Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Furnasman Ltd. (Intimée)
et
Le ministre du Revenu national (Appelant)
c.
Furnasman (Metal) Ltd. (Intimée)
Division de première instance, le juge Addy — Vancouver, le 8 novembre; Ottawa, le 4 décem- bre 1973.
Impôt sur le revenu—Trois compagnies—Auparavant trois services de la même personne morale—Motifs de la création de compagnies distinctes—Sont-elles des compagnies asso- ciées—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 138A.
Preuve—Demandes de crédit et notes de services—Admis- sibilité—Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10, art. 30(12).
Trois services de la même personne morale ont été consti- tués en corporations distinctes, chacune s'occupant d'activi- tés différentes. On a soutenu que les raisons de cette sépara- tion étaient essentiellement l'efficacité de l'exploitation, la séparation des contrôles, la motivation, les ventes à d'autres entreprises, qui auraient été des concurrentes s'il n'y avait eu qu'une seule compagnie, et une meilleure gestion du partrimoine familial.
Arrêt: la décision de la Commission d'appel de l'impôt, portant que, vu la preuve, les compagnies n'étaient pas «associées», est confirmée. Le critère applicable pour déter- miner si les compagnies sont «associées» consiste à dire que, si l'intention principale n'est pas d'épargner de l'impôt, elles ne sont pas «associées».
Arrêts suivis: C.P. Loewen Enterprises Ltd. c. M.R.N. [1972] C.F. 773; La Reine c. Bobbie Brooks (Canada) Ltd. 73 DTC 5357.
Il fut aussi décidé que, bien que la définition du mot «pièce» dans la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10, art. 30(12), soit suffisamment large pour inclure ce genre de demande de crédit ou de note de service circulant entre les services d'une même institution financière, l'opi- nion d'un témoin contenue dans une note de service ne peut être admise en preuve puisqu'une telle affirmation ne serait pas admissible à titre de preuve orale déposée sous serment.
APPEL. AVOCATS:
S. Hynes pour l'appelant.
L. M. Little et I. Pitfield pour les intimées.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelant.
Thorsteinsson, Mitchell et Little, Vancou- ver, pour les intimées.
LE JUGE ADDY—Par les présentes, le ministre du Revenu national interjette appel d'une déci- sion de la Commission d'appel de l'impôt qui déclarait que, pour l'année d'imposition 1964, la Furnasman Ltd. (ci-après appelée la «Fumas- man») et la Furnasman (Metal) Ltd. (ci-après appelée la «F (Metal») n'étaient pas des compa- gnies associées au sens de l'article 138A de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Avant la constitution de la F(Metal) en corpo ration, la Furnasman, qui était à l'origine une entreprise sans personnalité morale, appelée la Furnasman Manufacturing, et a été, par la suite, constituée en corporation sous la raison sociale Furnasman Manufacturing Limited, exploitait une entreprise de fabrication de chargeurs auto- matiques de charbon et de divers types de chau- dières à gaz et à mazout, ainsi que la fabrication de canalisations en tôle et de garnitures et s'oc- cupait de la vente, de l'installation et de l'entre- tien d'appareils de chauffage.
En 1955, la Furnasman et la Furnasman Stoker Western Limited, qui est maintenant sa filiale en propriété exclusive, s'occupaient aussi de commerce en gros. En 1959, il fut décidé de constituer deux nouvelles compagnies en corpo ration: la F (Metal) susmentionnée et la Fumas- man (Furnace) Limited (ci-après appelée la «F (Furnace)»). La Furnasman vendit à la F (Metal) l'équipement, les fournitures et les actifs nécessaires à la fabrication de canalisations et cette nouvelle compagnie reprit toutes les activi- tés qu'exerçait auparavant la Furnasman dans ce domaine. De même, celle-ci vendit à la F (Furnace) l'équipement et le stock nécessaire à la fabrication de chaudières à gaz et à mazout.
Les actifs ont été vendus à leur valeur comp- table, la clientèle a été cédée sans contrepartie et les actifs ont été payés sous forme de compte ouvert.
A l'époque de la constitution des deux nou- velles compagnies et depuis déjà quelques années, la pratique de ces entreprises était de
verser un salaire restreint aux employés-clef mais de répartir annuellement entre eux environ 25% des bénéfices bruts sous forme de prime de manière à les inciter à augmenter la producti- vité et les bénéfices. A l'époque de la constitu tion, les actions des trois compagnies étaient divisées de sorte que chacun des employés-clef avait ses actions réparties également entre les trois compagnies, sauf pour ce qui est du fonda- teur de ces entreprises, Charles Helyar, dont toutes les actions étaient dans la Furnasman, tandis que toutes celles de son épouse étaient dans la F (Metal) par l'intermédiaire d'une com- pagnie de portefeuille et que toutes celles de son père étaient dans la F (Furnace).
Après ces constitutions, et il semble que ce soit encore la pratique maintenant, les employés-clef de chaque compagnie acquéraient autant d'actions que possible dans leur propre compagnie plutôt que dans les deux autres. Ils achetaient volontairement ces actions en utili- sant leurs primes annuelles.
Les témoins suivants ont déposé pour les contribuables: le propriétaire de l'entreprise ini- tiale, Charles Helyar, le directeur d'usine de la F (Furnace), le président et directeur général de la F (Metal) et le vice-président et directeur géné- ral de la Furnasman.
Dans leurs dépositions, ils ont tous déclaré que ces trois entreprises étaient tout à fait indé- pendantes et de nature différente: elles emploient des agents commerciaux différents, des ouvriers spécialisés différents, des employés-clef différents et leur organisation est différente. Ils ont déclaré que la Furnasman, étant une entreprise de vente et d'entretien, employait des vendeurs, des agents distribu- teurs, des installateurs et des préposés à l'entre- tien, que la F (Metal) employait des ouvriers spécialisés dans le travail du métal, que la F (Furnace) utilisait des monteurs, des ouvriers mécaniciens, des peintres etc. Ils ont aussi déclaré que ces deux dernières compagnies n'avaient rien en commun pour ce qui est de la fabrication et ceci semble être un fait avéré.
A l'origine, ces trois types d'activités n'étaient que des services de la même personne morale, mais les témoins ont tous déclaré qu'il avait été
décidé qu'il serait préférable de séparer ces trois entreprises pour qu'elles soient contrôlées par leurs propres employés-clef possédant les con- naissances nécessaires et aussi pour que cela constitue une motivation à leur égard. De cette manière, ces derniers étaient seuls responsables des succès ou des échecs de leur entreprise et ne dépendaient aucunement des autres et ne pouvaient ainsi subir les conséquences d'une mauvaise décision ou d'un manque de compé- tence de la part d'un service tout à fait distinct sur lequel les employés-clef des autres services n'avaient aucun contrôle. De plus, ils n'avaient pas ainsi à partager avec un autre organisme les primes qu'ils prélevaient sur les bénéfices qu'ils avaient accumulés par leur travail personnel.
De plus, on a déposé que, l'aspect fabrication étant tout à fait distinct de la vente en gros ou au détail et de l'aspect distribution de ce com merce, la compagnie fabriquant les chaudières pouvait en produire, ce qu'elle a d'ailleurs fait, sous sa marque de fabrique pour le compte d'autres entreprises de vente et de distribution, qui auraient évidemment hésité à faire affaire avec une compagnie avec laquelle elles étaient en concurrence directe dans le domaine de la vente et de la distribution.
En plus des témoignages d'après lesquels les principales raisons pour l'existence de trois compagnies étaient l'efficacité de l'exploitation, la motivation, le contrôle et les ventes à d'autres entreprises, qui auraient été des concurrentes s'il n'y avait eu qu'une seule compagnie, Helyar a déclaré qu'il était très avantageux du point de vue de la gestion des patrimoines et de la sécu- rité financière des familles concernées de ne pas avoir tous leurs capitaux de spéculation dans une seule entreprise. Ces dernières raisons n'étaient cependant pas les raisons principales.
D'après les témoignages, les avantages fis- caux ont aussi joué, mais, compte tenu des motifs importants qui sont à l'origine de la créa- tion de ces trois compagnies distinctes, ce der- nier motif était de peu d'importance et ne cons- tituait certainement pas un des motifs principaux de la répartition des activités entre des compagnies distinctes.
La Couronne a cité comme témoin un certain Guppy qui avait été le gérant de la succursale de la banque de la compagnie d'origine et qui con- naissait bien les activités de cette dernière. Il a déclaré que, lorsque la banque consentait un crédit, elle exigeait naturellement, pour se proté- ger totalement, que la Furnasman, qui était en voie de transférer une partie très importante de ses actifs aux nouvelles compagnies, garantisse tout crédit consenti à ces dernières. De fait, la banque a toujours exigé que les compagnies se garantissent mutuellement pour tout crédit con- senti à l'une d'entre elles. Le témoin Guppy a toutefois confirmé dans une grande mesure les déclarations des témoins cités par les contribua- bles intimées d'après lesquelles les avantages fiscaux n'étaient pas la raison principale de la constitution de compagnies distinctes. Il a déclaré qu'on ne lui avait jamais dit que c'était une des raisons principales.
Au cours du procès, la Couronne a tenté de faire admettre en preuve une partie des dos siers, de la correspondance et des notes de service de la banque pour démontrer l'intention contraire de la part des intimées et, en particu- lier, de la part d'Helyar qui contrôlait la Fumas- man au moment de la constitution de la F (Metal) et de la F (Furnace).
La plupart de ces documents nécessaires ont été admis à titre de déclarations faites par les intimées ou en leur nom et aucun problème ne s'est posé concernant leur admissibilité. Toute- fois l'avocat de la Couronne a cherché à faire admettre en preuve deux documents faisant partie des dossiers de la banque, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, c. E-10. On trouve le premier document dans un exemplaire d'une demande de crédit transmise par la succursale au siège social de la banque dans le but d'obte- nir l'autorisation d'augmenter les crédits accor dés à la F (Metal). Ledit document faisait partie d'un rapport joint à un formulaire bancaire ordi- naire et avait été transmis par le gérant de la succursale de cette époque dans le cours ordi- naire des affaires de la banque. Le gérant qui a signé ce rapport est maintenant décédé. L'ex- trait en question porte uniquement sur des faits
concernant les comptes et opérations de l'entre- prise et un extrait de son état financier. J'estime qu'on doit l'admettre en preuve en vertu de l'article 30 puisqu'on aurait pu rapporter la preuve de ces questions et puisqu'il s'agit d'un document établi dans le cours ordinaire des affaires de la banque. J'ai donc admis ce docu ment en preuve à titre de pièce 14.
Un extrait d'un autre document portant sur une demande de crédit transmise dans le cours ordinaire des affaires par le même gérant au siège social, le 7 octobre 1966, soulève un pro- blème plus délicat. Il contient le passage suivant que la Couronne souhaite faire admettre en preuve, ce à quoi les intimées s'opposent vivement:
[TRADUCTION] Pour réduire les impôts sur le revenu au cours des prochaines années, de même que pour donner des responsabilités supplémentaires aux dirigeants régionaux sur l'ensemble des opérations, y compris la diminution des stocks, la nécessité d'accélérer le paiement des créances, le Conseil d'administration a décidé de créer deux entreprises distinctes pour les activités en Colombie-Britannique et celles poursuivies dans la région de Calgary. Deux compa- gnies ont été constituées et exercent leurs activités dans ce but à l'heure actuelle. Un autre facteur important a influé sur cette décision, savoir, le fait qu'en cas de problèmes de relation de travail, ces trois unités distinctes ne seront pas toutes touchées au même moment.
(J'ai moi-même souligné.)
Il ne fait aucun doute que le passage souligné est de première importance puisqu'il indique que l'épargne de l'impôt constituait une des raisons principales, sinon la raison principale, pour séparer les services de cette compagnie.
La Couronne a soutenu qu'il devait être admis à la fois en vertu de l'article 29 et en vertu de l'article 30. Pour plus de commodité, je cite les parties pertinentes de ces deux articles:
29. (1) Sous réserve du présent article, une copie de toute inscription dans un livre ou registre tenu dans une institution financière est admise dans toutes procédures judiciaires comme preuve prima facie de cette inscription, ainsi que des affaires, opérations et comptes y inscrits.
(2) Une copie d'une inscription dans ce livre ou registre n'est pas admise en preuve sous le régime du présent article, à moins qu'il n'ait préalablement été établi que le livre ou registre était, lors de l'inscription, l'un des livres ou registres ordinaires de l'institution financière, que l'inscription a été effectuée dans le cours ordinaire des affaires, que le livre ou registre est sous la garde ou la surveillance de l'institution financière, et que cette copie en est une copie conforme. Cette preuve peut être fournie par le gérant ou par le
comptable de l'institution financière et peut être donnée de vive voix ou par affidavit devant un commissaire ou une autre personne autorisée à recevoir les affidavits.
30. (1) Lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des renseignements sur cette chose est, en vertu du présent article, admissible en preuve dans la procédure judiciaire sur production de la pièce.
(12) Au présent article
«pièce» comprend l'ensemble ou tout fragment d'un livre, d'un document, d'un écrit, d'une fiche, d'une carte, d'un ruban ou d'une autre chose sur ou dans lesquels des renseignements sont écrits, enregistrés, conservés ou reproduits, et, sauf aux fins des paragraphes (3) et (4), toute copie ou transcription reçue en preuve en vertu du présent article en conformité du paragraphe (3) ou (4);
A l'article 29(1), le mot «inscription» dans l'expression «inscription dans un livre ou regis- tre» signifie une inscription comptable ordi- naire, c'est-à-dire les chiffres et les explications nécessaires s'y rapportant figurant dans un grand livre, livre de comptabilité, système méca- nographique ou système à cartes perforées. J'es- time qu'il vise essentiellement les renseigne- ments comptables ou, en d'autres termes, l'inscription du débit, du crédit, ou du solde accompagné d'explications visant à identifier ou à éclaircir l'inscription comptable. J'estime qu'il ne comprend pas les notes de service ou les rapports écrits que s'échangent les succursales d'un organisme du genre dont il est question en l'espèce.
Le paragraphe (2) susmentionné tend à con- firmer cette interprétation. Il faut souligner que, dans cet article, l'inscription elle-même est qua- lifiée d'admissible et il faut en outre souligner que le mot «registre» n'a pas le sens très large qu'on attribue au mot «pièce» à l'article 30*. J'en conclus donc que le passage susmentionné tiré de la demande de crédit n'est pas admissible en vertu de l'article 29(1).
Pour ce qui est de l'article 30, compte tenu de la définition très large que l'on y donne au mot «pièce» qui comprend «un document» ou «un écrit», il me semble avoir une portée suffisam- ment large pour inclure le genre de demande de
crédit transmise entre des services d'une institu tion financière ou des notes de service, etc., pourvu que les autres conditions stipulées par cet article soient remplies, à savoir la pièce doit être établie dans le cours ordinaire des affaires et la déclaration doit être telle qu'elle serait admissible de la part d'un témoin déposant sous serment.
Dans la présente affaire, le rapport ne men- tionne aucunement que l'une des parties ou quelqu'un agissant en leur nom ait avisé le gérant de cette intention. Ce rapport renferme une conclusion concernant une attitude ou une motivation, ce qui n'est pas susceptible d'être observé directement comme un fait par un témoin. Il n'y a que deux autres possibilités qui expliquent ce rapport: celui qui l'a rédigé a reçu les renseignements d'une tierce personne et, dans ce cas, il ne pourrait être admis en preuve puisqu'il s'agit d'ouï-dire, ou bien il découle d'une simple déduction ou d'une opinion du témoin et, puisqu'un témoin ne peut donner son opinion sur l'existence ou l'inexistence d'une intention, si ce n'est, peut-être, dans certains cas limites l'on peut admettre l'opinion d'un psy- chiatre sur un tel point, le témoignage du gérant de banque donnant son opinion sur cette ques tion n'est pas admissible à titre de preuve orale. En outre, ce témoignage ne saurait être admis puisque l'on demanderait alors au témoin d'ex- primer une opinion ou de trancher la question même qui est soumise à la Cour.
On peut aussi expliquer ce rapport d'une autre façon. Il peut s'agir uniquement d'un argu ment préparé par le gérant de la succursale pour convaincre le siège social d'augmenter le crédit de son client. Le témoin Guppy, cité au nom de la Couronne, a mentionné ce point et a déclaré qu'il était courant qu'un bon gérant de banque utilise des arguments qui lui semblaient raison- nables, lorsqu'il écrivait au nom d'une personne qui constituait un bon risque financier, pour convaincre le siège social d'augmenter le crédit, et que la possibilité d'épargner de l'impôt consti- tuait de toute évidence un bon argument pour des dirigeants de banque. Pour ces motifs, ce rapport ne saurait être admis. Il en aurait été autrement si feu le gérant de la banque avait
déclaré qu'il avait appris d'Helyar ou de quicon- que agissant au nom des intimées la véritable raison de la division de l'entreprise.
Il est constant que les trois compagnies ont utilisé les mêmes services de comptabilité et, d'après les témoignages, c'était uniquement pour faire des économies, car aucune d'elles n'aurait pu s'offrir le même genre de services de comptabilité, compte tenu de son chiffre d'affai- res. Toujours pour des motifs d'économie, elles ont aussi utilisé les mêmes services téléphoni- ques et, pendant quelques années, les pages jaunes de l'annuaire téléphonique ne permet- taient pas de les distinguer clairement. Pour ce qui est de la publicité et des annonces, bien qu'en de rares occasions, l'une ou l'autre com- pagnie ait utilisé le nom «Furnasman» ou «Fur- nasman Ltd.» au lieu de sa raison sociale au complet, compte tenu du fait que «Furnasman» figurent dans leurs trois noms, il y a eu à mon avis très peu de cas l'une ou l'autre en a fait un emploi abusif.
Je suis convaincu que chaque compagnie tenait jalousement à conserver sa propre iden- tité, même si naturellement elle souhaitait ardemment profiter de la vaste clientèle atta- chée au mot «Furnasman».
Dans l'arrêt Levitt-Safety (Eastern) Ltd. c. M.R.N. 73 DTC 5374, mon collègue, le juge Urie, ayant établi que de nombreuses opérations dont l'achat, l'entreposage, les catalogues, la facturation et la comptabilité étaient centrali sées, a conclu que les modifications apportées aux compagnies ainsi que la création de nouvel- les compagnies n'étaient «qu'un maquillage» et que, d'après les faits qu'on lui avait soumis, l'une des raisons principales était l'évasion fiscale.
J'ai aussi examiné les arrêts suivants qui m'ont été cités, dans lesquels la Cour a conclu que l'intention principale n'était pas d'épargner de l'impôt et les compagnies n'ont pas été décla- rées associées: La Reine c. Bobbie Brooks (Canada) Limited 73 DTC 5357; C.P. Loewen Enterprises Ltd. c. M.R.N. [1972] C.F. 773 à la p. 794 et Jordans Rugs Ltd. c. M.R.N. 69 DTC 5290. J'ai aussi examiné les arrêts suivants qui
vont en sens contraire: Debruth Investments Limited c. M.R.N. 73 DTC 5233; Pay -Less Meat Market Ltd., New-West Meat Market Lim ited et Save-On Meat Market Ltd. c. M.R.N. 73 DTC 5102; Classic's Little Books Inc. c. Sa Majesté La Reine 73 DTC 5096; Dominion Freehold Limited c. M.R.N. 71 DTC 5261; Holt Metal Sales of Manitoba Limited et Industrial Metals Processing Limited c. M.R.N. 70 DTC 6108; M.R.N. c. Howson & Howson Limited et Howson & Howson Company (Cargill) Limited 70 DTC 6055; Alpine Furniture Company Lim ited et Monte Carlos Furniture Company Lim ited c. M.R.N. 68 DTC 5338; et Doris Trucking Company Limited c. M.R.N. [19681 2 R.C.É. 501.
Tous ces arrêts ont été rendus d'après leurs faits propres et ne sont, par conséquent, que d'une faible utilité. La question de savoir si l'un des principaux motifs de la constitution de deux ou plusieurs compagnies ou de leur existence est de diminuer le montant d'impôt qui serait autrement payable en vertu de la loi n'est qu'une question de fait. Déterminer l'intention ou la motivation est subjectif; il ne saurait en être autrement car rien ne dépend plus de la crédibilité ou n'est plus subjectif que l'intention ou la motivation puisqu'il s'agit d'une attitude d'esprit. Il s'agit du genre de question qu'il serait tout à fait souhaitable de faire trancher par un jury. Dans le cas d'une compagnie, il s'agit de déterminer quelle était l'intention com mune de ses administrateurs ou de ses action- naires à l'époque en cause.
Chaque fois que la question de l'intention est capitale, ce qui est très rare dans les affaires d'impôt, la crédibilité prend une importance considérable. Lorsque les témoignages concer- nant l'intention émanent de la partie principale responsable de l'existence distincte de deux compagnies, et qu'ils indiquent que la question de l'impôt sur le revenu épargné n'a pas consti- tué l'un des principaux motifs de l'existence d'une compagnie distincte, et lorsque, compte tenu de tous les autres témoignages et des cir- constances de l'espèce, la Cour est prête à ajou- ter foi à ces témoignages, le contribuable s'est déchargé du fardeau de la preuve qui lui incom-
bait et la Cour doit alors conclure que les com- pagnies doivent être réputées ne pas avoir été associées au sens de l'article 138A.
Le juge Dumoulin a énoncé à l'arrêt Doris Trucking Company Limited c. M.R.N., (précité) un critère très utile pour décider si l'article 138A(3)b)(ii) s'applique. Mon collègue, le juge Cattanach, a énoncé ce critère comme suit dans l'arrêt précité Loewen Enterprises Ltd. c. M.R.N. à la page 794:
[Critère à appliquer]
Le critère à appliquer dans l'interprétation de l'article 138A(3)b)(ii) est énoncé dans l'affaire Doris Trucking Co. c. M.R.N. [1968] 2 R.C.É. 501, le juge Dumoulin déclare, à la page 505:
[TRADUCTION] ... «le critère à appliquer est ... de savoir si des corporations distinctes seraient chargées de ces domaines d'activité donnés, si toutes les corporations étaient assujetties à un taux d'imposition uniforme de 50%, comme l'a recommandé la Commission royale d'en- quête sur la fiscalité».
C'est le critère qu'a appliqué le juge suppléant Sheppard dans l'affaire Jordans Rugs Ltd. c. M.R.N. [1969] C.T.C. 445.
En résumé, le critère est le suivant: à défaut de tout avantage sur le plan fiscal, aurait-on quand même adopté le plan?
Dans l'affaire I.R.C. c. Brebner [1967] 1 All E.R. 779, Lord Pearce a déclaré à la page 781 que la question de savoir si l'un des principaux objectifs était de tirer de l'opération un avantage sur le plan fiscal est une question d'intention subjective.
Je suis aussi d'avis que le critère mentionné dans ces arrêts est bien celui que le juge du fait doit appliquer lorsqu'il examine ses conclusions en vertu de l'article 138A.
Compte tenu du fait que j'accorde foi aux dépositions d'Helyar et des autres témoins cités par le contribuable quant à la question de l'in- tention principale ou des motifs principaux qui sont à l'origine de la constitution de ces compa- gnies et de leur maintien, et compte tenu du fait que ces témoignages n'ont pas été contredits mais qu'ils ont été fortement confirmés par le témoignage de l'unique témoin appelé par le ministre du Revenu national, à savoir, le témoi- gnage du gérant de la banque, Guppy, il ne m'est pas difficile d'en arriver à la conclusion que, même s'il n'y avait eu aucun avantage sur le plan fiscal, les compagnies distinctes auraient été constituées et maintenues en existence; ainsi
les intimées se sont acquittées du fardeau de la preuve qui leur incombait.
La décision de la Commission d'appel de l'im- pôt est par conséquent confirmée et les présents appels rejetés avec dépens. Jugement sera donc prononcé en ce sens.
N. du T. Registre et pièce traduisent tous deux le mot «record».
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.