T-1480-72, T-1481-72
Jack K. Holmes (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
et
T-1476-72, T-1477-72
Douglas L. Crowe (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
et
T-1478-72, T-1479-72
Peter C. G. Power (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
et
T-1482-72, T-1483-72
John M. Johnston (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Catta-
nach—Calgary, les 6, 7, 8 et 9 novembre 1973;
Ottawa, le 24 janvier 1974.
Impôt sur le revenu—Un cabinet d'avocats a constitué une
compagnie devant s'occuper de ses services administratifs—
Le cabinet d'avocats a déduit de son revenu le montant de la
commission payée d la compagnie—Déduction permise en
vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, art. 12(1)a) et art.
137(1).
Les demandeurs, avocats-associés, ont constitué une com-
pagnie dont l'objet était de reprendre les biens corporels du
cabinet et d'assurer les services de gestion relatifs aux
aspects administratifs des activités du cabinet d'avocats. La
compagnie payait les frais généraux du cabinet; ce dernier
les lui remboursait et, en outre, lui versait une commission
de 15% de ce prélèvement pour frais généraux.
Le Ministre, en établissant la cotisation des demandeurs
pour les années d'imposition 1968 et 1969, admit la déduc-
tion des sommes versées à la compagnie à titre de rembour-
sement des frais généraux du cabinet, mais refusa la déduc-
tion des sommes versées à titre de commissions.
Arrêt: l'appel est accueilli; la commission constitue une
dépense engagée dans le but de produire un revenu et sa
déduction est donc autorisée, lors du calcul du revenu, en
vertu de l'article 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'opération en cause n'était pas de nature à réduire de façon
factice le revenu et la déduction du montant de la commis
sion n'est donc pas interdite par l'article 137(1).
Arrêts suivis: Shulman c. M.R.N. [1961] R.C.É. 410 et
Grotell c. M.R.N. 72 DTC 6409.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
B. A. Felesky pour les demandeurs.
L. P. Chambers pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Fenerty, McGillivray et Cie, Calgary, pour
les demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
la défenderesse.
LE JUGE CATTANACH—Les demandeurs men-
tionnés dans l'intitulé de la cause sont avocats
et se sont associés pour exercer leur profession
sous la raison sociale de Holmes, Crowe, Power
and Johnston dans la cité de Red Deer (Alberta).
Les présentes actions, huit en tout, sont des
appels interjetés par les demandeurs de leurs
cotisations respectives à l'impôt sur le revenu
établies par le ministre du Revenu national pour
leurs années d'imposition 1968 et 1969.
Sur requête, avec l'accord des parties, il fut
ordonné que les appels interjetés par chaque
partie respectivement soient entendus ensemble
sur preuve commune.
En établissant les cotisations des demandeurs,
le Ministre rejeta la déduction d'une partie des
dépenses déduites par ces derniers lors du
calcul de leurs revenus pour chacune des années
d'imposition en cause; les sommes en cause ont
été versées par le cabinet d'avocats à une com-
pagnie constituée en vertu des lois de la pro
vince de l'Alberta, sous le nom de Irish Manage
ment Ltd. Le cabinet d'avocats avait conclu un
accord avec cette compagnie, en vertu duquel
elle devait s'occuper du côté administratif des
activités du cabinet d'avocats par opposition au
côté professionnel. En vertu de cet accord, la
compagnie payait les dépenses du cabinet d'avo-
cats, que l'on a décrites comme un «prélève-
ment pour frais généraux»; le cabinet d'avocats
remboursait ces sommes à la compagnie et lui
versait en outre 15% du total de ces prélève-
ments pour frais généraux, à titre de
commission.
Le Ministre admit la déduction du montant
payé par le cabinet d'avocats à la compagnie à
titre de remboursement des frais généraux
directs, mais refusa la déduction de la somme
versée à ladite compagnie à titre de commission.
Il est plus clair d'exposer ces faits par le
tableau suivant:
ANNÉE D'IMPOSITION 1968
Montant déclaré à titre de
frais généraux directs $68,414.15
Montant déclaré à titre de
commission _ 9684.82
Total $78,098.97
Montant total admis par le
Ministre 68,299.35
Différence, ou montant total,
rejeté par le Ministre 9,799.62
Les montants rejetés ont été répartis entre les
associés de la manière suivante:
Holmes $2,939.89
Crowe 2,743.89
Power 2,547.90
Johnston 1,567.94
Total 9,799.62
(Je tiens à signaler incidemment qu'il y a une
différence entre le montant des frais généraux
directs déclaré par les demandeurs, soit
$68,414.15, et le montant total admis par le
Ministre, soit $68,299.35. La différence est de
$114.80. Le Ministre rejeta la totalité de la
commission, soit $9,684.82. C'est le rejet de la
déduction de ce montant qui fait l'objet du litige
entre les parties. Le rejet des $114.80 supplé-
mentaires n'est pas en litige et je présume donc
qu'il s'agissait d'une somme versée par le cabi
net d'avocats à la compagnie, considérée à tort
comme une dépense et dont les demandeurs ont
admis le rejet.)
ANNÉE D'IMPOSITION 1969
Montant déclaré à titre de
frais généraux directs $73,576.44
Montant déclaré à titre de
commission 10,439.74
Total $84,016.18
Montant total admis par le
Ministre 73,564.50
Différence, ou montant total
rejeté par le Ministre $10,451.68
Je remarque à nouveau une différence entre
le montant des frais généraux directs déclarés
par les demandeurs, soit $73,576.44, et le mon-
tant total admis par le Ministre, soit $73,564.50.
La différence est de $11.94. Si je me souviens
bien de la preuve, on a admis que certaines
sommes avaient été facturées à tort au cabinet
d'avocats à titre de paiements effectués par la
compagnie au nom de celui-ci. De toute façon,
le litige entre les parties porte sur la question de
savoir si le rejet de la déduction des commis
sions, soit $10,439.74 pour l'année d'imposition
1969, est justifié.
Les montants rejetés ont été répartis entre les
associés de la manière suivante:
Holmes $3,030.99
Crowe 2,612.92
Power 3,240.02
Johnston 1,567.75
$10,451.68
Il nous faut seulement décider si les commis
sions de $9,684.82 et de $10,439.74 payées par
le cabinet d'avocats pendant les années d'impo-
sition 1968 et 1969 sont déductibles lors du
calcul des revenus des associés pour ces années
d'imposition.
A l'appui de sa prétention que les commis
sions ne sont pas déductibles, le Ministre sou-
tient qu'il s'agissait d'un pourcentage des «frais
généraux directs» du cabinet d'avocats, soit ses
frais courants de fonctionnement payés par la
compagnie gérante, mais que le cabinet d'avo-
cats les lui remboursait par la suite. Le Ministre
soutient en somme que le cabinet d'avocats
aurait pu couvrir directement ces dépenses sans
l'intervention de la compagnie, que l'interven-
tion de la compagnie n'avait aucun motif com
mercial réel et qu'en conséquence, le paiement
des commissions n'avait aucun but utilitaire et
était tout à fait superfétatoire.
Sur la base de ces prémisses, le Ministre
soutient que les commissions ainsi payées par
les avocats-associés au cours des années d'im-
position 1968 et 1969 ne sont pas des sommes
déboursées ou dépensées en vue de gagner ou
de produire un revenu et ne peuvent donc être
déduites lors du calcul du revenu eh vertu de
l'article 12(1)a) de la Loi de l'impôt sur le
revenu.
L'article 12(1)a) se lit comme suit:
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune
déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la
mesure ot elle l'a été par le contribuable en vue de gagner
ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise
du contribuable,
Si l'on ne peut déduire les commissions à titre
de sommes déboursées ou dépensées aux
termes de l'article 12(1)a), l'affaire est réglée et
les appels des demandeurs doivent être rejetés.
Toutefois, si l'on conclut que la déduction des
commissions n'était pas interdite, le Ministre
soutient subsidiairement que les commissions
payées par les avocats-associés sont des dépen-
ses engagées relativement à une affaire ou opé-
ration qui, si elle était permise, réduirait indû-
ment ou de façon factice les revenus des
demandeurs. Elles ne peuvent donc être dédui-
tes lors du calcul du revenu, en vertu de l'article
137(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'article 137(1) se lit comme suit:
137. (1) Dans le calcul du revenu aux fins de la présente
loi, aucune déduction ne peut être faite à l'égard d'un
déboursé fait ou d'une dépense contractée, relativement à
une affaire ou opération qui, si elle était permise, réduirait
indûment ou de façon factice le revenu.
En présentant cette thèse, le Ministre n'a ni
prétendu ni soutenu que la compagnie n'était
qu'un subterfuge. On n'a pas contesté le fait que
le paiement des commissions à la compagnie
avait été effectué à bon droit en vertu d'une
obligation contractuelle de le faire.
Il semble que le Ministre soutienne en outre
qu'il n'y avait aucune raison, du point de vue
purement commercial, de payer des commis
sions et que les paiements en cause étaient
simplement un moyen de soustraire une partie
du revenu de manière à réduire artificiellement
le revenu de chacun des demandeurs en propor
tion de leurs parts respectives dans ces
paiements.
Dans la plupart des provinces du Canada, à
l'exception remarquable de la Colombie-Britan-
nique, le droit, la tradition et l'éthique profes-
sionnelle permettent seulement aux personnes
physiques d'exercer la profession d'avocat. La
raison en est évidente. Pour être autorisé à
exercer la profession d'avocat, il faut poursui-
vre de longues études, ce que seule une per-
sonne physique peut faire, et la responsabilité
personnelle de l'avocat envers son client est
telle que cette responsabilité doit être assumée
par une personne physique plutôt qu'une per-
sonne morale ou fictive. En outre l'apparte-
nance aux barreaux des provinces, organismes
régissant la profession, est limitée aux person-
nes physiques et constitue une condition préala-
ble à l'exercice de la profession.
Bien que les avocats n'aient pas le droit de
constituer une société par actions afin d'exercer
leur profession, rien n'empêche un ou plusieurs
avocats de constituer une compagnie de gestion
et d'administration, ou d'engager les services
d'une telle compagnie, qui serait chargée des
services non-professionnels autrement fournis
par l'avocat.
Une telle compagnie fournit habituellement
les services non-professionnels suivants:
1. elle négocie et conclut le bail pour les
locaux occupés par le cabinet d'avocats, paie
le loyer et les frais de différents services et
conclut avec les avocats un contrat de
sous-location;
2. elle achète, détient, finance et répare tous
les meubles, machines à écrire et autres biens
nécessaires à l'exercice de la profession;
3. elle achète toutes les fournitures nécessai-
res;
4. elle achète et assure une bibliothèque juri-
dique complète; elle la met à jour en achetant
les nouvelles publications nécessaires à
l'exercice de la profession et en conservant
toutes les publications périodiques;
5. elle engage, forme et paie les employés,
gère le système d'avantages sociaux de l'en-
semble du personnel du cabinet, autres que
les avocats et les étudiants en droit;
6. elle assure la tenue des registres et les
services de comptabilité, elle envoie et règle
les factures, et s'occupe des autres services
de ce genre, excepté la certification des
comptes en fiducie auprès du Barreau dont la
responsabilité incombe au cabinet d'avocats,
et
7. elle assure les services de gardiennage.
Il est également habituel que ces services
soient fournis en vertu d'un contrat de régie,
c'est-à-dire que la compagnie effectue tous les
paiements au nom du cabinet d'avocats, y
ajoute un pourcentage à titre de bénéfices, soit
15% dans l'affaire présente, et facture en con-
séquence le cabinet d'avocats.
C'est précisément ce que firent les deman-
deurs en l'espèce, en tant qu'avocats-associés.
Dans son témoignage complet et détaillé, Me
Peter C. G. Power, celui des associés qui assu-
rait la gestion du cabinet d'avocats aux époques
en cause, exposa les motifs qui incitèrent le
cabinet d'avocats à confier ses fonctions de
gestion et d'administration à une compagnie
constituée à cet effet.
Il avait assumé les fonctions de gérant de la
société et avait donc suivi des cours et lu de
nombreux articles relatifs à l'organisation admi
nistrative des cabinets d'avocats. Il savait que,
dans les professions libérales, un nombre crois
sant de sociétés adoptaient ce système qui per-
mettait d'avoir recours à une compagnie de ges-
tion pour assurer les fonctions non
professionnelles; il en connaissait les avantages.
Je résumerai plus tard l'exposé qu'il a fait des
avantages de cette méthode dans le cadre du
cabinet d'avocats dont il était membre.
Après discussion avec les comptables agréés
du cabinet et une période d'essai pendant
laquelle on accrut les fonctions confiées au
directeur administratif du cabinet, qui avait
accepté de devenir directeur général de la com-
pagnie une fois qu'elle serait constituée, on créa
le 8 mai 1967, une compagnie sous le nom de
Irish Management Ltd., dont l'objet était de
reprendre les biens corporels du cabinet d'avo-
cats, d'assurer les fonctions du directeur admi-
nistratif ainsi que, par exemple, de s'occuper
des meubles et de l'équipement du bureau.
Les actionnaires à parts égales étaient Jean
Holmes, Florence Crowe, Donagh Power et
Shirley Johnston, les épouses des avocats-asso-
ciés. Elles avaient toutes eu, avant leurs maria-
ges, quelque expérience et formation en matière
commerciale.
Alors que leurs épouses détenaient des parts
égales dans la compagnie, les membres du cabi
net d'avocats n'étaient pas associés à parts
égales. Par la suite, lorsqu'un jeune avocat céli-
bataire fut admis dans le cabinet d'avocats, à
titre d'associé, on lui offrit de devenir action-
naire de la compagnie, s'il le désirait. Puisqu'il
était célibataire, il exerça cette option person-
nellement et devint actionnaire à part égale avec
les autres, mais cette proportion ne s'appliquait
pas à sa situation par rapport au cabinet
d'avocats.
Lors de la constitution de la compagnie, tous
les meubles et tout l'équipement du cabinet
furent vendus à la compagnie à leur valeur
amortie, de sorte qu'il n'y eut pas recouvrement
de l'allocation à l'égard du coût en capital.
Les meubles et l'équipement, soit 215 pièces
environ, furent reloués au cabinet d'avocats au
prix de 2.5% du coût payé par la compagnie,
chiffre suggéré par les comptables du cabinet
d'avocats.
L'achat des meubles et de l'équipement a été
financé par des prêts bancaires consentis aux
femmes, sans la garantie de leurs époux.
Le bail relatif aux locaux fut conclu entre le
propriétaire et la compagnie. Le propriétaire
hésita quelque peu à conclure un bail avec la
compagnie plutôt qu'avec le cabinet d'avocats,
mais Power sut convaincre le mandataire du
propriétaire de la solidité de la situation finan-
cière de la compagnie. En fait, il négocia le bail
au nom de la compagnie. Le cabinet d'avocats
sous-loua alors les locaux à la compagnie.
Le lC1 mai 1967, le cabinet d'avocats et la
compagnie conclurent un accord relatif à la ges-
tion en vertu duquel la compagnie s'engageait à
assurer les services suivants pour le cabinet
d'avocats:
1. engager des secrétaires et des employés de
bureau;
2. engager le personnel chargé de l'entretien;
3. louer tout l'équipement, tous les meubles
et le matériel de bureau;
4. acheter toutes les fournitures de bureau
ainsi que les formules juridiques;
5. acheter tous les périodiques ainsi que les
publications professionnelles;
6. acheter tous les manuels et ouvrages de
référence;
7. louer les locaux nécessaires;
8. assurer la direction des secrétaires et
employés de bureau;
9. assurer la direction du personnel chargé de
l'entretien;
10. engager le personnel chargé de la compta-
bilité et de la vérification et
11. assurer toute autre fonction qui lui serait
attribuée par accord entre les parties.
En contrepartie de ces services, le cabinet
d'avocats a convenu de verser 15% des dépen-
ses engagées par la compagnie au nom du
cabinet.
Au début, le cabinet d'avocats versait ces
sommes à la compagnie au commencement de
chaque mois, car la compagnie n'avait pas
encore rassemblé les fonds nécessaires pour
remplir ses engagements et devait donc compter
sur ces paiements anticipés.
Les parties décidèrent de verser à la compa-
gnie une commission de 15% pour les services
fournis, sur la recommandation des comptables
agréés du cabinet d'avocats.
Il ressort de la preuve que ce pourcentage
correspond aux taux habituels pour de tels con-
trats de gestion.
En conséquence de cette entente, le cabinet
d'avocats versait chaque mois une somme glo-
bale à la compagnie pour les services adminis-
tratifs qu'elle fournissait et qui auraient été nor-
malement assurés par le cabinet d'avocats
lui-même, et on déduisait la marge bénéficiaire
de 15% versée à la compagnie du revenu du
cabinet à répartir entre les associés. En fait, le
revenu des associés était réduit du montant cor-
respondant à 15% de tous les services non
professionnels fournis. Ce versement de 15%
représentait un revenu pour la compagnie.
Au paragraphe 2 de la déclaration, sous la
rubrique [TRADUCTION] «Motifs invoqués à l'ap-
pui de l'appel», les demandeurs prétendent que
[TRADUCTION] 2. Le Ministre a imposé la compagnie sur le
montant total de son revenu en 1968 et 1969. Il est donc
illogique que le Ministre rejette aussi la déduction des
commissions au titre de dépenses engagées par le contribua-
ble et ajoute ainsi ce montant à son revenu imposable. Il
s'agit en fait d'une double imposition.
Le Ministre a nié l'ensemble des allégations
de la partie de la déclaration intitulée [TRADUC-
TION] «Motifs invoqués à l'appui de l'appel».
Le fait qu'une certaine somme constitue un
revenu entre les mains du bénéficiaire, n'en-
traîne pas nécessairement que ladite somme est
une dépense déductible pour le payeur. De toute
façon, la cotisation de la compagnie ne m'a pas
été soumise de sorte que je ne suis pas obligé de
décider si les 15% de marge bénéficiaire versés
par le cabinet d'avocats à la compagnie repré-
sentent un revenu pour cette dernière. Il s'agit
pour moi de décider si un tel paiement constitue
une dépense déductible lors du calcul du revenu
des avocats-associés.
Me Power témoigna que la décision de confier
l'exécution des fonctions administratives du
cabinet à une compagnie fut le résultat d'une
étude approfondie et minutieuse.
Me Power, l'associé chargé de la gestion, pas-
sait une ou deux heures par jour à s'occuper des
tâches administratives dont il ne tirait aucune
rémunération. Il jugeait préférable de consacrer
tout ce temps à des problèmes juridiques pour
lesquels on pouvait obtenir une rémunération.
Il fit remarquer que le cabinet d'avocats s'oc-
cupait de la pratique générale du droit à Red
Deer (Alberta), une ville de 25,000 habitants,
mais desservait en outre la région centrale de
l'Alberta comprenant 100,000 habitants. Le
cabinet d'avocats avait donc de nombreux
clients, ce qui augmentait d'autant les travaux
administratifs.
On décida d'abord, à titre d'expédient, de
confier plus de responsabilités administratives à
M me Robinson, qui, depuis de nombreuses
années, s'occupait de la comptabilité. Elle fut
promue au poste de directeur administratif du
cabinet d'avocats.
On découvrit cependant que ce système ne
résolvait en rien le problème. Les employés
considéraient toujours l'associé chargé de la
gestion comme l'arbitre final en toutes matières.
Les fournisseurs de l'étude insistaient pour être
reçus par l'associé chargé de la gestion plutôt
que par M me Robinson à qui on leur avait dit de
s'adresser.
En outre, le cabinet d'avocats se trouvant
dans une petite communauté étaient souvent
obligé de fournir, à titre gratuit, des services de
secrétariat ou autres à de nombreuses entrepri-
ses communautaires et campagnes politiques.
Les associés étaient aussi d'avis qu'il fallait
rompre avec le passé et, à l'avenir, confier à une
compagnie ces demandes et services. Selon l'ex-
pression de Me Power, il fallait donner une
nouvelle image.
Le cabinet d'avocats occupait des locaux
devenus trop petits et dont le bail venait à
expiration. Les associés envisagèrent de démé-
nager dans des bureaux plus commodes et plus
modernes dans un immeuble en construction.
Les avocats, qui avaient tous environ le même
âge, voulaient absolument éviter de s'engager
personnellement dans le nouveau bail pour faci-
liter des changements éventuels dans la compo
sition de leur cabinet. Lorsqu'un associé souhai-
tait quitter le cabinet d'avocats, on avait
habituellement quelques difficultés à le libérer
des obligations découlant de son engagement
personnel en vertu du bail. En outre, les appa-
reils de chauffage et de climatisation des
anciens locaux étaient défectueux et plusieurs
membres du personnel avaient souffert d'intoxi-
cation à l'oxyde de carbone. Cet incident sou-
leva un problème de responsabilité en droit.
Après la constitution de la compagnie de ges-
tion, le bail des nouveaux locaux fut conclu
entre le propriétaire et la compagnie. Les avo-
cats-associés n'étaient plus responsables per-
sonnellement en vertu du contrat.
La compagnie assumait la responsabilité de la
tenure à bail et se chargeait des améliorations,
et le cabinet d'avocats la remboursait par la
suite.
Tous les meubles et le matériel de bureau, y
compris la bibliothèque juridique appartenant
auparavant au cabinet d'avocats furent vendus à
la compagnie. Il pouvait arriver qu'un avocat
employé à titre de salarié par la société soit
admis comme associé dans celle-ci. La société
ayant un actif important, le futur associé, habi-
tuellement jeune et au seuil de sa carrière juridi-
que, devait faire face à une mise de fonds
importante pour acquérir sa part proportionnelle
de l'actif, ce qui était assez lourd pour lui. Suite
à la vente de l'actif à la compagnie, un futur
associé n'était plus tenu d'acheter une part des
biens corporels du cabinet d'avocats.
Les employés de bureau du cabinet d'avocats
devinrent employés de la compagnie lors de sa
constitution. La compagnie était chargée de
payer leurs salaires, de les engager et de les
licencier. Elle s'occupait aussi de la bibliothèque
ainsi que des meubles de bureau, de sorte que
toutes les négociations à cet égard étaient
menées par le directeur général de la
compagnie.
Dès le début, toute l'organisation dépendait
essentiellement de ce que M me Robinson, qui
avait l'entière confiance des associés, devienne
directeur général de la compagnie, ce qui fut le
cas. Dans son nouveau poste, ses fonctions res-
tèrent les mêmes que celles de directeur
administratif.
On prévoyait au début que des clients autres
que le cabinet d'avocats pourraient utiliser les
services de gestion de la compagnie, à condition
qu'il ne s'agisse pas d'un autre cabinet d'avo-
cats. Les administratrices de la compagnie, les
épouses des avocats-associés, envoyèrent des
lettres aux habitants de Red Deer pour offrir les
services de secrétariat et de dactylographie de la
compagnie. Les personnes qu'on choisit d'infor-
mer de l'existence de ces services étaient celles
qui, à leur avis, pouvaient en avoir besoin. On
passa aussi des annonces dans le journal local.
Les travaux effectués pour d'autres clients
que le cabinet d'avocats pouvaient l'être par les
employés qu'on désignait sous le terme de «per-
sonnel flottant» et qui ne travaillaient pas seule-
ment pour le cabinet d'avocats. Les recettes de
la compagnie provenant de ces travaux étaient
minimes. En effet, il n'y avait dans la localité
qu'une faible demande pour de tels services.
Les objets de la compagnie l'autorisaient
aussi à s'occuper des meubles de bureau. Quand
les meubles du cabinet d'avocats furent rempla-
cés, la compagnie les vendit, mais ne tira qu'un
très faible revenu de cette opération.
A tous égards, on peut dire que les services
rendus par la compagnie ne s'adressaient qu'au
cabinet d'avocats.
On prit soin de s'assurer que toute personne
s'adressant parfois au cabinet d'avocats pour
une question d'ordre administratif avait été
informée que, dorénavant, toutes ces activités
étaient du ressort de la compagnie.
M me Robinson conserva cependant son bureau
dans les locaux du cabinet d'avocats sans que la
compagnie verse de loyer. Le nom de la compa-
gnie figurait sur le tableau placé à l'entrée prin-
cipale de l'immeuble, mais n'était pas inscrit sur
la porte du bureau de Mme Robinson. Le nom de
la compagnie figurait à l'annuaire téléphonique
et la compagnie possédait son propre papier à
lettres avec en-tête spéciale.
Le cabinet d'avocats exerçait effectivement
un contrôle sur les dépenses engagées par la
compagnie en son nom.
Me Power était au fait des avantages que
comportait l'attribution des activités administra-
tives du cabinet d'avocats à la compagnie, ce
qu'il mentionna dans son témoignage, et il savait
en outre que cela pouvait entraîner certaines
diminutions d'impôt. Cet avantage fiscal,
comme je l'ai mentionné plus haut, consistait
dans le fait que le revenu du cabinet d'avocats
était diminué de 15%, soit la marge bénéficiaire
payable à la compagnie, et que cette somme
serait imposable entre les mains de cette der-
nière. Pour déterminer quel en serait l'avantage
sur le plan fiscal, il faut comparer l'effet de
l'application des taux d'imposition des particu-
liers et des taux d'imposition des compagnies
aux sommes entre les mains des avocats-asso-
ciés et de la compagnie. Mais en plus de cette
économie d'impôt éventuelle que Me Power a
admis être un des facteurs déterminants dans la
décision de confier les fonctions administratives
du cabinet d'avocats à la compagnie, je suis
certain que ses associés et lui-même avaient à
l'esprit le profit qu'en tireraient leurs épouses,
en tant qu'actionnaires de la compagnie. De fait,
la compagnie versait des dividendes.
En se fondant sur cet historique des faits, le
Ministre prétend en premier lieu que les 15%
représentant les commissions calculées en fonc-
tion des «frais généraux directs» n'étaient pas
déductibles lors du calcul du revenu des deman-
deurs, au motif qu'il ne s'agissait pas d'une
somme dépensée en vue de gagner un revenu.
Le critère bien connu qu'il convient d'utiliser
à cet égard, revient à déterminer si la dépense
engagée faisait partie des méthodes employées
pour gagner un revenu.
11 n'est pas contesté que les dépenses enga
gées par le cabinet d'avocats, dans le but de
gagner un revenu, étaient déductibles à bon
droit. Ces dépenses portaient sur les services de
secrétariat, la location d'une ligne téléphonique,
les services de gardiennage, les taxes commer-
ciales municipales, certains services, les fourni-
tures de bureau, les ouvrages et périodiques
juridiques, le loyer des bureaux ainsi que la
location du matériel et des meubles de bureau.
La compagnie payait l'ensemble de ces factures
et le cabinet d'avocats la remboursait.
Le Ministre soutient que, de toute façon, le
cabinet d'avocats aurait contracté et payé ces
dépenses, comme il le faisait avant que ne s'in-
terpose la compagnie. C'est pourquoi le Ministre
prétend que les 15% que touchait la compagnie
à titre de commission pour les travaux effectués
au nom du cabinet d'avocats, constituaient une
somme que les avocats-associés auraient pu
éviter de débourser.
Je ne puis accepter la prétention ainsi formu-
lée. Il me semble que, si les dépenses engagées
pour les services en cause sont déductibles, rien
n'empêche le cabinet d'avocats de verser à la
compagnie une commission afin que celle-ci
s'occupe de ces activités et se charge des paie-
ments; j'estime en outre que Me Power invoque
d'excellentes raisons, sur le plan commercial,
pour agir ainsi et que le cabinet d'avocats, en
exploitant ses affaires de cette manière, s'est
conformé à des principes et usages commer-
ciaux bien établis.
A un certain moment, lors du témoignage de
M° Power, il fut établi que son revenu avait
augmenté d'une manière notable après la con
clusion du contrat de gestion entre le cabinet
d'avocats et la compagnie. Selon moi, cette
preuve tendait à démontrer que Me Power a vu
son revenu augmenter après la conclusion de ce
contrat et que cette augmentation était imputa-
ble audit contrat. A mon avis, la preuve ne
démontre aucunement que l'augmentation du
revenu de Me Power résultait du contrat de
gestion conclu par le cabinet d'avocats. Il est
vrai que Me Power était dégagé du fastidieux
fardeau des tâches de gestion quotidiennes. Il y
consacrait une à deux heures chaque jour. Il lui
fut alors permis de consacrer ce temps à ses
travaux professionnels. Le revenu tiré des tra-
vaux professionnels dépend cependant du
nombre de clients qui consultent l'avocat et non
du temps dont il dispose pour ces consultations.
Il est plus logique de supposer que l'augmenta-
tion du revenu de Me Power était imputable à
une augmentation du nombre de ses clients
plutôt qu'à l'accroissement de son temps dispo-
nible. Je pourrais mentionner aussi que Me
Power avait été victime d'une longue maladie au
cours de l'année précédente.
Les autres associés ne bénéficièrent pas d'une
augmentation de revenu équivalente à celle de
Me Power. Leurs revenus restèrent constants.
Le fait qu'on puisse démontrer qu'une aug
mentation de revenu est imputable à une
dépense n'a cependant aucun rapport direct
avec la question. La déductibilité d'une dépense
ne dépend pas du fait qu'on en a tiré un revenu
particulier ou qu'on puisse remonter du revenu
à la dépense; il n'est pas nécessaire non plus de
montrer un lien de causalité entre une dépense
et une recette, Une dépense peut être déducti-
ble, même si elle n'est à l'origine d'aucun
bénéfice.
A mon avis, la commission de 15% consti-
tuait une dépense engagée en vue de gagner un
revenu; il s'agissait d'une somme raisonnable
compte tenu des avantages qu'en tirait le cabi
net d'avocats. Les associés étaient dégagés de
toute responsabilité personnelle en vertu du bail
vis-à-vis du propriétaire. La compagnie assu-
mait cette responsabilité. Les associés n'avaient
plus à rendre de services gratuits aux plaignants,
que leurs causes soient bonnes ou non. Les
associés pouvaient se retirer du cabinet d'avo-
cats ou s'y associer plus facilement et à moindre
frais. Le transfert de la responsabilité concer-
nant le personnel, la tenue des comptes et leur
recouvrement permit au cabinet d'avocats de
fonctionner de façon plus efficace.
A l'appui de cette conclusion, je citerai les
remarques suivantes du juge suppléant Ritchie
dans l'arrêt Shulman c. M.R.N. 1 ou' il déclare à
la page 421:
[TRADUCTION] Le fait que l'indemnité de gestion ait été
versée à une compagnie dont l'appelant et son épouse sont
les seuls actionnaires et que, dans la mesure où cela ressort
du dossier, l'accord de gestion avait été négocié entre l'appe-
lant à titre personnel et l'appelant en sa qualité de manda-
taire de la Shultup, n'empêche pas en soi l'indemnité de
gestion d'être une dépense de fonctionnement légitime du
cabinet d'avocats.
Plus loin, il déclare, aux pages 421 et 422:
[TRADUCTION] Il n'est pas interdit à un avocat de conclure
un accord avec une compagnie pour lui confier des travaux
qui ne concernent pas, à proprement parler, son activité
professionnelle et qu'il pourrait effectuer lui-même s'il le
souhaitait. A moins d'y découvrir une fraude ou un autre
acte délictueux, il ne m'est pas possible de méconnaître
'[1961] R.C.É. 410.
l'existence juridique distincte de la Shultup ni de considérer
que la commission payable en vertu du contrat de gestion
n'est pas une dépense de fonctionnement légitime pour la
seule raison que l'appelant et son épouse sont les seuls
actionnaires de la Shultup et que l'appelant, en tant qu'avo-
cat, négociait avec lui-même, en tant que président de la
compagnie. Si la nouvelle cotisation doit être confirmée, il
faut trouver dans la procédure suivie pour mettre en oeuvre
les conditions de l'accord et dans les conséquences qui en
découlent, une justification permettant d'affirmer que la
déduction de $9,500 à titre de commission relève d'un des
deux articles de la Loi sur lequel s'appuie le Ministre, ou des
deux.
Un peu plus loin il affirme, aux pages 423 et
424:
[TRADUCTION] Au vu de la preuve non contestée soumise
par Shulman, je ne suis pas enclin à conclure que les
dispositions de l'article 12(1)a) exigent le rejet de l'appel.
D'après le témoignage de Shulman, ses fonctions en tant que
mandataire de la Shultup étaient directement liées à l'aug-
mentation du revenu du bureau et de son propre revenu
professionnel. Dans ces circonstances, je ne peux conclure
que le paiement des commissions, en elles-mêmes, ne consti-
tuait pas une dépense pouvant être justifiée en se fondant
sur le fait qu'elle a été engagée en conformité des principes
commerciaux ordinaires et de la pratique courante en
affaires.
J'ai cité les remarques précédentes du juge
Ritchie pour mettre en relief sa conclusion que
le paiement de commissions constituait une
dépense engagée dans le but de gagner ou de
produire un revenu provenant de l'entreprise du
contribuable et qu'en conséquence, sa déduction
n'est pas interdite lors du calcul du revenu en
vertu de l'article 12(1)a).
Le juge Ritchie a décidé que, dans les cir-
constances de l'affaire Shulman (précitée), l'ac-
cord de gestion conclu avec la compagnie ainsi
que la manière d'effectuer les transactions
avaient réduit de manière factice ou indue le
revenu de l'appelant et que les commissions
versées à la compagnie n'étaient pas déductibles
en vertu de l'article 137(1).
Dans l'affaire Grotell c. M.R.N. 2 , le contri-
buable, un médecin, exerçait sa profession en
association avec trois autres médecins. Ils créè-
rent une compagnie de gestion qui devait fournir
les services non médicaux assurés normalement
par la société. Les épouses des trois médecins et
deux des médecins détenaient les actions de la
2 72 DTC 6409.
compagnie de gestion. Les médecins fournis-
saient à l'association la plupart des services non
médicaux au nom de la compagnie de gestion
qui leur versait en contrepartie un salaire de $40
par mois. En ce qui concerne les services non
professionnels rendus par les médecins, rien
n'avait changé; les mêmes employés remplis-
saient les mêmes fonctions, mais avec plus d'ef-
ficacité. L'association des médecins paya à la
compagnie de gestion la somme totale de
$13,000 qui fut déclarée à titre de dépenses
d'exploitation. Sur cette somme, le Ministre
rejeta $4,700 qui avaient été versés à titre de
commission. Le solde correspondait au rem-
boursement des dépenses de l'association
payées en son nom par la compagnie de gestion.
Mon collègue Gibson décida que la somme
totale de $13,000 (y compris les commissions)
versée à la compagnie de gestion était déducti-
ble à bon droit du revenu de l'association. Il
décida que les contrats conclus entre l'associa-
tion des médecins et la compagnie de gestion
étaient des opérations commerciales effectuées
de bonne foi. Il décida en conséquence que (1)
les commissions (ainsi que les autres dépenses)
constituaient une dépense engagée ou déboursée
par l'appelant en vue de gagner ou de produire
un revenu tiré de l'exercice de la médecine au
sens de l'article 12(1)a) de la Loi et que (2) le
paiement des commissions et autres dépenses
n'étaient pas un déboursé ni une dépense con-
tractée relativement à une affaire ou opération
qui, si elle était permise, réduirait indûment ou
de façon factice le revenu.
La conclusion du juge Gibson selon laquelle
l'article 12(1)a) n'interdisait pas la déduction
des commissions, lors du calcul du revenu, coïn-
cide avec la conclusion à laquelle je suis par
venu en l'espèce. Je ne trouve aucune diffé-
rence importante entre les faits de l'appel
examinés par le juge Gibson et ceux des appels
présents. Je dirais même que les faits en l'es-
pèce sont plus favorables aux demandeurs, puis-
qu'ils n'ont pas participé au travail de la compa-
gnie de gestion et n'en étaient pas . des
actionnaires. L'avocat qui devint par la suite un
associé du cabinet d'avocats détient maintenant
des actions de la compagnie de gestion mais il
n'est pas demandeur dans ces appels.
Je vais examiner maintenant la deuxième pré-
tention du Ministre selon laquelle l'opération en
cause réduirait indûment ou de façon factice le
revenu et qu'en conséquence, la déduction des
honoraires de gestion lors du calcul du revenu
est interdite par l'article 137(1).
L'avocat du Ministre ne prétend pas que la
compagnie de gestion étaient un subterfuge et il
ne conteste pas le fait que les paiements du
cabinet d'avocats à cette dernière étaient effec-
tués à bon droit en vertu d'un contrat valide. Il
prétend par contre que les commissions ne sont
pas déductibles en vertu de l'article 137(1).
Le fondement de cette prétention, consiste à
dire, à mon sens, que les services fournis par la
compagnie de gestion pour le cabinet d'avocats
auraient pu être effectués par les avocats-asso-
ciés eux-mêmes et qu'en fait, le coût des servi
ces fournis auparavant par ces derniers ou leurs
propres employés était inférieur de 15%, soit le
montant de la commission, au coût des services
fournis par la compagnie; pour cette raison, ce
montant constituait une réduction indue ou fac-
tice des revenus des associés.
Il ressort de la preuve qu'une commission
s'élevant à 15% des dépenses faites au nom
d'un client correspond au taux normal courant
pour des services de ce genre. Pour cette raison,
le versement d'une commission de cet ordre ne
réduit pas indûment le revenu du payeur si la
dépense a été engagée pour des raisons com-
merciales légitimes.
A mon avis, pour déterminer s'il est approprié
de déduire les commissions, il faut décider
d'abord si le paiement desdites commissions en
vertu de ce contrat est motivé par des raisons
commerciales admissibles.
En décidant que les paiements des commis
sions constituaient une dépense engagée en vue
de produire ou de gagner un revenu provenant
de l'entreprise du demandeur, j'ai conclu en
même temps qu'il existait une motivation com-
merciale réelle impliquant des avantages
commerciaux.
Ceci étant, le paiement des commissions est
donc une dépense légitime proportionnée aux
avantages commerciaux imputables à l'exécu-
tion des travaux, et le paiement des commis
sions ne constitue pas une réduction factice du
revenu des demandeurs.
Pour tous ces motifs, je conclus que les
demandeurs sont autorisés, lors du calcul de
leur revenu pour les années d'imposition 1968
et 1969, à déduire leurs parts proportionnelles
des sommes de $9,684.82 et $10,439.74, soit le
montant des commissions payées par la société
au cours desdites années d'imposition et que les
nouvelles cotisations doivent être modifiées en
conséquence.
Les présents appels sont donc accueillis et les
cotisations déférées au Ministre pour les modifi
cations nécessaires. Les demandeurs ont droit à
leurs dépens taxés. Les appels ayant été enten-
dus sur preuve commune, les honoraires d'avo-
cats ne seront taxés qu'une fois.
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