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Grace Plastics Ltd. (Demanderesse) c.
Le Bernd Wesch II et son propriétaire Jonny Wesch, de Hambourg (Allemagne) et son affré- teur, la Hy Car Line S.A., de Genève (Suisse)
(Défendeurs)
Division de première instance; le juge en chef Jackett—Montréal, du 17 mai au 21 mai; du 9 au 13 et du 17 au 19 août 1971.
Marine marchande—Règles de La Haye—Connaisse- ment—Avarie à la cargaison par gros temps—Contrat de transport entre un affréteur à temps et un expéditeur au nom d'un commettant inconnu—Chargement en pontée—Charge- ment sous le pont—Partie du chargement prévu sous le pont transportée de fait en pontée à la connaissance de l'expédi- teur—Responsabilités respectives du propriétaire et de l'af- fréteur—Chargement en pontée arrimé de façon insuffisante pour affronter des conditions atmosphériques prévisibles— Avarie causée par innavigabilité ou péril de mer—Limitation de responsabilité—Règles de La Haye (Loi sur le transport des marchandises par eau, S.R.C. 1970, c. C-15, Art. I, III(1)c), IV(2)c) et IV(5)).
Jugement accordant un dédommagement pour les avaries au chargement—Intérêts sur les dommages—A compter de quelle date courent-ils?
Pratique—Preuve—Recevabilité des pièces au procès— Pièces rassemblées dans le cadre de procédures extrajudi- ciaires, procédure pour les rendre recevables.
La demanderesse avait acheté, auprès d'un fournisseur allemand, deux gros réacteurs ainsi que de certains équipe- ments et substances chimiques et avait conclu un accord avec un expéditeur pour les faire parvenir au Canada. L'expéditeur a contracté avec une maison d'expédition qui s'est chargée du transport jusqu'à Montréal. Ce contrat stipulait quant à l'expéditeur et à la maison d'expédition que le connaissement de cette dernière serait utilisé et devait être signé au nom du capitaine du navire choisi pour trans porter la cargaison. La maison d'expédition a choisi le navire défendeur dont elle disposait par affrètement à temps accordé par son propriétaire. Le contrat stipulait que les réacteurs seraient transportés en pontée et que le reste du chargement le serait sous le pont mais, outre les deux réacteurs, quatre colis ont été chargés en pontée et ce, avec le consentement de l'expéditeur. Sur l'Atlantique nord, le navire a affronté de mauvaises conditions atmosphériques; les réacteurs ont rompu leurs attaches, l'un est passé par- dessus bord et l'autre a été endommagé. En se détachant, les réacteurs ont ouvert une brèche dans un panneau d'é- coutille et trois des colis en pontée, de même que la cargai- son se trouvant sous le pont, ont été endommagés. La demanderesse, en qualité de cessionnaire du connaissement émis alors que le navire était en mer, a réclamé des domma- ges se chiffrant à environ $264,000 pour les réacteurs, à environ $128,000 pour la cargaison qui se trouvait sous le pont, à environ $7,600 pour les trois colis chargés en pontée et divers dommages s'élevant à quelque $13,000, plus inté- rêt au taux annuel de 5% à compter de la date la
cargaison aurait être livrée, c.-à-d. le 1e , septembre 1968. Le connaissement comportait une clause dégageant le voitu- rier de toute responsabilité relative aux pertes ou avaries subies par la cargaison en pontée par suite de négligence de sa part ou de la part de ses préposés ou représentants. Se fondant sur la preuve, la Cour a conclu que les conditions atmosphériques qu'a affrontées le navire étaient prévisibles, qu'il n'y a pas eu négligence ou faute dans la navigation du navire, mais que les réacteurs n'avaient pas été correcte- ment arrimés compte tenu des dangers raisonnablement prévisibles de la traversée.
Arrêt: Le propriétaire du navire est responsable des dom- mages causés à la cargaison qui se trouvait sous le pont et aux trois colis transportés en pontée mais non des domma- ges subis par les réacteurs.
1. Bien que l'accord conclu entre l'expéditeur et l'affré- teur, avant le chargement des marchandises, constitue le contrat de transport en vigueur, il n'en est pas moins un «contrat de transport constaté par un connaissement», c'est-à-dire un contrat de transport au sens des Règles de La Haye. Arrêt suivi: Anticosti Shipping Co. c. Viateur St- Amand [1959] R.C.S. 372.
2. Au moment de sa signature, le contrat de transport était conclu au nom d'un commettant inconnu, à savoir le propriétaire du navire qui a été choisi par la suite; il ne s'agit pas d'un contrat par l'affréteur en qualité de commet- tant. Donc, c'est le propriétaire et non l'expéditeur qui est responsable en vertu du contrat de transport. Arrêt suivi: Paterson Steamships Ltd. c. Aluminum Co. of Canada [1951] R.C.S. 852.
3. Les réacteurs constituent une «cargaison qui, par le contrat de transport est déclarée comme mise sur le pont» (Art. I des Règles de La Haye) et ne sont donc pas soumis aux Règles de La Haye, mais les trois colis endommagés, même s'ils ont été transportés en pontée avec le consente- ment de l'expéditeur, n'entrent pas dans le cadre de cette citation et, avec la cargaison transportée sous le pont, ils sont donc régis par les Règles de La Haye. La demande- resse ayant confié à l'expéditeur le soin de conclure le contrat de transport est liée par la disposition portant que les deux réacteurs devaient être transportés en pontée. Arrêt suivi: Svenska Traktor Aktiebolagent c. Maritime Agencies (Southampton) Ltd. [1953] 2 All E.R. 570.
4. Les dommages à la cargaison chargée sous le pont et aux trois colis en pontée ayant été causés par un arrimage insuffisant des réacteurs pour résister aux dangers raisonna- blement prévisibles de la traversée envisagée, le navire n'était donc pas en bon état de navigabilité au sens de l'Art. III(1)c) des Règles de La Haye, c'est-à-dire que les mar- chandises avariées n'étaient pas arrimées dans une partie du navire appropriée et «en bon état pour leur conservation»; le propriétaire du navire est par conséquent responsable des dommages subis par la cargaison transportée sous le pont et par les trois colis transportés en pontée. Les dommages ne résultent pas de périls de mer, ce qui empêche le proprié- taire du navire d'invoquer l'Art. IV(2)c) des Règles de La Haye comme moyen de défense.
5. Le connaissement libère le propriétaire du navire de la responsabilité tant contractuelle que délictuelle concernant les dommages 'causés aux réacteurs par suite de négligence de sa part ou de la part de ses préposés ou représentants. Même si l'application de cette clause était exclue alors que les dommages étaient causés par l'innavigabilité du navire (question qu'il n'était pas nécessaire de trancher) les dom- mages aux réacteurs, contrairement à ceux subis par le reste de la cargaison, n'ont pas été causés par l'innavigabilité du navire. Distinction faite avec l'arrêt Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Chimo Shipping Ltd. [1969] 2 R.C.É. 261.
6. En vertu de l'Art. IV(5) des Règles de La Haye, les dommages causés aux trois colis transportés en pontée se limitent au montant de la perte réelle ou $500 pour chaque colis et, dans le calcul de la perte réelle, il faudra ajouter un pourcentage de l'ensemble des postes dont il est fait mention.
7. La demanderesse a droit aux intérêts sur les domma- ges accordés à compter du Pr septembre 1968 jusqu'à la signature du jugement (et, par la suite, sur la somme accor- dée par le jugement en vertu de l'art. 40 de la Loi sur la Cour fédérale).
Autre arrêt: Dans cette cour, la recevabilité et l'estampil- lage des pièces est une fonction de la Cour. Seuls les documents acceptés par la Cour à l'instance (y compris les pièces relatives à la preuve recueillies à l'étranger par une commission rogatoire ou par un tribunal étranger ou au cours d'un interrogatoire préalable) font partie de la preuve sur laquelle la Cour fonde son jugement.
ACTION en dommages-intérêts. David Angus pour la demanderesse. Trevor Bishop pour les défendeurs.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)— Bien que, selon l'intitulé de la cause tel qu'il figure sur le bref, la présente action soit inten- tée contre un navire, il _ ressort des dires de l'avocat qu'il s'agit en pratique d'une action in personam intentée contre les personnes nom- mées dans l'intitulé de la cause.
C'est une action en dommages-intérêts née du défaut de livraison en bon état, à Montréal, de marchandises appartenant à la demanderesse chargées dans des ports européens, sur un bâti- ment appartenant à l'un des défendeurs (ci-des- sous dénommé «le propriétaire» ou «Jonny Wesch») et affrété à temps par l'autre défen- deur (ci-dessous dénommé «l'affréteur» ou «Hy Car»).
Depuis 1965, la demanderesse fabrique à Cornwall (Ontario) un produit chimique employé dans la fabrication des plastifiants et
des résines; elle utilise à cette fin une installa tion industrielle et une substance chimique qua- lifiée de «catalyseur», l'une et l'autre fabriquées en Allemagne. En 1968, elle a négocié avec un fournisseur allemand l'acquisition d'une seconde «étape» de cette installation indus- trielle et du catalyseur, afin de développer sa fabrication. Aux termes de l'accord, l'équipe- ment industriel et le catalyseur achetés en 1968 devaient être livrés f.à.b. dans certains ports européens de l'Atlantique nord.
A la suite de cet accord avec le fournisseur allemand, la demanderesse a conclu avec une compagnie canadienne du secteur des «expédi- teurs» (ci-dessous dénommée «l'expéditeur» ou «Schenker of Canada») un contrat, qui pourrait sembler quelque peu inusité, aux termes duquel l'expéditeur a entrepris, pour un paiement for- faitaire, le transport de l'équipement industriel et du catalyseur, des ports européens à Cornwall.
L'expéditeur a alors conclu, par un document appelé «déclaration d'expédition» avec le défendeur Hy Car, qui disposait d'un affrète- ment à temps sur le navire Bernd Wesch II accordé par son propriétaire, le défendeur Jonny Wesch, un accord pour transporter l'é- quipement industriel et les produits chimiques en question des ports européens à Montréal. Il n'est pas contesté qu'aux termes de l'accord intervenu entre l'expéditeur et Hy Car, deux éléments de l'installation, que l'on nomme «réacteurs», pesant chacun 70 tonnes, devaient être transportés «en pontée» et que le reste du chargement devait être transporté «sous pont».
L'équipement industriel a été chargé sur le Bernd Wesch II conformément à cet accord, à ceci près que, en plus des deux réacteurs, deux colis qui étaient censés voyager sous pont ont été chargés en pontée. Cependant, avant le départ du bâtiment, l'expéditeur a accepté que ces colis restent sur le pont, mais aucun accord n'est venu modifier le contrat de transport que constituait la déclaration d'expédition.
Le Bernd Wesch II a quitté Rotterdam pour Montréal le 17 août 1968.
Quatre ou cinq jours après son départ de Rotterdam, le 23 août 1968, alors que le bâti- ment affrontait des conditions atmosphériques très difficiles, un des réacteurs a rompu ses attaches et est passé par-dessus bord; l'autre s'est également détaché mais est resté sur le pont et a été arrimé de nouveau. En rompant leurs attaches, les réacteurs ont ouvert une brèche dans un panneau d'écoutille, ce qui eut pour résultat de faire pénétrer l'eau était entreposé le catalyseur. D'autres éléments de la cargaison de la demanderesse, qui se trouvaient sur le pont, ont été endommagés.
En conséquence, la demanderesse réclame des dommages-intérêts:
a) d'un montant de $133,218.32, pour la perte du réacteur qui est passé par-dessus bord,
b) d'un montant de $130,992.89, pour les dommages subis par le réacteur qui n'est pas passé par-dessus bord, sur la base de sa valeur diminuée de la récupération pour la ferraille,
c) sur la base d'une perte totale, pour les dommages subis par l'ensemble du cataly- seur, soit 662 tonneaux,
d) d'un montant de $185.38, pour les dom- mages subis par le colis 671, qui était transporté en pontée,
e) d'un montant de $7,260.23 pour les dom- mages subis par le colis 667, qui était transporté en pontée,
I) d'un montant de $158.04, pour les domma- ges subis par le colis 665, qui était trans porté en pontée,
g) en dépenses diverses, d'experts, de spécia- listes de déplacement, etc., engagés pour éva- luer les dommages et tenter de minimiser la perte:
M. Engelhardt, expert $1,073.06
M. Wanka, expert 942.21
M. Bellis 779.74
essais et azote 880.00
frais de manutention du matériel 5,809.21
M. Danker 172.90
M. Zapd 150.00
M. Bojawski 69.89
un entrepreneur 163.00
Brière & Gosling 2.00
Expert maritime 3,061.32
h) intérêt annuel de 5% à partir de la date à laquelle le chargement aurait être livré, c'est-à-dire le ler septembre 1968.
Après le départ de Rotterdam du Bernd Wesch II, un connaissement a été établi qui désignait le représentant de l'expéditeur à Ham- bourg comme «chargeur» et indiquait que les marchandises étaient consignées «à l'ordre de» l'expéditeur. Il est clair cependant que le con- trat de transport prépondérant est l'accord conclu entre l'expéditeur (par l'intermédiaire de son représentant à Hambourg) et le défendeur Hy Car, avant que les marchandises ne soient chargées. (Voir S.S. Ardennes (propriétaires de la cargaison) c. S.S. Ardennes (propriétaires) [1951] 1 K.B. 55 aux pages 59 et 60, jugement rendu par Lord Goddard, juge en chef, et adopté par cette cour dans l'affaire Sheerwood c. Le Lake Eyre [1970] R.C.E. 672.) Cependant, il apparaîtrait clairement que cet accord est un contrat de transport «constaté par un connaisse- ment», soit un «contrat de transport» au sens des Règles de La Haye adoptées par la Loi sur le transport des marchandises par eau, S.R.C. 1952, c. 291; S.R.C. 1970, c. C-15. Voir Anticosti Shipping Co. c. Viateur St-Amand [1959] R.C.S. 372. 1
La demanderesse dirige son action contre le défendeur Jonny Wesch en sa qualité de pro- priétaire du Bernd Wesch II et également contre le défendeur Hy Car en sa qualité d'affréteur. Contre les deux défendeurs, elle intente une action en responsabilité délictuelle et, subsidiai- rement, sur la base du contrat de transport. Je propose d'examiner tout d'abord la réclamation fondée sur le contrat de transport.
Le Bernd Wesch II appartenait à M. Jonny Wesch qui l'exploitait. Il était loué sous affrète- ment à temps, et non pas coque nue, à Hy Car. Selon ses propres termes, le contrat de trans port, qui prévoyait l'utilisation du «connaisse- ment de la Hy Car Line», était un accord pour le transport de marchandises en vertu d'un con- trat en bonne et due forme (le connaissement à
venir) qui devait être signé au nom du «capi- taine» du bâtiment choisi pour transporter les marchandises. Ce contrat était, au moment de sa signature, un contrat conclu au nom d'un commettant inconnu, à savoir le propriétaire et l'exploitant du navire qui a été choisi par la suite; il ne s'agit pas de contrat par affréteur en qualité de commettant. Voir Paterson Steam ships Ltd. c. Aluminum Co. of Canada [1951] R.C.S. 852. Je suis par conséquent d'avis que la réclamation fondée sur le contrat de transport, s'il en est une, est dirigée contre M. Jonny Wesch et qu'il ne peut y avoir aucune action semblable dirigée contre Hy Car qui a contracté au nom d'un commettant inconnu dont l'identité a depuis été établie par la charte-partie.
Pour ce qui est de la réclamation fondée sur le contrat de transport, la demanderesse, ces- sionnaire du connaissement, a, à première vue, droit aux dommages-intérêts nés du défaut de livraison en bon état, à Montréal, des marchan- dises qui ont été reçues par le navire en bon état en Europe.
Les principes applicables pour décider si le défendeur Jonny Wesch échappe à cette res- ponsabilité prima facie varient suivant que les Règles de La Haye auxquelles la Loi sur le transport des marchandises par eau a donné force de loi, s'appliquent ou non. Dans la pré- sente cause, il apparaîtrait clairement que ces règles s'appliquent pour ce qui est des marchan- dises transportées sous pont. Ces règles, toute- fois, ne s'appliquent pas à «la cargaison qui, par le contrat de transport, est déclarée comme mise sur le pont et, en fait, est ainsi transpor- tée» (voir la définition de «marchandises» à l'Article I). En l'espèce, le contrat de transport est la déclaration d'expédition signée par le défendeur Hy Car et le représentant de l'expé- diteur à Hambourg, et il n'est pas contesté qu'il ne prévoyait pas le transport en pontée des trois colis n°s 665, 667 et 671. Il ne semblerait pas, par conséquent, que ces trois colis soient frap- pés par l'exception contenue dans la définition que donnent du mot «marchandises» les Règles de La Haye, même si le représentant de l'expé- diteur à Hambourg a verbalement accepté par la suite qu'ils soient transportés de cette façon. Par contre, nul ne conteste que le contrat de transport prévoyait le transport de deux réac-
teurs de 70 tonnes «en pontée» et qu'ils ont été transportés de cette façon. Par conséquent, pour ce qui est de ces deux réacteurs, ma con clusion est que le contrat de transport n'est pas régi par les Règles de La Haye.
Je n'ai pas négligé la prétention de la deman- deresse selon laquelle cette dernière ne serait pas liée par le fait que l'expéditeur, par l'inter- médiaire de son représentant à Hambourg, ait accepté que les deux réacteurs de 70 tonnes soient transportés en pontée. Je suis cependant d'avis qu'ayant chargé l'expéditeur de la conclu sion du contrat de transport, la demanderesse doit, dans ses rapports avec le transporteur, accepter le contrat tel que négocié, même si elle avait spécifié à l'expéditeur que toutes les mar- chandises devaient être transportées sous pont, point sur lequel je ne -me prononce pas.
La seule cargaison transportée sous pont à propos de laquelle une réclamation a été présen- tée, est constituée de quelque 662 tonneaux du catalyseur dont j'ai déjà fait état. Le catalyseur a subi des dommages du fait de l'entrée d'eau par les panneaux d'écoutille dans lesquels des brèches ont été ouvertes par les deux réacteurs de 70 tonnes lorsqu'ils se sont détachés de l'endroit ils avaient été arrimés sur les pan- neaux d'écoutille.
Le défendeur a invoqué à l'instance deux moyens de défense, fondés sur l'Article IV(2) des Règles de La Haye, afin de soustraire à sa responsabilité prima facie relative à la cargaison transportée sous pont. Ces moyens de défense sont «la négligence, ou défaut ... dans la navi gation ... du navire,» et «les périls ... de la mer». Comme je l'ai indiqué au cours du débat, je ne vois aucune preuve de négligence ou défaut dans la navigation du navire. A mon avis, l'autre moyen de défense dépend de la situation créée par l'arrimage des réacteurs de 70 tonnes. Comme je vois le problème dans cette affaire, en ce qui concerne le catalyseur, ou bien la perte résultait d'un péril de la mer, ou bien elle résultait d'un mauvais état de navigabilité du navire. Je vais maintenant examiner ce problème.
Ainsi que m'apparaît le point de droit relatif à la cargaison sous pont, dans le cadre des Règles de La Haye et appliqué aux faits de l'espèce
pour ce qui est du moyen de défense fondé sur les périls de la mer,
a) si, avant le départ du navire de Rotterdam, l'arrimage des réacteurs de 70 tonnes était insuffisant polir les garantir de tout danger raisonnablement prévisible que comporte une traversée de l'Atlantique nord telle que celle qu'entreprenait le navire, ce dernier n'était pas, à ce moment-là, en bon état de navigabi- lité eu égard à la cargaison sous pont, et la rupture des attaches des réacteurs et l'intru- sion d'eau dans les cales qui en est résultée, était une conséquence directe de ce mauvais état de navigabilité 2 et, dans le cas contraire,
b) si, avant le départ du navire de Rotterdam, l'arrimage des réacteurs de 70 tonnes était suffisant pour les garantir de tout danger rai- sonnablement prévisible que comporte une telle traversée de l'Atlantique nord et si les réacteurs ont rompu leurs attaches du fait que le navire a affronté des conditions atmosphé- riques qui n'étaient pas raisonnablement pré- visibles, la pénétration de l'eau dans les cales, provoquée par la rupture de leurs attaches était une conséquence d'un péril de la mer dont le transporteur n'est pas responsable en vertu de l'alinéa 2c) de l'Article IV des Règles de La Haye auxquelles la Loi sur le transport des marchandises par eau a donné force de loi.
Je conclus de la preuve qu'avant le départ du navire de Rotterdam l'arrimage des deux réac- teurs de 70 tonnes n'était pas suffisant pour les garantir des dangers raisonnablement prévisi- bles que comporte la traversée entreprise et que le navire n'a affronté aucune condition atmos- phérique qui n'était pas raisonnablement prévi- sible. J'estime par conséquent que le défendeur Jonny Wesch est responsable en vertu du con- trat de transport des dommages subis par le catalyseur.
Quant aux conditions atmosphériques affron- tées par le navire, je n'ai pu trouver aucune preuve de leur caractère imprévisible. De fait, la preuve apportée par le capitaine du navire éta- blit clairement que, bien qu'il ait essayé de faire route de manière à éviter de se trouver pris dans les conditions atmosphériques et de navi gation qui, à son avis, ont provoqué ses difficul- tés, l'éventualité qu'il ne lui serait pas possible
d'éviter ces conditions était d'un caractère pré- visible. J'accepte cette preuve.
Pour ce qui est de l'arrimage des deux réac- teurs de 70 tonnes en pontée, même si l'on admet que la méthode employée par le capitaine du navire pour les arrimer était appropriée, il est clair que cette méthode dépendait entière- ment des câbles qui devaient empêcher les réac- teurs de quitter leur «assise» par suite du roulis et du tangage du navire et, à mon avis, ces câbles ne correspondaient pas à ce qu'en faisant une appréciation judicieuse on aurait considéré comme suffisant à cette fin. Pour les attacher aux réacteurs, on avait fait passer ces câbles par des «oeillets» relativement petits soudés aux réacteurs dans un autre but, bien que l'on dispo- sât à cette fin de «crocs» de bonne taille qui avaient, de fait, servi à charger les réacteurs sur le navire. La preuve me convainc que le capi- taine n'a pas suffisamment examiné, si toutefois il l'a fait, si les «oeillets» étaient assez résistants pour l'objet auquel il les destinait. Le fait qu'ils étaient peut-être le moyen le plus évident d'atta- cher les câbles aux réacteurs et qu'il n'y avait aucune mise en garde indiquant qu'ils ne devaient pas être utilisés pour les arrimer, ne déchargeait pas, à mon avis, le capitaine de la très lourde responsabilité qui lui incombait d'e- xaminer très sérieusement s'ils convenaient pour garder ces formidables objets de la force des éléments prévisibles dans l'Atlantique nord. La preuve me convainc que le capitaine n'a pas suffisamment porté attention sur cet aspect essentiel des opérations d'arrimage et que le résultat en a été, lorsque le navire a affronté des conditions atmosphériques prévisibles, la rup ture des «oeillets» et l'inévitable déplacement des réacteurs qui en est résulté.
Je conclus de ce qui précède, comme je l'ai déjà indiqué, que le défendeur Jonny Wesch est responsable des dommages subis par le catalyseur.
Je passe maintenant à la cargaison, autre que les deux réacteurs de 70 tonnes, transportée «en pontée». Comme je l'ai déjà noté, ces colis devaient, aux termes du contrat de transport, être transportés sous pont. Ils ont été placés sur le pont contrairement au contrat de transport et, avant que le navire ne quitte Rotterdam, le
représentant de l'expéditeur a accepté qu'ils y restent.
Ainsi . - ''s_, . .'_ _ - . - partie de la
_ cargaison n'était„ - pas frappée_, à m _monavis,_par l'exclusion contenue dans la définition de «mar- 2iandises » à l'Article Î dêsRe g lés de LaH-a e, qui excluent de cette définition toute cargaison qui «par le contrât deétr`ânsport» est «déclarée» coi é misë suT1e prit: A mon sens, c'est dans le document préliminaire signé au nom des par ties avant que les marchandises ne soient char gées sur le navire que l'on doit trouver le con- trat de transport et l'on ne peut prétendre qu'il a été modifié par des clauses complémentaires ajoutées au connaissement établi après l'appa- reillage du navire. L'autorisation de transporter en pontée, donnée verbalement en l'espèce, ne peut avoir plus d'effet, du moins en ce qui concerne la définition de «marchandises» dans les Règles de La Haye, que la clause permissive dans l'affaire Svenska Traktor Aktiebolagent c. Maritime Agencies (Southampton) Ltd., [1953] 2 All E.R. 570, dans laquelle le juge Pilcher déclarait, à la page 572:
[TRADUCTION] Une simple autorisation générale de trans porter des marchandises en pontée n'est pas, à mon avis, une déclaration contenue dans le contrat de transport selon laquelle les marchandises sont, en fait, transportées sur le pont. Ce serait faire violence, à mon avis, au sens commu- nément admis des termes de l'article Ic), que de soutenir le contraire. J'estime par conséquent que les tracteurs de la demanderesse étaient transportés par les défendeurs sous réserve des obligations que l'article III, r. 2, de la Loi leur imposait.
J'en conclus par conséquent que les Règles de La Haye s'appliquent à la cargaison, autre que les deux réacteurs de 70 tonnes, qui a été en fait transportée en pontée.
L'application des Règles de La Haye à la cargaison ainsi transportée en pontée, me con duit au même résultat que celui auquel je suis parvenu à propos du catalyseur. Les dommages qu'elle a subis étaient une conséquence physi que directe du mauvais état de navigabilité du bâtiment, née du fait que les réacteurs n'étaient pas arrimés de façon satisfaisante lorsque le navire a quitté Rotterdam. Pour être plus précis, l'emplacement de cette cargaison sur le pont du navire n'était pas «approprié et en bon état» pour leur conservation, car ces deux réacteurs de 70 tonnes étaient également en pontée, arri- més de telle sorte qu'il était prévisible qu'ils
puissent se détacher et endommager tout ce qui se trouvait sur leur passage. Le défendeur Jonny Wesch est par conséquent responsable, en vertu du contrat de transport, des dommages subis par la cargaison, autre que les deux réac- teurs de 70 tonnes, transportée en pontée.
Je passe maintenant à la réclamation dirigée contre M. Jonny Wesch, en vertu du contrat de transport, pour la perte de l'un des deux réac- teurs de 70 tonnes et pour les dommages subis par le second, parce que les réacteurs ont rompu leurs attaches et quitté leur position ori- ginale sur le pont.
Du fait que les réacteurs de 70 tonnes n'é- taient pas «des marchandises», selon la défini- tion que donne l'Article I des Règles de La Haye de ce terme, car il s'agissait d'une cargai- son qui, par le contrat de transport, était décla- rée «comme mise sur le pont» et, en fait, était ainsi transportée, les Règles de La Haye ne s'appliquent pas pour ce qui est de la réclama- tion fondée sur le défaut de livraison en bon état et cette réclamation doit par conséquent être traitée selon les termes du contrat de trans port interprétés à la lumière des principes appli- cables hors du champ d'application de ces règles.
Le fait que les Règles de La Haye ne s'appli- quent pas autorise le défendeur Jonny Wesch à présenter une défense fondée sur l'alinéa 9 des conditions du connaissement de la Hy Car, aux- quelles renvoyait le contrat de transport et qui en faisaient partie, mais ce moyen de défense n'est pas ouvert lorsque les Règles de La Haye s'appliquent. Voici un extrait de l'alinéa 9 de ces conditions:
[TRADUCTION] 9. Animaux vivants, équipements indus- triels et cargaison transportée en pontée. La cargaison transportée en pontée et déclarée aux présentes comme étant ainsi transportée, et les animaux vivants ... sont réceptionnés, manutentionnés, entreposés, transportés, con- servés et déchargés aux risques de l'expéditeur et (ou) du chargeur et le transporteur n'est pas tenu responsable de leur perte ou de tout dommage qu'ils subiraient, quelle qu'en soit la cause, fût-ce la négligence du transporteur, de ses préposés ou agents ou le déroutement du navire.
Si l'on prend les mots dans leur sens courant, cette disposition semblerait constituer un accord aux termes duquel la «cargaison trans- portée en pontée . » était «entreposée» et
«transportée» aux risques de l'expéditeur et du chargeur et que le transporteur n'est pas res- ponsable de «sa perte, ou de tout dommage qu'elle subirait, quelle qu'en soit la cause, fût-ce la négligence du transporteur, de ses préposés ou agents». Il est impossible, à mon avis, de ne pas conclure que ces termes embrassent en l'espèce la réclamation de la demanderesse rela tive aux réacteurs.
Cependant, on soutient au nom de la demanderesse
a) que la perte et les dommages ont été causés par une «faute lourde» et que selon la loi de la province du Québec, dont on doit admettre l'applicabilité, une clause excluant la responsabilité pour «faute lourde» dans un contrat est contraire à l'ordre public et,
b) que la perte et les dommages ont été causés par le mauvais état de navigabilité du bâtiment et que, dans un contrat, une disposi tion excluant la responsabilité pour la cargai- son, ne peut être jugée s'étendre aux pertes ou dommages causés par le mauvais état de navigabilité, «sauf référence expresse» au mauvais état de navigabilité dans le contrat.
Étant donné mon appréciation des circonstan- ces de l'espèce, je ne pense pas qu'il soit néces- saire de porter un jugement sur le bien-fondé des différents principes juridiques qui ont été présentés au nom de la demanderesse à l'appui de ces deux prétentions.
Pour ce qui est du problème de la «faute lourde», j'estime que la preuve qui a été appor- tée dans cette affaire n'établit pas qu'une faute lourde ait été commise dans l'arrimage des deux réacteurs de 70 tonnes. Dans l'arrêt Le Roi c. Canada Steamship Lines [1950] R.C.S. 532, (réformé par le Conseil privé sur un autre point, voir [1952] A.C. 192) le juge en chef du Canada Rinfret adopte la définition de la «faute lourde» donnée par Pothier: « . le soin que les person- nes les moins soigneuses et les plus stupides ne manquent pas d'apporter à leurs affaires.» Je ne peux conclure de la preuve en l'espèce que les opérations d'arrimage menées par le capitaine étaient à ce point inefficaces que même «les personnes les moins soigneuses et les plus stu- pides» se seraient rendues coupables de s'en satisfaire et d'appareiller. Au contraire, j'ac-
cepte la déclaration du capitaine du navire selon laquelle, tout au long de sa carrière, il avait transporté de nombreux «chargements lourds» comparables et avait utilisé les mêmes métho- des sans avoir jamais à déplorer de perte. Je n'ignore pas la force de certaines des critiques dirigées contre les méthodes qui ont été employées dans ce cas ni le fait que les métho- des sur lesquelles des experts de la demande- resse ont insisté ne comportent pas certains éléments risque. Je ne dois pas cependant ignorer qu'un certain degré de risque est inhé- rent à toute activité humaine et que nous sommes perpétuellement confrontés avec des cas des méthodes ont été employées pendant de longues périodes avant que leur insuffisance ne soit révélée par des expériences tragiques. Des personnes fort intelligentes qui ne sont pas précisément irréfléchies continuent à utiliser des méthodes qui ont bien fonctionné dans le passé plutôt que d'augmenter leurs coûts en ajoutant des dispositifs de sécurité coûteux. Je ne puis pas dire qu'à mon avis ce comportement soit toujours celui d'un homme avisé. Cepen- dant, je ne suis pas disposé à déclarer que cette conduite constitue une faute lourde, même en fonction d'une définition de cette expression qui ne serait pas aussi restrictive que celle déjà citée de Pothier.
J'aborde maintenant la prétention de la demanderesse selon laquelle elle échappe aux effets de la clause d'exclusion (alinéa 9 du connaissement) car, comme on l'affirme, la perte et les dommages ont en l'espèce été pro- voqués par le mauvais état de navigabilité et la clause d'exclusion ne s'applique pas à une telle perte ou un tel dommage.
Je rejette cette prétention car j'estime, au vu de la preuve, que la perte de l'un des réacteurs et les dommages subis par l'autre n'ont pas été causés par le mauvais état de navigabilité.
Ayant déjà jugé que les dommages subis par la cargaison sous pont et les autres éléments de la cargaison «en pontée» avaient été causés par le mauvais état de navigabilité, juger dans ce cas que la perte des réacteurs, qui découle des mêmes faits physiques, n'a pas été causée par le mauvais état de navigabilité, appelle quelques explications.
Comme j'entends la jurisprudence, l'expres- sion «mauvais état de navigabilité» a été utilisée avant les Règles de La Haye pour qualifier au moins trois états très différents d'un navire, que reflètent avec plus ou moins de précision les alinéas a), b) et c) de l'Article III(1) des Règles de La Haye qui disposent:
1. Le transporteur sera tenu avant et au début du voyage d'exercer une diligence raisonnable pour:
a) mettre le navire en état de navigabilité;
b) convenablement armer, équiper et approvisionner le navire;
c) approprier et mettre en bon état les cales, chambres froides et frigorifiques et toutes autres parties du navire des marchandises sont chargées pour leur réception, transport et conservation.
En outre, il convient d'insister sur le fait qu'une réclamation fondée sur le mauvais état de navigabilité est soumise à deux conditions impératives, à savoir:
a) il faut qu'il y ait eu un certain état de choses intéressant le navire qui tombe dans l'une ou l'autre des catégories brièvement mentionnées de mauvais état de navigabilité, et
b) les dommages ou la perte doivent résulter de cet état de choses.
Si l'on applique ces principes en l'espèce, l'arrimage défectueux des réacteurs a créé une potentialité de brèches dans les panneaux d'é- coutille, de sorte que la cale n'était pas «appro- priée et en bon état» pour la «conservation» de la cargaison transportée sous pont; cette possi- bilité s'est réalisée et la cargaison sous pont a été endommagée. Le même raisonnement s'ap- plique à la cargaison, autre que les réacteurs, transportée en pontée. Il aurait pu également se faire que l'arrimage défectueux des réacteurs crée, en puissance, au navire ou à sa stabilité, des avaries de nature à le faire sombrer ou chavirer. Toutefois, cette potentialité, à suppo- ser qu'elle existât, ne s'est pas réalisée et elle n'a pas par conséquent entraîné de perte ou de dommage.
Pour en venir maintenant aux réacteurs, je ne puis trouver aucune condition du bâtiment qui tombe dans l'une des catégories de mauvais état de navigabilité qui ont causé la perte de l'un et endommagé l'autre. Des faits tels qu'ils m'appa- raissent, je déduis que les emplacements qui
leur étaient réservés pour le transport étaient, lorsque le navire a quitté Rotterdam, «appro- priés et en bon état» pour leur «réception, transport et conservation». La principale poten- tialité de perte ou de dommage réside dans le fait qu'ils ont été mal arrimés et ils furent par conséquent perdus ou endommagés.
Je ne doute pas qu'il existait également un mauvais état de navigabilité lorsque le navire a quitté Rotterdam qui a pu entraîner la perte des réacteurs. Étant mal arrimés, ils auraient pu, comme je l'ai déjà remarqué, endommager le navire au point de le faire sombrer ou chavirer, causant la perte de toute la cargaison. Si cela était arrivé, l'on aurait un cas de mauvais état de navigabilité en puissance qui serait devenu une réalité entraînant la perte de la cargaison. C'est ce qui a été jugé dans l'arrêt Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Chimo Shipping Ltd. [1969] 2 R.C.É. 261, dans lequel le juge Kerr déclarait, à la page 283:
[TRADUCTION] Mais je crois que le mauvais arrimage du tracteur et du générateur ont entraîné le mauvais état de navigabilité de la péniche. Lorsque le tracteur a glissé vers le bord du pont, il a déséquilibré la péniche. En l'espèce, ce déséquilibre s'est traduit par un mauvais état de navigabi- lité, cause directe de la perte du tracteur et du générateur.
Dans la présente affaire, rien ne permet de penser que la perte de l'un des réacteurs ou les dommages subis par l'autre ont été entraînés ou causés par quelque effet que les réacteurs libé- rés de leurs attaches ont eu sur l'état du navire.
Ma conclusion est, par conséquent, que le défendeur Jonny Wesch n'est pas responsable en vertu du contrat de transport de la perte de l'un des réacteurs et des dommages subis par l'autre.
On peut statuer rapidement sur les actions en responsabilité délictuelle.
Pour ce qui est de l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre M. Jonny Wesch, ce dernier est protégé par la clause 9 du connaisse- ment. Un chargeur ne peut échapper à ses obli gations contractuelles, en fonction desquelles sont calculés les frais de transport, en écartant le contrat et en intentant une action en respon- sabilité délictuelle pour ce à quoi il a droit en vertu du contrat. Dans ce cas au moins, il est
clair que la clause d'exclusion de l'alinéa 9 du connaissement couvre une telle réclamation.
Pour ce qui est de l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre Hy Car, je la rejette sur les faits. Elle est fondée sur la prétention que le préposé de Hy Car, M. Burger, a en quelque sorte rendu Hy Car civilement respon- sable pour autrui, du fait de son comportement dans les opérations d'arrimage des réacteurs de 70 tonnes. A mon avis, il ressort clairement de la preuve que le préposé en question a laissé la responsabilité de l'arrimage au capitaine à qui elle incombait. J'estime que son témoignage et celui du capitaine se tiennent sur ce point. Toutes les décisions relatives à la façon dont les réacteurs ont été arrimés ont été prises par le capitaine, soit personnellement, soit par l'inter- médiaire des membres de son équipage.
Je passe maintenant à la question du montant des dommages-intérêts.
Il convient de mentionner tout d'abord le principal problème relatif aux dommages. Si les marchandises avaient été des marchandises sus- ceptibles d'être immédiatement remplacées sur le marché canadien, ce serait une chose, mais ça n'est pas le cas. En l'espèce, la demanderesse s'était engagée, pour des raisons qui lui ont paru fondées, dans un procédé de fabrication qui l'obligeait à tirer toutes les marchandises en question de sources allemandes particulières. Etant donné la nature du procédé et pour s'as- surer le bénéfice de garanties contractuelles qui se seraient appliquées aux marchandises endommagées et perdues, si elles ne l'avaient pas été, ces marchandises, à quelques légères exceptions près, devaient être remplacées ou réparées par le fournisseur allemand. Je suis convaincu qu'en termes de bonne gestion com- merciale, la demanderesse n'avait d'autre choix que de suivre le conseil qu'elle a reçu des experts allemands quant à ce qui devait être remplacé et ce qui devait être retourné en Alle- magne pour réparation. En particulier, je suis convaincu qu'un homme d'affaires normale- ment avisé, soucieux de réduire autant que pos sible la perte, aurait été obligé d'accepter le conseil de devoir remplacer l'ensemble du cata- lyseur. Il aurait été, à mon avis, irréfléchi et imprudent de la part de la demanderesse d'es- sayer de déterminer quelle partie du catalyseur
avait réussi à résister à l'eau dans la cale, sans modification importante de ses caractéristiques due à l'humidité, alors que l'expert allemand lui signalait que c'était dangereux et que ce faisant, elle perdrait le bénéfice des garanties qui fai- saient partie des données économiques de ses programmes.
Il reste cependant un problème mineur au sujet du catalyseur. La somme de $128,842.60 est calculée en déduisant la récupération du coût de remplacement, et, dans le calcul de la récupération, j'ai l'impression que l'on a compté le fret de la réexpédition en Allemagne de l'en- semble du catalyseur, y compris une importante quantité de quartz d'une valeur quasi nulle. L'avocat aurait pouvoir établir précisément au cours de la plaidoirie ce qu'a révélé la preuve à cet égard. La demanderesse peut obtenir un jugement lui accordant la somme de $128,000 pour le catalyseur, ou bien elle peut obtenir un jugement de renvoi sur ce point, dont les condi tions seront à débattre.
Pour ce qui est de la cargaison, autre que les réacteurs, «transportée en pontée», j'accepte les montants qui ont été établis:
665 $ 158.04
No 667 7,260.23
671 185.23
Cependant, le défendeur s'appuie, pour ces dif- férents postes, sur l'alinéa 1 de l'Article IV(5) des Règles de La Haye, qui dispose:
[TRADUCTION] Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant cinq cent dollars par colis ou unité, ou l'équiva- lent de cette somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette décla- ration ait été insérée au connaissement.
Quant à statuer sur l'applicabilité de cette dis position limitative lorsque les dommages résul- tent de ce qu'on ne s'est pas conformé à l'Arti- cle III(1), je suis mon confrère le juge Kerr qui déclarait dans l'affaire Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Chimo Shipping Ltd. [1969] 2 R.C.É. 261, aux pages 284 et 285:
[TRADUCTION] La situation me semble donc être la sui- vante, si les Règles s'appliquent au tracteur et au générateur jusqu'à leur perte: si la perte résulte du mauvais état de
navigabilité de la péniche, d'un défaut de diligence impu- table au transporteur à qui il incombait de mettre la péniche en bon état de navigabilité, le transporteur ne peut se prévaloir des exceptions à l'immunité prévue par la règle 2 de l'Article IV, mais la limite de responsabilité prévue à la règle 5, figurent les termes «en aucun cas», s'applique;
Il en résulte que la demanderesse peut obtenir un jugement lui accordant, pour chacun de ces postes, le montant de la perte réelle ou $500 et, dans le calcul de la perte réelle, il faudra ajouter aux montants susmentionnés un pourcentage de l'ensemble des postes auquel je dois maintenant m'attacher.
Pour ce qui est des réacteurs, bien que je ne rende pas de jugement sur ce point, je dirais néanmoins que j'accepte les chiffres de $133,- 218.32 et $130,992.89 dont j'ai déjà fait état. Ces chiffres sont nécessaires au calcul qu'il faudra faire, comme il ressort des indications suivantes. Je n'exprime aucune opinion quant à l'application de la clause d'évaluation de l'alinéa 18 des conditions contenues dans le connaisse- ment, en raison de l'absence de jugement sur les réacteurs et du fait que je m'estime pas en mesure de conclure sur ce point. Une autre question se pose quant à savoir si ce point est ouvert au défendeur vu les plaidoiries.
Pour ce qui est des frais généraux, déjà men- tionnés, j'accorde les sommes que j'ai précé- demment indiquées sous réserve qu'elles doi- vent être réparties ou distribuées entre les divers chefs de perte ou dommages de la manière suivante:
a) Les dépenses de M. Wanka, soit $942.21, et $3,983.70 sur les $5,809.21 de frais de manutention de l'équipement, doivent être attribués aux réacteurs;
b) les dépenses de M. Engelhardt, soit $1,- 073.06, doivent être réparties entre la cargai- son transportée en pontée (autre que les réac- teurs) et le catalyseur;
c) la réclamation pour les essais et l'azote, soit $880, les frais d'entrepreneur, soit $163, et $1,825.51 sur les $5,809.21 de frais de manutention de l'équipement, doivent être attribués à la cargaison, autre que les réac- teurs transportée en pontée;
d) tout le reste de ces postes doit être réparti au prorata des montants déterminés par ail- leurs et toutes les sommes attribuées à la
cargaison transportée en pontée doivent être distribuées entre les divers postes de la même façon, dans la mesure il est pertinent de le faire.
Un jugement sera également rendu quant aux intérêts applicables aux sommes ainsi détermi- nées, à partir du l er septembre 1968 jusqu'à la signature du jugement sur dépôt d'une requête, comme prévu ci-dessous. Les intérêts sur la somme accordée par le jugement courront auto- matiquement à partir de cette date. Voir l'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale.
Une requête peut être présentée pour qu'un jugement soit prononcé, en vertu du sous-alinéa b) de l'alinéa (2) de la Règle 337 des Règles de la Cour fédérale. Si les parties ne peuvent se mettre d'accord sur les montants qui devraient figurer au jugement, compte tenu des indica tions précédentes, le jugement devra contenir une disposition en vue d'un renvoi, dont les termes seront à discuter. J'entendrai également les parties sur le problème des dépens au moment de la demande de jugement.
Avant de clore cette affaire, je dirai quelques mots sur la confusion qui s'est manifestée au cours du procès au sujet de la numérotation et de l'enregistrement des pièces, aspect du procès que j'avais jusqu'à présent estimé pouvoir lais- ser au greffier de la Cour et aux avocats.
En plus des pièces ordinaires soumises par l'une ou l'autre des parties ou par les deux et acceptées par la Cour au procès, il y a dans cette affaire des documents
a) qui ont été soumis et acceptés pendant que les preuves étaient rassemblées à l'étranger, d'un commun accord, comme si elles avaient été recueillies en commission rogatoire auto- risée par la Cour,
b) qui ont été soumis et acceptés pendant qu'on recueillait des «dépositions» dans un litige soulevé aux États-Unis, lesquelles ont été, d'un commun accord, produites comme pièces dans la présente action et,
c) qui ont été estampillés comme pièces au cours de l'examen préalable et qui ont été présentés par l'une ou l'autre des parties comme un élément de leur thèse au cours de la présente instance.
On a tenté de faire estampiller toutes ces pièces comme si elles avaient été soumises et accep- tées comme pièces à l'instance. Il en résulte, je crois, que le dossier n'est pas exact. Pour cette raison, je dois prendre ma part de responsabilité pour ne m'être pas aperçu que les avocats se sont attribués le contrôle de la recevabilité comme preuve des pièces et de l'estampillage des pièces, ce qui, dans cette cour au moins, est une fonction de la Cour.
Dans cette cour, les affaires sont jugées sur la preuve apportée à l'instance. La Cour ne peut tenir compte des documents qui d'une manière ou d'une autre arrivent dans les dossiers de la Cour sans avoir été acceptés par elle à l'ins- tance. Il est par conséquent de la plus grande importance que le dossier tenu par le greffier de la Cour reflète exactement la preuve apportée ou acceptée à l'instance et cela est réalisé, pour ce qui est des documents soumis à l'instance, dès que la Cour a attribué un numéro de pièce à chacun de ces documents ou ensembles de documents, après qu'il ait été accepté, par le greffier qui
a) appose un tampon sur le document pour indiquer qu'il a été accepté comme pièce à l'instance sous le numéro de pièce en ques tion, et
b) enregistre en bonne et due forme dans les dossiers du procès l'acceptation de cette pièce sous son numéro de pièce.
Cependant, lorsqu'une pièce est soumise et acceptée pendant qu'on recueille des preuves en commission rogatoire, le commissaire est requis par les «instructions et directives» d'affecter son propre numéro de pièce à cette pièce, et, lorsqu'il a achevé de rassembler ces preuves, il est tenu de les retourner à la Cour, sous son propre sceau, «avec ... les pièces produites» et la partie pour qui cette preuve a été recueillie doit, en temps opportun au cours de l'instruc- tion, demander à la Cour d'intégrer cette preuve dans le dossier qu'elle doit présenter à l'ins- tance, ce qui sera dûment enregistré dans le dossier du procès. Toute pièce de cette nature sera alors identifiée comme «pièce_à l'appui de la preuve recueillie en commission rogatoire à ...» etc. Lorsqu'une pièce est ainsi soumise en preuve à un commissaire, le document doit rester en dépôt entre les mains de ce dernier
jusqu'à ce qu'il renvoie la preuve à la Cour avec les pièces sous son propre sceau. Dans la pré- sente espèce, on a essayé d'obtenir du commis- saire qu'il affecte des numéros de pièces au nom de la Cour comme si les pièces avaient été présentées à l'instance et le commissaire n'a pas conservé les pièces, ce qui a entraîné des résul- tats malheureux.
Pour ce qui est des pièces afférentes aux dépositions recueillies aux États-Unis et des documents estampillés au cours des examens préalables, ils n'ont pas, bien sûr, fait partie de la preuve dans la présente affaire avant d'avoir été soumis et acceptés à l'instance et d'avoir alors reçu des numéros de pièces de la Cour suivant la procédure ordinaire.
I Il n'est pas contesté qu'aucune loi étrangère n'ayant été reconnue, la loi applicable doit être réputée la même que la loi canadienne. Comparer avec le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire The Glengoil Steamship Company c. Pilkington, (1897) 28 R.C.S. 146, page 160, rendu par le juge Taschereau.
2 J'utilise ici l'expression «en mauvais état de navigabi- lité», au sens de l'Article III(l)c) des Règles de La Haye, ce qui signifie que la partie du navire le catalyseur était entreposé n'était pas «appropriée et en bon état» pour la conservation du catalyseur.
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