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Nathan Bernstein (Appelant)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 26 novembre; Ottawa, le 17 décem- bre 1973.
Impôt sur le revenu—Compagnies—Prestations accordées aux employés sous forme d'option d'achat d'actions—Choix de la façon d'établir l'impôt—S'agit-il d'un plan d'appropria- tion des bénéfices non distribués—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 8(1)c), 81, 85A et 137(2).
En établissant la nouvelle cotisation de l'appelant, prési- dent d'une compagnie, le Ministre lui a refusé le droit d'appliquer les dispositions de l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne des prestations en actions qu'on lui avait accordées en sa qualité d'employé de la compagnie. Le montant de $99,800 fut donc ajouté au revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1964.
Arrêt: la décision du Ministre est confirmée. Le but visé par l'article 85A était de permettre à une compagnie d'accor- der à ses employés une possibilité d'acquérir à des condi tions favorables des actions de la compagnie ou de sa filiale de façon à récompenser leurs services et à maintenir leur intérêt dans le développement de la compagnie sans avoir à payer l'impôt aux taux réguliers sur le montant de la presta- tion. Le but visé n'était pas son utilisation comme moyen de compenser la longue insuffisance des salaires des employés en leur accordant une prestation dans une année d'imposi- tion à des conditions fiscales très avantageuses, alors que s'ils avaient reçu le salaire auquel ils estiment avoir droit, ils auraient payer chaque année l'impôt sur ce salaire au taux régulier. Le but visé ne peut pas non plus avoir été de l'utiliser pour transférer à ce taux d'imposition favorable tout le surplus d'exploitation de la compagnie aux actionnai- res qui, entre eux, possèdent ou contrôlent toutes les actions de la compagnie, alors que s'ils l'avaient reçu à titre d'aug- mentation de salaire, de boni, de dividende ordinaire ou même en utilisant l'article 105 (impôt sur le revenu non distribué, option de la compagnie), les impôts à payer auraient été considérablement plus élevés.
APPEL de l'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Bruce Verchère et André Primeau pour l'appelant.
André P. Gauthier pour l'intimé.
PROCUREURS:
Verchère et Primeau, Montréal, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
LE JUGE WALSH—Dans la présente affaire, l'appelant a essayé de se prévaloir de l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, tel qu'il existait dans l'année d'im- position 1964 avant la nouvelle modification par l'article 9 des Statuts 1966-67, c. 47. Ledit article fut édicté en tant qu'article 75A par l'arti- cle 28 des Statuts 1952-53, c. 40 et remplacé par l'article 25 des Statuts 1955, c. 54, le para- graphe (7) ayant été ajouté par l'article 21(2) des Statuts 1953-54, c. 57. Sans citer l'article en question en entier, on peut dire qu'en 1964 l'alinéa (1)a) de cette disposition prévoyait que:
85A. (1) Lorsqu'une corporation a convenu de vendre ou d'émettre de ses actions, ou des actions d'une corporation avec laquelle elle ne traite pas à distance, à un de ses employés ou à un employé d'une corporation avec laquelle elle ne traite pas à distance,
a) si l'employé a acquis des actions en vertu de la conven tion, une prestation égale au montant par lequel la valeur des actions au moment il les a acquises excède la somme payée ou à payer par lui à la corporation en l'espèce, est censée avoir été reçue par l'employé en
raison de son emploi dans l'année d'imposition il a acquis les actions;
les alinéas (2)a) et b) prévoient en fait que l'employé qui est censé avoir reçu une telle prestation en raison de son emploi au cours d'une année d'imposition peut choisir de payer l'impôt qu'il paierait normalement pour l'année sur ses autres revenus, à l'exclusion de cette prestation, plus un montant auquel on arrive en appliquant à la prestation un taux établi en faisant le rapport de l'impôt payé pour les trois années précédentes et le revenu durant cette même période et en soustrayant du résultat obtenu 20% du montant de la prestation. En ce qui concerne le contribuable en cause, le calcul de l'impôt sur les $99,800 que valaient les actions qu'il a reçues, s'est fait en additionnant son revenu net de $10,970.71 en 1961, son revenu net de $13,643.56 en 1962 et celui de $18,550.18 en 1963, ce qui fait un total de $43,164.45. L'impôt a été de $1,997.75 en 1961, $2,925.90 en 1962 et $4,967.83 en 1963, soit $9,891.48 au total, c'est-à-dire une propor tion de 22.91% de son revenu net pour les trois années. Si l'on applique ce taux d'imposition au montant de $99,800, l'impôt s'élève alors à $22,864.18. De ce chiffre, l'on déduit 20% du montant de la prestation de $99,800, soit
$19,960, ce qui laisse $2,904.18 comme ajuste- ment d'impôt à payer au titre de ladite presta- tion, en plus de l'impôt sur son revenu ordinaire de l'année.
L'histoire des opérations commerciales qui ont conduit à l'obtention de la prestation s'est déroulée de la façon suivante. En janvier 1956, l'appelant et un certain Hyman Kamichik ont constitué en corporation la Highland Knitting Mills Inc. (appelée ci-après la «Highland») pour fabriquer et distribuer des vêtements de tricot et ont transféré à la nouvelle compagnie le com merce semblable qu'ils exploitaient antérieure- ment ensemble en société. Ils ont été les princi- paux actionnaires, les dirigeants et les employés les plus importants de la compagnie de sa cons titution en corporation au décès de Kamichik en 1969. Les affaires de la compagnie ont été très prospères, comme en témoigne l'augmentation de ses ventes: de $350,000 en 1956, à $1,100,- 000 en 1964 et à $2,500,000 en 1968. Au mois de septembre 1964, ils ont acquis la charte d'une compagnie, la Salbron Investments Limi ted, qui avait été incorporée en vertu d'une charte québécoise le 2 décembre 1963, mais qui n'avait pas jamais fait d'affaires. Son capital social était constitué à cette époque de 9,900 actions privilégiées, non cumulatives, portant intérêt à 5%, remboursables, sans droit de vote et ayant une valeur au pair de $10 chacune. Par lettres patentes supplémentaires du 11 septem- bre 1964, le capital fut augmenté par la création de 11,000 actions privilégiées non cumulatives, portant intérêt à 5%, remboursables, sans droit de vote, d'une valeur au pair de $10 chacune et le nom de la compagnie fut changé à Berkam Investments Limited (ci-après appelée «la Berkam»). La Highland, à une assemblée tenue le 28 octobre 1964, s'engagea à souscrire 94 actions ordinaires et 20,000 desdites actions privilégiées de la Berkam, ainsi que les actions qui avaient été accordées et émises aux trois actionnaires d'origine qui avaient demandé la constitution. La compagnie emprunta à la banque pour payer ces actions, la Highland ayant émis un chèque de $201,000 en faveur de la Berkam. Le chèque était daté du 26 octobre 1964, mais la banque n'y a apposé son tampon que le 4 décembre 1964.
Le 23 novembre 1964, la Highland conféra à Bernstein et Kamichik le droit de lui acheter chacun 10,000 desdites actions privilégiées pour $200 et tous les deux exercèrent ce droit par écrit en date du 11 décembre 1964. Le même jour, une assemblée de la Berkam approuva le transfert des actions de la Highland aux ache- teurs. Le 14 décembre 1964, la Berkam adopta une résolution prévoyant le rachat et l'annula- tion de 20,000 desdites actions privilégiées. Cette résolution fut dûment approuvée à une assemblée générale spéciale à la même date et, le 16 décembre 1964, on obtint des lettres patentes supplémentaires confirmant la réduc- tion du capital de la Berkam par l'annulation desdites actions de sorte que le capital n'était plus constitué que de 900 actions privilégiées et 100 actions ordinaires d'une valeur au pair de $10 chacune. A toutes les assemblées des deux compagnies, à partir du moment la Highland acquit les actions de la Berkam, Kamichik et Bernstein étaient présents et constituaient le quorum des administrateurs ou des actionnaires selon le cas.
A la suite de cette série d'opérations, l'appe- lant reçut la somme de $100,000 pour le rachat des actions privilégiées qu'il avait payées $200, soit un bénéfice de $99,800. L'appelant invoque les termes de la convention (une convention identique fut conclue d'autre part avec Kami- chik) qui lui conférait le droit d'acheter les actions de la Highland pour $200 et lui précisait qu'il est un employé de la compagnie et que [TRADUCTION] «cette dernière souhaite lui con- férer un avantage à l'égard de son emploi et en vertu dudit emploi». Au paragraphe suivant, il est stipulé que:
[TRADUCTION] ... en considération dudit emploi, la compa- gnie accorde à Bernstein, par les présentes, le droit exclusif d'acheter à la compagnie 10,000 actions privilégiées non cumulatives, portant intérêt à 5%, remboursables, sans droit de vote, d'une valeur au pair de $10 chacune du capital- actions de la BERKAM INVESTMENTS LIMITED pour la somme de $200, durant la période et sous réserve des conditions ci-après spécifiées, à savoir:
1. Bernstein peut en vertu des présentes exercer ses droits de la manière y prescrite dans les deux (2) années à compter de la date des présentes pourvu qu'au moment il exerce lesdits droits, Bernstein soit employé par la compagnie.
La cotisation primitive, datée du 28 juin 1965, fixait l'impôt de l'appelant au montant que ce dernier avait calculé en se fondant sur son choix en vertu de l'article 85A, mais une nouvelle cotisation, dont l'avis date du 25 juin 1969, lui refusa le droit de se prévaloir des dispositions de l'article 85A, en conséquence de quoi on ajouta la somme de $99,800 à son revenu pour l'année d'imposition 1964. Il s'op- posa à la nouvelle cotisation qui fut confirmée et, par la suite, institua le présent appel.
L'intimé soutient que l'appelant et Kamichik n'ont pas reçu la prestation à titre d'employés, mais plutôt à titre d'actionnaires de la Highland, qu'il s'agissait d'une manoeuvre permettant aux actionnaires de s'approprier les fonds de la Highland ou à la Highland de distribuer à ses actionnaires la plus grande partie de ses surplus accumulés qui, le l er janvier 1964, se chiffraient à $209,022.94, dans le seul but de diminuer le montant d'impôt à payer. L'intimé se fonde sur le paragraphe (7) de l'article 85A de la loi, qui se lit comme suit:
85A. (7) Le présent article ne s'applique pas lorsque la prestation accordée par la convention n'a pas été reçue à l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi.
et sur l'article 8(1)c):
8. (1) Lorsque, dans une année d'imposition,
c) un bénéfice ou un avantage a été attribué à un action- naire par une corporation,
autrement
(i) qu'à l'occasion de la réduction de capital, du rachat d'actions, ou de la liquidation, cessation ou réorganisa- tion de son entreprise,
(ii) qu'en payant un dividende sous forme d'actions, ou
(iii) qu'en conférant à tous les détenteurs d'actions ordinaires du capital de la corporation un droit d'y acheter des actions ordinaires additionnelles,
le montant ou valeur en l'espèce est inclus dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année.
Subsidiairement, l'intimé soutient que le béné- fice a été accordé à l'appelant en sa qualité d'actionnaire à titre, à compte ou au lieu de paiement ou en acquittement de dividendes, au sens de l'article 6(1)a)(i) de la loi, qui se lit comme suit:
6. (1) Sans restreindre la généralité de l'article 3, doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition
a) les montants reçus dans l'année à titre, à compte ou au lieu de paiement ou en acquittement
(i) de dividendes,
L'intimé soutient de plus qu'à la suite d'opé- rations interdépendantes et intimement liées, la Highland ou la Berkam, ou les deux, a accordé à l'appelant un bénéfice de $99,800 que les dispo sitions du paragraphe (2) de l'article 137 de la Loi de l'impôt sur le revenu l'obligeaient à inclure dans le calcul de son revenu. L'article 137(2) se lit comme suit:
137. (2) Lorsqu'une ou plusieurs ventes, échanges, décla- rations de fiducie ou autres opérations de quelque nature que ce soit ont pour résultat qu'une personne confère un avantage à un contribuable, cette personne est censée avoir fait au contribuable, un paiement égal au montant de l'avan- tage conféré, nonobstant la forme ou l'effet juridique des opérations ou le fait qu'une ou plusieurs autres personnes y aient été également parties; et, qu'il y ait eu ou non une intention d'éviter ou d'éluder des impôts prévus par la présente loi, le paiement doit, selon les circonstances, être
a) inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l'application de la Partie I,
b) censé constituer un paiement à une personne non résidante à qui s'applique la Partie III, ou
c) censé constituer une disposition à titre de don à laquelle s'applique la Partie IV.
Enfin, l'intimé soutient que les opérations en question faisaient partie d'une réorganisation de l'entreprise de la Highland, en vertu de laquelle les biens de la Highland étaient distribués à l'appelant ou autrement affectés à son avantage, alors que la Highland avait en main des revenus non distribués qui doivent donc être inclus dans le revenu de l'appelant en vertu de l'article 81(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui se lit comme suit:
81. (1) Lorsque, au moment la corporation avait en main un revenu non distribué, des fonds ou des biens d'une corporation ont, de quelque façon, été distribués à un ou plusieurs de ses actionnaires, ou autrement affectés à leur avantage, lors de la liquidation, de la cessation ou de la réorganisation de son entreprise, chaque actionnaire est censé avoir reçu à cette époque une dividende égal au moindre
a) du montant des fonds ou de la valeur des biens ainsi distribués ou à lui affectés, ou
b) de sa portion du revenu non distribué alors en main.
Après plusieurs discussions entre la Cour et les avocats, les parties, pour éviter une preuve
longue et redondante, ont conclu l'accord suivant:
[TRADUCTION] Les parties, par l'intermédiaire de leurs avocats, conviennent par les présentes que Nathan Bern- stein, Emilien Tanguay, Marcel Leduc et Françoise Paquette, tous employés de Highland Knitting Mills, établi- raient, s'ils étaient entendus, les faits suivants:
a) la présente convention ne s'applique qu'au présent appel et ne peut servir dans d'autres occasions contre l'une ou l'autre des parties, ni être invoquée par toute autre partie; et
b) les parties se réservent leur droit de s'opposer, pour des motifs de pertinence, à tous faits admis par les présentes.
1. MM. Kamichik et Bernstein étaient véritablement des employés de la Highland Knitting Mills Inc. (Highland) durant la période de 1956 à 1969; durant la même période ils étaient les dirigeants, administrateurs et seuls actionnai- res de la compagnie.
2. Jusqu'à ce jour, M. Bernstein est resté véritablement un employé de la Highland.
3. De 1956 à 1969, MM. Kamichik et Bernstein, à titre de dirigeants, employés, administrateurs et actionnaires de la Highland, se sont acquittés de leurs charges de façon excep- tionnelle. Notamment, leurs journées de travail étaient exceptionnellement longues, à savoir, dans le cas M. Kami- chik, environ 10 heures par jour, six jours par semaine, cinquante semaines par année et, dans celui de M. Bern- stein, environ quinze heures par jour, six jours par semaine, cinquante semaines par année.
4. MM. Kamichik et Bernstein travaillaient pendant un nombre d'heures notablement plus élevé que les autres employés «clef» de la Highland.
5. L'apport de MM. Kamichik et Bernstein tel que décrit ci-dessus a été beaucoup plus considérable que l'apport des autres employés «clef».
6. Les fonctions remplies par MM. Kamichik et Bernstein, telles que décrites ci-dessus ont une influence capitale sur le bon fonctionnement et la prospérité des affaires de la Highland.
Grâce à l'entente, nous n'avons entendu qu'un seul témoin, Stanley Rosen, C.A., vérificateur de la Highland depuis 1960. Il a déposé que le travail de Kamichik portait surtout sur l'aspect financier de l'entreprise alors que Bernstein s'occupait des aspects vente, mode et produc tion. Ils ont tous les deux beaucoup travaillé pour mettre l'entreprise sur pied et, selon lui, les salaires qu'ils touchaient étaient tout à fait insuffisants. L'entreprise s'est développée très rapidement, les ventes passant de $403,245 en 1960, à $1,538,785 en 1965 et les profits bruts de $70,881 en 1960 et $388,087 en 1965, alors que le profit net avant déduction de l'impôt sur le revenu augmentait de $13,651 en 1960 à $197,978 en 1965. L'entreprise continua à se
développer de cette façon jusqu'en 1969, Kamichik et Bernstein en cédèrent le contrôle à la Kambern Diversified Industries Limited, en conséquence de quoi les dettes de la Highland envers Bernstein et la succession de Kamichik, d'un montant de $71,676.28 et $73,481.85 res- pectivement, ont été acquittées au mois d'octo- bre 1969. Bernstein est demeuré employé de la compagnie comme président et a continué à consacrer tout son temps et son attention à l'entreprise dont les ventes ont atteint $2,387,- 328 en 1969, le profit brut $744,441 et le profit net avant déduction de l'impôt $424,624. Cette période n'est pas en relation directe avec l'af- faire présente, si ce n'est dans la mesure elle montre la croissance continue de l'entreprise après 1964. D'après Rosen, durant la période de 1956 à 1962, leur salaire n'avait été que de l'ordre de $8,000 à $10,000 chacun. Bernstein cependant a reçu un salaire de $17,450 en 1963 et de $35,000 en 1964, année le salaire de Kamichik s'élevait à $18,000. Bien que la com- pagnie eût 123 employés en 1964, dont trois employés de longue date qui travaillaient depuis la fin des années1940, avant son incor poration, Rosen estimait que toute la réussite de la compagnie était due au travail acharné et à la gestion éclairée de Bernstein et Kamichik et lorsqu'en 1962 et en 1963, il devint évident que les profits nets augmentaient rapidement, il les a poussés à en tirer plus d'argent, ceci devant comprendre, d'après lui, une compensation pour leurs services passés. En 1965, on a établi pour Kamichik et Bernstein seulement un régime de retraite et on a versé des sommes considérables à l'égard de leurs services passés. Il a admis en contre-interrogatoire que, compte tenu à la fois des impôts de la compagnie et de l'impôt per sonnel de Bernstein et Kamichik, le fardeau fiscal serait moins onéreux si l'on utilisait le plan d'option d'achat d'actions qui fut adopté, que si l'on augmentait leurs salaires ou si on leur payait des dividendes plus considérables. Rosen n'estime pas que faire subir à la compagnie une perte de $199,600 en 1964 en leur vendant $400 des actions de la Berkam que la compagnie avait payées $200,000 constituait de la mauvaise ges- tion de leur part, bien que cette perte eût fait diminuer le compte des surplus d'exploitation qui s'élevait à $148,817.49 le ler janvier 1964, à
$9,422.94 le 31 décembre 1964, alors que le profit net pour 1964 s'élevait de $60,205.45. Il estime que la prestation se justifiait pour les motiver à continuer à faire prospérer la compa- gnie et la prospérité de la compagnie dans les années subséquentes a démontré sa capacité d'absorber facilement cette perte.
Bernstein et Kamichik avaient placé chacun $40,000 dans le capital-actions de la compagnie, $25,000 en actions privilégiées d'une valeur au pair de $1 chacune et $15,000 en actions ordi- naires d'une valeur au pair de $1 chacune. Les actions privilégiées portaient intérêt à 5% et étaient non cumulatives. Ces dividendes n'ont été payés qu'une fois, en 1962, en même temps qu'un dividende de 25¢ par action ordinaire, ce qui fait un paiement total au titre des dividendes cette année-là de $2,500 pour les actions privilé- giées et de $7,500 pour les actions ordinaires, montant qu'ils ont partagé également. La Berkam, bien que constituée comme compagnie de placements, n'a jamais fait d'affaires. Rosen a en outre témoigné que l'acquisition par la Highland des actions de la Berkam n'était pas la conséquence d'un prêt «éclair» qu'il a défini comme un emprunt qui est contracté et rem- boursé le même jour. La marge de crédit de la Highland était excellente et, en 1964, elle pou- vait emprunter jusqu'à $250,000 de sa banque. Après son emprunt pour l'achat des actions de la Berkam, la Highland ne devait que $213,000 à la banque puisque sa dette était normalement minime en décembre, mois la plupart des revenus rentrent. Bien que son chèque de $201,- 000 au nom de la Berkam pour payer les actions souscrites soit daté du 26 octobre 1964, la banque n'y a apposé son tampon que le 4 décembre 1964; cela n'a pas grande importance sinon que l'intérêt sur l'augmentation de son emprunt bancaire ne commencerait à courir qu'à cette date. L'emprunt a été remboursé à la banque le 8 janvier 1965, jour Kamichik et Bernstein ont prêté $200,000 à la compagnie contre des billets à ordre de $100,000 chacun. Bien que ces billets portassent intérêt à 6%, Rosen a déclaré dans son témoignage que Bernstein et Kamichik y ont renoncé.
En insistant fortement sur la valeur des servi ces rendus à la Highland par Kamichik et Bern-
stein, par rapport à la rémunération qu'ils en avaient reçue dans les années antérieures à 1964, l'appelant soutient que la prestation qui leur a été accordée a été «reçue à l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi» et que, par conséquent, l'exclusion prévue à l'article 85A(7) (précité) ne s'applique pas. S'il concède que la méthode employée a eu pour effet de distribuer à Bernstein et Kamichik la majeure partie du surplus accumulé par la Highland à la fin de l'année 1964, on a invoqué le principe bien établi en droit fiscal selon lequel un contribua- ble n'est pas tenu d'organiser ses affaires de façon à devoir payer le plus d'impôt possible et que, s'il peut honnêtement se situer dans le champ d'application des dispositions de la loi et des règlements fiscaux qui lui réduisent sa charge fiscale, il a le droit de le faire. On a en outre soutenu que l'article 137(2) qui traite de l'évasion fiscale ne peut avoir l'effet de faire échec aux dispositions de quelque autre article de la loi dont un contribuable peut se prévaloir, même si l'impôt ainsi exigible est réduit.
Bien que certains des arrêts qui m'ont été signalés par les avocats des deux parties m'aient été utiles, il ne semble pas y avoir de jurispru dence qui porte directement sur la question en litige. L'avocat de l'appelant s'est fondé sur le paragraphe 8 du Bulletin d'interprétation en matière d'impôt, IT 23, du 6 août 1971, publié par le ministère du Revenu national, interpréta- tion non contraignante pour la Cour, pour avérer le principe que l'article 85A donne un choix à une personne qui est à la fois employé et actionnaire. Je l'aurais adoptée en l'espèce en tout état de cause puisque l'article 139(1)1a) de la loi affirme:
139. (1) Dans la présente loi,
la) «employé» comprend un fonctionnaire;
et bien qu'un fonctionnaire (dirigeant) ne soit pas nécessairement un administrateur et, par- tant, un actionnaire, il l'est ordinairement. Je ne crois pas que l'intimé prétende que l'article 85A ne s'applique qu'aux employés qui ne possèdent aucune action dans la compagnie mais plutôt que la prestation doive leur avoir été accordée «à l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi» et
non en leur qualité d'actionnaire de la compa- gnie. La difficulté en l'espèce provient de ce que Bernstein et Kamichik n'étaient pas seule- ment des actionnaires minoritaires de la High land, mais qu'entre eux, ils détenaient la pro- priété ou le contrôle de toutes les actions de la compagnie et pouvaient l'administrer comme ils l'entendaient. Je n'ignore pas que la compagnie a une existence séparée et distincte de celle de ses actionnaires et que, dans la présente affaire, la Highland, au moins, était une compagnie en pleine exploitation et non un subterfuge ou un simulacre. Je n'ignore pas non plus les arrêts qui ont décidé qu'une corporation ne peut être con- sidérée l'agent de ses actionnaires ni les action- naires propriétaires des biens de la compagnie'. Toutefois, en ce qui concerne la Berkam, bien qu'elle ait préparé ses déclarations annuelles et qu'elle ait continué à le faire après 1964. Bern- stein et Kamichik en avaient fait manifestement l'acquisition dans le but évident de réaliser ce projet qui a eu pour effet de réduire énormé- ment leurs impôts à payer pour l'année en cause. Cette compagnie n'a jamais servi à autre chose et n'a jamais exploité d'entreprise, quelle qu'elle soit. Cependant, c'est la Highland et non la Berkam qui leur a accordé la prestation, soit le droit d'acheter des actions de la Berkam valant $200,000 pour la somme de $400. La Berkam n'a été que le canal par lequel on leur a finalement transmis, en espèces, les profits de l'opération.
L'appelant invoque l'arrêt La succession Crosbie c. M.R.N. [1967] 1 R.C.É. 297, dont le point déterminant n'était pas l'interprétation de l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais qui portait sur l'impôt successoral. Dans cette cause, une compagnie contrôlée par le de cujus avait accordé à deux de ses employés, dont un était uni par les lieux du sang au de cujus, le droit d'acheter des actions de son capi- tal-actions à un prix considérablement réduit en reconnaissance de «longs et fidèles services ... et en encouragement à continuer à rendre de tels services». Le de cujus étant décédé dans les trois années, le Ministre a ajouté le montant de la prestation à la masse successorale comme
étant une donation ou une disposition dont la contrepartie n'avait été que partielle. Le tribunal a jugé que la prestation avait été accordée au parent à titre d'employé de la compagnie pour des motifs d'affaires valables et non à titre de parent par le sang du de cujus. Le président Jackett, tel était alors son titre, s'est rapporté dans son jugement à l'article 85A, alors qu'il déclarait à la page 304:
[TRADUCTION] Il nous faut éclaircir un autre point en plus de la question à trancher dans cet appel. Il me semble que l'opération en cause tombe dans une catégorie assez cou- rante de transactions commerciales, celle des paiements faits dans le cours normal de l'entreprise, sans obligation juridique. On exploite une entreprise pour faire des bénéfi- ces. Aucun débours n'est véritablement commercial s'il ne tend pas directement ou indirectement à cette fin. En géné- ral, les paiements commerciaux sont faits conformément à des contrats, en vertu desquels l'homme d'affaires reçoit une contrepartie pour ce paiement—par ex. des contrats de service, des contrats d'achat, des contrats de construction, etc. Cependant, selon les circonstances, une pratique com- merciale judicieuse rendra nécessaires des débours supé- rieurs au montant juridiquement payable en contrepartie de ce que l'homme d'affaires a reçu ou doit recevoir. Un paiement spécial à un bon entrepreneur en raison de difficul- tés imprévues, afin qu'il soit disposé à effectuer un autre travail à l'avenir, est un exemple de ces situations. Des primes versées à des employés en sus des stipulations de contrats d'engagement, pour conserver leur bonne volonté et maintenir leur moral, en est un autre. On peut en citer un autre encore, c'est celui du type même d'avantages conférés à des cadres supérieurs, dont il est question dans cet appel. La clause spéciale de l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu, relative à leur traitement pour fins d'impôt, démon- tre qu'il s'agit d'un type très courant d'avantages consen- tis aux cadres supérieurs.
Cependant, l'alinéa précédant ce passage fait état d'une conclusion sur les faits qui fonde cette déclaration:
[TRADUCTION] On n'a pas prétendu que la transaction n'était qu'un simple subterfuge pour accorder une gratifica tion à Andrew C. Crosbie en qualité de parent du défunt, ni qu'une partie du montant de la gratification n'ait eu d'autre but que de satisfaire aux raisons commerciales légitimes pour lesquelles il était de l'intérêt commercial de la compa- gnie de l'accorder à cet employé. Cet aspect de l'affaire est souligné par le fait, par ailleurs insignifiant, qu'on avait prévu un arrangement du même type pour un collègue de l'employé, dans des conditions semblables et à la même époque.
Les faits de l'arrêt cité diffèrent considérable- ment de ceux de la présente espèce car, en dépit de l'importance attachée par l'avocat de l'appe- lant à l'argument qu'une compagnie a avantage à accorder des prestations sous forme d'option
d'achat d'actions au lieu d'augmentations de salaire à ses cadres chevronnés pour retenir leurs services et éviter qu'ils quittent leur emploi pour s'engager chez un concurrent, il est bien évident que ni Bernstein ni Kamichik n'avaient jamais rien envisagé de tel. L'entre- prise, en réalité, leur appartenait. Ils l'avaient fondée bien avant de la constituer en corpora tion, et à toute fin pratique, ils en étaient les seuls actionnaires. On peut peut-être prétendre qu'on leur a accordé la prestation sous forme d'option d'achat d'actions comme récompense de leurs services passés, mais cette gratification n'était sûrement pas nécessaire pour les encou- rager à rester bien disposés envers la compagnie et à prodiguer leurs efforts à son service. On ne peut sous ce rapport comparer la prestation dont il est question ici avec les régimes de prestations sous forme d'option d'achat d'ac- tions qu'on accorde dans les grandes compa- gnies aux cadres supérieurs à titre d'encourage- ment et pour retenir leurs services. Il n'est pas sans conséquence de constater que trois autres employés, qui travaillent dans l'entreprise depuis la fin des années 40, bien qu'ils n'eussent manifestement pas la même importance pour la Highland que Bernstein et Kamichik, ne rece- vaient que des salaires de $7,000 à $8,000 en 1964; on ne leur avait aucunement donné la possibilité de participer, même de façon minime, à ladite prestation sous forme d'option d'achat d'actions, ni inclus dans le plan de pension établi par la compagnie en 1965. Il est égale- ment significatif qu'en 1964, l'année même l'appelant a reçu la prestation (et Kamichik aussi, mais la présente affaire ne le concerne pas), le salaire de l'appelant a été porté à $35,000, alors qu'il n'était que de $17,450 en 1963 et de $8,000 en 1962. II est donc difficile de prétendre que ladite prestation était néces- saire «pour des raisons commerciales légitimes» afin de le récompenser pour son zèle et son talent exceptionnel et d'assurer qu'il demeure aussi empressé au service de la compagnie.
L'appelant s'est aussi référé au jugement de la Commission d'appel de l'impôt dans l'affaire Gordon G. Smith c. M.R.N. 69 DTC 192, qui a admis l'application de l'article 85A à une presta- tion sous forme d'option d'achat d'actions accordée à l'appelant par une compagnie que lui
et son épouse contrôlaient. Toutefois, il semble que la décision dans cette affaire se soit fondée sur le fait qu'il n'était pas nécessaire qu'il y eut un accord écrit entre l'appelant et la compagnie au sujet de l'émission des actions en son nom, mais qu'un simple accord verbal suffisait. On ne semble pas avoir envisagé la possibilité d'appli- quer l'article 85A(7) et le Ministre n'a pas invo- qué les dispositions de l'article 137(2).
L'appelant a cité aussi l'arrêt Marsland c. M.R.N. [1970] Tax A.B.C. 49. Dans cette affaire, on avait imposé les appelants, mari et femme, à l'égard d'une donation par suite d'une émission d'actions à prix réduit au profit de leur fils; il s'agissait d'actions d'une compagnie dont ils possédaient 47 des 50 actions émises et leur fils le reste. On a conclu qu'il s'agissait manifes- tement d'une prestation accordée à un employé en vertu des dispositions de l'article 85A(1)a), si bien qu'on devait calculer l'impôt conformé- ment à l'article 85A(2) et que l'article 137(2) ne s'appliquait pas. Selon les motifs du jugement, puisqu'aux termes de l'article 85A, on considère un tel paiement comme un revenu et qu'en vertu de l'article 137(2), on peut soit l'inclure dans le calcul du revenu du contribuable selon l'alinéa a), soit le considérer une donation selon l'alinéa c) et puisque le fils, bénéficiaire, était prêt à payer l'impôt prévu dans ce cas par l'article 85A(2), on ne devait pas traiter la prestation comme une donation. Dans cet arrêt, l'article 85A(7) n'a pas été discuté et, comme on l'a déjà souligné, il ne s'agissait pas d'impôt sur le revenu mais d'impôt sur les donations, ce qui n'est pas le cas dans la présente espèce. De plus, le fils des appelants n'était qu'un action- naire minoritaire de la compagnie bien que, depuis un certain temps, il en ait été l'employé le plus important, son père ayant pris sa retraite quelque temps auparavant. Cette affaire se dis- tingue donc clairement de la présente espèce.
L'appelant se fonde aussi sur l'arrêt M.R.N. c. Pillsbury Holdings Limited [1965] 1 R.C.É. 676. Dans cette affaire, la compagnie intimée avait emprunté une importante somme d'argent à deux de ses filiales qui avaient par la suite renoncé à l'intérêt sur ce prêt. On a allégué que les filiales avaient de cette manière accordé une prestation à la compagnie-mère qui en était
actionnaire. Refusant d'appliquer l'article 8(1)c) de la loi (précité), le juge Cattanach, dans son jugement, décide que le bénéfice ou avantage n'a pas été accordé à la compagnie-mère à titre d'actionnaire et déclare en conséquence à la page 687:
[TRADUCTION] Le Ministre n'allègue pas qu'il a présumé, en établissant la cotisation que le fait de renoncer à l'intérêt constituait une manoeuvre de la part de la compagnie pour accorder à l'intimée un bénéfice ou avantage à titre d'action- naire. L'intimée n'était pas tenue de réfuter ce fait, néces- saire pour que la renonciation à l'intérêt soit imposable, à moins que le Ministre n'ait présumé ledit fait en établissant la cotisation. Il se peut que ce motif suffise à justifier le rejet de l'appel du Ministre.
Dans la présente espèce, l'intimé invoque claire- ment les dispositions de l'article 8(1)c) et 137(2). L'importance de ce fait est soulignée par la déclaration du juge Cattanach à la page 688:
[TRADUCTION] J'ai quelques difficultés, en ce qui concerne la première série de renonciations, à accepter que le prêteur, suite à la déclaration du débiteur relativement à ces difficul- tés financières, aurait tout simplement renoncé à l'intérêt plutôt que de lui accorder un délai supplémentaire, si ce n'était que le débiteur détenait la presque totalité des actions de la compagnie prêteuse. Cependant, on n'a pas soutenu que la renonciation était autre chose que ce qu'elle préten- dait être, c'est-à-dire une aide accordée par un prêteur à un débiteur en difficultés financières. Si l'on avait mis en cause ces opérations dans l'avis d'appel et au procès en alléguant qu'elles étaient des manoeuvres pour accorder un bénéfice à l'intimée à titre d'actionnaire, il lui aurait peut-être été difficile d'y faire échec. Cependant, on n'a pas mis en cause les opérations et, par conséquent, on ne peut maintenir les cotisations.
J'estime qu'on peut facilement régler deux des prétentions de l'intimé. L'intimé se fonde sur l'arrêt Hill c. Permanent Trustee Company of New South Wales, Limited [1930] A.C. 720 pour soutenir qu'on devrait traiter la prestation comme un dividende et lui appliquer les disposi tions de l'article 6(1)a)(1) de la loi (précité). Dans cet arrêt, on déclare ce qui suit à la page 731:
[TRADUCTION] Une compagnie à responsabilité limitée qui n'est pas en liquidation, ne peut faire aucun paiement en remboursement de capital à ses actionnaires sauf lorsqu'il s'agit d'une réduction autorisée de son capital. Tout autre versement effectué au profit de ses actionnaires ne peut et ne doit seulement se faire qu'au moyen d'une division des profits. Que l'on nomme ce paiement «dividende» ou «boni» ou n'importe quoi d'autres, il ne peut s'agir que d'un paie- ment par division de profits.
La Cour de l'Échiquier s'est référée à cet arrêt dans l'affaire Northern Securities Company c. Le Roi [1935] R.C.É. 156. Le président Maclean, après avoir cité ce passage, déclare aux pages 160 et 161:
[TRADUCTION] Ceci veut dire que, sauf s'il s'agit d'une réduction de capital, toute distribution de fonds qui a pour effet de transférer des actifs aux actionnaires, ne peut être qu'une distribution des profits, quelle que soit la méthode qu'on emploie pour l'effectuer.
L'arrêt McConkey c. M.R.N. [1937] R.C.É. 209 en arrive à la même conclusion. Aucun de ces arrêts, cependant, ne peut s'appliquer à l'espèce présente, à moins qu'on en vienne à la conclu sion que Bernstein et Kamichik ont reçu la prestation à titre d'actionnaires et non à titre d'employés car, autrement, l'article 85A, qui n'était évidemment pas en cause dans l'arrêt Hill (précité) en Angleterre et qui n'existait pas à l'époque des deux jugements canadiens, pré- voit effectivement une autre façon de distribu tion des surplus, savoir sous forme de participa tion. En tous cas, même si l'on concluait qu'il s'agissait d'une prestation accordée à Bernstein et Kamichik à titre d'actionnaires, j'estime qu'on devrait lui appliquer l'article 8(1)c) plutôt que l'article 6(1)a)(i). L'article 6(1)a)(i) n'utilise que le mot «dividende» et ce mot est défini comme suit à l'article 139(1)k):
139. (1) Dans la présente loi,
k) «dividende» ne comprend pas un dividende sous forme d'actions;
Aucun dividende n'a été déclaré au cours d'une réunion des administrateurs et on ne peut vrai- ment pas considérer le plan compliqué qu'on a adopté pour tirer des fonds en espèces du sur plus de la compagnie et les remettre à Bernstein et Kamichik comme le paiement d'un dividende. Si l'on devait les considérer comme un divi- dende, ce qui n'est pas ma conclusion, ce serait plutôt comme un dividende sous forme d'ac- tions dont il est question à l'article 8(1)c)(ii). Cependant, il y eut une contrepartie pécuniaire, si minime fut-elle, à la prestation sous forme d'actions, ce qui ne se produirait jamais dans le cas d'un dividende normal sous forme d'actions. De plus, ce ne sont pas des actions de la High land qui leur ont été distribuées, mais des
actions de la Berkam qu'on leur a vendues à prix réduit. Si l'on en vient à la conclusion que l'opération a accordé un bénéfice ou un avan- tage à un actionnaire à titre d'actionnaire au sens de l'article 8(1)c) de la loi, les exceptions prévues aux sous-alinéas (i), (ii) et (iii) de l'ali- néa c) ne s'appliquent pas puisqu'il ne s'agit pas d'un bénéfice ou avantage attribué à un action- naire «à l'occasion de la réduction de capital, du rachat d'actions, ou de la liquidation, cessation ou réorganisation de l'entreprise», ni du «paie- ment d'un dividende sous forme d'actions», ni d'un bénéfice attribué «en conférant à tous les détenteurs d'actions ordinaires du capital de la corporation un droit d'y acheter des actions ordinaires additionnelles», puisqu'on n'a pas conféré à Bernstein et Kamichik le droit d'ache- ter des actions additionnelles de la Highland, mais des actions de la Berkam dont la Highland était détentrice. Le montant ou la valeur du bénéfice doit donc être inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année.
J'estime également qu'on ne peut admettre la prétention de l'intimé selon laquelle on devrait imposer le bénéfice en vertu des dispositions de l'article 81(1) de la loi puisque cet article ne s'applique que «lors de la liquidation, la cessa tion ou la réorganisation» de l'entreprise de la compagnie et qu'il n'y a pas eu de réorganisa- tion quelle qu'elle soit de la structure financière ni de l'entreprise de la Highland, la Berkam ayant fait l'objet de la réorganisation. Comme j'ai déjà décidé que le bénéfice a été attribué non par la Berkam mais par la Highland, cet article ne peut s'appliquer.
Ceci nous amène à la principale question en litige, à savoir si la prestation a été accordée «à l'égard, au cours ou en vertu de l'emploi», au sens de l'article 85A(7), auquel cas l'article 85A ne peut s'appliquer.
L'appelant soutient que l'article 85A(1) vise une opération comme celle qui est en question en l'espèce parce que la Highland a vendu des actions de la Berkam, compagnie avec laquelle elle ne traitait pas à distance, l'appelant et Kamichik étant des employés de la Highland, et qu'on doit considérer qu'ils ont reçu la presta- tion en raison de leur emploi au sens de l'article
85A(1)a) et, partant, appliquer l'article 85A(2) pour calculer leur impôt. Il signale que l'article n'exige pas que la même prestation soit accor- dée à tous les employés et qu'il n'en limite aucunement le montant. Certains indices, toute- fois, font ressortir que la prestation ne leur a pas été accordée en raison de leur emploi. Bien qu'ils n'aient pas travaillé pendant le même nombre d'heures au cours de leur emploi et qu'en fait en 1963 et 1964, le salaire de Bern- stein ait été considérablement supérieur à celui de Kamichik, chacun d'eux détenait 50% des actions et avait la même mise de fonds dans la compagnie et la compagnie leur a accordé à tous deux une prestation égale. On ne leur accordait pas une prestation relativement minime, mais une somme qui absorbait pratiquement tout le surplus du revenu gagné par la compagnie jus- qu'à la fin de 1964. On ne l'a offerte à aucun autre employé, même pas à ces trois employés qui avaient de longs états de service. La presta- tion n'a pas profité à la compagnie d'un point de vue fiscal, mais au contraire, lui a nui, en ce sens que si elle avait été accordée sous forme de boni ou d'augmentation de salaire, la compagnie aurait pu s'en prévaloir à titre de dépense déductible de son revenu. En somme, ceci reve- nait à distribuer les profits de la Highland; or les profits ne sont normalement distribués qu'aux actionnaires et non aux employés, à moins qu'il n'existe un plan de participation aux bénéfices. Enfin, tout de suite après le rachat des actions, l'appelant et Kamichik ont prêté les montants reçus à la Highland. Il serait surprenant que de simples employés reprêtent immédiatement à la compagnie le montant d'un bénéfice qu'elle vient de leur accorder. Si l'on recherche le but visé par l'article 85A, il apparaît qu'on a voulu permettre aux compagnies d'accorder à leurs employés (ou à leurs cadres supérieurs, si elles veulent limiter leur offre) une possibilité d'ac- quérir à des conditions favorables des actions de la compagnie même ou de filiales de façon à récompenser leurs services et à maintenir leur intérêt dans le développement de la compagnie, sans avoir à payer l'impôt aux taux réguliers sur le montant de la prestation. On ne peut vraiment pas prétendre que le but visé était son utilisation comme moyen de compenser la longue insuffi- sance des salaires d'un ou plusieurs employés,
en leur accordant ultérieurement une prestation, à ces conditions fiscales très favorables, d'un montant assez important pour les dédommager du salaire insuffisant des années antérieures alors que, s'ils avaient reçu le salaire auquel ils estiment avoir eu droit au cours de ces années, ils auraient payer chaque année l'impôt sur ce salaire au taux régulier. On ne peut non plus avoir voulu qu'il soit utilisé pour transférer presque tout le surplus d'exploitation de la com- pagnie à des actionnaires qui, entre eux, possè- dent ou contrôlent toutes les actions de la com- pagnie à ce taux d'imposition favorable, alors que s'ils l'avaient reçu à titre d'augmentation de salaire, de boni, de dividende ordinaire (qui aurait été sujet au crédit d'impôt pour dividen- des) ou même en utilisant l'article 105, les impôts à payer auraient été considérablement plus élevés 2 .
Dans l'arrêt Smythe c. M.R.N. [1968] 2 R.C.É. 189, le juge Gibson a étudié en détail la possibilité d'appliquer l'article 137(2) dans le cas de la transaction complexe dont il était question dans cette affaire. Il conclut en disant qu'il n'y avait aucune raison commerciale qui justifiait la conclusion des diverses opérations et que, finalement, suite à cette série d'opéra- tions, la compagnie se trouvait à conférer un bénéfice aux appelants, à titre d'actionnaires, bénéfice qui, vu l'article 137(2), est présumé être un paiement qui doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable. Le répartiteur l'avait considéré comme un dividende au sens de l'article 81(2) de la loi, mais le juge Gibson en vient à la conclusion, comme moi-même d'ailleurs en l'espèce, qu'il n'y avait ni liquida tion, ni cessation, ni réorganisation de l'entre- prise et qu'en conséquence, il aurait imposé la prestation comme étant du revenu reçu par l'ap- pelant au sens de l'article 8(1) de la loi. Ce jugement a été confirmé par la Cour suprême du Canada ([1970] R.C.S. 64), mais cette Cour était d'avis que l'article 81(1) de la loi englobait tota- lement la question et qu'il n'était donc pas nécessaire de se prononcer sur la question du champ d'application de l'article 137(2).
Dans l'affaire Craddock c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 23, le juge Gibson a précisé davantage quelle application, selon lui, devrait recevoir
l'article 137(2) de la loi en ce qui concerne une opération visant à éliminer les surplus, ne ser vant aucune fin commerciale légitime et confé- rant un bénéfice aux appelants. Rendant juge- ment, il déclare à la page 31:
[TRADUCTION] Quand les circonstances qui entourent plu- sieurs transactions toutes reliées entre elles sont telles, qu'il est approprié d'inclure un tel «avantage» «dans le calcul du revenu du contribuable selon la Partie I», à ce moment-là, cet avantage au complet est inclus dans le revenu d'un tel contribuable comme l'une de ses sources de revenu au sens de l'article 3 de la loi tout comme si l'article 137(2) faisait partie de la série d'articles de la Partie I, tel que les articles 6, 8(1), 16(1) et 81(1). Mais l'efficacité de l'article 137(2) de la loi dans un cas semblable n'est aucunement subordonnée ni reliée à un quelconque article de la Partie I, tels que les articles 6, 8(1), 16(1), et 81(1) et, par conséquent, aucun desdits textes ne sont pertinents pour juger une cause l'article 137(2) s'applique.
Vu cette conclusion, pour appliquer l'article 137(2), il n'est peut-être pas même indispensa ble de le relier à un autre article de la loi, mais étant donné que dans la présente affaire, j'en suis déjà venu à la conclusion que la prestation est couverte par les dispositions de l'article 8(1)c), il n'est pas nécessaire de conclure que la transaction est imposable en vertu du seul arti cle 137(2). Sur la base des faits qui ont été exposés devant moi, je suis convaincu que le but de la série d'opérations commençant par l'acquisition de la Berkam par la Highland, la réorganisation de la structure de son capital- actions de manière à créer des actions privilé- giées supplémentaires, l'achat de ces actions à leur valeur au pair par la Highland, la vente ultérieure de ces actions à un prix nominal par la Highland à l'appelant et Kamichik, l'adoption subséquente de lettres patentes supplémentaires pour la Berkam qui ont donné lieu à l'annulation et au rachat de ses actions privilégiées puis au paiement de leur valeur au pair à l'appelant et à Kamichik et le prêt immédiat des montants ainsi reçus accordé par ces derniers à la Highland afin d'aider cette dernière à rembourser à la banque les sommes qu'elle avait empruntées pour acheter ces actions à l'origine, a été de conférer un avantage à l'appelant et Kamichik au sens de l'article 137(2) de la loi, tout en ayant l'intention de diminuer leurs impôts payables en vertu de ladite loi. Par conséquent, ledit avan- tage reçu doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable aux fins de la Partie I.
L'article 8(1)c) de la Partie I s'applique étant donné que le bénéfice ou avantage leur a été conféré à titre d'actionnaires de la Highland. Cette conclusion repose exclusivement sur les faits de la présente affaire et l'on ne doit pas l'interpréter comme voulant dire que l'article 85A ne peut s'appliquer à bon droit à un employé qui est en même temps actionnaire; ma conclusion se fonde sur le fait qu'en l'espèce, l'appelant et Kamichik étaient les seuls action- naires en même temps que les seuls employés véritables de la compagnie; en leur qualité de seuls actionnaires de la Highland, ils l'ont amenée à leur conférer une prestation que, malgré les déclarations portant qu'il s'agissait d'une prestation conférée en raison de leur emploi, ils ont effectivement reçue parce qu'ils étaient les seuls actionnaires de la compagnie et qu'ils la contrôlaient de façon à pouvoir confé- rer une telle prestation. En conséquence, ils ne l'ont pas reçue en vertu de leur emploi au sens de l'article 85A(7), mais plutôt en conséquence du fait qu'ils sont actionnaires de la compagnie; il s'ensuit que l'article 85A ne peut être invoqué par l'appelant pour éviter l'application des arti cles 137(2) et 8(1)c) de la loi. L'appel est par conséquent rejeté avec dépens.
' Voir par exemple Salomon c. Salomon [1897] A.C. 22; The Gramophone and Typewriter, Limited c. Stanley [1908] 2 K.B. 89; Army and Navy Department Store Limited c. M.R.N. [1953] 2 R.C.S. 496, Denison Mines Limited c. M.R.N. [1971] C.F. 295 à la p. 320 et Sazio c. M.R.N. [1969] 1 R.C.É. 373.
2 La modification de l'article 85A(2)b) aux Statuts de 1966-67, c. 47, art. 9(1) me confirme dans cette opinion. D'après la modification, l'impôt, au lieu d'être fondé sur la différence entre la proportion de la prestation que l'on cal- cule suivant l'article 85A(2)b)(i) et 20% de la prestation reçue, se calcule maintenant en se fondant sur la différence entre la proportion de la prestation calculée de la même façon et le moindre de 20% de la prestation reçue ou de $200. Si la disposition prévoyant le montant de $200 avait été en vigueur en 1964, l'impôt qu'aurait payer l'appelant aurait été beaucoup plus élevé et la prestation aurait été moins avantageuse sur le plan fiscal.
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