle justifie l'octroi d'une ordonnance contre une partie sans lui donner la possibilité d'être entendue.
Je souscris à cette opinion du savant juge en chef. J'ai tout à l'heure déclaré que j'étais dis- posé à réduire le délai en l'espèce. Cependant, je ne crois pas que la preuve montre une urgence telle qu'elle justifie que je procède ex parte.
Étant parvenu à cette conclusion, il ne m'est pas nécessaire d'examiner au fond les argu ments des demanderesses. Il y a cependant un autre aspect de l'action des demanderesses contre la défenderesse Foster Hewitt Broad casting Limited qui me concerne. Il a trait à la preuve restreinte contre cette défenderesse. Cette preuve se trouve aux pièces 9 et 10, jointes à l'affidavit de William T. B. Bird. La pièce 9 est une brochure polychrome ayant pour but d'annoncer les représentations de Jesus Christ Superstar au Masonic Auditorium à Toronto, du 10 au 30 novembre. Le recto de cette brochure ne fait aucunement état de la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Lim ited. Cependant, on y a ajouté une bande de papier adhésif d'environ 6 pouces sur 11 pouce sur laquelle on peut lire:
[TRADUCTION] EN COLLABORATION AVEC 1430 CKFH, PRÉSENTE, LE MERCREDI 10 NOVEMBRE, À 9H. DU SOIR, EN PREMIÈRE AU CANADA
J'estime que la pièce 9 justifie l'interprétation suivant laquelle la station radiophonique CKFH 1430 n'était en cause que dans la première représentation du mercredi 10 novembre.
Un examen de la pièce 10, bulletin d'informa- tion publié par CKFH, vient étayer cette inter- prétation. Voici les premiers mots de ce bulle tin, daté du lundi 8 novembre 1971:
[TRADUCTION] CKFH, EN COLLABORATION AVEC ROBERT SIMPSON PRODUCTIONS, PRÉSENTE EN PREMIÈRE AU CANADA «SELECTIONS OF JESUS CHRIST SUPERSTAR»
Le bulletin poursuit en décrivant les cérémonies d'ouverture prévues pour la représentation en soirée du 10 novembre. Les renseignements que comporte ce bulletin se limitent exclusivement à la première du 10 novembre. La seule preuve qu'on m'a présentée relativement à une repré- sentation a trait uniquement à la première du 10 novembre et la seule preuve de la participation de la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Limited se limite à la première du 10 novembre.
On ne m'a apporté absolument aucune preuve me permettant de conclure que la défenderesse Foster Hewitt Broadcasting Limited, ou la sta tion radiophonique CKFH, ait de quelque manière participé à des représentations posté- rieures à la première du 10 novembre.
En outre, la preuve ne m'a pas convaincu que l'octroi de dommages-intérêts ne constituerait pas une compensation suffisante si les deman- deresses devaient avoir gain de cause sur le fond.
Je rejette donc la demande d'injonction sans statuer sur les dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.