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Gibson Bros. Industries Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Walsh— Vancouver (C.-B.), les 7 et 8 mars; Ottawa, le 19 avril 1972.
Impôt sur le revenu—Récupération d'allocations à l'égard du coût en capital—Vente d'éléments d'actif à une filiale— Vente subséquente des actions de la filiale à une tierce compagnie— Filiale trompe-l'oeil ou couverture de la compagnie-mère.
A la suite d'un accord conclu avec la compagnie R, la compagnie appelante a vendu un terrain boisé ainsi que les immeubles et le matériel d'exploitation forestière qui s'y trouvaient à une filiale en propriété exclusive pour la somme de $116,212 (dont $58,000 ont été alloués à l'égard d'éléments d'actif susceptibles de dépréciation) et la compa- gnie R a acheté à l'appelante pour la somme de $272,000 toutes les actions émises de la filiale. En cotisant l'appe- lante, le Ministre a alloué $199,287 à l'égard des éléments d'actif susceptibles de dépréciation et a inclus la somme récupérée relativement aux allocations à l'égard du coût en capital dans le revenu de l'appelante en vertu de l'article 20(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Arrêt: La cotisation est maintenue. La filiale était simple- ment un trompe-l'oeil, une couverture, un alias ou un alter ego de l'appelante ou la mandataire de l'appelante ou de la compagnie R, ou des deux, lors de la transaction susmentionnée.
Arrêt appliqué: Sazio c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 373; arrêt cité: Belle-Isle c. M.R.N. [1966] C.T.C. 85.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
Heward Stikeman, c.r., et D. G. H. Bowman pour l'appelante.
F. J. Dubrule, c.r., pour l'intimé.
LE JUGE WALSH—Le présent appel porte sur des cotisations d'impôt sur le revenu en dates des 30 janvier 1964 et 21 mars 1967, pour l'année d'imposition 1961 de l'appelante. Il y a deux questions distinctes en cause dans cet appel, la première résultant de la façon dont l'appelante a disposé de certains éléments en son actif relativement à son exploitation fores- tière de Jeune Landing sur l'île de Vancouver- Nord et la seconde, de la façon dont elle a réparti les dépenses occasionnées par l'exploita- tion du navire Norsal, qu'elle a utilisé en partie à des fins commerciales et en partie pour l'u- sage personnel de ses actionnaires. Les faits relatif's à la première de ces questions sont
exposés aux paragraphes 1 à 10 de l'avis d'ap- pel de l'appelante, qui se lisent comme suit:
[TRADUCTION] 1. L'appelante a été constituée en corpo ration sous l'autorité des lois de la Colombie-Britannique et a exploité, à toutes les époques en cause, une entre- prise d'exploitation forestière.
2. Depuis 1946, l'appelante et ses prédécesseurs, sous contrats avec la Rayonier Canada Limited, exploitaient certains domaines situés près de Jeune Landing sur l'île de Vancouver-Nord (Colombie-Britannique).
3. En prévision de l'expiration des contrats d'exploita- tion forestière dont il est question au paragraphe 2 des présentes, et en vertu d'une convention conclue le 15 décembre 1959, l'appelante est convenue avec la Rayo- nier Canada Limited de faire constituer une nouvelle compagnie qui serait une filiale en propriété exclusive et de vendre à ladite compagnie le terrain, le bois, les bâtiments du camp, le matériel, les machines, ainsi qu'au- tres marchandises et biens en faisant partie ou utilisés relativement à l'exécution desdits contrats d'exploitation forestière avec la Rayonier Canada Limited, cette der- nière convenant qu'elle-même ou la personne qu'elle dési- gnerait achèterait toutes les actions du capital de cette nouvelle compagnie et les dettes de la nouvelle compa- gnie à l'égard de l'appelante.
4. En conformité de la convention à laquelle il est fait allusion au paragraphe 3 des présentes, l'appelante a fait constituer une nouvelle compagnie appelée Quatsino Log ging Ltd. et, le 30 juin 1960 ou vers cette date, a souscrit et payé comptant, à $1 l'action, dix actions entièrement libérées du capital de la Quatsino Logging Ltd.
5. Le 30 juin 1960 ou vers cette date, l'appelante a vendu à la Quatsino Logging Limited les biens et l'actif, dont il est question au paragraphe 3 des présentes, pour la somme de $84,212.75, soit $26,212.75 pour le terrain et $58,000.00 pour les autres éléments d'actif, et a fait vendre par la Consolidated Forest Products Ltd. à la Quatsino Logging Ltd. un camion et sa remorque pour la somme de $32,000.00.
6. Le ler août 1960 ou vers cette date, la Consolidated Forest Products Limited a cédé à l'appelante tous ses droits, titres et intérêts dans la somme de $32,000.00 que lui devait la Quatsino Logging Ltd.
7. Le Zef août 1960 ou vers cette date, l'appelante a vendu pour une valeur nominale, à la Rayonier B.C. Limited, qu'avait désignée la Rayonier Canada Limited, son droit à la somme de $116,212.75 que lui devait la Quatsino Logging Ltd. (soit le total des sommes de $26,- 212.75, $58,000.00 et $32,000.00 dont il est question aux paragraphes 5 et 6 des présentes).
8. Le ler août 1960 ou vers cette date, l'appelante a vendu toutes les actions qu'elle possédait du capital de la Quatsino Logging Ltd. à la Rayonier B.C. Limited, qu'a- vait désignée la Rayonier Canada Limited, pour la somme de $141,579.99.
9. Le prix de vente des éléments d'actif susceptibles de dépréciation (la somme de $58,000.00 dont il est question au paragraphe 5 des présentes), vendus par l'appelante à sa filiale en propriété exclusive, la Quatsino Logging Ltd., était approximativement égal à leur coût en capital non déprécié.
10. L'intimé a considéré que la vente des éléments d'actif susceptibles de dépréciation dont l'appelante était propriétaire, et dont il est question au paragraphe 5 des présentes, n'a pas été faite pour la somme de $58,000.00, mais pour celle de $199,787.25. En cotisant l'appelante au titre de l'année d'imposition 1961, l'intimé a compris dans son revenu une somme de $109,557.54 titre de récupération de la dépréciation des biens faisant partie de certaines catégories prescrites un crédit existait au chapitre «Actif» à la fin de l'année d'imposition 1961 de l'appelante, et a aussi réduit d'un montant de $90,229.71 le coût en capital non déprécié des autres catégories prescrites.
L'intimé admet les paragraphes 1 à 6 inclus ainsi que le paragraphe 10, mais non les para-
graphes 7, 8 et 9.
L'intimé déclare qu'en cotisant l'appelante en ce qui concerne la vente des éléments d'actif, il
a présumé:
a) que l'appelante ou ses mandataires sont convenus avec la Rayonier Canada Limited ou ses mandataires de vendre à cette dernière tous les terrains, le bois, les bâtiments du camp, le matériel, les machines, ainsi que les autres marchandises et biens, y compris les biens suscep- tibles de dépréciation, à l'exception de certains stocks, faisant partie du Jeune Landing Logging Camp ou utilisés en relation avec celui-ci et les activités de l'appelante ou de la W. F. Gibson & Sons Ltd., ceux-ci étant tous plus précisément énumérés dans l'estimation qui en a été effectuée en août 1959 par l'Universal Appraisal Com pany Ltd. (ces éléments seront ci-après désignés sous le nom de «l'actif de Jeune Landing.), moyennant le prix de $272,000, que la Rayonier Canada Limited s'engageait à payer;
b) qu'il a été convenu entre les parties, comme le démon- tre un contrat intervenu entre la Gibson Bros. Industries Ltd., la W. F. Gibson & Sons Ltd., Albert Earson Gibson, James Gordon Gibson, John Lambert Gibson et William Clarke Gibson, ainsi que la Rayonier Canada Limited, à la date du 15 décembre 1959, et signé le 30 juin 1960, que ladite vente de l'actif de Jeune Landing serait réalisée conformément aux termes de ce contrat et, plus particu- lièrement, mais sans restreindre la généralité de ce qui suit:
(i) en faisant constituer par l'appelante une nouvelle compagnie (finalement appelée «Quatsino Logging Limited» et ci-après désignée sous le nom de «Quat- sino») qui serait une filiale en propriété exclusive de l'appelante;
(ii) en transférant l'actif de Jeune Landing à la Quat- sino pour un minimum de $90,000;
(iii) en faisant alors acheter par la Rayonier les actions de l'appelante dans la Quatsino pour la somme de $272,000;
c) que, conformément à cette convention:
(i) la Quatsino a été constituée le 30 juin 1960 sous forme de filiale en propriété exclusive de l'appelante;
(ii) le 30 juin 1960 ou vers cette date, l'appelante a transféré l'actif de Jeune Landing à la Quatsino pour la somme de $116,430, soit $90,000 pour l'actif suscepti ble de dépréciation de certaines catégories prescrites des Règlements de l'impôt sur le revenu, $217.25 pour frais de constitution, et $26,212.75 pour le terrain et le bois. A l'occasion de ce transfert, une dette passive de ladite somme de $116,430 a été inscrite dans les livres de comptabilité de la Quatsino en faveur de l'appelante.
(iii) le lei août 1960, l'appelante a transféré ses actions dans la Quatsino à la Rayonier Canada Limited et a reçu en échange la somme de $272,000 en espèces ou en valeurs monayables;
(iv) par la suite, l'actif de Jeune Landing a été transféré par la Quatsino à la Rayonier aux frais de la première.
d) que la Quatsino a été, à toutes les époques en cause, un trompe-l'oeil, une couverture, un alias ou un alter ego de l'appelante, ou subsidiairement qu'elle a été, à toutes les époques en cause, la mandataire de l'appelante, de la Rayonier Canada Limited ou des deux.
L'intimé affirme que, sur le prix d'achat de $272,000, l'appelante a reçu la somme de $199,787.25 pour la vente de biens de certaines catégories susceptibles de dépréciation et, après avoir fourni les détails de la répartition de celui-ci entre ces diverses catégories et celle du coût en capital non déprécié des éléments d'ac- tif de l'appelante entre ces catégories avant cette répartition, conclut que le produit de la répartition des biens des catégories 6, 9 et 10 excédait le coût en capital non déprécié, pour l'appelante, des biens susceptibles de déprécia- tion de ces catégories immédiatement avant leur aliénation pour une somme de $109,557.54, somme qui est comprise dans le revenu de l'année de l'appelante, conformément à l'article 20(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'intimé soutient subsidiairement que, si la convention entre les parties ne portait pas sur la vente de l'actif mais sur la vente des actions, l'appelante s'est engagée dans une initiative d'un caractère commercial au sens de l'article 139(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce sens qu'elle a acheté des actions de la Quatsino avec la seule et unique intention de revendre à profit lesdites actions à la Rayonier, conformé- ment à la convention du 15 décembre 1959, et qu'en ce cas, la somme de $141,570 doit être
incluse dans le calcul du revenu de l'année de l'appelante, conformément aux articles 3 et 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu, cette somme correspondant à la partie de celle de $272,000 que l'on peut raisonnablement attribuer à l'a- chat des actions de la Quatsino, le reste de ladite somme pouvant être raisonnablement attribué à la valeur de l'actif que l'appelante a transféré à la Quatsino juste avant.
L'intimé plaide subsidiairement aussi qu'à la suite desdites ventes, un bénéfice d'un montant de $109,557.54 a été conféré à l'appelante, somme qui doit être incluse dans le calcul du revenu de l'année de l'appelante en vertu de l'article 137(2) de la Loi.
Au cours de son témoignage, le vérificateur de la compagnie, M. Kelsey, a dit que la somme exactement déboursée s'élevait à $258,000 et non à $272,000, puisque $14,000 du prix d'a- chat initial avaient été attribués à un lot com- portant du bois sur pied, mais que celui-ci avait été entièrement exploité par l'appelante au cours des six premiers mois de 1960, de sorte que le prix avait été réduit d'autant. Sur ces $258,000, $116,420.01 étaient représentés par une dette de la Quatsino envers l'appelante, que celle-ci a cédée à la Rayonier, et le solde de $141,579.99 représentait le paiement des actions. Le chiffre de $141,570 apparaît au bilan de l'année 1961 de l'appelante au poste «Surplus d'exploitation» comme [TRADUCTION] «gain résultant de la vente d'actions de la Quat- sino Logging Limited». La différence entre celui-ci et la somme approximative de $141,580 payée pour les actions représente les frais de souscription de celles-ci ($10).
M. Gordon Gibson, l'un des quatre frères Gibson qui ont travaillé ensemble à l'entreprise familiale d'exploitation forestière depuis 1916 et qui ont par la suite constitué l'appelante, la Gibson Brothers Industries Limited, a témoigné de façon très franche et très lucide, et il n'y a, en fait, pour ainsi dire pas de litige quant aux faits. En vertu d'une convention conclue le 15 juillet 1946 avec la British Columbia Pulp and Paper Company Limited, lui-même et ses frères, qui travaillaient à cette époque sous le nom de W. F. Gibson & Sons, ont entrepris l'exploitation de certains terrains boisés dans la région de Jeune Landing en Colombie-Britanni-
que; cette convention arrivait à expiration le 29 juin 1960. La British Columbia Pulp and Paper Company Limited est devenue plus tard l'Alas- ka Pine and Cellulose Limited et, par une con vention en date du ler janvier 1958, cette com- pagnie a cédé à son tour à l'Alpine Logging Limited tous les droits qu'elle tenait de la con vention de 1946 et de la convention complé- mentaire. L'Alpine Logging Limited est sous le contrôle de la Rayonier Canada Limited et, bien que les discussions du début et la correspon- dance de 1959, propos de ce qui adviendrait quand la convention viendrait à expiration le 29 juin 1960, soient intervenues avec des représen- tants de l'Alpine Logging Limited, il était évi- dent pour toutes les parties que les décisions étaient prises par la Rayonier Canada Limited; et que, bien que ces deux compagnies soient parties à la convention définitive intervenue le 1e 1 janvier 1960 et signée le 30 juin 1960, de même que la W. F. Gibson & Sons Limited et les quatre frères Gibson et l'appelante Gibson Brothers Industries Limited, il n'est pas néces- saire, aux fins du présent procès, d'approfondir les relations compliquées entre les compagnies, et on peut considérer la convention comme étant intervenue entre la Gibson Brothers Industries Limited et la Rayonier Canada Limi ted. Bien que l'appelante eût aimé prolonger le contrat d'exploitation forestière après son expi ration, d'autant plus que tout son matériel était sur place, il est bientôt devenu évident que la Rayonier préférait le faire elle-même et que, ayant elle aussi dans la région la plus grande partie du matériel nécessaire, elle n'avait pas envie d'acheter le matériel de l'appelante, même si elle désirait par ailleurs être loyale à l'égard de celle-ci, en considération de leur longue et amicale collaboration. On est convenu de faire faire une évaluation conjointe de la valeur de l'exploitation forestière par l'Universal Apprais al Company Limited, firme d'experts indépen- dants, et leur rapport en date du 7 août 1959 donnait un chiffre de $1,000,620.30 comme valeur dépréciée de tous les bâtiments et de tout le matériel. Comme l'appelante ne disposait d'aucune autre région boisée elle pouvait utiliser le matériel, et qu'en tout état de cause il n'y avait qu'un très petit marché pour le maté riel, étant donné qu'à cette époque de nombreux exploitants forestiers indépendants avaient été
contraints d'abandonner les affaires, et comme le coût de son déménagement aurait absorbé la plus grande partie de sa valeur, l'appelante ne se trouvait pas en très bonne position pour négocier.
Les négociations ont atteint leur point culmi- nant dans une lettre d'accord en date du 15 décembre 1959, il a été convenu de prolon- ger le contrat d'exploitation forestière de six mois, jusqu'au 31 décembre 1960, selon des modalités qui ne nous intéressent pas ici, les dispositions importantes en étant les clauses 2 et 3a), qui se lisent comme suit:
[TRADUCTION] 2. La Gibson Company fera constituer, à ses frais, une nouvelle compagnie qui sera une filiale de celle-ci, à laquelle elle appartiendra en propriété exclu sive, (filiale ci-après appelée «la nouvelle compagnie»), et, au moins trente (30) jours avant la date de la signature définitive, elle devra faire vendre et transférer à la nou- velle compagnie, à un coût en capital non déprécié non inférieur à $90,000, aux fins de l'impôt sur le revenu, dans les registres de la nouvelle compagnie, tout le ter rain, le bois, les bâtiments du camp, le matériel, les machines, ainsi que les autres marchandises et biens l'exclusion des stocks dont il est question au paragraphe 3h) des présentes), faisant partie du camp forestier de Jeune Landing ou utilisés dans son exploitation par l'en- treprise forestière et (ou) la Gibson Company, (ici collec- tivement appelés «ledit actif»), qui sont tous énumérés plus en détail dans l'estimation qui en a été faite en août 1959 par l'Universal Appraisal Co. Ltd. La nouvelle compagnie aura tels nom, nature et caractéristiques qu'aura d'abord approuvés la Rayonier.
3. Les parties aux présentes conclueront une conven tion pour la vente et l'achat des actions de la nouvelle compagnie et desdits stocks, dont l'essentiel sera con- forme au texte suivant:
a) a une date ultérieure à l'expiration de la convention de 1946, dont les parties aux présentes conviendront, mais au plus tard le 15 février 1961 (date ici appelée «la date de signature»), la Rayonier ou la personne qu'elle dési- gnera achètera toutes les actions émises du capital de la nouvelle compagnie moyennant un prix total de $272,000 payable en espèces à la compagnie Gibson à la date de signature, sous réserve d'une diminution comme il est ci-après stipulé.
La convention finale, signée le 30 juin 1960, contient en substance des clauses similaires (cette date semble indiquée par erreur dans la convention, puisqu'il y a dans le dossier une copie d'une lettre de la Rayonier Canada Limi ted aux procureurs de l'appelante en date du 14 juillet 1960, qui commence ainsi [TRADUCTION] «Nous joignons le contrat d'exploitation fores- tière et le contrat de vente, les deux en quadru-
ple exemplaire, afin que vos clients les signent»). Cette lettre est en partie rédigée comme suit:
[TRADUCTION] 1. L'actif, autre que les stocks, sera vendu et transféré à la Quatsino le 30 juin 1960 moyen- nant le prix total de $116,212.75, dont $90,000 pour les bateaux, les installations, le matériel d'exploitation fores- tière, etc. et $26,212.75 pour le terrain et le bois. La Quatsino émettra dix actions de $1 chacune en faveur de la Gibson Bros. Industries Ltd., ou des personnes qu'elle désignera et le solde deviendra un compte courant à la Gibson Bros. Industries Ltd. Cette vente et ce transfert seront intégralement reproduits dans les procès-verbaux de la Quatsino .. .
5. La date de signature est fixée au ler août 1960.
6. A la date de signature, vous nous remettrez tous les documents nécessaires pour réaliser la vente, y compris: le contrat de garantie signé; les certificats, dûment endos- sés, représentant toutes les actions émises de la Quatsino; la démission de tous les administrateurs (les personnes désignées par Gibson); les procès-verbaux acceptant les démissions et approuvant le changement d'actionnaires et d'administrateurs; le contrat de transfert signé, que vous rédigerez, entre la Gibson Bros. Industries Ltd. et la Rayonier B.C. Limited, et couvrant la dette résultant de la vente de l'actif à la Quatsino; tous les documents signés se rapportant à la vente de l'actif à la Quatsino; les actes constitutifs, le sceau de la compagnie, le registre des procès-verbaux, le registre des actions, le registre des certificats d'actions et tous les autres contrats connexes, livres, archives et documents relatifs à la Quatsino et à son actif. Si vous désirez que nous rédigions les procès- verbaux dont il est question plus haut, ayez l'obligeance de nous donner des précisions sur les premiers actionnai- res et administrateurs.
7. A la date de signature, le prix d'achat convenu sera payé en entier à la Gibson Bros. Industries Ltd. A moins que vous n'y voyez un inconvénient, nous préférerions réaliser notre achat en deux transactions distinctes, l'une de $116,212.75 pour payer la dette et l'autre pour payer le solde du prix d'achat des actions. Avant la signature, nous devons bien entendu nous mettre d'accord sur toute réduction du prix d'achat en raison de tout matériel, toutes machines, etc., que vous n'avez plus ou qui sont en mauvais état.
Les personnes que nous désignons pour devenir adminis- trateurs de la Quatsino, chacune étant propriétaire d'une action de son capital, sont MM. William E. Breitenback, Ross R. Douglas, Gordon L. Draeseke, Peter Sloan et R. W. Blatchley. Les cinq autres actions seront acquises au nom de la Rayonier B.C. Limited.
En ce qui concerne la constitution de la Quat- sino, il y a une lettre de la Rayonier Canada Limited aux procureurs de l'appelante, en date du 10 mai 1960, qui mentionne que sont joints [TRADUCTION] «les statuts, en double exem-
plaire, de la Quatsino Logging Ltd.» et continue en disant: [TRADUCTION] «Nous avons réservé le nom de Quatsino Logging Ltd. pour vingt et un jours à compter du 29 avril dernier», et une lettre du lendemain, soit le 11 mai 1960, des procureurs de l'appelante à celle-ci dans laquelle ils déclarent avoir reçu les statuts pro- posés de la compagnie (en annexe à la lettre) qui sera appelée «Quatsino Logging Ltd.» et en avoir pris connaissance; en outre ils affirment qu'ils leur semblent réguliers et que la compa- gnie a capacité pour acquérir l'actif qu'on se propose de lui transférer. Cette lettre continue ainsi: [TRADUCTION] «A moins que vous n'y trouviez quelque chose à redire, nous nous pro- posons d'aviser la Rayonier que les documents sont réguliers et de lui dire de procéder à la constitution de la compagnie».
Il est absolument évident que, bien que la Quatsino Logging Ltd. ait pu en fait avoir été constituée par les procureurs de l'appelante, c'est la Rayonier Canada Limited qui a posé les bases du travail et approuvé la nature et les caractéristiques de la compagnie. Le bilan de la Quatsino Logging Ltd. au 15 juillet 1960 fait ressortir une somme de $116,420.01 due à la Gibson Brothers Industries Limited, qui com- prend le paiement de la somme de $217.26 pour frais de constitution, la Rayonier Canada Ltd. les ayant remboursés à l'appelante.
La prolongation de la convention d'exploita- tion forestière après le 30 juin s'est avérée inutile, car l'appelante avait déjà remis les 47 millions de pieds carrés qu'on lui réclamait avant cette date. M. Gibson a témoigné que l'ensemble de l'actif et des stocks ont été remis le 30 juin 1960 et que la police d'assurance de l'appelante qui les couvrait a été annulée à compter de cette date. Bien que le transfert des actions de la Quatsino n'ait été effectué que le 3 août, il n'a jamais donné d'instructions aux actionnaires ni aux administrateurs de la Quat- sino, et la Quatsino n'a jamais fait aucune affaire quelle qu'elle soit pendant qu'elle était filiale en propriété exclusive.
Il est nécessaire d'expliquer le chiffre de $58,000, qu'au paragraphe 19 des motifs d'ap- pel de l'appelante, on appelle prix de vente de son actif susceptible de dépréciation, lequel dif- fère du chiffre de $90,000 utilisé dans la con-
vention. Une grosse pièce du matériel, consis- tant en un camion à bois avec sa remorque évalués à $32,000, était en réalité la propriété de la Consolidated Forest Products Limited, filiale de l'appelante; comme on l'avait compris dans l'actif vendu à la Quatsino Logging Ltd., la Consolidated Forest Products Limited a, le ler août 1960, cédé à l'appelante ses droits au paiement de cette somme.
La nouvelle cotisation primitive de l'intimé, établie en 1964, a ajouté la somme de $141,570 à titre de bénéfices réalisés sur la vente des actions de la Quatsino Logging Ltd. Cette somme a été supprimée dans la nouvelle cotisa- tion de 1967, mais on a rectifié les barèmes d'allocation à l'égard du coût en capital de l'ap- pelante de façon à comprendre une récupéra- tion de l'allocation à l'égard du coût en capital totalisant $109,557.54, et provenant du pré- tendu produit de la disposition de biens suscep- tibles de dépréciation utilisés dans l'exploitation de Jeune Landing, d'une valeur de $199,787.25. L'intimé, dans sa réponse à l'avis d'appel, n'a- bandonne cependant pas tout à fait sa préten- tion selon laquelle la somme de $141,570 résul- tait d'une initiative d'un caractère commercial au sens de l'article 139(1)e), provenant de l'a- chat des actions de la Quatsino, avec la seule et unique intention de les vendre à la Rayonier avec bénéfice, conformément à la convention du 15 décembre 1959, mais il se réserve cet argument comme argument subsidiaire.
Le principal argument de l'intimé se fonde sur le paragraphe 4d) de sa réponse à l'avis d'appel, il soutient ceci:
[TRADUCTION] d) la Quatsino a été, à toutes les époques en cause un trompe-l'oeil, une couverture, un alias ou un alter ego de l'appelante, ou subsidiairement elle a été, à toutes les époques en cause, la mandataire de l'appelante, de la Rayonier Canada Limited, ou des deux.
A l'examen des faits de cette affaire, je suis d'accord avec cette conclusion.
L'appelante s'appuie sur l'affaire Sazio c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 373, il a été décidé, à la page 383, que:
[TRADUCTION] Depuis l'arrêt Salomon, [1897] A.C. 22, il a toujours existé un principe bien établi et jalousement défendu qu'une compagnie est une entité complètement différente de ses actionnaires. Son actif et ses dettes ne sont pas les leurs. C'est seulement s'il en est fait une preuve
incompatible avec toute autre conclusion que l'on peut soutenir que les actes faits au nom de la compagnie ne sont pas les siens ou que les profits portés à sa comptabilité ne lui appartiennent pas. Le fait qu'une compagnie puisse avoir été formée pour servir les intérêts d'une personne en parti- culier ne suffit pas à établir la relation de mandant à mandataire entre cette personne et la compagnie. Pour soutenir le contraire, il doit être établi que la compagnie est une «simple façade, trompe-l'oeil ou couverture».
Il est important de noter la partie suivante de cette citation:
C'est seulement s'il en est fait une preuve incompatible avec toute autre conclusion que l'on peut soutenir que les actes faits au nom de la compagnie ne sont pas les siens ou que les profits portés à sa comptabilité ne lui appartiennent pas.
Il est certes clair que, dans la présente affaire, la Quatsino Logging Ltd. n'a jamais été formée avec l'intention d'exploiter une quelconque entreprise, mais simplement d'acquérir certains éléments d'actif de l'appelante, qu'elle a par la suite payés avec des fonds fournis par la Rayonier Canada Limited, y compris même les frais de sa constitution, et que la seconde étape grâce à laquelle la Rayonier Canada Limited a acheté de l'appelante les actions de la Quatsino pour le solde du prix d'achat préalablement convenu n'était qu'une autre partie d'une tran saction unique au moyen de laquelle l'actif en question a été acquis au prix de $272,000 (moins $14,000 pour le bois coupé avant la convention, comme on l'a vu plus haut).
L'appelante tente de distinguer la présente affaire de l'affaire Claude Belle-Isle c. M.R.N. [1964] C.T.C. 40, confirmée par la Cour suprême [1966] C.T.C. 85, dans laquelle l'appe- lante a vendu un hôtel à une compagnie consti- tuée dans le but de recevoir le paiement, partie en actions de la corporation et partie sous la forme d'une hypothèque, la valeur attribuée aux actions représentant la différence entre l'hypo- thèque et le prix de vente. A la même date, il a vendu les actions à une tierce partie pour une somme excédant substantiellement la valeur qui leur avait été attribuée quand il les avait reçues à titre de partie du prix de vente de l'hôtel. Le Ministre a cherché d'abord, comme dans le cas présent, à imposer la totalité du bénéfice, comme revenu tiré d'une initiative d'un carac- tère commercial, mais il a convenu plus tard de limiter la fraction imposable à une somme représentant la récupération de l'allocation à l'égard du coût en capital, présumant que la
seconde transaction établissait la véritable valeur des actions et que ceci pourvoyait à la récupération de l'allocation à l'égard du coût en capital. Cette décision a été confirmée. Dans le cas présent, toutefois, l'actif n'a pas été vendu à la Quatsino pour un prix exprimé partie en espèces et partie en actions de cette compagnie; il a été en fait vendu à la Rayonier pour un prix qui devait être payé en partie en espèces par la Quatsino, avec des fonds fournis par la Rayo- nier, et en partie par la Rayonier, qui s'enga- geait à acheter les actions auxquelles l'appe- lante souscrirait dans la Quatsino, à un prix fixé d'avance et excédant de beaucoup celui que l'appelante les avait payées. L'intervention d'une troisième compagnie qui, semble-t-il, a été créée expressément à cette fin ne suffit pas, à mes yeux, pour distinguer la situation présente de celle qui existait dans l'affaire Belle-Isle. La situation aurait pu être différente si l'appelante avait, sachant que sa convention d'exploitation forestière était sur le point d'arriver à expira tion, et sans aucune discussion ni convention préalables avec la Rayonier, décidé de consti- tuer une compagnie et de lui transférer les machines et le matériel de son exploitation de Jeune Landing pour $90,000, plus $26,212.75 pour le terrain et le bois. A une date ultérieure, si la Rayonier Canada Limited lui avait alors offert d'acheter les actions de cette compagnie qu'elle avait formée, il est probable que la ques tion de récupération de l'allocation à l'égard du coût en capital sur l'actif susceptible de dépréciation dont elle aurait disposé de la sorte ne se serait jamais posée et l'appelante aurait pu soutenir que le bénéfice réalisé sur la vente des actions de la compagnie ainsi formée était un gain de capital. Les choses ne s'étant pas pro- duites de cette façon, je n'exprime pas d'opi- nion sur ce point, mais je désire souligner la distinction qui existe entre une telle situation et la situation présente, la constitution de la Quatsino Loging Ltd. faisait manifestement partie intégrante de la convention dès le début et constituait un élément de la méthode adoptée pour transférer plus tard cet actif à la Rayonier Canada Limited.
L'appelante s'appuie avec fermeté sur l'arti- cle 20(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui, dans le cas d'un bien transféré en une ou plu- sieurs opérations entre personnes ne traitant
pas à distance, limite, pour le contribuable qui l'a par la suite acquis, l'allocation à l'égard du coût en capital au seul montant de ce qu'il a coûté en capital au propriétaire initial. Partant de là, bien que l'appelante et la Rayonier Canada Limited aient traité à distance, la vente qu'a effectuée l'appelante à la Quatsino et l'ac- quisition ultérieure de cet actif par la Rayonier Canada Limited de la Quatsino, quand son actif a été réparti entre ses actionnaires, consti- tuaient toutes les deux des opérations qui n'é- taient pas traitées à distance et, par suite, la Rayonier Canada Limited devait se limiter à réclamer une allocation à l'égard du coût en capital sur $90,000. Or il est arrivé dans l'af- faire présente qu'un incendie a éclaté dans la cuisine, l'un des principaux éléments d'actif, susceptibles de dépréciation peu après son acquisition par la Rayonier Canada Limited et, quand la réclamation d'assurance a été réglée, en 1961, le Ministre, en la créditant à l'alloca- tion à l'égard du coût en capital récupérée, a limité la Rayonier Canada Limited au chiffre de $90,000, acceptant implicitement les achats que la Quatsino a effectués à l'appelante et que la Rayonier a effectués à la Quatsino à leur valeur nominale comme des opérations non traitées à distance. L'appelante soutient que si le Ministre adopte maintenant l'attitude selon laquelle la vente effectuée par l'appelante à la Quatsino et l'acquisition de l'actif susceptible de déprécia- tion par la Rayonier Canada Limited de la Quat- sino doivent être considérées comme une simple façade, un trompe-l'oeil, ou une couver- ture destinée à cacher la vente directe de cet actif par l'appelante à la Rayonier Canada Limi ted, cette compagnie est alors fondée à prendre cet actif en compte dans ses livres au prix versé et à réclamer leur coût en capital en consé- quence, puisque l'article 20(4) ne peut recevoir application, car il s'agit alors d'une opération traitée à distance. Selon l'avocat de l'appelante, le Ministre adopte maintenant une position con- tradictoire en appliquant l'article 20(6)g) pour ventiler le prix versé entre les biens suscepti- bles de dépréciation et ceux qui ne le sont pas, arrivant à la conclusion qu'en ce qui concerne la présente appelante, celle-ci a reçu la somme de $199,787.25 pour la vente de biens susceptibles de dépréciation. L'article 20(6)g) se lit comme suit:
20. (6) Pour l'exécution du présent article et des règle- ments établis selon l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article Il, les règles suivantes s'appliquent:
g) lorsqu'un montant peut être raisonnablement considéré comme étant en partie la cause ou considération pour la disposition de biens d'un contribuable, susceptible de dépréciation et appartenant à une catégorie prescrite, et comme étant en partie la cause ou considération pour d'autre chose, la fraction du montant qui peut être raison- nablement considérée comme étant la cause ou considéra- tion de cette disposition est censée être le produit de la disposition de biens susceptibles de dépréciation apparte- nant à cette catégorie, indépendamment de la forme ou de l'effet juridique du contrat ou de la convention; et la personne envers qui on a disposé des biens susceptibles de dépréciation est réputée avoir acquis les biens à un coût en capital, pour elle, égal à la même fraction de ce montant;
Il fait encore remarquer que toutes les parties ont conclu cette opération après s'être entou- rées des conseils de bons avocats et de bons comptables, en connaissant parfaitement la situation au point de vue fiscal et sachant que le prix versé était influencé par ces considéra- tions, de telle sorte qu'au cas la Rayonier Canada Limited aurait été capable de réclamer l'allocation à l'égard du coût en capital sur le prix entier versé pour les biens susceptibles de dépréciation et non sur les $90,000 qu'on leur a affectés dans la convention, et que, si d'autre part l'appelante avait cru qu'on lui demanderait de payer l'allocation à l'égard du coût en capital récupérée sur la partie du prix total que le Ministre a affectée à l'actif susceptible de dépréciation en appliquant l'article 20(6)g), les acheteurs auraient alors été, d'une part, dispo- sés à payer davantage et, de l'autre, l'appelante aurait insisté pour obtenir un prix plus élevé pour cette raison. Ces arguments sont cepen- dant hypothétiques, et bien qu'il soit souhaita- ble que le Ministre soit logique en appliquant la Loi de l'impôt sur le revenu à l'acheteur et au vendeur, il n'y est pas obligé. La décision, dans la présente affaire, ne concerne que l'appelante et la question de savoir si la Rayonier Canada Limited a été cotisée de nouveau à bon droit le 17 décembre 1964 par suite du produit de l'as- surance au cours de son année d'imposition 1962 n'a pas été portée devant moi. Elle n'a fait l'objet d'aucun avis d'opposition. Comme l'avo- cat de l'intimé le fait remarquer, l'article 20(4) s'applique à l'acheteur et non au vendeur. Comme il a appliqué l'article 20(6)g) à l'appe-
Tante, dans le but d'affecter aux biens suscepti- bles de dépréciation qui -.ont été vendus une valeur de $199,787.25, il semble que l'intimé aurait appliquer le même chiffre au cas de la Rayonier Canada Limited, mais le fait qu'il a adopté une attitude différente lors de la nou- velle cotisation, en 1964, de son année d'impo- sition 1962 ne le rend pas, à mon avis, irreceva- ble à appliquer cet article au cas de l'appelante. L'appelante ne peut non plus soutenir avec succès que, puisque l'acheteur est limité à une allocation à l'égard du coût en capital de $90,000 en vertu de l'article 20(4), si les deux opérations sont prises à leur valeur nominale, et si, par suite, le Ministre bénéficie en temps opportun de la limitation de l'allocation à l'é- gard du coût en capital aux plus bas montants que l'acheteur peut réclamer sur ce chiffre, il ne lui est pas nécessaire de tenter le recouvrement de l'allocation à l'égard du coût en capital récu- pérée sur le vendeur, et que c'est le but de l'article 20(4), eu égard au droit du Ministre de traiter l'interposition de la Quatsino Logging Ltd. comme une façade, de considérer la vente de l'actif et celle des actions comme une seule opération à distance, et de leur appliquer l'arti- cle 20(6)g).
Étant arrivé à la conclusion que l'appelante doit succomber sur ce point de son appel, il n'est pas nécessaire que je m'occupe de l'argu- ment relatif à la question de savoir si, en tout état de cause, un bénéfice a été conféré à l'ap- pelante pour une somme de $109,557.54, au sens de l'article 137(2) de la Loi, ni de l'argu- ment subsidiaire selon lequel la vente des actions avec un bénéfice de $141,570 a été une initiative d'un caractère commercial au sens de l'article 139(1)e) de la Loi.
J'en viens maintenant à la seconde question soulevée dans l'appel. L'appelante soutient dans son avis d'appel qu'elle était propriétaire du navire Norsal, qu'elle utilisait relativement à son entreprise d'exploitation forestière, mais qu'elle n'en a plus eu besoin quand elle a cessé son entreprise et qu'elle a alors essayé, sans succès, de s'en défaire en le vendant. Incapable de réaliser la vente, elle a entrepris d'affréter ce navire afin de gagner un revenu et de minimiser sa perte sur cet investissement. Le revenu pro-
venant de cet affrètement pour les années 1959 à 1963 incluse a été le suivant:
1959 néant
1960 $650
1961 $3,650
1962 $7,550
1963 $17,192
En plus de cela, le navire était de temps à autre utilisé personnellement par les actionnaires de la compagnie-mère de l'appelante, et celle-ci, en déposant ses déclarations d'impôt de 1961 et 1962, a calculé la perte nette d'exploitation du navire, et, pour déterminer le montant des dépenses non déductibles occasionnées par l'u- tilisation personnelle, a réparti ces pertes nettes en proportion de ce qu'une telle utilisation per- sonnelle représentait chaque année par rapport à l'utilisation totale du navire. Ayant été avisé que l'intimé voyait des objections à cette méthode, l'appelante a alors proposé de faire le calcul en déduisant d'abord les frais fixes du navire et en les appliquant ensuite aux frais variables seulement, comme les salaires de l'é- quipage, le combustible et la cuisine, en propor tion de ce que l'utilisation personnelle représen- tait par rapport à l'utilisation totale du navire. En vertu de ce mode de calcul, les dépenses non déductibles se seraient élevées à $4,327 pour l'année d'imposition 1961 et à $4,318 pour l'année d'imposition 1962. L'intimé l'admet dans sa réponse à l'avis d'appel.
L'appelante déclare qu'en la cotisant pour ses années d'imposition 1961 et 1962, l'intimé avait calculé les dépenses non déductibles s'appli- quant à l'utilisation personnelle en prenant la partie des dépenses totales (y compris l'alloca- tion à l'égard du coût en capital) qu'une telle utilisation représentait par rapport à l'utilisation totale du navire et a augmenté de cette façon le revenu de l'appelante pour l'année d'imposition 1961 d'une somme de $7,027.75; il a revisé la perte d'exploitation subie en 1962 en réduisant ladite perte d'une somme de $10,868.25; les chiffres représentent dans chaque cas la diffé- rence entre le calcul qu'a proposé l'appelante, exposé plus haut, et celui qu'a utilisé l'intimé. L'intimé ne l'admet pas et soutient, dans sa réponse, ce qui suit:
[TRADUCTION] 6. En ce qui concerne le navire Norsal, il a présumé que:
a) l'appelante, au cours des années 1961 et 1962, a engagé des dépenses respectives de $22,507.58 et $28,- 853.92 et a subi une perte nette s'élevant à $18,917.58 et $21,303.92; sur ces sommes, celles de $11,354.75 et $15,186.25, respectivement, ne se rattachaient pas à un gain ou à une production de revenu de l'appelante;
b) en calculant le montant de ladite perte qui n'avait pas été subie pour gagner ou produire un revenu, l'ap- pelante a considéré que seule la partie de la perte nette relative à l'exploitation du bateau que l'utilisation per- sonnelle représentait par rapport à l'utilisation totale devait être déduite de ladite perte et que l'excédent de la perte nette sur cette somme représentait la déduction appropriée du revenu;
c) l'intimé a considéré que seule la proportion de dépenses totales d'exploitation du bateau que l'utilisa- tion personnelle représentait par rapport à l'utilisation totale devait être déduite de ladite perte et que l'excé- dent de la perte nette sur cette somme représentait la déduction appropriée du revenu.
7. L'appelante, dans son avis d'appel, allègue mainte- nant que la partie de la perte que l'on doit attribuer au gain ou à la production du revenu doit être calculée en déduisant en premier lieu les dépenses fixes du navire et en appliquant ensuite aux seules dépenses variables (par exemple: salaires de l'équipage, combustible et cuisine) la proportion que l'utilisation personnelle représentait par rapport à l'utilisation totale du vaisseau. Par ce mode de calcul, les dépenses non déductibles seraient de $4,327.00 pour l'année d'imposition 1961 et de $4,318.00 pour l'année d'imposition 1962.
8. L'intimé soutient que la façon de calculer qu'il a utilisée en cotisant l'appelante de la manière détaillée au sous-paragraphe c) du paragraphe 6 de la présente est le mode de calcul approprié.
Ni l'une ni l'autre des parties n'a été capable de citer de la jurisprudence se rapportant à cette question, aussi est-il nécessaire d'en faire l'examen en partant de principes fondamentaux. Il n'y a pas de litige au sujet de la partie de l'utilisation totale qui a été attribuée à l'utilisa- tion personnelle des dirigeants de la compagnie. Il me semble que la méthode rationnelle consis- terait à diviser toutes les dépenses, y compris l'allocation à l'égard du coût en capital, sur cette base, en attribuant à la compagnie appe- lante sa partie des dépenses totales et, après déduction du revenu total qu'a perçu la compa- gnie de l'affrètement du bateau de sa part des dépenses totales, le solde représenterait la perte admissible dont l'appelante peut faire état. La seule affaire que j'ai pu trouver, l'on recon- naît qu'il existe une distinction entre l'allocation à l'égard du coût en capital et les dépenses
réelles d'exploitation, est l'affaire Cumming c. M.R.N. [1967] C.T.C. 462, dans laquelle les dépenses de fonctionnement d'une automobile ont été imputés dans une proportion de 25% à l'utilisation commerciale en fonction du millage, mais l'allocation à l'égard du coût en capital y a été imputée dans une proportion de 50% sur la base du temps d'utilisation. Puisque, dans le cas présent, la répartition ne donne pas lieu à litige, et qu'aucun chiffre portant sur la distance relative couverte par le navire pendant qu'il était soumis à une utilisation personnelle, en la distinguant de l'utilisation commerciale, ni la proportion du temps il faisait l'objet d'une utilisation personnelle, en la distinguant de l'uti- lisation commerciale, n'ont été fournis à la Cour, cette affaire ne s'applique pas. Dans le cas de frais d'automobile, ceux-ci sont normale- ment répartis suivant le Bulletin d'information 28 de la Division de l'impôt, en date du 6 janvier 1965. (Voir: Canada Tax Service, vol. A, p. 12-278 BB.) On y prend en considération l'allocation à l'égard du coût en capital dans la répartition des dépenses totales d'utilisation d'une automobile entre l'utilisation personnelle et l'utilisation commerciale. Je ne vois pas de raison d'appliquer ici ce principe.
Si les dirigeants de l'appelante avaient loué le bateau de quelqu'un avec qui ils traitaient à distance, le prix aurait certainement été suffi- samment élevé pour comprendre une partie de l'allocation à l'égard du coût en capital. C'est seulement en répartissant les dépenses brutes, y compris l'allocation à l'égard du coût en capital, qu'apparaît le véritable tableau des dépenses; appliquant alors le revenu provenant de l'affrè- tement du bateau, revenu qui échoit entière- ment à la compagnie à titre de propriétaire, à la partie de ces dépenses qui est le fait de la compagnie, on peut déterminer si la compagnie a réalisé un gain ou subi une perte qui sera imposée en conséquence. C'est en fait ce que le Ministre a fait dans sa nouvelle cotisation.
En conséquence, comme je constate que la méthode qu'a utilisée l'intimé pour évaluer la perte d'exploitation du navire Norsal est exacte, l'appel doit aussi être rejeté sur cette question.
L'appel de l'appelante est donc rejeté avec dépens.
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