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A-371-74
Tyrone Sylvester Lew (Appelant) c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Intime')
Cour d'appel, les juges Thurlow et Urie et le juge suppléant MacKay —Toronto, les 25 et 28 novembre 1974.
Immigration—Expulsion—Immigrant déclaré coupable d'une infraction prévue au Code criminel—Ordonnance d'ex- pulsion effective—Libération subséquention en vertu du Code—Rejet de l'appel à la Commission d'appel de l'immi- gration—N'est pas «une personne déclarée coupable d'une infraction»—Décision de la Commission de ne pas reprendre l'enquête ou de ne pas annuler l'ordonnance entachée d'er- reur—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2, art. 18(1)e)(ii)—Loi sur la Commission d'appel de l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-3, art. 13 et 14—Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 662.1(1) et (3) (mod.).
L'appelant fit l'objet d'une ordonnance d'expulsion au motif qu'il faisait partie de la catégorie de personnes décri- tes à l'article 18(1)e)(ii) de la Loi sur l'immigration, car il avait été déclaré coupable d'une infraction visée par le Code criminel. Ultérieurement à l'ordonnance, l'appelant bénéficia d'une libération inconditionnelle concernant l'accusation en question. La Commission d'appel de l'immigration rejeta l'appel qu'il avait interjeté à l'encontre de l'ordonnance. Il interjeta appel de la décision de la Commission, prétendant que, vu sa libération à l'égard des deux chefs d'accusation, il était «censé ne pas avoir été déclaré coupable» en vertu de l'article 662.1(3) du Code; par conséquent, il ne faisait pas partie de la catégorie interdite prévue à l'article 18(1)e)(ii).
Arrêt: l'appel est accueilli et l'ordonnance d'expulsion annulée; puisque l'appelant avait été libéré relativement à chacun des chefs d'accusation mentionnés dans les motifs de la Commission, il n'est pas une personne «qui a été déclarée coupable d'une infraction visée par le Code Crimi- nel» au sens de l'article 18(1)e)(ii) de la Loi sur l'immigra- tion; il ne faisait pas non plus partie de cette catégorie, lorsqu'au mois de mai 1974, la Commission entendit l'appel et rendit sa décision. En n'ordonnant pas la reprise de l'enquête, en vertu de l'article 13 de la Loi sur la Commis sion d'appel de l'immigration ou en n'annulant pas l'ordon- nance, vu l'effet de l'ordonnance de la Cour suprême de l'Ontario accordant une libération inconditionnelle, la Com mission a commis une erreur de droit en rendant sa décision.
APPEL. AVOCATS:
V. T. Rosemay pour l'appelant. H. Erlichman pour l'intimé.
PROCUREURS:
Viebert T. Rosemay, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française prononcée oralement par
LE JUGE THURLOW: Appel est interjeté d'une décision par laquelle la Commission d'appel de l'immigration a rejeté un appel d'une ordon- nance d'expulsion rendue contre l'appelant le 24 décembre 1973, mais a ordonné de surseoir à l'exécution de l'ordonnance jusqu'au 4 décem- bre 1974. L'appel interjeté devant cette cour n'a fait l'objet d'aucune contestation et l'avocat de l'intimé a déposé un avis de consentement au jugement accueillant l'appel et annulant l'ordon- nance d'expulsion.
Le motif d'expulsion énoncé dans l'ordon- nance porte que l'appelant faisait partie de la catégorie de personnes décrites à l'article 18(1)(e)(ii) de la Loi sur l'immigration en ce qu'il avait été déclaré coupable d'une infraction visée par le Code criminel. A cet égard, la con clusion de la Commission est exposée dans le passage suivant de ses motifs:
[TxtDucnoN] La Cour conclut que l'appelant a été jugé le 27 juillet 1973 pour vol d'un bien dont la valeur ne dépasse pas $200 et a bénéficié d'une libération conditionnelle d'une durée de 12 mois aux termes d'une ordonnance de proba tion; il est à nouveau passé devant les tribunaux le 24 septembre 1973 sous un chef d'accusation semblable; il fut reconnu coupable et condamné à 30 jours de détention. Le 7 mars 1974, la Cour suprême de l'Ontario accueillit l'appel interjeté de la sentence et la remplaça par une libération inconditionnelle. L'appelant a néanmoins fait l'objet d'une condamnation le 24 décembre 1973, et c'est un fait bien établi. L'enquêteur spécial était par conséquent tenu de rendre l'ordonnance en question, compte tenu de la preuve qui existait alors.
La preuve démontre clairement que l'ordonnance d'expul- sion est valable en droit et, par conséquent, l'appel est rejeté en vertu de l'article 14 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration.
En vertu de l'article 662.1(1) du Code crimi- nel, une cour devant laquelle un accusé plaide coupable ou est reconnu coupable d'une infrac tion du genre de celle mentionnée dans les motifs de la Commission, peut, «au lieu de condamner l'accusé», prescrire qu'il soit libéré
inconditionnellement ou à certaines conditions. L'article 662.1(3) prévoit que, sauf à certaines fins précises, lorsque la Cour ordonne une telle libération, «l'accusé n'est pas censé avoir été déclaré coupable de l'infraction quant à laquelle il a plaidé coupable ou dont il a été déclaré coupable et à laquelle la libération se rapporte».
A mon avis, puisque l'appelant avait été libéré en vertu de cette disposition relativement à chacun des chefs d'accusation mentionnés dans les motifs de la Commission d'appel de l'immi- gration, on ne peut donc pas dire qu'il s'agit d'une personne qui «a été déclarée coupable d'une infraction visée par le Code criminel» au sens de l'article 18(1)e)(ii) de la Loi sur l'immi- gration . . Il ne faisait pas non plus partie de cette catégorie lorsqu'au mois de mai 1974, la Com mission d'appel de l'immigration entendit l'appel et rendit sa décision.
La Commission semble avoir considéré qu'elle avait pour rôle de décider si l'ordon- nance d'expulsion était valable, compte tenu des faits qui existaient au moment cette ordon- nance fut rendue. En toute déférence, la Com mission siégeant en appel doit, avant tout, à mon avis, décider si la personne en question est passible d'expulsion et à cette fin, elle a compé- tence pour examiner cette question compte tenu des faits qui existent au moment elle est saisie de cette affaire. Vu les conséquences de l'ordonnance de la Cour suprême de l'Ontario sur la déclaration de culpabilité qui a servi de fondement à l'ordonnance d'expulsion, la Com mission, si elle jugeait utile de le faire, pouvait, en vertu de l'article 13 de la Loi sur la Commis sion d'appel de l'immigration, ordonner la reprise de l'enquête ou encore elle aurait pu de sa propre initiative en reconnaître les consé- quences sur l'ordonnance d'expulsion et annuler celle-ci. En n'agissant pas ainsi, il me semble que la Commission a commis une erreur de droit en rendant sa décision.
J'accueille l'appel et annule l'ordonnance d'expulsion.
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LE JUGE URIE a souscrit à l'avis.
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LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à l'avis.
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