Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Cefer Designs Ltd. (Appelante) c.
Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (Intime)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, le juge Thurlow et le juge suppléant Sweet—Ottawa, le 12 juin 1972.
Commission du tarif—Compétence—Assujettissement à la taxe de vente de marchandises déterminées—Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, c. 100, art. 29(26), 57—Éléments en béton assemblés à pied d'œuvre—«Structure» ou non— «Fabricant ou producteur».
L'article 57 de la Loi sur la taxe d'accise n'attribue pas à la Commission du tarif compétence pour décider si un fabricant ou un producteur est assujetti à la taxe de vente sur des marchandises déterminées par application de l'arti- cle 29 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, c. 100. En l'espèce, elle n'a donc pas compétence pour décider si des éléments en béton fabriqués en usine et assemblés ailleurs pour construire un dock flottant forment une «structure» en concurrence avec des quais flottants en bois, en fibre de verre ou en polystyrène, leur fabricant étant ainsi exclu par l'article 29(2b) de la catégorie des «fabricants ou producteurs».
Arrêt suivi: Goodyear Tire & Rubber Co. of Can. c. T. Eaton Co. [1956] R.C.S. 610.
APPEL d'une décision de la Commission du tarif.
Russell J. Anthony pour l'appelante. J. E. Smith pour l'intimé.
LE JUGE EN CHEF JACKETT (oralement)—Il s'agit d'un appel de la déclaration de la Com mission du tarif, daté du 14 décembre 1970, rejetant une demande de déclaration déposée par l'appelante en vertu de l'article 57 de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'objet était d'obtenir que certains docks, quais et jetées flottants en béton fabriqués par l'appelante soient exonérés de la taxe de vente.'
L'appelante demande, dans son avis d'appel devant cette Cour, l'annulation de la déclaration de la Commission du tarif et fonde son appel sur la question de droit suivante:
La Commission du tarif a-t-elle commis une erreur de droit en refusant de déclarer que les brise-lames, quais et docks flottants fabriqués par l'appelante sont exempts de la taxe et qu'aucune taxe n'est due sur ces produits en vertu de la Loi sur la taxe d'accise?
Étant d'avis que la Commission du tarif n'é- tait pas compétente pour entendre la demande de l'appelante et que, pour ce motif, l'appel doit être rejeté, je devrai rappeler l'économie géné- rale de la Loi sur la taxe d'accise, dans la mesure elle vise la taxe de consommation ou de vente, avant d'exposer le contenu de la demande présentée par l'appelante à la Com mission du tarif et d'expliquer pourquoi j'en suis venu à la conclusion que cette Commission n'était pas compétente pour l'entendre.
L'article 30(1) de la Loi sur la taxe d'accise a notamment pour effet d'imposer une taxe de consommation ou de vente de 9 pour cent sur le prix de vente de toute marchandise produite ou fabriquée au Canada payable, sauf dans certains cas particuliers, par le producteur ou fabricant à l'époque les marchandises sont livrées à l'acheteur. Cependant la portée de l'article 30(1) est limitée par l'article 32(1), qui stipule que la taxe imposée par l'article 30 ne s'applique pas à la vente des articles mentionnés à l'annexe III, et par l'article 32(2), qui stipule que la moitié seulement de la taxe imposée par l'article 30 sera prélevée sur la vente et la livraison des articles énumérés à l'annexe IV. Diverses autres dispositions particulières modifient la portée initiale de l'article 30(1). Toutefois il suffira, pour nos fins, de mentionner l'article 2(1)aa), qui définit «fabricant ou producteur» comme comprenant, entre autres, «toute personne, firme ou corporation qui possède, détient, réclame ou emploie un brevet, un droit de pro- priété, un droit de vente ou autres droits à des marchandises en cours de fabrication ...,» et l'article 29(2b) qui se lit comme suit:
(2b) Lorsqu'une personne
a) fabrique ou produit un bâtiment ou une autre structure, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des per- sonnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structures analogues non ainsi fabriqués ou produits,
b) fabrique ou produit, ailleurs qu'à l'endroit de la cons truction ou du montage d'un bâtiment ou d'une autre structure, des éléments porteurs destinés à être incorpo- rés à un bâtiment ou une structure semblable, en concur rence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou d'autres structures sont incorporés des éléments de ce genre, non ainsi fabriqués ou produits,
c) fabrique ou produit des parpaings en béton ou des agglomérés, ou
d) fabrique ou produit, à partir de l'acier qu'elle a acheté, fabriqué ou produit et à l'égard duquel toute taxe prévue
par la présente Partie est devenue payable, de l'acier de construction ouvré pour bâtiments,
elle est réputée, aux fins de la présente Partie, relativement à tous semblables bâtiments, structures, éléments, parpaings ou agglomérés ou acier de construction qu'elle a ainsi fabri- qués ou produits, ne pas en être le fabricant ou le producteur.
Il apparaît d'ores et déjà que, parmi les difficul- tés qui peuvent surgir lorsqu'on détermine l'as- sujettissement à cette taxe de consommation ou de vente, se posent les questions suivantes:
a) Les articles en question appartiennent-ils à une des catégories d'articles mentionnées à l'annexe III, ce qui aurait pour effet de les exonérer de toute taxe par application de l'article 32(1)?
b) Les articles en question appartiennent-ils à une des catégories d'articles énumérées à l'annexe IV, ce qui aurait pour effet de les soumettre à un taux diminué de moitié en vertu de l'article 32(2)?
c) Le fabricant ou producteur de facto des articles en question est-il réputé ne pas en être fabricant ou producteur en vertu de l'ar- ticle 29(2b), de sorte qu'il n'est pas assujetti à la taxe imposée par l'article 30(1) en ce qui concerne ces articles?
d) Une personne, qui n'est pas le fabricant ou le producteur des articles en question, le devient-elle aux fins de la taxe de consomma- tion ou de vente par application de l'article 2(1)aa) de sorte qu'elle est assujettie à la taxe imposée par l'article 30(1) pour ces articles?
D'après les textes, la taxe est recouvrable, à titre de dette envers la Couronne, devant la Cour fédérale ou devant tout autre tribunal compétent en vertu de l'article 50(1) de la Loi sur la taxe d'accise; et l'on peut présumer que tout litige entre un sujet et la Couronne qui porte sur l'assujettissement à la taxe peut être réglé lors d'une telle action. Signalons en outre l'article 57 de la Loi sur la taxe d'accise, qui soulève une- question dans cette affaire, et se lit en partie comme suit:
57. (1) Lorsqu'il se produit un différend ou qu'un doute existe sur la question de savoir si, aux termes de la présente loi, un article est assujetti à la taxe ou sur le taux applicable à l'article ,et qu'aucun tribunal compétent n'a jusque-là rendu, en l'espèce, une décision visant tout le Canada, la
Commission du tarif, institué par la Loi sur la Commission du tarif, peut déclarer quel montant de taxe est exigible sur l'article ou déclarer que l'article est exempt de la taxe en vertu de la présente loi.
(2) Avant de faire une déclaration aux termes du paragra- phe (1), la Commission du tarif doit pourvoir à une audition et en publier un avis dans la Gazette du Canada au moins vingt et un jours avant la date de l'audition; et quiconque, à cette date au plus tard, produit une comparution au bureau du secrétaire de la Commission du tarif, peut être entendu à l'audition.
(3) Une déclaration par la Commission du tarif, en vertu du présent article, est définitive et péremptoire, sauf appel ainsi que le prévoit l'article 58.
J'examinerai maintenant la demande présen- tée par l'appelante à la Commission du tarif. Il nous faut d'abord mentionner la correspon- dance jointe à cette demande. Cette correspon- dance est la suivante:
(1) Lettre de l'appelante à l'agent d'accise du district, datée du 25 novembre 1968:
Depuis environ 2 ans, la compagnie dont le nom figure sur l'entête de cette lettre a entrepris la conception et la mise au point d'éléments flottants en ciment et de produits voisins. Pour quelques-uns de nos produits la phase initiale de mise au point est terminée et ils sont en train d'être mis sur le marché. Toutefois, il nous est apparu récemment que pour l'un des types de produits mentionnés plus haut, la taxe fédérale de 12% sur la vente, basée sur le prix de vente total du produit manufacturé ne s'applique pas dans le cas de nos concurrents. Par conséquent, nous considérons qu'en ce qui concerne nos prix, nous sommes placés dans une situation désavantageuse. Nous prétendons que ces cas justifient l'application de l'article 29(2b), alinéas a) et b), de la Partie VI de la Loi sur la taxe d'accise.
Le genre de produits en question comprend des docks et quais flottants en béton utilisés par les transporteurs mariti- mes de Colombie-Britannique pour l'amarrage de navires ou d'autres embarcations. Chaque élément modulaire en béton est fabriqué à notre usine, mais une fois liés ou fixés les uns aux autres au lieu choisi par le client, ces éléments forment un ensemble flottant. Du point de vue du produit, ce type d'éléments flottants en béton est en compétition directe avec divers autres types d'éléments flottants tels que le bois, les pontons en fibre de verre, la mousse de polysty- rène et ainsi de suite. Nous constatons que, dans le cas de ces produits, nos concurrents ne sont pas dans l'obligation de demander à leur client de payer la taxe fédérale d'accise de 12% sur le prix de vente total des produits manufactu- rés. Par conséquent, nous estimons pouvoir bénéficier de l'article 29(2b), alinéas a) et b), de la Partie VI, qui se lit en partie comme suit:
(2b) Lorsqu'une personne
a) fabrique ou produit un bâtiment ou une autre struc ture, ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structures analogues non ainsi fabriqués ou produits,
b) fabrique ou produit, ailleurs qu'à l'endroit de la cons truction ou du montage d'un bâtiment ou d'une autre structure, des éléments porteurs destinés à être incorpo- rés à un bâtiment ou une structure semblable, en concur rence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou d'autres structures sont incorporés des éléments de ce genre, non ainsi fabriqués ou produits,
elle est réputée, aux fins de la présente Partie, relativement à tous semblables bâtiments, structures, éléments, parpaings ou agglomérés ou acier de construction qu'elle a ainsi fabri- qués ou produits, ne pas en être le fabricant ou le producteur.
Nous aimerions avoir votre opinion sur cette question et vous demandons respectueusement de décider si notre interprétation de l'article 29 est la bonne.
Nous sommes à votre entière disposition pour tout rensei- gnement ou toute précision concernant les questions soule- vées plus haut qui pourraient vous être utiles.
(2) Lettre du ministère du Revenu national à l'appelante, datée du 6 décembre 1968:
Nous vous accusons réception de votre lettre du 25 novem- bre 1968 concernant l'application de la taxe de vente aux docks et quais flottants en ciment fabriqués par votre entreprise.
Nous croyons comprendre que les éléments modulaires flottants en ciment sont fabriqués dans votre usine et sont ensuite liés ou fixés les uns aux autres au lieu choisi par le client pour former un ensemble flottant. Vous avez indiqué que vos concurrents, qui utilisent des matériaux tels que le bois, les pontons en fibre de verre, la mousse de polysty- rène pour la construction sur place de docks flottants, ne doivent calculer la taxe que sur les matériaux utilisés. Votre entreprise, elle, doit calculer la taxe sur le prix de vente total moins les déductions permises pour le transport et l'installation.
C'est pourquoi vous nous avez demandé d'étudier la possi- bilité d'appliquer l'article 29(2b)a) et b) de la Loi sur la taxe d'accise aux docks flottants en ciment fabriqués par vous.
L'article 29(2b)a) et b) ne vise qu'un «bâtiment» ou une «structure». Le ministère est d'avis que des docks et quais flottants ne constituent pas des bâtiments ou des structures au sens de la Loi sur la taxe d'accise et ne peuvent, par conséquent, être visés par cet article.
(3) Lettre de l'appelante au ministère du Revenu national, datée du 22 mai 1969.
Suite à notre lettre du 25 novembre 1968 et en réponse à la vôtre du 6 décembre 1968.
Nous avons longuement réfléchi à notre position quant à l'interprétation de l'article 29(2b)a) de la Loi sur la taxe d'accise. Dans votre lettre du 8 décembre 1968, vous affir- mez que les flotteurs en ciment que nous fabriquons ne sont pas considérés comme des structures et que, par consé- quent, ils ne sont pas visés par l'article 29.
D'après la définition que donne un dictionnaire connu, «structure» veut dire, entre autres choses, «... manière dont un bâtiment ou un organisme ou un ensemble est
construit ... chose construite ... ensemble complexe». Il nous paraît indéniable que d'après cette définition, l'on pourrait qualifier de «structure» nos éléments modulaires en ciment, lorsqu'ils sont assemblés de manière à former un ensemble complet. Il ressort de votre lettre du 8 décembre que la Loi sur la taxe d'accise utiliserait d'une manière plutôt étroite les mots «ou une autre structure», en visant uniquement les structures fixées au sol. Si cela est bien le cas, l'intention du législateur qui ressort de l'article 29(2b) serait d'empêcher l'inégalité entre l'imposition des «entre- preneurs» et celle des «fabricants» pour la fabrication de produits concurrents.
Notre argument est que, dans certains cas, nous sommes aux prises avec le même dilemme «entrepreneurs»-»fabri- cants» en ce qui concerne le fisc. En d'autres termes, nous nous trouvons parfois en concurrence directe avec des personnes qui fabriquent, en utilisant une licence d'«entre- preneur», des «structures» destinées à un usage identique à celui de notre produit. Les implications fiscales de cet état de choses sur notre capacité de faire des soumissions com- pétitives sont évidentes. Nous sommes d'avis que l'article 29(2b)a) devrait, pour se conformer à son but, s'appliquer aux situations dans lesquelles il existe un conflit évident entre notre entreprise et les exploitants d'une licence d'«en- trepreneur». Il faut insister aussi sur le fait que c'est l'appli- cation de la taxe fédérale qui est contestée et non pas son montant de 12%.
Convaincus du bien-fondé de notre position concernant l'interprétation et l'application de l'article 29(2b)a), et la manière dont il peut nous être appliqué dans certains cas, nous avons agi en capacité d'«entrepreneur» pour deux de nos derniers contrats. Les contrats en question portaient sur deux ensembles de brise-lames en béton. Dans ces deux cas notre brise-lames en béton s'est trouvé en concurrence avec trois autres types de brise-lames, soit un brise-lames créé par enrochement, un brise-lames formé de pilotis, et un brise-lames de rondins flottants.
Par conséquent, pour améliorer notre position vis-à-vis de nos concurrents ou au moins pour démarrer au même niveau, nous avons agi à titre d'«entrepreneur» pour ces deux travaux, et nous n'avons payé la taxe fédérale que sur les matériaux.
Nous vous soumettons cette lettre dans le but de préciser notre lettre antérieure du 25 novembre 1968. A la lumière de ce qui précède, nous vous demandons respectueusement de reconsidérer notre situation en ce qui concerne l'article 29(2b)a) de la Loi sur la taxe d'accise.
(4) Lettre du ministère du Revenu national à l'appelante, datée du 30 septembre 1969:
Suite à notre correspondance antérieure et à la réunion du 25 septembre 1969 avec M. L. J. Vetter concernant l'appli- cation de la taxe de vente à vos produits flottants en béton.
Conformément aux applications données lors de la réu- nion, le Ministre est d'avis que, pour les fins de l'article 29(2b)a) et b) de la Loi sur la taxe d'accise, les personnes qui produisent les marchandises en question doivent être en concurrence avec des personnes qui construisent ou érigent à pied d'oeuvre des marchandises semblables, c.-à-d. du
béton en concurrence avec du béton, ou du bois en concur rence avec du béton, ou du bois en concurrence avec du bois. On ne peut dire que les produits flottants en béton de votre fabrication soient en concurrence avec des produits semblables fabriqués à pied d'oeuvre. Par conséquent, les docks, quais et pontons flottants en béton de votre fabrica tion doivent être imposés sur le prix de vente. L'on vous a également confirmé que nous ne considérons pas les mar- chandises flottables en question comme des structures au sens de l'article 29(2b).
Nous vous remercions de votre collaboration et de votre patience et nous regrettons de n'avoir pu, dans le cadre de la législation en vigueur, en arriver à une décision conforme à vos désirs.
(5) Lettre du ministère du Revenu national aux avocats de l'appelante, datée du 17 décem- bre 1969:
Suite à votre lettre du 10 décembre 1969, demandant nos commentaires sur la rédaction d'un projet d'exposé des différends entre le Ministre et votre entreprise sur l'inter- prétation de l'article 29(2b)a) et b) de la Loi sur la taxe d'accise.
Nous considérons que la rédaction de votre projet exprime clairement les questions en litige.
Le projet d'exposé mentionné dans cette der- nière lettre semble être celui qui apparaît à la page 52 du dossier et se lit comme suit:
COMMISSION DU TARIF
EXPOSÉ DES DIFFÉRENDS
QUESTIONS EN LITIGE:
OBJET: L'ARTICLE 29(2b)a) et b), DE LA «LOI SUR
LA TAXE D'ACCISE», S.R.C. 1952, CHAPITRE 100
a) L'expression «en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structu res analogues» est-elle limitée aux cas des matériaux «analogues» sont utilisés c.-à-d., du béton en concur rence avec du béton, du bois en concurrence avec du bois?
b) L'expression «structure» comprend-elle des docks flottants, des quais flottants et des jetées flottantes?
La demande présentée à la Commission du tarif, modifiée pendant les audiences de la Com mission du tarif, porte la date du 15 avril 1970 et se lit en partie comme suit:
A VIS DE DEMANDE
AVIS EST DONNÉ que la Cefer Designs Ltd. deman- dera à la Commission du tarif de déclarer les docks, quais et brise-lames flottants en béton fabriqués par la Cefer Designs Ltd. exempts de la taxe de vente, conformément aux dispositions de la Loi sur la taxe d'accise.
EXPOSÉ DES FAITS
a) La Cefer Designs Ltd. est une corporation dûment constituée en vertu des lois de la province de la Colom- bie-Britannique, ayant son siège social au 1075 rue Geor- gia Ouest, bureau 1410, dans la cité de Vancouver, et un bureau d'affaires au 899 River Road, dans la municipalité de Richmond (province de Colombie-Britannique).
b) La Cefer Designs Ltd. fabrique, dans son usine de Richmond (Colombie-Britannique), les éléments modulai- res en ciment des docks, brise-lames et quais flottants.
c) La Cefer Designs Ltd. fabrique ou produit ces docks, quais et brise-lames ailleurs qu'à pied d'oeuvre, en concur rence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structures analogues non ainsi fabriqués ou produits.
d) Dans l'alternative, la Cefer Designs Ltd. fabrique ou produit, ailleurs qu'à l'endroit de la construction ou du montage d'un bâtiment ou d'une autre structure, lesdits docks, quais et brise-lames destinés à être incorporés à un bâtiment ou une structure, en concurrence avec des per- sonnes qui construisent ou montent des bâtiments ou d'autres structures sont incorporés des éléments de ce genre, non ainsi fabriqués ou produits.
POINTS DOUTEUX OU DIFFÉRENDS
e) Le différend entre la Cefer Designs Ltd. et le sous- ministre du Revenu national pour les douanes et accise porte sur les questions suivantes:
(i) l'expression «en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structu res analogues» vise-t-elle uniquement des matériaux «analogues» c.-à-d. du béton ou du bois en concurrence avec du bois.
(ii) l'expression «structure» comprend-elle les docks, quais ou brise-lames en ciment, ou des éléments modu- laires de ces constructions, d'une dimension et d'une conception analogues à ceux fabriqués par la Cefer Designs Ltd.
h) La Cefer Designs Ltd. demande une déclaration en ces termes:
1. l'expression «structure» employée dans l'article 29(2b)a) et b) de la Loi sur la taxe d'accise comprend les quais, docks et brise-lames flottants en ciment ou les éléments modulaires de ces constructions du type fabri- qué par la Cefer Designs Ltd.;
2. l'expression «en concurrence avec des personnes qui construisent ou montent des bâtiments ou structures analogues ...» employée dans l'article 29(2b)a) et b) de la Loi sur la taxe d'accise ne se limite pas à des matériaux «analogues», et
3. aux fins de la Partie VI de la Loi sur la taxe d'accise, la Cefer Designs Ltd. est réputée ne pas être fabricant ou producteur de docks, quais et brise-lames flottants en ciment;
4. les docks, quais et brise-lames flottants produits par la Cefer Designs Ltd. sont exempts de la taxe prévue par la Loi sur la taxe d'accise.
Les constatations de faits de la Commission du tarif se lisent comme suit:
L'appelant fabrique des parallélipipèdes en béton, longs et creux, dont la forme peut varier si nécessaire pour s'adapter aux besoins; dans un cas cité en exemple, ils mesurent 20 x 4 x 80 pieds. On les désigne couramment sous le nom de segments, terme ci-après employé.
L'appelant fabrique en cale sèche des segments de dimen sions appropriées selon l'utilisation prévue; ceux-ci sont ensuite mis à flot et remorqués jusqu'à l'endroit ils seront utilisés. ils sont convenablement attachés ensem ble de manière à former un dock flottant, un quai ou un brise-lames. On peut employer diverses méthodes pour garder le dock flottant, quai ou brise-lames en place; les extrémités extérieures d'un ensemble de plusieurs segments peuvent être amarrées à une palplanche ou à un corps mort, enfoncé dans le lit de la mer; on peut les amarrer à l'aide de lourdes chaînes et d'ancres, ou encore, à l'aide de pattes rigides, ordinairement en bois ou en acier, qui sont fixées à la rive. Ces méthodes permettent au dispositif de s'élever et de s'abaisser verticalement avec la marée, tout en évitant au maximum les mouvements horizontaux.
Une fois en place, les installations de l'appelant servent de brise-lames, de docks ou de quais qui permettent aux personnes ou aux véhicules de se rendre aux navires amar- rés. La surface du tablier peut être couverte d'un matériau autre que le béton comme le bois ou l'acier.
Il existe des installations concurrentes en béton ou en bois, dont le flottage se fait à l'aide de bois, de mousse de polystyrène, de fibre de verre ou autres matériaux.
Ces diverses installations ont des avantages et des incon- vénients qui permettent la concurrence dans le domaine de l'adaptation à une utilisation donnée, des frais d'installation et d'entretien, de la résistance ou de la durée de vie utile.
Les installations de l'appelant sont toutes construites sur commande en fonction de l'usage exprès de chaque client et conçues pour l'usage permanent du client à l'endroit par lui indiqué.
Selon moi, l'article 57 n'attribue pas à la Commission du tarif la compétence pour tran- cher le genre de problème soulevé par cette demande. Il est évident que l'article 57 s'appli- que à toute question portant sur l'appartenance d'un article donné à l'une des classes d'articles mentionnées à l'annexe III et donc exemptes de la taxe imposée par l'article 30(1) (article 32(1)) ou à toute question portant sur l'appartenance d'un article donné à l'une des catégories énumé- rées à l'annexe IV et donc assujetties à la moitié de la taxe imposée par l'article 30(1) (article 32(2)). Toute question de ce genre peut être posée comme étant d'application générale, à la condition de fournir une description suffisam- ment précise des articles en question. En d'au- tres termes, une telle question ne doit pas être posée dans le contexte d'une transaction donnée dont ces marchandises feraient l'objet.
C'est-à-dire que l'effet de l'article 57, lorsqu'on lit ensemble les paragraphes (1) et (2), est d'au- toriser la Commission du tarif à émettre une déclaration d'application générale sur la ques tion de savoir si une catégorie déterminée d'arti- cles est exonérée de la taxe ou bénéficie d'un taux spécial, après avoir donné à toutes les personnes intéressées dans cette déclaration la possibilité d'être entendues.
Toutefois, si une question se pose sur le point de savoir si une personne est le fabricant ou le producteur de certains produits, elle doit être décidée en tenant compte des circonstances d'une certaine transaction. Ceci est évidemment le cas, si la question soulevée est une pure question de fait, à savoir si le défendeur est le fabricant ou le producteur des marchandises en question. La Cour suprême du Canada, dans l'affaire Goodyear Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. c. T. Eaton Co. Ltd. [1956] R.C.S. 610, a décidé que l'article 57 ne s'appliquait pas lorsqu'il s'agissait de savoir si une personne devait être qualifiée de fabricant ou de produc- teur aux fins de la taxe de vente en vertu de l'article 2(1)aa) de la Loi sur la taxe d'accise (qui à cette époque était l'article 2a)(ii) de la Loi). Selon moi, on retrouve essentiellement le même type de problème à propos de l'article 29(2b). Une telle question doit être décidée en tenant compte de chaque transaction. La ques tion de savoir si les exigences de l'article 29(2b) ont été respectées, et donc si l'appelante, qui en l'absence de ce texte serait considérée comme le fabricant ou le producteur aux fins de la taxe de vente, doit effectivement, en vertu de cet article, être réputée ne pas en être le fabricant ou le producteur, est nécessairement une ques tion à trancher en fonction de produits déterminés.
L'impossibilité de résoudre une question por- tant sur l'article 29(2b) par une procédure met- tant en cause une catégorie d'articles telle que celle que prévoit l'article 57, apparaît nettement si l'on considère la complexité des problèmes juridiques en matière de taxe de vente qui peu- vent se poser pour la construction d'un quai. Que l'on songe aux possibilités suivantes:
1. Si un entrepreneur qui a conclu un con- trat pour la construction à pied d'oeuvre d'un quai fixe, achète des matériaux fabriqués ou
produits par quelqu'un d'autre et les incor- pore à cet immeuble un à un à mesure que s'élève la structure, il est probable qu'il n'est pas assujetti à la taxe de vente.
2. Si un entrepreneur qui a conclu un con- trat pour la construction d'un quai à pied d'oeuvre, fabrique ou produit des matériaux ou des pièces et les incorpore à l'immeuble à mesure qu'il monte la structure, il sera réputé en vertu de l'article 31(1)d) avoir vendu ses matériaux ou ses pièces et devra payer la taxe de vente sur ces produits. Voir l'arrêt The King c. Dominion Bridge Co. Ltd. [1940] R.C.S. 487.
3. Si un entrepreneur qui a conclu un con- trat pour la construction d'un quai flottant, du type visé par les contrats de l'appelante, fabrique ou produit des pièces, les assemble et les installe à pied d'oeuvre comme le fait l'appelante, chaque cas peut soulever la ques tion de fait et de droit suivante:
a) peut-on dire que le quai ne fait pas partie de l'immeuble, de sorte que l'entre- preneur est le fabricant des pièces et les vend conformément à un contrat qui pré- voit leur installation, ou
b) doit-on dire que le quai, bien qu'il flotte, une fois installé, à un endroit fixe, n'en fait pas moins partie de l'immeuble, de sorte que l'assujettissement à la taxe de vente dépend de l'article 31(1)d)?
La réponse à cette dernière question pourrait, à ce qu'il me semble, changer selon les circons- tances de chaque espèce, et j'incline à penser que la question de savoir si le quai est une «structure» pourrait changer aussi. J'estime que, de la même manière qu'un escalier roulant ou un ascenseur fait normalement partie d'un immeuble, un quai flottant ou une installation analogue, fixé à demeure pour la durée prévisi- ble de sa «vie» utile peut faire partie d'un immeuble et, dès lors, il me semble qu'il peut fort bien être une «structure» au sens ordinaire de ce mot. 2 Ce que je viens de dire est, bien sûr, obiter dicta; c'est sous la même réserve que je serais également disposé à émettre l'opinion suivante, considérant l'histoire malheureuse de cette affaire: une section d'un dock en béton peut bien être «analogue», en tant que section
d'une structure, à une section faite avec un autre matériau. Ici encore, toutefois, il s'agit d'une question qu'on ne peut décider qu'à partir des faits d'une situation particulière et non pas par une opinion sur la «classification» prévue par l'article 57.
Me bornant à ces observations, je dois m'abs- tenir d'exprimer une opinion sur la justesse de l'analyse faite par la Commission du tarif dans sa déclaration. Non seulement parce que, comme je l'ai déjà indiqué, il s'agit d'une question que l'on ne peut décider qu'en tenant compte d'une situation particulière, mais aussi parce que, si la Commission du tarif n'était pas compétente pour rendre cette déclaration, la Cour ne saurait «entreprendre un examen du litige quant au fond»; 3 et, d'après moi, la Com mission du tarif n'avait pas compétence pour rendre la déclaration demandée. Le critère de distinction entre les cas l'article 57 donne compétence à la Commission en ce qui con- cerne l'assujettissement (et non la quotité) et ceux l'article 57 ne lui donne pas cette compétence ressort clairement des jugements rendus par le juge Fauteux (maintenant juge en chef) au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Goodyear Tire, à la page 615, il dit:
[TRADUCTION] La question de savoir si un article donné est frappé d'une taxe est une question d'intérêt général dans tout le Canada, ce qui justifie qu'un avis soit donné aux tiers intéressés pour qu'ils puissent être entendus s'ils le désirent. Mais la question de savoir si une personne donnée est assujettie au paiement de la taxe imposée sur un article est un litige entre cette personne et la Couronne.
La Commission du tarif a rejeté la demande présentée en vertu de l'article 57 parce qu'elle a conclu que cette demande était mal fondée. D'après moi, la demande devait effectivement être rejetée, mais pour le motif que la Commis sion du tarif n'était pas compétente pour rendre la déclaration demandée.
A mon avis, l'appel doit donc être rejeté parce que la décision de la Commissidn du tarif était juste, bien que rendue pour des motifs erronés.
* * *
LE JUGE THURLOW (oralement)—L'article 57(1) de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1952, c. 100 a subi quelques modifications
depuis 1956, année de l'arrêt Goodyear (Good- year Tire & Rubber Co. of Canada Ltd. c. T. Eaton Co. Ltd. [1956] R.C.S. 610), mais son but et sa portée générale n'ont pas changé et pour les produits en cause dans la présente affaire, la liste des questions qui peuvent être décidées en vertu de cette disposition n'est pas plus longue aujourd'hui qu'à cette époque. Au moment l'appelante a présenté sa demande à la Commission du tarif, le paragraphe (S.C. 1967-68, c. 29, art. 8) se lisait ainsi:
57. (1) Lorsqu'il se produit un différend ou qu'un doute existe sur la question de savoir si, aux termes de la présente loi, un article est assujetti à la taxe ou sur le taux applicable à l'article, la Commission du tarif, instituée par la Loi sur la Commission du tarif, peut déclarer quel taux de taxe est exigible sur l'article ou déclarer que l'article est exempt de la taxe en vertu de la présente loi.
Les marchandises produites par l'appelante ne relèvent pas d'une catégorie exonérée de la taxe de vente et la question qui se pose dans cet appel ne porte pas non plus sur le taux applica ble à ces marchandises. Il m'apparaît plutôt que la question porte sur l'assujettissement de l'ap- pelante à la taxe.
En vertu de l'article 30 de la Loi, la taxe de vente est imposée sur le prix de vente de toutes les marchandises produites ou fabriquées au Canada (ce qui comprend les marchandises du genre dont il est question); elle est payable, sauf dans certains cas particuliers, par le producteur ou le fabricant de ces marchandises à certains moments précis.
Il me semble que l'effet de l'article 29, sur lequel l'appelante se fonde, est d'affranchir le fabricant ou le producteur de la taxe lorsque sont réunies certaines conditions définies par ce texte. On parvient à ce résultat par une fiction: le fabricant ou le producteur est réputé ne pas être le fabricant ou le producteur. Bien qu'il puisse s'ensuivre que personne ne soit assujetti à la taxe et qu'en ce sens les marchandises soient également exonérées, le véritable effet est d'affranchir, dans une situation bien précise, une personne en particulier qui, sans cela, serait assujettie.
L'économie de ce texte ne vise donc pas à exempter les marchandises mais à exempter la personne; la question de l'existence des condi tions permettant d'exempter une personne en
particulier n'est pas non plus une question por- tant sur le taux applicable à ces marchandises ou sur l'exemption de ces marchandises que ne l'était la question soulevée dans l'arrêt Good- year Tire. Selon moi cet arrêt s'applique aux circonstances de l'espèce, et permet de conclure que la Commission du tarif n'avait pas compé- tence pour entendre la demande ayant donné lieu à la décision qui fait l'objet du présent appel.
Je rejette donc l'appel. Je ne voudrais cepen- dant pas laisser croire, par cette conclusion, que j'approuve la décision de la Commission du tarif selon laquelle les installations construites par l'appelante, et mises en cause dans ces procédures, ne sont pas des «structures» au sens de l'article 29 de la Loi sur la taxe d'ac- cise. Selon moi, nous n'avons pas à trancher cette question, et je préfère ne pas exprimer d'opinion à ce sujet.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT SWEET a souscrit.
LE JUGE EN CHEF JACKETT:
1 Cette déclaration ayant été présentée avant la mise en vigueur des Statuts révisés de 1970, je citerai la loi telle qu'elle se lisait avant la refonte législative.
2 En exprimant cette opinion, je ne prétends pas me prononcer sur les critères qu'il faudrait appliquer. Je veux dire simplement que je n'accepte pas, telle qu'elle ressort de la correspondance, la thèse sur laquelle le ministère du Revenu national a fondé sa décision.
3 Voir à ce propos l'arrêt Goodyear Tire, (précité), à la p. 611 le juge Fauteux (maintenant juge en chef) prononce le jugement majoritaire de la Cour suprême du Canada.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.