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T-998-71
Marineland Inc. (Appelante) c.
Marine Wonderland and Animal Park Limited (Intimée)
Division de première instance, le juge Catta- nach—Ottawa, du 2 au 5 avril et le 23 août 1974.
Marques de commerce—Compagnie appelante faisant affaire aux États-Unis en présentant des spectacles de vie marine et animale—Mot «Marineland» employé comme marque de commerce en liaison avec ces spectacles—Intimée lançant postérieurement une affaire semblable au Canada— Remplaça le mot «Marine Wonderland» par «Marineland» pour désigner les spectacles—Demande d'enregistrement de «Marineland» comme marque de commerce au Canada— Rejet de l'opposition de l'appelante—Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, c. T-10, art. 2, 4(1), 5, 7, 12, 16(1)a), 29 et 37(2).
L'appelante, compagnie constituée suivant les lois du Delaware (É.-U.) a acquis un terrain en Floride et y a construit un aquarium pour présenter, contre un droit d'en- trée, un spectacle de vie marine dans un cadre naturel. A partir de 1937, l'appelante a employé le mot «Marineland» comme marque de commerce en liaison avec son spectacle. Par la suite, l'intimée, compagnie constituée suivant les lois de l'Ontario (Canada), monta une affaire à Niagara Falls avec un spectacle semblable à celui de l'appelante. L'intimée remplaça les mots «Marine Wonderland, par le mot «Mari- neland» pour désigner son spectacle, puis demanda l'enre- gistrement de «Marineland» comme marque de commerce au Canada. Le registraire rejeta l'opposition à l'enregistre- ment faite par l'appelante. Cette dernière interjeta alors appel de ce refus à la Division de première instance.
Arrêt: l'appel est rejeté. Les trois motifs d'opposition de l'appelante sont irrecevables: 1. En premier lieu, en vertu de l'article 37(2)a) de la Loi sur les marques de commerce, la demande d'enregistrement était irrégulière parce que non conforme aux exigences de l'article 29 de la Loi, en ce que la date de premier emploi au Canada, indiquée dans la demande comme étant le 15 mars 1966, n'était pas réelle- ment la date de premier emploi. Il est exact que l'emploi à une date - antérieure était prouvé, mais rien n'empêchait la requérante, par surcroît de précaution, de choisir une date postérieure dont elle était certaine comme date d'emploi confirmée. 2. En second lieu, l'intimée, en vertu de l'article 37(2)c) de la Loi, n'était pas une personne ayant droit à l'enregistrement en raison des deux éléments prévus à l'arti- cle 16(1): a) la marque de commerce «Marineland» avait été antérieurement employée au Canada par l'appelante; b) l'ap- pelante avait antérieurement révélé la marque de commerce au Canada. En ce qui concerne le premier élément, ce motif d'opposition imposait à l'appelante le fardeau de prouver qu'elle n'avait pas abandonné la marque de commerce. En l'espèce, il y avait eu non-usage prolongé depuis 1964, assorti de l'intention d'abandonner, intention résultant du
non-usage. En ce qui concerne le deuxième élément, les preuves, visant à établir que l'appelante avait révélé la marque au Canada, n'ont pas atteint le haut niveau de preuve requis en vertu de l'article 5 de la Loi. 3. En troisième lieu, la marque n'était pas distinctive des services de l'intimée à la date de premier emploi: comme l'appelante n'a pas réussi à établir que l'usage qu'elle fait de la marque de commerce était bien connu au Canada avant son adoption par l'intimée, il s'ensuit que la marque de commerce peut distinguer les services de l'intimée de ceux des autres.
Arrêts appliqués: Porter c. Don the Beachcomber [1966] R.C.É. 982; Robert C. Wian Enterprises, Inc. c. Mady [1965] 2 R.C.É. 3; E & JGallo Winery c. Andres Wines Ltd. (No du greffe: T-1818-73 rendu le 2 mars 1973) et Le Registraire des marques de commerce c. G.A. Hardie & Co. Ltd. [1949] R.C.S. 483.
APPEL. AVOCATS:
C. Robinson, c.r., et D.A. Hill pour
l'appelante.
Roger T. Hughes pour l'intimée.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante. Donald F. Sim, c.r., Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE CATTANACH: Cet appel porte sur une décision du registraire des marques de com merce en date du 12 janvier 1970 rejetant l'op- position faite par l'appelante à la demande de l'intimée visant à enregistrer mot «Marine- land» comme marque de commerce employée en liaison avec des spectacles de vie marine et animale dans un cadre à peu près naturel.
L'appelante fondait son opposition sur trois motifs conformément à l'article 37(2) de la Loi sur les marques de commerce, dont voici le texte:
37. (2) Cette opposition peut être fondée sur l'un quel- conque des motifs suivants:
a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 29;
b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;
c) le requérant n'est pas la °personne ayant droit à l'enre- gistrement; ou
d) la marque de commerce n'est pas distinctive.
Le premier motif d'opposition invoqué par l'appelante est prévu à l'article 37(2)a): «la demande ne satisfait pas aux exigences de l'arti- cle 29».
L'article 29 énumère ce que doit contenir une demande, notamment un état des marchandises ou services en liaison avec lesquels la marque a été employée et la date à compter de laquelle le requérant, l'intimée en l'espèce, a ainsi employé la marque de commerce.
Dans sa demande, en date du 27 juin 1966, produite au bureau du registraire, l'appelante déclare qu'elle a employé le mot «Marineland» au Canada en liaison avec les marchandises et services ci-dessus décrits, depuis le 15 mars 1966.
Si je comprends bien la théorie de l'appelante, tant qu'une demande d'enregistrement n'a pas été acceptée, les déclarations qu'elle contient en ce qui concerne les marchandises et services et la date d'emploi n'ont aucune valeur probante et ne constituent que de simples déclarations qu'il n'appartient pas au registraire, sauf dans des cas exceptionnels, de confirmer. Ce n'est qu'après l'enregistrement, quand les allégations de la demande sont transcrites sur le registre, que ces déclarations acquièrent une valeur probante.
Dans la présente affaire, la demande d'enre- gistrement de l'intimée n'a pas encore été acceptée.
Donc, suivant la théorie de l'appelante, bien que la date d'emploi de la marque au Canada indiquée par l'intimée dans la demande d'enre- gistrement ne puisse pas être mise en question par le registraire, elle peut effectivement l'être dans le présent appel. L'appelante soutient que la preuve établit que la date de premier usage indiquée dans la demande d'enregistrement, c'est-à-dire le 15 mars 1966, n'était pas effecti- vement la date de premier usage, mais que l'inti- mée avait commencé à employer cette marque postérieurement. Partant de ces prémisses l'ap- pelante prétend que la demande d'enregistre- ment ne respecte pas les exigences de l'article 29.
Le second motif d'opposition à la demande d'enregistrement est prévu à l'article 37(2)c): le
requérant, l'intimée en l'espèce, n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement. Ce motif d'opposition repose à son tour sur l'article 16(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, en vertu duquel l'intimée a droit à l'enregistre- ment du mot «Marineland» en liaison avec des spectacles de vie marine à moins qu'à la date l'intimée a en premier lieu employé cette marque ou l'a révélée, c'est-à-dire la date du 15 mars 1966 qui est contestée dans le premier motif d'opposition, elle n'ait créé de la confu sion avec une marque de commerce antérieure- ment employée ou révélée au Canada par une autre personne.
L'appelante soutient qu'elle a employé la marque de commerce «Marineland» de deux manières:
(1) en liaison avec des spectacles de vie marine, en vendant au Canada, par l'intermé- diaire d'agents de voyage et d'organisateurs de voyages, des billets d'entrée à ses specta cles dans l'état de la Floride, (É.-U.), et
(2) en employant la marque de commerce «Marineland» en liaison avec des films sur la vie marine réalisés par elle, loués et télédiffu- sés au Canada.
L'appelante soutient que la vente au Canada, par des agences de voyages et entreprises simi- laires, de billets d'entrée à ses spectacles de vie marine en Floride constitue un emploi de la marque de commerce au Canada et que la pré- sentation des films mentionnés par des stations de télévision canadiennes constitue un emploi de la marque en liaison avec ces marchandises, envisagé par l'article 4(1) de la Loi, en ce sens que la marque de commerce est liée aux mar- chandises au point qu'avis de liaison est donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
Dans ce second motif d'opposition à l'enregis- trement de la marque de commerce par l'inti- mée, l'appelante soutient également qu'elle a bien fait connaître la marque de commerce au Canada en conformité de l'article 5 de la Loi sur les marques de commerce, en raison d'annonces parues dans des publications mises en circula tion au Canada, lesquelles, dans la pratique ordi-
paire du commerce, étaient susceptibles de tou- cher des clients éventuels des spectacles de l'appelante en Floride.
Suivant le troisième motif d'opposition à l'en- registrement de la marque par l'intimée, prévu à l'article 37(2)d, la marque n'était pas distinctive des services offerts par l'intimée.
Si j'ai bien compris la prétention de l'appe- lante sur ce troisième motif, en raison de la vente au Canada de billets d'entrée aux specta cles de l'appelante en Floride, de la publicité dans des publications mises en circulation au Canada et du nombre de canadiens qui, en voyage organisé, ont assisté aux spectacles de vie marine présentés par l'appelante en Floride, la marque n'est pas distinctive des services offerts par l'intimée parce que le public cana- dien est familiarisé avec l'emploi de la marque pour les raisons indiquées et, de ce fait, ce public associe la marque de commerce «Marine- land» à une personne autre que l'intimée.
L'appelante est une compagnie constituée en 1937 suivant les lois de l'état du Delaware, un des États composant les États-Unis d'Amérique, dont le siège social est établi dans la ville de Marineland, en Floride. A l'origine, l'appelante était constituée en corporation sous le nom de Marine Studios Inc., mais, le 14 juillet 1969, on y a substitué, par documents appropriés éma- nant de l'autorité compétente, le nom de Mari- neland Inc.
Immédiatement après sa constitution en cor poration en 1937, l'appelante a fait l'acquisition d'environ 130 acres de terrain situés sur la côte orientale de l'état de la Floride entre l'océan Atlantique à l'est et un canal à l'ouest.
Sur ce terrain l'appelante a construit un vaste aquarium et s'est lancée dans une entreprise consistant à présenter au public, contre un droit d'entrée, des scènes de vie marine dans un cadre naturel. Je pense que la principale attrac tion de cette présentation est le spectacle donné à intervalles réguliers par des dauphins entraînés.
En 1937, l'appelante a employé le mot «Mar- ineland» comme marque de commerce en liai-
son avec son spectacle et a continué à le faire depuis.
Entre-temps, au vaste aquarium initial, on a ajouté dix autres bâtiments abritant des exposi tions, d'autres installations et des équipements représentant des frais d'établissement de plus de trois millions de dollars, et le personnel exploi- tant dépasse 110 personnes.
La preuve montre que le spectacle constitue une attraction touristique très populaire. Depuis 1961, on compte annuellement plus de 500,000 entrées payantes.
En plus des spectacles de vie marine, l'appe- lante a réalisé des films sur ce sujet et elle a mis ses installations à la disposition de la recherche scientifique sur la biologie marine qui a abouti à la publication de rapports scientifiques; l'appe- lante a également fait de la recherche pour son propre compte. Ceci constitue un complément naturel aux spectacles offerts par l'appelante et à ses opérations de recherche et de capture de spécimens vivants.
En raison du succès de cette entreprise, l'ap- pelante a établi une filiale ayant le même objet dans l'état de Californie sous le nom de «Marineland of the Pacific» .
On présente aussi en Nouvelle-Zélande un spectacle semblable, utilisant le terme «Marine- land» qui n'a aucun rapport avec l'appelante.
Dans les diverses cartes attachées aux pièces jointes aux nombreux affidavits produits, j'ai observé que Marineland est indiqué comme un point géographique. Au paragraphe 5 de l'avis d'appel, il est dit que le terrain acquis par l'ap- pelante en 1937, avec les bâtiments qui y ont été construits, a été érigé en municipalité la même année par l'état de la Floride sous le nom de ville de Marineland. Les limites de la ville de Marineland coïncident avec les limites du ter rain de l'appelante.
En vertu des articles 7 et 12(1) de la Loi, nul ne doit employer une marque de commerce pour indiquer l'origine géographique des marchandi- ses ou services en liaison avec lesquelles la marque est employée. Cependant, bien qu'à pre- mière vue elle ne soit pas enregistrable, une telle marque pourra être enregistrée quand elle
devient distinctive, en ce sens qu'elle distingue effectivement les marchandises ou services de son titulaire des marchandises ou services appartenant à d'autres personnes. Ceci est prévu à l'article 12(2). Une marque de com merce qui par ailleurs n'est pas enregistrable, le devient si elle a été employée au Canada de façon à être devenue distinctive à la date de production d'une demande d'enregistrement la concernant.
Donc, en ce qui concerne l'appelante, il s'agit toujours de savoir si elle a employé la marque au Canada.
D'après la jurisprudence anglaise et d'après les lois canadiennes antérieures, c'est-à-dire l'ar- ticle 11 e) de la Loi des marques de commerce et dessins de fabrique [S.R.C. 1929, c. 201] et l'article 2m) de la Loi sur la concurrence déloyale [S.R.C. 1952, c. 274] ainsi que les décisions judiciaires s'y rapportant, une marque de commerce, pour être enregistrable, doit avoir une qualité intrinsèque qui lui confère un carac- tère distinctif. Ce concept a été éliminé dans l'actuelle Loi sur les marques de commerce. Aujourd'hui il n'est plus nécessaire de recher- cher la qualité intrinsèque d'une marque pour vérifier si elle peut avoir un caractère distinctif; l'enquête se limite à vérifier si la marque est distinctive.
Donc, en ce qui concerne l'intimée, il s'agit de savoir si, entre ses mains, la marque «Marine- land» est distinctive.
Aucun des motifs d'opposition à l'enregistre- ment de la marque de commerce «Marineland» présentés par l'appelante, soit devant le regis- traire soit devant cette cour, ne soutient que cette marque de commerce n'était pas enregis- trable en vertu de l'article 37(2)b) précité.
L'intimée est une compagnie par actions, constituée en vertu des lois de la province d'On- tario sous le nom corporatif de «Marine Won derland and Animal Park Limited.» Après sa constitution en corporation, l'intimée s'est éta- blie à Niagara Falls (Ontario) comme exploitant d'une attraction touristique et scénique. Comme l'indique le nom corporatif, au sujet duquel je me permets l'opinion gratuite qu'il est attrayant et convenable, l'activité de l'intimée consistait à
présenter des spectacles de vie marine et de vie animale dans leur cadre naturel respectif, en réclamant un droit d'entrée. Je pense que le spectacle de vie animale offert par l'intimée peut être assimilé à un zoo. D'après ce que j'ai retenu de la preuve, des installations de pique- nique et de camping étaient à la disposition du public dans le zoo. Je pense aussi que la preuve démontre clairement que la principale attraction du spectacle de vie marine était le numéro des dauphins dans un aquarium ou piscine, numéro semblable à celui présenté par l'appelante en Floride et en Californie.
Bien que le nom corporatif de l'intimée n'ait jamais changé, elle a d'abord présenté ses attractions sous le nom de «Marine Wonderland and Game Park.»
Par la suite, l'intimée a abandonné l'usage des mots «Marine Wonderland» pour décrire ses spectacles de vie marine et les a remplacés par le mot «Marineland». Dans sa demande d'enre- gistrement du mot «Marineland» comme marque de commerce, l'intimée allègue que ce changement est intervenu le 15 mars 1966. L'appelante conteste cette date et allègue que les preuves établissent que la première utilisa tion est postérieure au 15 mars 1966; c'est la base de son premier motif d'opposition: la demande ne respecte pas les conditions prévues à l'article 29 de la Loi sur les marques de commerce, la date de première utilisation indi- quée étant inexacte.
On a pas invoqué comme motif d'opposition à l'enregistrement que l'emploi par l'intimée de la marque «Marineland» serait susceptible de déprécier la marque aux mains de l'intimée.
Holer, principal actionnaire et président direc- teur général de la compagnie intimée, est un promoteur plein d'initiative et vigoureux de cette entreprise. Il a réussi à en faire un specta cle de qualité, et ayant nécessité un important investissement de capital. Cet investissement, quoique n'égalant pas celui de l'appelante, est quand même très important.
Je ne doute pas que Holer était bien au fait de l'emploi par l'appelante du mot «Marineland» en liaison avec ses spectacles tant en Floride qu'en Californie et de l'énorme succès de ces specta cles. Je fonde cette affirmation sur la preuve que Holer a recherché et engagé des anciens employés de l'appelante en qualité d'entraîneurs des dauphins qui se produisaient dans le specta cle de l'intimée à Niagara Falls.
Par conséquent, bien qu'il soit impossible d'éprouver de la sympathie pour Holer qui a ainsi adopté la marque de commerce «Marine- land», il ne s'agit pas de savoir s'il a eu une conduite peu recommandable, mais s'il était interdit à l'intimée, en vertu de la Loi sur les marques de commerce et plus particulièrement en vertu des motifs contenus dans l'opposition à sa demande d'enregistrement de cette marque, d'utiliser la marque de commerce «Marineland» en liaison avec les services qu'elle offre au Canada.
Je reviens donc à ces motifs d'opposition dont le premier est que la demande d'enregistrement ne satisfait pas aux exigences de l'article 29.
L'article 29 b) exige que le requérant indique dans sa demande, dans le cas d'une marque de commerce qui a été employée au Canada, la date à compter de laquelle il a employé cette marque en liaison avec ses services. Dans la formule de demande, l'intimée a indiqué que cette date était le 15 mars 1966. D'après les instructions jointes au formulaire, le requérant devait indiquer la première date à laquelle il a commencé à employer la marque de commerce au Canada.
La raison en est évidente. En vertu de l'article 16, le droit à l'enregistrement appartient à la personne qui a fait le premier usage d'une marque de commerce au Canada ou l'y a révé- lée. Ce droit est naturellement soumis au fait que la marque n'a pas été antérieurement employée au Canada par une autre personne et que cette personne peut faire opposition à la demande d'enregistrement ou obtenir la radia tion de l'inscription. La date qui détermine le droit à l'enregistrement, lorsque ce droit est réclamé par plusieurs concurrents, est celle de
la première utilisation au Canada ou celle la marque a été révélée en premier lieu au Canada.
Comme on l'a signalé au cours des débats, le registraire n'a pas qualité pour demander au requérant de justifier cette date sauf s'il lui demande, preuve à l'appui, d'indiquer une date antérieure. En vertu de l'article 54(3) de la Loi, dès l'enregistrement, une copie de l'inscription de l'enregistrement fait foi des faits y énoncés. Mais avant l'enregistrement, la déclaration que comporte la demande constitue simplement une déclaration et rien de plus.
On a soutenu devant moi que, lorsque la date de la première utilisation d'une marque de com merce au Canada est contestée, il appartient alors au requérant de faire la preuve de cette date. Je pense que les règles normales de la preuve pourraient aussi bien s'appliquer et que la charge d'établir une allégation, positive ou négative, incombe à la partie qui fait cette allégation.
Cependant sans me prononcer sur la question du fardeau de la preuve dans les circonstances de l'espèce, je suis persuadé qu'on a présenté des preuves établissant que l'intimée a employé la marque de commerce dès septembre 1965. Cette preuve résulte d'un affidavit d'un employé temporaire de l'intimée. Cet employé étudiant a commencé à travailler en juin 1965 alors que l'intimée exploitait son entreprise en liaison avec les mots «Marine Wonderland». Ces mots figuraient sur une grande enseigne placée près de l'endroit les dauphins se produisaient. Quand cet étudiant est revenu chez l'intimée en septembre 1965, il a noté que l'enseigne avait été repeinte pour remplacer les mots «Marine Wonderland» par le mot «Marineland».
Il y a eu d'autres preuves que l'intimée avait fait de la publicité pour ses installations de 1964 à 1969 dans un magazine intitulé «Showcase Niagara», consacré aux événements et attrac tions qui se déroulaient dans la région de Nia- gara. Antérieurement à mai 1966, les mots qui figuraient dans l'annonce étaient «Marine Won derland» et le nom corporatif «Marine Wonder land and Animal Park Limited». En mai 1966, une réclame annonçait que le nom de «Marine
Wonderland and Animal Park» était remplacé par «Marineland and Game Farm». Dans ces réclames le nom corporatif indiqué était «Marineland and Game Farm Limited». On ne m'a présenté aucune preuve que les autorités compétentes de la province d'Ontario avaient émis des lettres patentes supplémentaires pour changer le nom corporatif. Au contraire, les parties ont reconnu, si je me souviens bien, que le nom corporatif n'a pas été changé. Je ne peux donc que supposer que l'emploi du nom corpo- ratif «Marineland and Game Farm Limited» n'était pas autorisé. Cependant, la publicité faite en mai 1966 et postérieurement invitait le public à venir et à revenir voir «Marineland», ce qui signifiait le spectacle aquatique présentant des dauphins entraînés, des otaries, des phoques et autres espèces aquatiques analogues.
Ainsi, l'emploi du mot «Marineland» dès sep- tembre 1965, la confirmation du changement de nom et l'emploi continu du mot «Marineland» dès mai 1966, ont été établis.
L'article 29 exige que la demande d'enregis- trement d'une marque de commerce indique la date à compter de laquelle la marque de com merce a été employée au Canada. Le formulaire de demande, joint en annexe aux règles établies en vertu de la Loi, précise que le requérant doit déclarer que la marque de commerce a été employée en liaison avec des marchandises ou services spécifiques «depuis» une date qui doit être indiquée. Bien qu'il soit possible que la première date d'utilisation remonte à septembre 1965, je ne vois pas pourquoi le requérant ne pourrait pas, prenant des précautions supplé- mentaires, choisir une date postérieure dont il est tout à fait certain comme date d'utilisation confirmée de la marque, surtout lorsqu'il est désavantageux pour lui de renoncer aux bénéfi- ces d'une date antérieure dans l'intérêt d'une plus grande certitude.
Donc, à mon avis, on ne peut dire qu'une demande d'enregistrement ainsi faite ne se con- forme pas aux exigences de l'article 29.
Pour cette raison, je rejette comme non fondé le premier motif d'opposition avancé par l'appelante.
Le second motif d'opposition à la demande d'enregistrement de l'intimée est basé sur l'arti- cle 37(2)c) en ce sens que l'intimée n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement. Ce second motif d'opposition comprend deux élé- ments qui, comme l'expose l'article 16(1), sont les suivants:
(1) la marque de commerce «Marineland» avait été antérieurement employée au Canada par l'appelante, et
(2) la marque de commerce avait été anté- rieurement révélée au Canada par l'appelante.
Le premier élément de ce motif d'opposition se subdivise à son tour en emploi de la marque de commerce au Canada en liaison avec les mêmes services offerts par l'appelante, qui s'est fait de deux manières,
(1) par la vente au Canada de billets d'entrée aux attractions de l'appelante en Floride, et
(2) par l'emploi de la marque de commerce en liaison avec des films réalisés par l'appelante et loués et présentés au Canada.
Le juge Thurlow dans l'affaire Porter c. Don the Beachcomber' dit à la page 985:
[TRADUCTION] Il s'agit donc, dans le présent appel de déterminer si la publicité faite au Canada pour la marque de commerce, sans exécution réelle au Canada des services à l'égard desquels elle a été enregistrée, constituait un emploi de cette marque au Canada, au sens de la Loi... .
Dans les débats, la position de l'avocat était ainsi décrite:
[TRADUCTION] L'avocat a soutenu qu'en raison de la défi- nition du mot «emploi» ou «usage» de l'article 2v) et de la disposition de l'article 4(2) mentionnée dans cette définition, le mot «employée» de l'article 44(3), tel qu'il s'applique à cette affaire, doit s'entendre comme signifiant «employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services»; que l'affidavit de Raymond M. Fine montrait que la marque était employée au Canada au sens de la définition, étant donné qu'elle était montrée dans l'annonce faite au Canada des services offerts par l'intimée aux États-Unis, et que le registraire, au vu de cet affidavit, était tout à fait fondé à conclure que rien n'indiquait que la marque n'était «pas employée au Canada» au sens de l'article 44(3).
En réponse à cette prétention, le juge Thur - low déclarait à la page 986:
' [1966] R.C.É. 982.
[TRADUCTION] Je ne pense pas qu'un tel argument puisse être retenu. A mon avis l'association suggérée des expres sions de l'article 4(2) avec celles de l'article 44(3) conduit à une interprétation qui ne donne pas plein effet aux termes utilisés dans l'un ou l'autre de ces paragraphes. L'article 44(3) vise non pas le simple emploi de la marque de com merce, mais son emploi au Canada. L'expression «marque de commerce» est définie à l'article 21), dans la mesure cette définition se rapporte aux marques associées à des services, comme désignant une marque qui est employée ou destinée à être employée pour distinguer les services exécu- tés par une personne, ou suivant une norme, des services exécutés par d'autres personnes ou non conformes à la norme. D'après l'article 2 v) «emploi» ou «usage» en ce qui concerne des services signifie un usage qui, en vertu de l'article 4(2), est considéré comme un emploi en liaison avec des services et, pour être considérée comme étant employée en liaison avec des services la marque de commerce doit, en vertu de l'article 4(2), être utilisée ou montrée dans l'exécu- tion ou l'annonce des services. Deux éléments sont ainsi requis pour constituer un «emploi» ou «usage» défini à l'article 2 v) c'est-à-dire (i) des services que la marque de commerce sert à distinguer et (ii) l'usage ou la présentation de la marque de commerce dans l'exécution ou l'annonce des services. En matière d'interprétation des termes de la Loi, toute autre considération mise à part, il me semble que l'expression «employée au Canada» de l'article 44(3) signifie la réalisation au Canada des deux éléments requis pour constituer un «emploi» ou «usage» et que la réalisation d'un seul de ces éléments ne constitue pas un «emploi au Canada» de la marque de Commerce.
Il a ensuite vérifié cette conclusion par d'autres moyens. Il a conclu à la page 988:
[TRADUCTION] Je conclus donc que «l'emploi au Canada» d'une marque de commerce en ce qui concerne des services n'est pas établi par la simple annonce de la marque de commerce au Canada jointe à l'exécution des services à l'étranger; il faut que les services soient exécutés au Canada et que la marque de commerce soit employée ou montrée dans l'exécution ou l'annonce de ces services au Canada.
L'avocat de l'appelante a soutenu que les circonstances de l'espèce sont différentes de celles soumises au juge Thurlow. Il a prétendu que l'appelante exploitait activement une entre- prise au Canada.
Si l'appelante pouvait établir qu'elle a effecti- vement employé la marque de commerce "Marineland" au Canada dans l'exploitation de son entreprise, elle aurait gain de cause.
La preuve relative à la vente des billets d'en- trée aux attractions de l'appelante à Marineland (Floride) bien avant le moment l'intimée a remplacé l'expression «Marine Wonderland» par «Marineland» pour désigner ses attractions
aquatiques à Niagara Falls (Ontario), est consti- tuée par des affidavits de dirigeants d'une agence de voyage distributrice, d'une agence de voyage organisatrice et d'une compagnie d'autobus.
L'agence de voyage organisatrice mettait au point un voyage en Floride. Ceci comprenait des réservations de transport et d'hôtel pour les participants et de billets d'entrée à des centres d'intérêts et d'attractions.
Le voyage ainsi mis au point par l'agence organisatrice était alors offert au public cana- dien par une agence de voyage distributrice.
La compagnie d'autobus préparait ➢e voyage sans l'intervention d'agence organisatrice ou distributrice.
Dans la mise au point de ces voyages organi- sés, l'agence organisatrice et la compagnie d'au- tobus réservaient pour leurs clients un nombre précis de billets d'entrée à des attractions touris- tiques déterminées, présentées par l'appelante. Le coût du billet d'entrée était compris dans le prix facturé aux clients qui participaient au voyage.
La directrice de l'agence de voyage distribu- trice a affirmé au paragraphe 4 de son affidavit que sa compagnie agissait en qualité de «manda- taire» de l'appelante en émettant des billets d'entrée aux participants du voyage organisé. Une mention figurant à un reçu d'admission annexé à l'affidavit indique qu'il s'agit d'une réservation pour des clients nommément dési- gnés de l'agence de voyage distributrice.
Donc, la mention de l'affidavit indiquant que l'agence de voyage agissait en qualité de «man- dataire» de l'appelante ne traduit pas juridique- ment un rapport de commettant à mandataire. Tout contrat relatif à l'entrée sur les terrains de l'appelante était passé entre cette dernière et l'agence de voyage. Le contrat relatif au voyage organisé intervenait entre l'agence de voyage et ses clients. Ce contrat était conclu au Canada. Le client ne pouvait assister aux spectacles de l'appelante sans se rendre sur les terrains de celle-ci en Floride.
Cette situation est différente de celle du client qui remet pour les faire développer des pellicu- les photographiques à une personne engagée dans ce genre d'activité au Canada. Il se peut que la personne à qui les négatifs sont confiés au Canada, les fasse développer à l'étranger; cependant, le contrat est conclu au Canada bien que le développement des pellicules se fasse ailleurs, par suite d'un accord entre la personne qui reçoit la pellicule du client et celle qui la développe. Le client ne connaît que son co-con- tractant au Canada et n'a rien à voir avec l'en- tente, dont il ne connaît même pas l'existence, en vertu de laquelle la pellicule est effective- ment développée ailleurs.
Dans le cas présent, l'exécution des services offerts par l'appelante ne peut être complétée que par la présence du participant au voyage organisé sur les terrains de l'appelante pour assister au spectacle.
Pour ces motifs, je conclus que l'activité com- merciale consistant à vendre des billets d'admis- sion relevait de l'agence de voyage plutôt que de l'appelante et que, de toute manière, l'appelante ne fournissait pas ses services au Canada.
Cependant, le fait que ces agences de voyage vendaient des billets d'entrée aux attractions de l'appelante en Floride constitue un élément dont il faut tenir compte pour déterminer si l'appe- lante avait bien fait connaître au Canada la marque de commerce «Marineland» en liaison avec ses services.
L'appelante soutient aussi qu'elle avait, avant l'intimée, employé la marque de commerce «Marineland» en liaison avec des marchandises, c'est-à-dire des films.
L'appelante a réalisé une série de treize films sous le titre collectif de [TRADUCTION] «Mer- veilles de la mer». Les films ainsi réalisés étaient la propriété de l'appelante dont le nom corporatif était alors «Marine Studios Inc.».
En 1958, une compagnie dont le siège social était à New York (N.Y.) a acquis le droit de distribuer ces films à travers le monde. Cette compagnie, à son tour, a fait le nécessaire pour
qu'une compagnie canadienne agisse comme sous-distributeur de ces films au Canada.
Ce sous-distributeur canadien a fait projeter ces films par la Société Radio-Canada.
Des émissions «en première diffusion» eurent lieu entre mars 1958 et mars 1959 et il y eut des émissions «en reprise» durant la période com prise entre juin et août 1960. La dernière émis- sion eut lieu en 1964. Ces films n'ont plus été télédiffusés depuis 1964.
Les pellicules de cette série de films ont été retournées au sous-distributeur canadien. Elles sont en si mauvais état qu'elles sont devenues inutilisables.
Il a été établi que dix films de cette série de treize (apparemment trois d'entre eux ont été perdus par le sous-distributeur canadien) ont été examinés. On a, en fait, examiné onze films mais l'un était en double. Cet examen a révélé que chacun des dix films de la série commençait par une même scène et par une même introduc tion dite par un commentateur. Tous ces films présentaient une en-tête commune, écrite en toutes lettres et se lisant comme suit:
[TRADUCTION] Présenté par MARINELAND FILMS, Marineland (Floride).
Il semble que chacun des films se terminait, à une certaine époque, sur une même scène et sur un même commentaire, sauf l'un d'entre eux il n'y avait pas de commentaire final et un autre le commentaire final était légèrement modifié.
Le commentaire final de neuf des films était le suivant:
[TRADUCTION] Les merveilles de la mer sont une présenta- tion de Marineland Films et vous viennent de Marineland (Floride).
La variante qu'un de ces films comportait donnait le commentaire final suivant:
[TRADUCTION] Présentation de Marineland Films qui vous vient de Marineland (Floride).
D'après le contrat entre le sous-distributeur canadien et la Société Radio-Canada, l'introduc- tion et la conclusion visuelles et narratives
devaient être présentées.
L'article 4(1) de la Loi prévoit que:
4. (1) Une marque de commerce est censée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées ou si elle est, de quelque autre manière, liée aux marchandises au point qu'avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
Le premier problème qui se pose est celui de savoir si l'utilisation visuelle et orale des mots «Marineland Films» décrite précédemment constitue un emploi du mot «Marineland» comme marque de commerce en ce qui con- cerne les marchandises de l'appelante.
Étant donné l'interprétation que je donne aux faits exposés, il n'est pas nécessaire de trancher cette question.
Quand l'appelante essaie de s'opposer à la demande d'enregistrement de l'intimée en invo- quant l'emploi et la révélation antérieurs de la même marque de commerce au Canada, il appartient à l'appelante de prouver qu'elle n'a pas abandonné cette marque de commerce.
En admettant que l'emploi par l'appelante du mot «Marineland» en liaison avec des films constitue un emploi de marque de commerce, question que je n'ai pas tranchée, il appert de la preuve que la réalisation de ces films remonte à 1958 et qu'ils n'ont pas été présentés au Canada depuis 1964.
Cependant le simple non-usage d'une marque de commerce n'équivaut pas nécessairement à son abandon. Le non-usage doit être aussi accompagné de l'intention d'abandonner.
A mon avis, l'intention d'abandonner l'usage de la marque de commerce «Marineland» en liaison avec des films, dans les circonstances de la présente affaire, résulte du non-usage par l'appelante sur une longue période. C'est ce que je conclus de la preuve qui montre que l'appe- lante a réalisé une seule série de films pour distribution. Elle n'en a pas réalisé d'autres pour la présentation au Canada et aucun autre film n'y a été présenté. L'appelante n'a pas employé
cette marque de commerce en liaison avec lesdi- tes marchandises depuis 1964. J'adopte comme principe que l'emploi d'une marque de com merce qui couvre des marchandises de diverses catégories de même que des services est divisi ble, séparée et distincte.
Alors, dans de telles circonstances, j'estime que l'appelante n'a pas prouvé, comme il lui incombait de le faire, qu'elle n'a pas abandonné l'usage de cette marque de commerce au Canada en liaison avec les films; je conclus donc, en admettant qu'il y ait eu emploi de marque, que cette marque a été abandonnée au Canada.
Reste à examiner le second élément du deuxième motif d'opposition à l'enregistrement de la marque «Marineland» par l'intimée, à savoir que l'appelante a employé la marque de commerce dans un pays de l'Union, en l'espèce les États-Unis d'Amérique, en liaison avec ses services et que ces services ont été annoncés dans des publications imprimées diffusées au Canada, rendant ainsi la marque bien connue au Canada, en conformité de l'article 5 de la Loi sur les marques de commerce.
Il n'est pas contesté que l'appelante a employé la marque de commerce aux États- Unis en liaison avec des services identiques à ceux qu'offre l'intimée au Canada.
La contestation porte sur le point de savoir si, par suite d'une publicité sous différentes formes, l'usage par l'appelante de la marque de commerce est devenue «bien connue» au Canada.
En ce qui concerne une marque réputée «bien connue au Canada», je cite le passage suivant de l'arrêt Robert C. Wian Enterprises Inc. c. Mady 2 à la page 28:
En outre, j'estime qu'on n'a pas vraiment essayé de démontrer que les marques de commerce de la demande- resse étaient «bien connues au Canada». On a simplement essayé de démontrer qu'elles étaient bien connues à Wind- sor (Ontario) et dans les environs. On a prétendu que, si elles étaient bien connues dans une partie quelconque du Canada, elles étaient «bien connues au Canada» au sens de
z [1965] 2 R.C.É. 3.
l'article 5 de la Loi sur les marques de commerce. Je ne puis souscrire à ce point de vue. Une chose peut être considérée connue au Canada si elle est connue dans seulement une certaine partie du Canada, mais, à mon avis, elle n'est pas «bien connue» au Canada si sa connaissance n'a pas envahi le pays de façon importante. Lorsque l'article 5 mentionne une marque de commerce qui est «bien connue au Canada par suite de cette ... annonce», il me vient à l'esprit des marques bien connues telles que «Coca-Cola», «Esso», «Chevrolet,,, et «Frigidaire», des noms que l'on voit dans des revues publicitaires dans les foyers de toutes les régions du pays, ou que l'on entend ou voit à la radio ou à la télévision dans toutes les régions du pays. Je ne crois pas qu'une marque de commerce puisse être considérée comme «bien connue au Canada» lorsque sa connaissance se limite à une région du Canada. A mon avis, elle doit être «bien connue» dans tout le Canada «parmi les marchands ou usagers éventuels» de marchandises ou services s'y rappor- tant. A ce sujet, je dois citer les propos du juge Kellock à la page 500 de l'arrêt Le registraire des marques de commerce c. G.A. Hardie & Co. Ltd. [1949] R.C.S. 483.I1 s'agissait de savoir si on avait prouvé l'emploi d'une marque de com merce «d'une manière telle qu'elle soit généralement connue par les marchands ou usagers du genre de marchandises en liaison avec lesquelles elle a été employée» de façon à pouvoir être enregistrée en vertu de l'article 29 de la Loi sur la concurrence déloyale, (1932); le juge Kellock a déclaré que les affidavits sur lesquels on se fondait ne suffisaient aucunement à démontrer la connaissance «générale» exigée. Il a ajouté «il doit exister des centaines d'autres blanchisse- ries et plusieurs autres hôpitaux dans tout le pays, la preuve ne fait pas état d'un aussi grand nombre.»
Le juge Heald a cité ce passage dans l'affaire E & J Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (Cour fédérale, T-1818-73, décision rendue le 21 mars 1973), et l'a considéré comme établissant le type de preuve exigé en vertu de l'article 5 de la Loi sur les marques de commerce.
On m'a soumis les mêmes preuves que celles dont disposait le registraire; on les a complétées par une pléthore d'affidavits additionnels, ten- dant à établir la notoriété au Canada de l'usage de la marque de commerce «Marineland» par l'appelante en liaison avec ses services pendant un certain nombre d'années avant la date l'intimée en a fait un premier usage, date que j'estime être le 15 mars 1966; cette notoriété aurait été acquise par des publications impri- mées, comportant des annonces payées et de la publicité gratuite dans des journaux et magazi nes; par la diffusion par l'intermédiaire d'agen- ces de voyage de brochures préparées par l'ap- pelante; par la présentation de, films à la télévision; par la présentation d'un film sur les attractions de l'appelante, tourné chez elle par
un réalisateur indépendant de programmes pour enfants et dans lequel on faisait oralement réfé- rence à «Marineland», aux voyages en groupe organisés par deux agences de voyage et une compagnie d'autobus l'on vendait des billets d'entrée au spectacle de l'appelante à des touris- tes canadiens; et par le fait qu'un grand nombre de touristes canadiens visitent les terrains et les installations de l'appelante chaque année.
A l'audition de l'affaire, on a objecté que plusieurs des affidavits contenaient des déclara- tions qui constituaient des témoignages par ouï- dire, des énoncés d'opinion plutôt que des cons- tatations de faits, et des suppositions. Dans plu- sieurs cas, ces objections étaient valables et dans d'autres, il s'agissait de savoir quelle valeur probante attribuer au témoignage.
En ce qui concerne les annonces dans les publications imprimées, l'appelante adressait son message au marché américain. Sauf deux cas isolés, l'appelante ne faisait jamais d'an- nonce directe dans des publications imprimées au Canada et les annonces dans des publications imprimées ailleurs sont parvenues partiellement au public canadien par «retombées». A mon avis, cette publicité n'a pas eu pour résultat de conférer une grande notoriété à la marque de commerce, condition essentielle pour qu'elle devienne «bien connue», comme les marques de commerce dont il est question dans le passage précité dans l'arrêt Wian c. Mady.
Après un examen attentif de toutes les preu- ves, je suis amené à conclure qu'elles ne rejoi- gnent pas le haut niveau de preuve requis pour établir que la marque de commerce de l'appe- lante était «bien connue au Canada» conformé- ment à l'article 5 de la Loi et comme l'exposent les arrêts Wian c. Mady et E & J Gallo Winery c. Andres Wines Ltd. (précités).
Suivant le troisième et dernier motif d'opposi- tion, tendant à rejeter la demande faite par l'intimée en vue de l'enregistrement de la marque de commerce, cette marque n'était pas distinctive des services de l'intimée au 15 mars 1966.
Le mot «distinctif» est défini comme suit à l'article 2 de la Loi sur les marques de commerce:
«distinctive», par rapport à une marque de commerce, dési- gne une marque de commerce qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi;
Si j'ai bien compris, l'appelante a soutenu en substance que l'adoption par l'intimée de la marque de commerce «Marineland» ne pouvait être distinctive de ses services au Canada, indé- pendamment de l'usage de la marque de com merce par l'appelante et de la question de savoir si elle était devenue bien connue au Canada, car, en raison de la publicité faite au Canada pour les services de l'appelante en liaison avec cette marque de commerce, de la vente au Canada de billets d'entrée, de la présentation de films au Canada par des stations canadiennes de télévision et de la connaissance appréciable du public canadien de la marque de l'appelante et sa familiarité avec elle, le mot «Marineland» ne peut distinguer les services de l'intimée des ser vices d'autres personnes en raison de la con- naissance signalée ci-dessus.
Il ne peut y avoir de doute que l'appelante a fait un usage étendu de la marque de commerce «Marineland» aux États-Unis, mais l'usage dans un pays étranger n'établit pas le caractère dis- tinctif de la marque au Canada.
Je n'arrive pas à suivre la logique de la pré- tention de l'appelante à ce sujet. Il me semble qu'elle est inextricablement liée à la prétention de l'appelante que l'emploi du mot «Marine- land» à titre de marque de commerce en liaison avec ses marchandises et services est devenu bien connu au Canada. Si l'appelante ne réussit pas à établir que l'usage qu'elle a fait de la marque de commerce était bien connu au Canada avant son adoption par l'intimée, ce qui est le cas d'après ma conclusion, il en découle logiquement que la marque de commerce peut distinguer les services de l'intimée de ceux d'au- tres personnes. Si la marque de commerce de l'appelante n'était pas bien connue au Canada, il est difficile de voir comment l'adoption d'une marque identique en liaison avec des marchan- dises identiques au Canada est susceptible de créer une confusion avec la marque de com merce de l'appelante, en ce sens que l'usage par l'intimée de la même marque de commerce amè-
nerait à conclure que les services offerts par l'intimée sont ceux de l'appelante.
Pour ces raisons, je conclus que le troisième motif d'opposition de l'appelante n'est pas fondé.
Pour les motifs qui précèdent, l'appel de la décision du registraire en date du 12 janvier 1970 est rejeté avec dépens.
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