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A-160-73
Geophysical Engineering Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intimé)
Cour d'appel, les juges Thurlow et Urie, le juge suppléant MacKay —Toronto, les 26, 27, 28 et 29 novembre 1974.
Impôt sur le revenu—Syndicat minier—Bénéfices tirés de la vente d'actions de ►a compagnie minière—Demande d'exemption des fonds consacrés à la «prospection»—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 83.
La compagnie contribuable est née de la fusion de trois compagnies dont l'une, la Keevil Consultants Limited, était membre d'un syndicat qui avait acquis, en 1962, les actions d'une compagnie minière et les avait revendues avec bénéfi- ces en 1963 et 1965. Elle cherchait à faire déduire de son revenu des dépenses de prospection engagées dans le projet couronné de succès. L'activité en cause exercée par F consistait à examiner des cartes et des rapports et à recon- naître la propriété. F était un employé ordinaire de la K Mining Group Limited (KMG). Cette dernière facturait à la Geophysical Engineering and Surveys Limited et, par son truchement, au syndicat les heures que F consacrait au projet. La compagnie contribuable versait à la Geophysical and Engineering Surveys Limited sa quote-part du coût de la prospection. La demande d'exemption, présentée en 1965, a été rejetée par la Division de première instance lors d'un appel interjeté de la décision de la Commission d'appel de l'impôt rejetant la demande. La compagnie contribuable a soumis le litige à la Cour d'appel.
Arrêt: l'appel est rejeté; les dispositions d'exemption de l'article 83 mettaient en jeu la définition du terme «prospec- teur» donnée à l'article 83(1)c). La Cour a supposé, sans se prononcer sur ce point qui n'était pas controversé, que l'activité de F revenait à faire de la «prospection». Toute- fois, F n'avait pas travaillé «en son nom» ou «pour son compte et celui d'autres personnes». Il ne s'est livré à aucune entreprise personnelle; il n'avait droit qu'à son salaire normal; il agissait plutôt comme employé que comme entrepreneur. Il n'était cependant pas employé du syndicat. Aucune relation commettant-préposé n'a été établie; aucune entente n'a été conclue avec F en qualité de prospecteur indépendant, aux termes d'un contrat de prestations de service. Il était employé de la KMG qui lui versait son salaire et lui donnait des directives. Les frais liés à l'activité de F ne relevaient donc pas de l'exemption prévue à l'article 83.
Arrêt suivi: Foster c. M.R.N., [1971] C.T.C. 335. Dis tinction faite avec l'arrêt Winchell c. M.R.N. [1974] C.T.C. 177.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu.
AVOCATS:
D. J. Wright, c.r., et R. N. Waterman pour l'appelante.
N. A. Chalmers, c.r., et J. R. Power pour l'intimé.
PROCUREURS:
Lang, Michener, Cranston, Farquharson & Wright, Toronto, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE THURLOW: Le litige dans le présent appel porte sur la question de savoir si la Keevil Consultants Limited, une des trois compagnies fusionnées récemment pour former la compa- gnie appelante, avait droit, en vertu de l'article 83 de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'exemption d'un profit tiré de la vente en 1963 et 1965 de certaines actions de la Silverfields Mining Corporation Limited; elle les avait acquises en 1962 en sa qualité de membre d'un syndicat, dans les circonstances décrites dans les motifs de jugement du savant juge de pre- mière instance. Ce dernier ainsi que le savant membre de la Commission d'appel de l'impôt, qui eut à connaître de l'appel tout d'abord inter- jeté devant cette commission, ont décidé que le contribuable n'était pas fondé à obtenir l'exemp- tion réclamée.
Aux fins de l'article 83, le terme «prospec- teur» est défini comme suit à l'alinéa c) dudit article:
un particulier qui prospecte ou explore pour trouver des minéraux, ou qui développe une propriété en vue de trouver des minéraux en son nom, pour son compte, et celui d'autres personnes, ou comme employé.
La demande d'exemption se fonde sur l'arti- cle 83(3) qui se lit comme suit:
83. (3) Un montant qui autrement entrerait dans le calcul du revenu pour une année d'imposition d'une personne ayant, soit en vertu d'une entente avec le prospecteur inter- venue avant les travaux de prospection, d'exploration ou de développement, soit comme employeur du prospecteur, avancé de l'argent pour subvenir aux frais de prospection ou d'exploration pour trouver des minéraux, ou aux frais de développement d'une propriété en vue de trouver des miné- raux, ou ayant payé une partie ou la totalité desdits frais, ne
doit pas être inclus dans le calcul de son revenu pour l'année s'il représente la contrepartie
a) d'un intérêt dans une propriété minière acquis d'après l'entente par laquelle elle a effectué l'avance ou payé les frais, ou, si le prospecteur était son employé, qu'elle a acquis par les efforts de l'employé, ou
b) d'actions du capital social d'une corporation qu'elle a reçues en considération de la propriété décrite à l'alinéa a), dont elle a disposé en faveur de la corporation,
à moins que ce ne soit un montant qu'elle a reçu dans l'année à titre de loyer, de redevance ou de paiement analo gue ou à valoir sur ceux-ci.
En supposant que l'on doive considérer le rôle joué par Frantz, à savoir examiner des cartes et des rapports et reconnaître la propriété dans le comté de Fabre comme étant de la prospection au sens de ce paragraphe, ce point ne faisant d'ailleurs l'objet d'aucune contro- verse, j'estime que Frantz n'était à' aucune des périodes en cause une personne qui, selon la définition du mot prospecteur, prospectait ou exploitait pour trouver des minéraux «en son nom», soit au sens d'acquérir une participation dans ces mines pour son propre compte, soit au sens plus large donné à cette partie de la défini- tion par l'arrêt Foster c. M.R.N.'. Dans cette affaire-là, le président Jackett (maintenant juge en chef) a jugé l'expression suffisamment large pour englober une personne se livrant à la pros- pection moyennant une rétribution ou rémuné- ration.
Frantz n'appartenait pas à cette catégorie de personnes. Il ne se livrait à aucune activité de ce genre. Il n'a passé aucun contrat avec le syndi- cat pour la prestation des services de prospec- tion. Il ne s'est livré à aucune entreprise person- nelle et, en dehors de son salaire normal, il ne recevait aucun paiement spécial pour son tra vail. Il agissait plutôt comme employé que comme entrepreneur.
Était-il, alors, aux différentes époques en cause, un employé du syndicat ou, au contraire, selon la formulation de l'article 83(3), le syndi- cat était-il aux époques en cause son employeur?
D'après moi, la réponse est négative. La Keevil Mining Group Limited (ci-après appelée KMG) était pendant toute cette période son
[1971] C.T.C. 335.
véritable employeur et elle lui versait son salaire. Cette compagnie facturait à la Geo physical Engineering and Surveys Limited et, par son truchement, au syndicat les heures que Frantz consacrait au projet. Le syndicat ne lui versait rien. La prospection en cause se faisait à l'instigation de son employeur, la KMG, sur les directives de Keevil. Aucun témoin n'a révélé l'existence d'un accord formel rendant le syndi- cat employeur de Frantz pour le projet en cause et, selon moi, on ne peut déduire des éléments de preuve l'existence d'un accord de ce genre.
Par conséquent, je ne peux faire droit à cet appel et le rejette avec dépens.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés oralement par
LE JUGE URIE: Je souscris aux conclusions et aux motifs prononcés par mon collègue le juge Thurlow et désire simplement ajouter quelques remarques personnelles. Ce dernier a clairement indiqué les points en litige, de sorte que je n'ai pas besoin de les reprendre. Par ailleurs, dans ses motifs de jugement, le savant juge de pre- mière instance a examiné à fond les éléments de preuve, si bien qu'il serait superflu de m'y arrê- ter plus longtemps, sauf dans la mesure il me sera nécessaire d'indiquer les faits sur lesquels se fondent mes conclusions.
Pour établir son droit à l'exemption prévue à l'article 83(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, tel qu'il était libellé en 1965, l'appelante doit prouver en premier lieu que le prospecteur avec lequel elle était associée relève de la définition de ce mot à l'article 83(1)c) qui se lisait alors comme suit:
83. (1) Dans le présent article, l'expression
c) «prospecteur» signifie un particulier qui prospecte ou explore pour trouver des minéraux, ou qui développe une propriété en vue de trouver des minéraux en son nom, pour son compte et celui d'autres personnes, ou comme employé.
Ainsi pour être considéré comme étant un prospecteur, un particulier doit être une per- sonne qui prospecte ou explore pour trouver des minéraux «en son nom, pour son compte et celui d'autres personnes, ou comme employé».
En supposant, sans se prononcer sur ce point, que Joseph Frantz, le soi-disant prospecteur, faisait en l'espèce de la prospection, selon moi, il ressort clairement de l'examen du dossier qu'il ne prospectait pas en son nom ou pour son compte ou celui d'autres personnes. Ses travaux de prospection dans le passé rentraient dans le cadre de ses activités au service de l'appelante et de son prédécesseur et il prospectait pour le compte de cette compagnie à titre d'employé et jamais en son nom propre. Sa situation, à cet égard, différait de celle du prospecteur Tilsley dans l'affaire Winchell c. M.R.N. [1974] C.T.C. 177, confirmée par cette cour dans une décision non encore publiée et rendue au mois d'octobre de cette année. Dans cette affaire, la Cour a décidé que Tilsley était un prospecteur au sens de l'article 83(1)c), car, en vertu de certaines clauses de son contrat de travail, il pouvait prospecter pour son propre compte, ce qu'il fit à plusieurs reprises. Nonobstant cette conclusion, on a jugé que, dans les circonstances en cause, il ne faisait aucune prospection pour le compte de l'appelant Winchell. Pour ce dernier motif, entre autres, l'appel fut rejeté. Aucune preuve de ce genre n'a été présentée en l'espèce à l'égard du droit de prospection de Frantz; rien n'indique non plus qu'en ce qui concerne la prospection dans le comté de Fabre au Québec, il prospectait en son nom ou pour son compte et celui d'autres personnes. En réalité, l'ensemble de la preuve est en sens contraire dans la mesure elle indique clairement qu'il ne pos- sédait à aucun moment un quelconque intérêt financier personnel dans un des claims en ques tion. Par conséquent, le savant juge de première instance a conclu à bon droit, selon moi, que, vu l'ensemble de la preuve, Frantz, pour ce qui est des claims du comté de Fabre, n'agissait mani- festement pas en tant que prospecteur indépen- dant en son nom ou pour son compte et celui d'autres personnes, au sens de l'article 83(1)c), même si l'on entend cet article dans le sens large que lui a donné le président Jackett (main- tenant juge en chef) dans l'affaire Foster c. M.R.N. [1971] C.T.C. 335. Dans cette affaire, le juge en chef a estimé que cette définition pou- vait englober un prospecteur dont l'unique occu pation consistait à chercher des minéraux en tant que prospecteur indépendant pour le
compte d'autres personnes. Manifestement, Frantz n'appartenait pas à cette catégorie puis- qu'il était salarié à plein temps de la Keevil Mining Group Limited (ci-après appelée KMG) et rien dans la preuve n'indique qu'à toutes les époques en cause, il avait le droit de fournir, indépendamment de ses fonctions régulières, des services de prospection pour le compte d'autres personnes.
L'appelante, pour obtenir gain de cause, devait donc établir que Frantz explorait et pros- pectait les claims miniers en question, en tant qu'employé du syndicat dont l'appelante était membre, et non dans l'exercice de ses fonctions régulières au service de KMG. Une fois la rela tion de travail établie, elle devait en outre démontrer que le syndicat lui avançait des fonds ou payait une partie ou la totalité des dépenses de prospection et d'exploration. C'est sur ce point que l'avocat de l'appelante a centré son argumentation et, selon moi, c'est la seule ques tion en litige dans cet appel.
Dans sa plaidoirie, l'avocat de l'appelante a cherché à éviter toute conclusion qu'on aurait pu tirer du fait de l'emploi permanent de Frantz au service de KMG par analogie à une série d'arrêts en matière de responsabilité délictuelle et concernant le transfert d'un employé par son soi-disant employeur principal à un employeur temporaire à des fins déterminées. Selon moi, cet argument ne parvient en aucune façon à justifier cette action car, même si on l'admet le bien-fondé de sa prétention, il est tenu, en vertu des exigences posées par la Loi de l'impôt sur le revenu, de démontrer que Frantz est devenu un employé permanent ou temporaire du syndicat et que ce dernier lui a avancé de l'argent pour couvrir les frais de prospection. J'estime qu'il n'est pas parvenu à établir le bien-fondé de sa prétention.
Les conclusions du savant juge de première instance, qui se trouvent amplement corrobo- rées par la preuve et qui ne doivent pas être modifiées par cette cour, s'opposent à toute conclusion portant que la KMG, l'employeur régulier de Frantz, a transféré d'une façon quel- conque sa qualité d'employeur au syndicat. On aurait pu aisément établir la preuve de l'exis- tence de ce transfert, s'il avait eu lieu, en citant
comme témoin Keevil père qui donnait ordinai- rement des directives à Frantz concernant son travail, mais Keevil n'a pas témoigné. Le savant juge de première instance tire, à la page 16 de ses motifs, les 'conclusions importantes que voici:
Au contraire, il a été amplement prouvé qu'il était en tout temps sous la direction de Keevil père et de ses associés qui l'employaient depuis nombre d'années et que ce projet parti- culier n'a en aucune façon mis fin à cette entente ni ne l'a modifiée. Il a continué de percevoir un salaire de la KMG pendant toute cette période. Je ne peux donc conclure qu'il était un prospecteur indépendant; comme je l'ai indiqué plus haut, le fait que l'appelante ait versé à la Geophysical sa quote-part du coût de la prospection et du jalonnement des claims en question, ce qui comprenait le salaire de Frantz pour le temps de prospection, ne suffit pas à établir qu'il était un employé de l'appelante. Il était et est resté employé de la KMG et, même si l'appelante appartient au groupe de compagnies associées à la KMG, qui leur fournit divers services dont la comptabilité, il n'en est pas pour autant employé de l'appelante.
Il ressort manifestement de ces conclusions que la prétention de l'appelante est irrecevable. Selon moi, l'avocat ne renforce aucunement la position de sa cliente par ses nombreux renvois, au cours des débats à la preuve selon laquelle, à toutes les époques en cause, l'avocat du syndi- cat et Frantz connaissaient tous deux les exigen- ces posées à l'article 83 et avaient l'intention de s'y conformer. Pour qu'on lui donne quelque poids, il fallait montrer que cette intention s'était matérialisée. Les conclusions du savant juge de première instance ont écarté cette possi- bilité. On n'a établi aucune relation commettant- préposé fondée sur un contrat de louage de services ni, comme je l'ai indiqué précédem- ment, aucune entente conclue à un quelconque moment avec Frantz en qualité de prospecteur indépendant, aux termes d'un contrat de presta- tions de service. Le critère applicable, dans des circonstances données, pour déterminer la nature de cet emploi, selon la jurisprudence récente, est énoncé brièvement dans l'arrêt Market Investigations Limited c. Minister of Social Security [1969] 2 Q.B. 173 à la page 184.
Par conséquent, selon moi, l'appel doit être rejeté avec dépens.
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LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY a souscrit à l'avis.
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