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T-1671-72
Monsieur Silencieux Limitée (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Walsh— Montréal, le 17 octobre; Ottawa, le 15 novem- bre 1974.
Impôt sur le revenu—Déductions—Vente de silencieux de voiture—Certificat accompagnant chaque vente de silen- cieux—Le client a droit à un second silencieux neuf tant qu'il demeure propriétaire de la voiture—Le contribuable affec- tant à une réserve la partie du prix de vente afférente au remplacement—Cette réserve est-elle déductible du revenu?— Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 3a), 4, 12(1)a) et e), 8513(1)a) et c), (4).
Pour promouvoir ses ventes de silencieux de voitures, l'appelante, à chaque achat, remettait à l'acheteur un certifi- cat lui donnant droit, tant qu'il conservait la propriété et la possession de sa voiture, au remplacement gratuit de silen- cieux «s'il devenait défectueux sans votre faute». On rem- plaçait un silencieux tous les 22 mois, de sorte que, dans les années qui suivent la vente du silencieux originaire, un certain nombre de silencieux devait être utilisé aux fins de remplacement. Le prix d'achat des silencieux originaires, y compris une allocation de remplacement, était inclus dans le revenu brut à l'égard duquel on constituait une réserve pour la partie du prix d'achat afférente au remplacement des silencieux. Pour les années d'imposition 1967 et 1968, la demanderesse a déduit de son revenu des montants à titre de réserve à l'égard des silencieux qui, d'après les prévisions raisonnables, devraient être livrés après la fin de l'année. Le Ministre a rajouté les montants en question au revenu de la demanderesse pour les années en cause. La demanderesse a interjeté appel.
Arrêt: les déductions ne constituaient pas des montants raisonnables déductibles à titre de réserve en vertu des articles 85B(1)a) et c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, telle qu'elle s'appliquait alors. L'article 85B(4) a introduit une exception pour interdire les déductions à l'égard des «garan- ties ou indemnités». Ces termes doivent être pris dans un sens assez large pour englober toutes sortes de garanties ou d'indemnités dont la Loi voulait exclure la déduction immé- diate par voie de réserve, en raison de leur nature aléatoire et incertaine. Le coût du remplacement d'un silencieux pouvait certainement être réclamé comme une dépense pour l'année au cours de laquelle le remplacement a été réelle- ment effectué. La demanderesse a soutenu subsidiairement que les montants représentaient des engagements fixes, importants, continus et courants, de sa part, de livrer des marchandises, selon des usages et des principes comptables reconnus, et qu'en conséquence ils étaient déductibles en vertu des articles 3a), 4 et 12(1)a). Mais l'article 12(1)e) interdisait toutes déductions, sauf celles expressément auto- risées «par la présente Partie». Puisque les articles 85B et 12 se trouvent dans la même Partie de la Loi, on revient à la question tranchée plus haut, à savoir si la déduction de la
réserve était permise par l'article 85B(1)c) ou interdite par l'article 85B(4).
Arrêts examinés: Time Motors Limited c. M.R.N. [1969] R.C.S. 501; J. L. Guay Ltée c. M.R.N. [1971] C.F. 237 confirmé [1972] C.F. 1441; Kenneth B. S. Robertson Limited c. M.R.N. [1944] R.C.É. 170; West ern Vinegars Limited c. M.R.N. [1938] R.C.É. 39; Edward Collins & Sons Ltd. c. Commissioners of Inland Revenue (1924) 12 T.C. 773; Associated Inves tors of Canada Ltd. c. M.R.N. [1967] 2 R.C.É. 96; Capital Transit Limited c. M.R.N. (1952) 7 Tax. A.B.C. 19; McManus Motors Limited c. M.R.N. 53 DTC 255; M.R.N. c. Atlantic Engine Rebuilders Limited [1967] R.C.S. 477; Dominion Stores Limited c. M.R.N. [1966] R.C.É. 439 et Dominion Taxicab Association c. M.R.N. [1954] R.C.S. 82.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
Claude Thivierge et Brian Crane pour la demanderesse.
Roger Roy et A. Garon, c.r., pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Duquet, MacKay & Cie, Montréal, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE WALSH: La demanderesse interjette appel des cotisations à l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition se terminant les 30 novembre 1967, 31 décembre 1967 et 31 décembre 1968. Sa déclaration expose qu'elle exploite une chaîne d'ateliers d'installations en détail de systèmes d'échappement pour voitures et qu'à partir du ler mai 1964, pour la promotion de ses ventes au public, elle a introduit un plan spécial en vertu duquel, à l'achat d'un silen- cieux, on remettait au client un certificat valable à toutes ses succursales et lui donnant droit à un deuxième silencieux neuf et à d'autres rempla- cements ultérieurs aussi longtemps qu'il conser- vait la possession et la propriété de sa voiture. La demanderesse prétend qu'en fait le coût des silencieux additionnels était compris dans le prix d'achat des silencieux originaires et que l'expérience avait montré qu'on remplaçait un silencieux tous les 22 mois en moyenne, de
sorte que dans les années qui suivent la vente des silencieux originaires, un certain nombre de silencieux devait être utilisé pour les remplacer. Le prix d'achat des silencieux originaires, qui, d'après la demanderesse, comprenait une alloca tion de remplacement, était inclus dans le revenu brut à l'égard duquel on constituait une réserve pour cette partie du prix d'achat affé- rente au remplacement des silencieux. Pour l'an- née financière se terminant le 30 novembre 1967, cette réserve se chiffrait à $118,622.96, montant que la demanderesse a déduit de son revenu à titre de réserve à l'égard des silencieux qui, d'après les prévisions raisonnables, devraient être livrés après la fin de l'année. A partir du 30 novembre 1967, la fin de l'année financière de la demanderesse a été portée au 31 décembre et, dans le calcul de son revenu pour le mois de décembre 1967, un montant de $364.30 a été déduit à titre de réserve analogue, alors que pour l'année financière se terminant le 31 décembre 1968 un montant de $16,235.09 a été déduit. Le Ministre a rajouté ces montants dans le calcul du revenu de la demanderesse pour les périodes en question. La demanderesse prétend qu'il s'agit de montants raisonnables, déduits à titre de réserve et qu'ils sont déducti- bles en vertu des dispositions de l'article 85B(1)a) et c) de la Loi de l'impôt sur le revenu,' telle qu'elle s'appliquait alors, et ne constituent pas des montants déduits à titre de réserves à l'égard de garanties ou indemnités visées par l'article 85B(4). Subsidiairement, la demande- resse prétend que ces montants représentent des engagements fixes, importants, continus et cou- rants de sa part de livrer des marchandises, établis par des usages et des principes compta- bles reconnus et qu'en conséquence, ils sont déductibles de son revenu imposable pour les années en question en vertu des articles 3 a), 4 et 12(1)a) de la Loi et ne doivent pas, d'après l'usage comptable normal, être crédités à un compte de prévoyance prévu à l'article 12(1)e).
La défenderesse, pour établir les cotisations de la demanderesse, s'est fondée sur le texte du document remis aux clients lors de l'installation d'un silencieux de la demanderesse; ce docu-
' S.R.C. 1952, c. 148.
ment est intitulé «Garantie» et se lit comme suit:
Pour la vie de votre auto, c'est-à-dire tant et aussi long- temps que vous serez propriétaire ou possesseur de l'auto sur laquelle le silencieux MONSIEUR MUFFLER a été installé, nous garantissons le remplacement gratuit et sans frais de main-d'oeuvre de ce silencieux s'il devenait défectueux sans votre faute. Cette garantie sera honorée à n'importe quelle de nos succursales sur présentation de ce certificat.
La défenderesse soutient que la demanderesse a mis les montants en question dans une réserve ou dans un compte de prévoyance et qu'il ne s'agissait pas de montants reçus au titre de services non rendus ou de marchandises non livrées avant la fin des périodes financières en question, mais plutôt de réserves constituées par la demanderesse à l'égard de garanties ou indemnités. On a invoqué les articles 12(1)e) et. 85 B(4).
Voici un extrait de l'article 85B(1)a) et c):
85B. (1) Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
a) tout montant reçu pendant l'année dans le cours d'une entreprise
(i) qui est au titre de services non rendus ou de mar- chandises non livrées avant la fin de l'année ou qui, pour toute autre raison, peut être considéré comme n'ayant pas été gagné dans l'année ou une année anté- rieure, ou
doit être inclus;
c) sous réserve du paragraphe (3), lorsque des montants d'une catégorie décrite au sous-alinéa (i) ou (ii) de l'alinéa a) ont été inclus dans le calcul du revenu du contribuable, provenant d'une entreprise, pour l'année ou une année antérieure, il peut être déduit un montant raisonnable comme réserve à l'égard
(i) de marchandises qui, selon ce qui est raisonnable- ment prévu, devront être livrées après la fin de l'année,
(ii) de services qui, selon ce qui est raisonnablement prévu, devront être rendus après la fin de l'année,
En résumé, les sommes reçues en paiement de marchandises non livrées durant l'année ou qui n'ont pas été entièrement gagnées dans l'année ou une année antérieure doivent néanmoins être incluses, sous réserve de la déduction d'une réserve dans la mesure on peut raisonnable- ment prévoir que les marchandises ou les servi ces payés devront être livrées ou rendus après la fin de l'année. La déduction de cette réserve
est toutefois sujette à l'exception prévue au paragraphe (4) ainsi libellé:
85B. (4) L'alinéa c) du paragraphe (1) ne s'applique pas en vue de permettre une déduction comme réserve à l'égard de garanties ou indemnités.
En d'autres termes, une réserve ne peut être déduite que pour des marchandises ou des servi ces dont la livraison ou l'exécution dans l'avenir ne résulte pas de garanties ou indemnités.
L'argument subsidiaire se fonde sur l'applica- tion au contribuable de l'article 12(1)a) de la Loi qui est ainsi rédigé:
12. (1) Dans le calcul revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
a) d'une somme déboursée ou dépensée, sauf dans la mesure elle l'a été par le contribuable en vue de gagner ou de produire un revenu tiré de biens ou d'une entreprise du contribuable,
et sur la non-application de l'article 12(1)e) qui est ainsi rédigé:
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
e) d'un montant transféré ou crédité à une réserve, à un compte de prévoyance ou à une caisse d'amortissement, sauf autorisation expresse de la présente Partie.
Je ne pense pas que la demanderesse puisse soutenir avec succès que cette réserve consti- tuait une somme déboursée ou dépensée, mais elle soutient qu'il ne s'agissait pas d'un compte de prévoyance et que de toute façon, cette réserve faisait l'objet d'une «autorisation expresse de la présente Partie». Comme l'article 85B de la Loi figure dans la même Partie que l'article 12, il semble que l'argument revient à la question de savoir si cette réserve était permise par l'article 85B(1)c) ou interdite par l'article 85B(4) parce qu'elle se rapportait à une garantie ou indemnité.
Les documents fournis en preuve consistent en une copie de la garantie et des états finan ciers de la demanderesse pour l'année se termi- nant le 30 novembre 1967, pour le mois suivant se terminant le 31 décembre 1967 quand son année financière a été modifiée, et pour l'année se terminant le 31 décembre 1968.
Dans son témoignage, Jean Paul St-Denis, C.A., directeur général de la demanderesse, a déclaré que, bien que la garantie vise le rempla- cement gratuit du silencieux sans frais de main- d'oeuvre «s'il devenait défectueux sans votre faute», en fait elle est utilisée pour le remplace- ment de silencieux usés qui, d'après les indica tions des registres de la compagnie, doivent être remplacés environ tous les 22 mois en moyenne, moins de 2 pour cent des silencieux étant rem- placés en raison de défectuosités, et qu'il est rare aussi de refuser un remplacement devenu nécessaire par suite de la faute du propriétaire de la voiture. L'expérience de la demanderesse indique qu'environ un silencieux sur cinq vendus doit être remplacé. La raison en est que la garantie n'est valable que tant que l'acheteur demeure propriétaire du véhicule et ne l'est plus lorsqu'il le vend ou le donne en échange. Cer- tains propriétaires peuvent aussi perdre leur garantie ou négliger de s'en prévaloir. Bien que le silencieux soit installé sans frais de main- d'oeuvre, il arrive fréquemment que d'autres pièces sont vendues au même moment, comme un tuyau d'échappement neuf qui est souvent nécessaire mais n'est pas couvert par la garantie.
La concurrence a rendu nécessaire l'introduc- tion de ce nouveau système aux États-Unis et, entre 1964 et 1966, la demanderesse a fait faire une étude, par une firme d'ingénieurs consul tants, qui a établi que la durée moyenne d'un silencieux était de 22 mois. La période moyenne d'usure de 22 mois a été admise dans un exposé conjoint des faits. Cette étude a aussi établi qu'un client sur cinq revenait pour le remplace- ment et les chiffres de cette étude ont été con firmés par l'expérience postérieure qui indique que normalement le pourcentage de réclama- tions reste à peu près uniforme et que les silen- cieux durent maintenant environ 20 mois en moyenne. Puisque la demanderesse avait les chiffres de ses ventes pour les 22 mois précé- dents, qu'elle savait qu'un silencieux sur cinq devrait être remplacé et qu'elle connaissait le coût de remplacement d'un silencieux, elle pou- vait calculer exactement la somme à ajouter au prix du silencieux installé originairement pour tenir compte de ce remplacement. Cette étude a été faite entre 1964 et 1966 et aucune réserve
n'a été constituée durant ces années; mais une fois qu'elle a eu les chiffres elle a établi la réserve pour l'année se terminant le 30 novem- bre 1967. Naturellement, cette réserve initiale était élevée parce qu'elle couvrait les ventes sur une période de 22 mois et non pas seulement une période d'un mois ou de douze mois comme dans les déclarations subséquentes. Les rempla- cements effectués au cours d'une période finan- cière donnée sont déduits de la réserve et les obligations prévisibles créées par les nouvelles ventes au cours de la même période y sont ajoutées. Ainsi, pour la période se terminant le 30 novembre 1967, nous avons au passif du bilan une somme de $118,622.96 à titre de réserve pour marchandises vendues et non livrées et le même montant est déduit du revenu à titre de dépense commerciale pour cette période. Pour la période financière d'un mois se terminant le 31 décembre 1967, le passif com- porte une réserve similaire d'un montant de $118,987.26, mais pour cette année une somme de $364.30 seulement a été déduite du revenu à titre de dépense commerciale, ce qui représente l'augmentation du passif résultant de nouvelles ventes après avoir déduit de la réserve le coût des silencieux remplacés durant cette période. Pour l'année se terminant le 31 décembre 1968, la réserve est portée à $135,222.35 et le mon- tant déduit du revenu à la suite de cette réserve est de $16,235.09 ce qui représente l'augmenta- tion de la réserve durant l'année.
Dans sa déposition, St-Denis déclare qu'en fixant les prix, la demanderesse ajoute un mon- tant pour tenir compte de ces remplacements. Pour une Chevrolet, par exemple, le silencieux lui coûte $5, mais le client paie $16.95, ce qui englobe les frais d'installation, soit à peu près la moitié du prix, et le bénéfice. Puisqu'elle estime qu'un silencieux sur cinq devra être remplacé, le prix comprend une réserve de $1. Si le client refuse la garantie, le prix est réduit de $1.
Henri Paul Ouellette, C.A., a été appelé comme témoin expert, son affidavit étant accepté comme s'il avait été lu. C'est un vérifi- cateur expérimenté et il a agi en cette qualité pour la demanderesse de 1960 à 1972. Dans son affidavit il déclare:
En assumant que ces sommes ont été reçues par Mister Muffler Limited pour être appliquées au coût de silencieux à être livrés dans le futur par Mister Muffler Limited en remplacement de silencieux usés, je suis d'opinion que conformément à la pratique et aux principes comptables reconnus et généralement acceptés telles sommes consti tuent un passif réel de la compagnie et comme telles doivent être déduites des revenus. Mon opinion se fonde sur le fait que les états financiers doivent refléter fidèlement la posi tion financière de la compagnie.
Se référant aux recommandations du Comité de recherches de l'Institut des comptables agréés de décembre 1968, il a déclaré qu'il considérait ces sommes comme représentant une obligation contractuelle puisqu'elles ne répondent pas à la définition des réserves acceptée par l'Institut, alors que les états finan ciers devraient donner un exposé résumé de tous les engagements contractuels importants se rapportant à la situation financière présente ou à l'exploitation future de l'entreprise. En outre, toutes les dettes éventuelles qui n'apparaissent pas au bilan devraient figurer d'une manière ou d'une autre dans les états financiers. Il a cité l'ouvrage de Finney et Miller, Principles of Accounting, cinquième édition, page 436, où, sous la rubrique [TRADUCTION] «Réserves d'ex- ploitation classées comme passif exigible», on trouve la déclaration suivante:
[TRADUCTION] Les réserves d'exploitation sont celles qui sont constituées d'obligations affectant le revenu pour tenir compte de provisions pour des paiements en espèces à venir et dont le montant doit être débité des recettes qui entrent dans le revenu. Si des marchandises sont vendues avec des garanties de rendement ou avec promesse d'en assurer le service gratuit pendant une période donnée, une concor dance convenable entre recettes et dépenses exige la consti tution d'une réserve d'exploitation pour les paiements en espèces à venir. Bien qu'il puisse n'y avoir aucune dette actuelle envers une personne déterminée et que le montant de la réserve puisse être une estimation, il est normal que ces réserves figurent au passif. La réserve représente un passif exigible s'il y a obligation de faire un paiement en espèces dans un proche avenir.
La preuve relative à ce qui constitue la prati- que comptable appropriée a été admise dans plusieurs arrêts, y compris le jugement de la Cour suprême rendu dans l'affaire Time Motors Limited c. M.R.N. 2 dans lequel le juge Pigeon déclarait aux pages 505 et 506:
2 [1969] R.C.S. 501.
[TRADUCTION] Suivant le deuxième argument de l'intimé, parce que l'obligation de l'appelante était conditionnelle, elle ne devait pas, jusqu'à la réalisation de la condition, être considérée, aux fins de l'impôt sur le revenu, comme un passif exigible mais comme un montant qui doit régulière- ment figurer dans un compte de prévoyance. En consé- quence, la déduction serait interdite par l'article 12(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu:
12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard
e) d'un montant transféré ou crédité à une réserve, à un compte de prévoyance ou à une caisse d'amortissement, sauf autorisation expresse de la présente Partie.
Il est évident que les termes de cet article visent les usages comptables. La seule expression applicable à la présente affaire n'est pas «obligation éventuelle» mais «compte de prévoyance». Cela veut dire qu'il faut interpréter l'article en tenant compte des usages comptables reconnus dans une entreprise du genre de celle à laquelle on s'intéresse. Dans la présente affaire la seule preuve des usages comptables est celle du vérificateur de l'appelante, un comptable agréé. Son témoignage montre que dans les comptes de l'appelante, les notes de crédit sont considérées, suivant les usages cou- rants, comme un passif exigible jusqu'à ce qu'elles soient remboursées ou arrivent à expiration. Elles ne sont pas classées comme obligations éventuelles. Quand on lui a demandé pourquoi il considérait une obligation résultant d'une note de crédit comme un passif exigible et l'obligation découlant d'une garantie comme une obligation éventuelle, il a répondu:
... la note de crédit, tout en étant un engagement est aussi une obligation qui existe déjà. Une garantie peut devenir une obligation dans l'avenir. Elle pourra se préciser dans l'avenir mais, jusqu'alors, elle ne consti- tue pas une obligation existante. Du moins c'est comme ça que j'interprète la différence.
En toute déférence, le juge Gibson se trompait en déci- dant qu'on pouvait ne pas tenir compte de la question de savoir si les états financiers de l'appelante étaient établis ou non suivant les principes de comptabilité généralement acceptés. Au contraire, le texte de la disposition applicable de la Loi de l'impôt sur le revenu laisse à entendre qu'il s'agit d'une question essentielle.
Les faits de cette affaire étaient cependant très différents de ceux en l'espèce car il s'agissait de notes de crédit remises par un vendeur de voitu- res d'occasion en paiement partiel de voitures d'occasion qu'il achetait et, quoique incessibles, ces notes de crédit pouvaient être utilisées par le porteur durant une période donnée pour ache- ter à ce vendeur une voiture d'un montant non inférieur à une valeur spécifiée. Dans les comp- tes de l'appelante les notes de crédit étaient considérées comme un passif exigible et si elles n'étaient pas remboursées avant l'expiration, leur montant était alors retiré des comptes paya-
bles et considéré comme un profit. Il n'était pas question dans cette affaire des dispositions de l'article 85B de la Loi.
Dans l'arrêt J. L. Guay Ltée c. M.R.N. 3 , con firmé par la Cour d'appel 4 et faisant actuelle- ment l'objet d'un appel à la Cour suprême, le Juge en chef adjoint Noël déclarait aux pages 245 et 246:
Dans la plupart des causes fiscales, l'on n'accepte que les montants dont la quantité exacte est établie. Ce qui veut dire que les montants provisoires ou estimés sont ordinairement rejetés et il n'est pas recommandable de calculer les profits imposables en utilisant des données qui sont conditionnelles, contingentes ou incertaines. Il faut, en effet, pour que les montants provisoires ou les estimés soient acceptés, qu'ils soient sûrs. Il est, d'autre part, toujours difficile de trouver une procédure qui permet d'arriver à un chiffre qui est sûr. Les comptables sont toujours enclins à prévoir des réserves pour des exigibilités non liquidées, car s'ils ne le font pas, l'état financier ne reflétera pas l'état véritable des affaires du client. La difficulté vient du fait que le but principal d'une comptabilité n'est pas de permettre la détermination de la dette fiscale du contribuable. En fait, le rapport comptable est destiné à indiquer d'une façon générale au contribuable l'état de ses affaires pour lui permettre de les poursuivre en toute connaissance de cause. Pour atteindre cette fin, il n'est pas nécessaire que le profit indiqué soit précis mais il doit représenter raisonnablement ce profit, tandis que la Loi de l'impôt exige qu'il soit précis et, par conséquent, il est nécessairement arbitraire. Dans la cause de Southern Rly of Peru Ltd. c. Owen (supra), le comptable auditeur de la compagnie déclara qu'il n'aurait pas signé l'état financier de la compagnie à moins que la réserve pour dettes futures n'ait été inscrite au bilan. La Chambre des Lords, cependant, ne fut pas influencée par cette déclaration et décida quand même que la compagnie ne pouvait déduire les montants payables que lorsque les employés termine- raient leur emploi. Dans Southern Rly of Peru Ltd. c. Owen (supra) cependant, il s'agissait d'une réserve faite pour des montants incertains que pouvait encourir la compagnie dans l'avenir. Mais qu'arrive-t-il lorsqu'il s'agit de montants cer- tains mais qui ne sont dus que dans une période comptable subséquente? Dans une cause de Naval Colliery Co. c. I.R.C., (1928) 12 T.C. 1017 (H.L.), il s'agissait de tels montants et la Cour décida quand même qu'il ne pouvait y avoir déduction de ces montants tant et aussi longtemps que la dépense n'avait été faite. Lord Buckmaster, dans cette cause, déclara en effet clairement que ces montants ne pouvaient être déduits que dans la période ils étaient en fait dépensés:
[TRADUCTION] Toutefois, selon les prétentions des appe- lants, on ne déduit pas la dépense réelle, mais le besoin de faire cette dépense, qui doit être évalué en leur faveur et porté à leur compte. Le résultat de cette prétention serait que l'intéressé pourrait choisir quelle période il préfère pour porter cette somme à son compte, soit le moment
[1971] C.F. 237. 4 [1972] C.F. 1441.
la dépense devenait nécessaire, soit celui elle était faite (p. 1040).
En règle générale, si une dépense déductible du revenu est faite, elle doit être déduite en calculant les profits pour la période dans laquelle elle a été faite et non pas dans une autre période.
Certaines des remarques du président Thorson dans l'affaire Kenneth B.S. Robertson Limited c. M.R.N. 5 , quoique cette affaire ait été jugée avant l'entrée en vigueur de l'article 85B, offrent un intérêt ici. En commentant la décision West ern Vinegars Limited c. Le ministre du Revenu national ([1938] R.C.É. 39) dans laquelle le juge Angers, traitant d'une réserve qui avait été constituée pour couvrir des pertes sur le retour de contenants, avait déclaré à la page 45:
[TRADUCTION] Les profits sur les contenants ne sont pas, à mon avis, une réserve proprement dite; et la perte de ces profits, sur le retour des contenants, n'est pas seulement une éventualité mais une certitude. La seule chose incertaine est la quantité de contenants qui sera retournée et le moment de leur retour.
le savant président a déclaré la page 1781:
[TRADucTIoN] La déduction réclamée par l'appelante pour des pertes occasionnées par le retour des contenants a été autorisée, alors que ces pertes n'avaient pas encore été subies. Bien que l'importance de la décision réside dans la distinction entre une perte qui est certaine et une perte qui est simplement éventuelle, je trouve qu'il est difficile de concilier cette décision avec la jurisprudence qui applique la règle générale que les profits doivent être imposés dans l'année pendant laquelle ils sont reçus et les pertes suppor- tées dans l'année pendant laquelle elles sont subies.
A la page 179 il se réfère à l'arrêt anglais Edward Collins & Sons, Ltd. c. The Commis sioners of Inland Revenue ((1924) 12 T.C. 773) dans lequel il a été décidé que la déduction pour une perte future appréhendée n'était pas per- mise. A la page 781, le lord président Clyde déclarait:
[TRADUCTION] Il est toutefois parfaitement conforme à ce qui précède qu'un commerçant prudent puisse affecter à une réserve une partie des bénéfices réalisés au cours d'une année et reporter cette réserve à l'année suivante pour se prémunir contre une perte attendue ou (peut-être) inévitable que, d'après ses prévisions, son entreprise subira l'année suivante. Il s'agit d'un procédé courant. Mais son adoption n'a pas d'effet sur le montant réel des bénéfices réalisés et n'empêche pas que l'ensemble des bénéfices, dont une partie a été affectée à une réserve, soit pris en compte pour l'année en question aux fins d'imposition. Au contraire le solde des bénéfices et gains se détermine tout à fait indépendamment
5 [1944] R.C.É. 170.
de la façon dont le commerçant utilise ce solde, si solde il y a; et s'il en met une partie en réserve et la reporte à l'année suivante, cela n'a absolument aucun effet sur son revenu imposable pour l'année au cours de laquelle il réalise le bénéfice.
Le président Thorson ajoute aux pages 180 et 181:
[TRADUCTION] L'appelante, quelle que soit la valeur de son système de comptabilité, n'avait pas non plus le droit de répartir les sommes encaissées comme revenus au cours d'une année financière quelconque entre les sommes gagnées durant cette année et celles non encore gagnées, car la nature imposable du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition quelconque dépend non pas du fait qu'il a gagné ou a eu droit à ce revenu au cours de cette année d'imposition, mais du fait qu'il l'a encaissé au cours de cette année; et le contribuable n'a pas le droit, aux fins de l'impôt, de répartir le revenu qu'il a encaissé au cours d'une année d'imposition sur les années il peut avoir gagné ce revenu ou y avoir eu droit.
Puis à la page 182:
[TRADUCTION] Il paraît également certain que, si le revenu est encaissé au cours d'une année quelconque, il est imposa- ble pour l'année en question, même s'il n'a pas encore été gagné; il s'ensuit que l'appelante n'avait le droit de faire aucune déduction du revenu encaissé au cours d'une année au motif qu'il n'avait pas été gagné durant cette année.
Quoique cet arrêt, qui traitait de fonds mis en fiducie, diffère de beaucoup du présent cas, d'autres commentaires figurant à la page 184 sont quand même pertinents:
[TRADUCTION] Quand un montant est versé en dépôt pour garantir l'exécution d'un contrat et est détenu comme tel, il ne peut être considéré comme un profit ou un gain pour le dépositaire tant que ne se sont pas réalisées les conditions lui permettant de le garder pour son usage personnel; jus- qu'à ce moment-là, il ne constitue pas entre ses mains un revenu imposable, car il lui manque le caractère essentiel d'un revenu, savoir, que le bénéficiaire doit avoir un droit absolu sur ce montant et n'être soumis à aucune restriction contrac- tuelle ou autre quant à son pouvoir d'en disposer, de l'utiliser ou d'en jouir. [Les italiques sont de moi.]
Dans le cas présent, le montant intégral initiale- ment payé pour le silencieux, même s'il com- prend effectivement un montant de $1, destiné aux remplacements éventuels (quoique cela ne soit pas spécifié dans le contrat), appartenait néanmoins à la demanderesse sans aucune res triction contractuelle ou autre quant à son pou- voir d'en disposer, de l'utiliser ou d'en jouir.
Dans l'arrêt Associated Investors of Canada
Limited c. M.R.N. 6 le président Jackett déclarait dans deux notes au bas de la page 105:
[TRADUCTION] ' ... une dépense qui est faite dans l'ex- ploitation d'une entreprise et qui peut, éventuellement, deve- nir un élément des frais réels d'exploitation ne doit être portée au débit du compte des recettes de l'entreprise qu'au cours de l'année l'éventualité se réalise et ce, seulement à concurrence du débours net enregistré à ce moment.
a Je ne m'occupe pas ici de la question de savoir si la méthode adoptée par l'appelante pour comptabiliser la déduction était la façon appropriée de refléter la transaction dans ses livres. Je m'intéresse seulement à la question de savoir si le «profit» a été correctement calculé.
L'arrêt Robertson (précité) a été invoqué dans le jugement que la Commission d'appel de l'im- pôt a rendu dans l'affaire Capital Transit Limi ted c. M.R.N. 7 auquel je me réfère parce que les faits ressemblent beaucoup à ceux de l'espèce quoique, encore, il s'agissait seulement de l'article 6(1)d) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, qui correspondait à l'article 12(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et que l'article 85B n'était pas en vigueur à l'époque. Dans cette affaire on avait constitué une réserve pour des billets vendus mais non encore utilisés. A la page 27 du jugement on lit ce qui suit:
[TRADUCTION] S'il faut intégrer au revenu de l'appelante pour une année d'imposition quelconque le montant total reçu en espèces pour un billet, alors que le billet n'a pas été utilisé et que, par conséquent, la compagnie n'a pas eu l'occasion de débiter le compte des recettes du montant des frais proportionnels se rapportant nécessairement au billet, l'appelante sera, sans aucun doute, traitée d'une manière injuste parce qu'elle sera assujettie à l'impôt sur le revenu pour l'ensemble des recettes se rapportant aux billets non utilisés comme si elles représentaient un profit de 100% alors qu'en fait seule une petite partie du prix du billet constituera un profit entre ses mains. Cependant si la loi, dans sa rédaction actuelle, aboutit à un tel résultat, il appar- tient au Parlement et non à cette commission d'y remédier.
Cette décision a été suivie dans un autre juge- ment de la Commission d'appel de l'impôt, McManus Motors Limited c. M.R.N. 8 , qui a refusé d'admettre la déduction d'une réserve pour des obligations en cours concernant des carnets de coupons de lubrification payés d'avance quoique ces sommes aient été incluses dans le revenu du ' contribuable à la date du paiement.
6 [1967] 2 R.C.É. 96. (1952) 7 Tax A.B.C. 19. 8 53 DTC 255.
Dans l'affaire M.R.N. c. Atlantic Engine Rebuilders Limited 9 , tranchée, elle aussi, uni- quement sur la question de l'article 12(1)e), la Cour suprême s'est reportée, en l'approuvant, à l'arrêt Dominion Taxicab Association c. M.R.N. ([1954] R.C.S. 82) il est dit à la page 85:
[TRADUCTION] Il est bien établi qu'il faut examiner le fond et non la forme de la Loi de l'impôt sur le revenu pour savoir si, à l'occasion d'une transaction particulière, une partie y est soumise.
Dans son jugement dissident, le juge Judson dit à la page 483:
[TRADUCTION] Je pense aussi que la compagnie n'a pas gain de cause en vertu de l'article 12(1)e). Ce montant, qui apparaît comme un élément du passif, est un montant trans- féré ou crédité à une réserve. Ce peut être un bon usage commercial ou comptable de constituer une provision pour ces engagements, mais cette opération est soumise aux dispositions expresses de la Loi et celle-ci contient une disposition expresse à ce sujet.
La demanderesse s'appuie fortement sur l'arrêt Dominion Stores Limited c. M.R.N. 10 , qui por- tait sur des timbres-prime. Le client, à l'achat de la marchandise, recevait des timbres-prime d'une valeur représentant 11 pour cent du prix de la marchandise achetée; ces timbres pou- vaient être collectionnés et par la suite échangés contre des marchandises figurant dans un cata logue ou contre des articles d'alimentation du magasin. La remise des timbres était subordon- née à l'achat initial et, contrairement au présent cas, aucun rabais n'était consenti aux clients qui refusaient les timbres. La compagnie a constitué une réserve pour les timbres en circulation. Le Ministre soutenait, et cela ne s'applique pas en l'espèce, que l'on ne payait aucun supplément pour les timbres et qu'en conséquence aucun montant, provenant de leur vente, n'était com- pris dans le calcul du revenu de l'appelante et que, de ce fait, aucune réserve ne saurait être constituée en vertu de l'article 8513c) pour l'an- née au cours de laquelle les ventes ont été effectuées, à titre de provision pour frais de rachat. En prononçant le jugement, le juge Cat- tanach déclarait à la page 446:
[TRADUCTION] La transaction entre l'appelante et ses clients ressort clairement de la preuve. Un client payait le prix réclamé par l'appelante quand il lui achetait de la marchandise. Pour cela il recevait la marchandise et en sus il
9 [1967] R.C.S. 477.
10 [1966] R.C.É. 439.
recevait ou avait droit de recevoir des timbres-prime qu'il pouvait présenter par la suite à l'appelante pour rachat soit contre une prime soit contre ses marchandises. L'appelante était légalement tenue d'effectuer ce rachat. D y avait seule- ment une transaction et c'était la seule façon dont l'appe- lante pouvait mener ses affaires dans ces magasins. Si aucun montant spécifique ne peut être identifié comme étant affecté au coût de distribution et de rachat des timbres, cela ne signifie pas qu'une partie du montant total n'y est pas imputable. Quand deux articles sont vendus ensemble pour un seul prix sans indication de prix distincts pour l'un et l'autre, il ne s'ensuit pas qu'un article est gratuit et que le prix est imputable exclusivement à l'autre article.
Quoique les faits de cette affaire soient assez semblables à ceux de l'espèce, on doit se rappe- ler que le juge Cattanach n'avait pas à examiner l'effet de l'article 85B(4) qui n'était pas applica ble puisqu'il ne s'agissait pas de garantie ou d'indemnité.
En appliquant la jurisprudence précitée aux faits de l'espèce, on peut tirer les conclusions suivantes:
1. Le fait que la demanderesse ait, dans ses états financiers, désigné la somme mise de côté comme: «provision pour marchandises vendues non livrées» alors qu'il ne s'agit peut-être pas à proprement parler d'une vraie réserve, au sens l'emploi de ce terme est recommandé par les auteurs faisant autorité en matière de comptabi- lité, n'a pas trop d'importance. Ce qui importe, ce n'est pas la qualification donnée à la somme mise de côté, mais le but pour lequel elle l'a été et il faut déterminer s'il s'agit d'une réserve que la Loi de l'impôt sur le revenu permet de déduire du revenu aux fins d'imposition.
2. Bien que la constitution de cette réserve ait pu répondre aux usages comptables bien fondés et présenter une image fidèle de la situa tion financière de la compagnie, il ne s'ensuit pas nécessairement que cette réserve soit déductible du revenu imposable pour les années en cause.
3. Même si l'on peut calculer et prévoir le montant d'une telle réserve avec précision, elle comporte néanmoins des éléments, tels que la perte de la formule de garantie par l'acheteur, son omission de s'en prévaloir, ou la cession à un autre propriétaire de la voiture sur laquelle le silencieux originaire a été installé, qui apportent
un élément aléatoire dans le calcul de ce montant.
4. Que le montant constitue à bon droit une réserve ou un compte de prévoyance dont le montant peut être calculé avec beaucoup d'exactitude, l'article 12(1)e) de la Loi ne permet la déduction que dans les cas il y a «autorisation expresse de la présente Partie». L'article 85B, sous la rubrique «réserves spécia- les» qui se trouve dans la même Partie de la Loi, décrit les réserves qui peuvent être déduites. L'article 85B(1)a)(i) prescrit qu'un montant reçu au titre de services non rendus ou de marchan- dises non livrées avant la fin de l'année doit néanmoins être inclus dans le revenu imposable, mais l'alinéa c) permet la déduction d'une réserve à l'égard de marchandises qui, selon ce qui est raisonnablement prévu, devront être livrées après la fin de l'année, ce qui, d'après la demanderesse, est le but de sa réserve et revient à la situation dans laquelle le juge Cattanach a rendu sa décision en faveur de l'appelante dans l'affaire Dominion Stores (précitée). Cependant, cette déduction d'une réserve est sujette à l'ex- ception prévue au paragraphe (4) de l'article 85B qui exclut expressément la déduction quand la réserve est constituée à l'égard de «garanties ou indemnités».
La décision dans cette affaire doit donc dépendre de la question de savoir si cette réserve a été constituée à l'égard d'une garantie ou d'une indemnité. Aucun de ces termes n'est défini dans la Loi et la demanderesse s'est réfé- rée à un grand nombre de définitions prises dans les dictionnaires et dans la jurisprudence pour essayer d'établir que son engagement de rempla- cer gratuitement un silencieux défectueux aussi longtemps que l'acheteur demeure propriétaire la voiture sur laquelle il a été installé ne répond pas à la définition stricte d'aucun de ces termes. En résumé, la demanderesse fait remar- quer qu'une garantie (guarantee) est un contrat accessoire par lequel le promettant s'engage envers le bénéficiaire à répondre d'une dette, d'une défaillance ou d'une faute d'une autre personne, dont la responsabilité directe à cet égard doit exister ou être prévue. Naturellement il n'y avait pas de tierce personne impliquée dans la présente garantie. Une indemnité
(indemnity) se définit ordinairement comme un contrat par lequel une partie s'engage à mettre l'autre à couvert d'une perte et, dans le sens le plus large du terme, englobe la plupart des con- trats d'assurance et aussi les contrats de garan- tie. Dans le sens le plus strict, une indemnité désigne un contrat qui met le bénéficiaire à couvert des réclamations des tiers, mais on uti lise fréquemment ce terme pour désigner un contrat par lequel le promettant assume une obligation originaire et indépendante d'indemni- ser par opposition à un contrat accessoire revê- tant la nature d'une garantie (guarantee). Une garantie (warranty) est simplement une pro- messe qu'une allégation de fait est vraie. En l'espèce, il n'y a pas de garantie (warranty) que le silencieux originaire ne se révélera pas défec- tueux ou n'aura pas besoin d'être remplacé, mais simplement un engagement de le rempla- cer, ce qui constituait, d'après la demanderesse, un contrat en vue d'effectuer le remplacement. Cette tentative de préciser le sens de ces mots en se référant aux dictionnaires ou aux défini- tions jurisprudentielles est rendue plus compli- quée du fait qu'en français le mot «warranty» est traduit par «garantie» qui traduit aussi le mot «guarantee». En fait, dans la version fran- çaise de l'article 85B(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu les mots «guarantees, indemnities or warranties» sont traduits simplement par «garanties ou indemnités».
La demanderesse essaie de faire une distinc tion entre le type de garantie, donnée par un vendeur, que la marchandise ne sera pas défec- tueuse, par exemple dans le cas d'un appareil de télévision, prévoyant que s'il devenait défec- tueux avant l'expiration d'une certaine période la pièce défectueuse sera remplacée. Même si le vendeur, par expérience, peut savoir qu'un cer tain nombre d'objets vendus deviendront défec- tueux et devront être remplacés, cela dépend encore d'un événement futur, incertain et aléa- toire et la demanderesse prétend que c'est ce type de garantie que est envisagé par l'article 85B(4) de la Loi refusant la déduction d'une réserve. La demanderesse prétend cependant que sa garantie ne porte pas réellement sur les silencieux défectueux, quoiqu'ils en fassent partie, mais qu'elle constitue en réalité un enga gement à remplacer le silencieux originaire de
temps à autre et qu'il s'agit d'un événement qui doit se produire, qui est prévisible et non aléatoire et qui devrait donc être considéré comme une obligation contractuelle et non comme une garantie (guarantee ou warranty).
Cependant, dans son argument, il me semble que la demanderesse essaie de faire une distinc tion que la Loi elle-même ne fait pas. Il semble inopportun d'essayer de chercher le sens de l'article 85B(4) dans les dictionnaires ou les défi- nitions jurisprudentielles. L'esprit de la Loi ne permet pas des déductions de réserves à l'égard de garanties ou d'indemnités et j'estime qu'on a voulu que ces mots soient pris dans un sens assez large pour englober toutes sortes de garanties ou d'indemnités dont la Loi voulait exclure la déduction immédiate par voie de réserve, en raison de leur nature aléatoire et incertaine. En l'espèce, le remplacement des silencieux peut certainement être réclamé comme une dépense pour l'année au cours de laquelle il a lieu, mais le remplacement probable d'un cinquième de tous les silencieux vendus, et même le fait que la demanderesse a facturé à cette fin un supplément pour le silencieux origi- naire ne permettent pas, à mon avis, la déduc- tion d'une réserve pour l'année au cours de laquelle la vente originaire a eu lieu, même si ce procédé peut être conforme à une bonne prati- que comptable. Le libellé même de l'engage- ment, qui s'intitule «garantie» et a pour but de «garantir» le remplacement du silencieux «s'il devenait défectueux», indique le caractère aléa- toire de l'engagement. Le fait qu'il soit exécuté de bonne foi et que le silencieux soit remplacé quand il s'abîme même s'il n'est pas défectueux ne peut en aucune façon changer le fardeau fiscal de la demanderesse.
L'appel de la demanderesse portant sur ses cotisations à l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition se terminant les 30 novem- bre 1967, 31 décembre 1967 et 31 décembre 1968 est donc rejeté avec dépens.
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