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A-73-73
Kingsdale Securities Co. Limited (Appelante)
c.
Le ministre du Revenu national (Intime')
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge suppléant Bastin—Toronto, les 30 septembre et l er , 2 et 3 octobre; Ottawa, le 4 décembre 1974.
Impôt sur le revenu—Compagnies familiales—Fonction- nant sous forme de société en nom collectif—Projet pour faire face à la législation concernant les compagnies asso- ciées—Fiducies familiales formant une société en commandi- te—Fiducies jamais créées—Loi de l'impôt sur le revenu, art. 138,4 (adoptée en 1963, c. 21, art. 26(1))—Règle 1711 de la Cour fédérale—The Limited Partnerships Act, S.R.O. 1970, c. 247, art. 10—The Partnerships Act, S.R.O. 1970, c. 339, art. 2—The Interpretation Act, S.R.O. 1970, c. 225, art. 30.28.
La George E. Shnier & Company Limited, compagnie dont l'appelante a pris la suite, a été constituée en 1949 en vue de fabriquer et de commercialiser des revêtements de sol, des produits en caoutchouc et des matériaux de cons truction. En 1962, une société a été formée pour gérer la compagnie Shnier et une autre affaire familiale. Les associés à participation égale en étaient cinq compagnies contrôlées par cinq frères Shnier. A la mort de George Shnier, une autre compagnie contrôlée par un frère Shnier fut admise dans la société. Comme le budget canadien de juin 1963 semblait prévoir des modifications dans l'imposition des compagnies associées, les frères Shnier établirent une nou- velle organisation pour exploiter l'entreprise. Chacun des cinq frères devait constituer une fiducie dont il serait un des fiduciaires; les bénéficiaires en seraient les épouses des cinq frères Shnier, leurs enfants et autres parents. Une société en commandite comprenant les cinq fiducies (comme comman- ditaires) et la compagnie appelante (comme gérante) devait être alors constituée pour reprendre l'affaire de la société en nom collectif en achetant la participation des compagnies personnelles; des déclarations de société en commandite devaient être déposées et chaque fiducie familiale apporter $75,000 à la société en commandite. La pièce 39 du dossier, page 20, faisait ressortir les incidences fiscales qui pour- raient en résulter.
Pour les années d'imposition de 1964 à 1967, l'appelante avait déclaré le sixième du revenu net provenant de la société en commandite au motif que chacune des cinq fiducies familiales déclarait le sixième des bénéfices après prélèvement des montants appropriés revenant aux bénéfi- ciaires. Les fiducies familiales n'ont pas fait l'objet de cotisations nouvelles, mais le Ministre établit une nouvelle cotisation pour l'appelante portant sur la totalité du revenu provenant de la société en commandite, au motif que les fiducies n'ont pas été formées et que, partant, la totalité du revenu net provenant de la société était imposable entre les mains de l'appelante en qualité de propriétaire réel de l'affaire.
Arrêt (rendu à la majorité): l'appel est rejeté.
Les juges Urie et Ryan: le but principal du projet était de réduire, par des moyens légaux, l'incidence fiscale des pro positions budgétaires. D'après l'ensemble du dossier et les conclusions du juge de première instance, corroborées par la preuve, il était clair que ni une société en nom collectif, ni une société en commandite n'avaient vu le jour. Les fiducies prévues dans l'accord de mars ou d'avril 1964 n'avaient pas été constituées à la date présumée du contrat de société, le 1e" janvier 1964 ou antérieurement. C'est une erreur de prétendre qu'elles avaient pu participer à la formation de la société; elles ne le pouvaient pas en vertu de la Loi de l'Ontario aurait été conclu l'accord en vue de la création des fiducies (voir l'article 2 de The Partnerships Act, S.R.O. 1970, c. 339 et l'article 30.28 de The Interpretation Act, S.R.O. 1970, c. 225). En ce qui concerne les fiduciaires, ils ont signé l'accord de fiducie, non en tant qu'associés, mais en leur qualité de fiduciaires. L'appelante n'a pas géré l'entreprise familiale au nom d'une société composée des fiduciaires et c'est à bon droit que le revenu net à été imposé entre ses mains.
Le juge suppléant Bastin (dissident): la nouvelle cotisation établie par le Ministre est fondée sur l'idée que les diverses mesures prises par les frères Shnier, en vue de créer des fiducies au bénéfice de leurs épouses et enfants, ne consti- tuaient qu'une tentative destinée à simuler la répartition des bénéfices des entreprises de la famille, qu'en fait l'appelante conservait. Puisque les fiducies ont été effectivement créées, conférant une participation irrévocable dans les entreprises familiales aux fiduciaires pour le compte des épouses et enfants Shnier, l'appelante devrait avoir gain de cause.
Arrêts examinés: Owners of the ship Tasmania c. Smith (1890) 15 A.C. 223; Lamb c. Kincaid (1907) 38 R.C.S. 516; Johnston c. M.R.N. [1948] R.C.S. 486; Von Hatz- feldt-Wildenburg c. Alexander [1912] 1 Ch. 284; Ayr- shire Pullman Motor Services c. C.I.R. 14 T.C. 754; Stanley c. National Fruit Company [1929] 3 W.W.R. 522 et London Passenger Transport Board c. Moscrop [1942] A.C. 332; 111 L.J. Ch. 50.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
H. Buchwald, c.r., et M. Greene pour l'appelante.
D. K. Laidlaw, c.r., pour l'intimé.
PROCUREURS:
Buchwald, Asper, Henteleff, Zitzerman, Goodwin, Greene & Shead, Winnipeg, pour l'appelante.
McCarthy & McCarthy, Toronto, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'un appel du juge- ment de la Division de première instance reje- tant l'appel de l'appelante concernant les nou- velles cotisàtions établies par l'intimé et afférentes au revenu imposable de celle-ci pour les années 1964 à 1967 inclusivement. Chaque nouvelle cotisation a intégré au revenu imposa- ble de l'appelante, pour les années en question, la totalité du revenu net provenant d'une préten- due société en commandite dont elle était la gérante. L'appelante, pour ces années, n'avait inclus dans ses déclarations d'impôt que le sixième du revenu net provenant de la préten- due société en commandite. Les associés étaient censés être cinq fiducies familiales, dont cha- cune avait également inscrit le sixième des bénéfices nets de la société dans ses déclara- tions pour les années en question, après déduc- tion des sommes revenant aux bénéficiaires. L'intimé n'a pas établi, pour les fiducies ni pour les bénéficiaires, de nouvelles cotisations affé- rentes aux années en question si ce n'est pour la portion du revenu net de la société attribuée à chacun d'eux.
Le point litigieux se résume à savoir si l'appe- lante, comme elle le soutient, détenait une parti cipation d'un sixième dans la société en com- mandite et était donc imposable seulement sur le sixième du revenu imposable de la société ou si en fait, comme le soutient l'intimé, elle était imposable sur la totalité du revenu net de l'en- treprise, puisque aucune société n'a été formée, du moins aux fins d'impôt. La solution repose en partie sur la réponse à la question de savoir si les fiducies ont été établies ou non et, dans l'affirmative, si elles sont devenues des com- manditaires, l'appelante étant la gérante, de l'en- treprise dont dérive le revenu en question. L'in- timé soutient qu'aucune fiducie n'a vu le jour de sorte que, pour les années d'imposition en ques tion, tout le revenu tiré de la prétendue société était imposable entre les mains de l'appelante en tant que propriétaire réel de l'entreprise.
Comme le savant juge de première instance le fit remarquer, la réponse à ces questions dépend d'abord des faits et son analyse des preuves
apparaît clairement dans les extraits suivants des motifs de son jugement:
La George E. Shnier & Company Ltd. fut constituée en compagnie le 22 avril 1948. A partir de cette date, elle a exploité une entreprise de fabrication et de distribution de produits en caoutchouc et de matériaux de construction et de revêtements de sol. Le 27 décembre 1963, elle prit le nom de G. E. Shnier Co. Limited et le 7 novembre 1969, par de nouvelles lettres patentes, elle le changea à nouveau en Kingsdale Securities Co. Limited, appelante en l'espèce. Avant le 31 décembre 1961, les actions de la compagnie étaient réparties de la façon suivante:
George E. Shnier 40%
Norman Shnier 20%
Irving Shnier 20%
Cecil Shnier 20%
Il s'agissait de quatre frères. Un autre frère, Allan, exploitait une affaire du même genre à Winnipeg. Sa compa- gnie s'appelait Eagle Distributing Co. Limited.
Depuis un certain nombre d'années, la mésentente régnait entre les actionnaires de la George E. Shnier & Company Ltd., mais en 1961, ces différends furent réglés. Je n'entre- rai pas trop dans les détails, mais le 1" janvier 1962 une société fut formée afin de gérer les entreprises ancienne- ment exploitées par George E. Shnier & Company Ltd. et Eagle Distributing Co. Limited. Les associées étaient cinq compagnies détenant toutes une participation égale. Ces compagnies appartenaient respectivement aux personnes suivantes:
George Edward Corporation Ltd. (George E. Shnier);
Phil Shnier Limited (Phil Shnier);
Eagle Distributing Co. Limited (Allan Shnier);
Norman Shnier Limited (Norman Shnier);
Irving Shnier Limited (Irving Shnier);
Ces compagnies associées faisaient affaire sous les rai- sons sociales de G. E. Shnier Co. et Eagle Distributing Co.
George E. Shnier est décédé le 27 juillet 1962 et la Wabash Enterprises Ltd. (appartenant à Cecil Shnier) devint associée. Les autres associés rachetèrent la part qui apparte- nait à la George Edward Corporation Ltd. A une époque antérieure, les épouses de certains des frères avaient acheté des parts dans la compagnie appelante. Après le décès de George Shnier, les épouses des cinq autres frères restèrent propriétaires de la compagnie.
Au mois de juin 1963, le gouvernement fédéral présenta un budget qui laissait prévoir d'importants changements dans le mode d'imposition des compagnies associées. Les conseillers juridiques et financiers des frères Shnier s'in- quiétaient des répercussions que ces dispositions pourraient avoir sur les entreprises Shnier. Les frères Shnier eux- mêmes étaient inquiets et, au mois de juillet ainsi que par la suite, des propositions furent avancées surtout par les con- seillers juridiques afin de doter les entreprises de nouvelles structures. Malgré des variations dans les divers projets de réorganisation, l'idée principale était la poursuite de l'entre- prise sous forme de société, mais d'adjoindre à titre d'asso-
ciés, des fiducies familiales à responsabilité limitée. A l'au- dience, on a déclaré au nom de l'appelante qu'un des buts de ce changement était d'organiser la planification du patri- moine familial et que c'était la raison de la création des fiducies. A mon avis cet aspect était secondaire; le but principal était de réduire, dans la légalité, les incidences de l'impôt compte tenu des propositions budgétaires. (Je garde à l'esprit le principe bien connu selon lequel chacun a le droit, dans les limites de la loi, d'arranger ses affaires afin de réduire sa charge fiscale: C.I.R. c. Duke of Westminster [1936] A.C. 1). C'est dans une lettre que les conseillers juridiques ont envoyée le 19 juillet 1963 à un cabinet d'experts comptables, avec copies à Norman et Cecil Shnier, que l'on trouve le projet initial.
Le 7 octobre 1963, les conseillers juridiques envoyèrent aux comptables et aux cinq frères Shnier un document détaillé (pièce 39) précisant les diverses étapes. Ce docu ment proposait la constitution immédiate d'une fiducie pour chacun des cinq frères Shnier au terme d'une déclaration de fiducie, la nomination des trois fiduciaires, le fiduciaire principal étant un Shnier, ainsi que la nomination des bénéfi- ciaires. Le but était de nommer bénéficiaires les épouses, les enfants et d'autres parents. Une société en commandite devait alors être formée par les cinq fiducies et la G. E. Shnier Co. Limited, compagnie appelante en l'espèce. La participation de chacune des cinq fiducies à la société était fixée à $75,000 et on devait également trouver un moyen de réduire à cette somme la part que possédait la G. E. Shnier Co. Ltd. dans l'entreprise. La compagnie associée devait être la gérante et les fiducies, les commanditaires. La société devait faire affaire sous la même raison sociale qu'aupara- vant. Page 20 de la pièce, on trouve une illustration des effets de ce projet du point de vue fiscal.
Je souligne qu'à la date de cet exposé, on envisageait la constitution de «fiducies déclaratoires» et non de «fiducies constituées».
A une réunion tenue à Toronto le 20 octobre 1963, il a été décidé qu'au lieu de constituer des fiducies déclaratoires, cinq non-résidents diffé- rents donneraient chacun $50 à chacune des cinq fiducies. Le témoin Cecil Shnier a déclaré que, peu de temps après, il avait appelé son frère Jack au téléphone à Oklahoma City (Okla- homa), Esther la femme de ce dernier étant à l'écoute avec un appareil supplémentaire, l'avait mis au courant des fiducies familiales envisa gées et lui avait dit que les cinq frères canadiens désiraient que lui et Esther soient deux des auteurs ou disposants. Il a ajouté que par la suite il avait eu des conversations analogues avec Aubrey et Peggy Cooper, tous deux aussi d'Oklahoma, cette dernière étant une cousine issue de germains des frères Shnier. Il ne se souvenait pas en avoir parlé au cinquième dis- posant envisagé, Anne Rose, la belle-mère de
Jack Shnier. Cependant, il a témoigné qu'il avait informé ses frères et leur conseiller juridique qu'il en avait parlé aux quatre autres qui avaient accepté d'agir et que chacun ferait un don aux fiduciaires pour constituer les fiducies. Il s'est avéré par la suite qu'il s'agissait d'une somme de $50.
Par la suite, à la fin de décembre, à une réunion qui eut lieu à l'occasion d'une cérémo- nie de bar mitzvah tenue à Regina et à laquelle Jack, Esther et Anne Rose, dit-on; étaient pré- sents, quoique la preuve de la présence des deux derniers n'ait pas été satisfaisante, le con- seiller juridique des frères Shnier, d'après le témoignage de Cecil, a analysé et expliqué le projet d'acte de fiducie qu'il avait préparé. Jack jeta un coup d'oeil sur ce document, après quoi il remit $250 en espèces à Irving, somme qui était censée représenter cinq dons de $50 chacun à titre de capital engagé pour créer les fiducies. Aucun des disposants éventuels n'a signé de documents à ce moment et aucun d'entre eux à ce moment n'a remboursé à Jack les $50 qu'il prétend avoir avancés au nom de chacun d'eux.
Le témoignage des parents d'Oklahoma a été recueilli sur commission rogatoire demandée par l'intimé et lu à l'audience. Le témoignage de chacun des cinq disposants indique clairement qu'ils n'ont pas signé les documents de fiducie avant mars ou avril 1964. Le savant juge de première instance a fait les commentaires sui- vants sur les dépositions recueillies sur commis sion rogatoire:
Aucun des auteurs ne se souvient si, lors de leur réception des documents, ces derniers portaient les autres signatures (des fiduciaires). Jack Shnier déclare que, lors d'une conver sation téléphonique en automne 1963, son frère Cecil lui a demandé ainsi qu'à son épouse d'être disposant en ajoutant qu'il lui donnerait des explications supplémentaires lors du bar mitzvah du 26 décembre 1963 à Regina. De plus, il a déclaré en témoignage que les autres,auteurs furent choisis à Regina et par téléphone à Oklahoma City. Jack dit ne pas avoir discuté de ces fiducies avec les Cooper ou avec Anne Rose avant de recevoir les documents au printemps.
Il ressort du témoignage de Jack Shnier qu'il n'avait rien accepté, même pas de devenir disposant, avant d'aller à Regina. Il lui semblait avoir peut-être mentionné cette con versation téléphonique à sa femme, mais il affirme ne pas avoir discuté des fiducies avec les Cooper ni avec Anne Rose avant de quitter Oklahoma City.
Esther Shnier a affirmé avoir entendu parler pour la première fois de la fiducie proposée au bar mitzvah de
Regina et c'est son mari qui lui en parla. Anne Rose a déclaré qu'on ne lui a pas parlé de la fiducie à Regina et que son premier contact avec ce projet remonte au moment où, à la demande de Jack, elle signa l'acte au printemps 1964.
Aubrey Cooper a déclaré que la première fois qu'il a entendu parler d'une fiducie ou de la possibilité de devenir disposant remonte au moment où, au printemps 1964, Jack lui apporta l'acte de fiducie à signer et le lui a expliqué. Le témoignage de Peggy Cooper corrobore celui de son mari.
Le contre-interrogatoire de Cecil Shnier fit ressortir qu'il s'était rendu à Oklahoma City avant que les dépositions devant la commission rogatoire n'aient lieu et qu'il a essayé de rafraîchir la mémoire de sa famille d'Oklahoma afin, semble-t-il, que leur version des faits s'accorde avec la sienne.
Il est important de noter que le savant juge de première instance a fait un certain nombre de constatations de fait:
1. Il a déclaré: «je ne peux pas accepter le témoignage de Cecil au sujet des conversa tions téléphoniques qu'il a eues avec Esther, Aubrey et Peggy pour leur demander d'agir à titre d'auteurs des fiducies».
2. Il a déclaré: «je souscris plutôt au témoi- gnage de Jack Shnier et, du moins pour la période qui précède le bar mitzvah, je pense que sa version des faits est plus exacte».
3. Il a constaté qu' «à la date du bar mitzvah, les cinq prétendus auteurs n'avaient convenu de rien et n'avaient pas à cette date l'inten- tion, au sens juridique de ce mot, de consti- tuer une fiducie».
4. Il a constaté que les fiducies ne furent pas constituées avant que les auteurs ne signent en fait les documents imprimés en mars ou avril 1964.
5. Il a accepté le témoignage de Jack Shnier recueilli sur commission rogatoire selon lequel il déclare avoir participé seul aux dis cussions, bien qu'il en ait touché un mot à sa femme, et ne pas avoir vu le projet d'acte de fiducie.
6. Il a rejeté les dépositions à l'effet contraire faites à l'audience par les témoins de l'appelante.
7. Il a été convaincu qu'aucun des disposants n'avait pris part aux choix des fiduciaires et que quelques-uns d'entre eux ne connais- saient pas certains des fiduciaires, même à la date leur déposition a été recueillie sur commission rogatoire.
8. Il a été également convaincu que, jusqu'à la réception des actes de fiducie aux fins de signature, les auteurs ignoraient le nom de la famille au bénéfice le laquelle ils constituaient la fiducie.
9. Il a déduit des témoignages de Jack Shnier et de Aubrey Cooper qu'aucun des auteurs n'aurait signé les documents si l'avocat de Jack, qui les avait analysés, l'avait déconseillé.
10. Il a estimé d'après les faits qu'avant la date de la signature des documents, aucun des auteurs n'avait montré la moindre intention, soit en fait soit en droit, de constituer les fiducies sur lesquelles portent cette action.
Un examen attentif de la transcription des dépositions révèle, à mon avis, que le savant juge de première instance avait suffisamment d'éléments pour fonder ses constatations de fait et, dans la mesure je puis m'en assurer, il ne les a fondées sur aucun faux principe. Les avo- cats de l'appelante ont soutenu que la déposition de chacun des auteurs ayant été recueillie sur commission rogatoire, cette cour était aussi bien placée que le juge de première instance pour en apprécier la crédibilité par rapport aux déposi- tions orales de ses témoins.
La jurisprudence établit clairement que, si au cours d'un procès, outre les dépositions orales, certaines dépositions sont recueillies sur com mission rogatoire, une cour d'appel est aussi bien placée que le juge de première instance pour apprécier ces dernières, mais cela ne signi- fie pas que, si on rejette les dépositions orales pour accepter celles recueillies sur commission rogatoire, la cour d'appel ne peut plus accepter les constations du juge de première instance en ce qui concerne ces dernières. Je suis d'avis que le savant juge de première instance en l'espèce, après avoir entendu le témoignage de Cecil Shnier, en avoir apprécié la crédibilité, et l'avoir expressément rejeté, pouvait à bon droit, décla- rer qu'il préférait et acceptait les dépositions recueillies sur commission rogatoire et sa cons- tatation à ce sujet ne devrait pas être écartée sauf s'il s'était trompé manifestement. Un examen de la transcription des dépositions recueillies sur commission rogatoire ne révèle rien qui puisse amener à la conclusion que ses
constatations étaient erronées et, en consé- quence, j'estime que cette cour devrait les accepter.
Cependant, cela n'épuise pas la question et la Cour se trouve en face de quatre problèmes soulevés par les avocats de l'appelante, que je dois examiner:
1. Si les fiducies ont été créées en mars ou avril 1964, comme l'a laissé entendre le savant juge de première instance, sont-elles effectivement nées à ce moment-là et, dans l'affirmative, pouvaient-elles, comme le sou- tient l'appelante, avoir effet rétroactif?
2. En l'absence de rétroactivité, des fiducies ont-elles pu naître à un moment et, dans l'af- firmative, de quelle manière?
3. Le ler janvier 1964, ou vers cette date, une société en commandite, dont l'appelante était la gérante et les cinq fiducies familiales les commanditaires, a-t-elle vu le jour?
4. Si aucune société en commandite n'a été formée, une société en nom collectif est-elle née quand le contrat de société est intervenu à la date de la signature des actes de fiducie par les auteurs ou aux environs de cette date?
Il y a lieu de noter que c'est l'appelante qui cherchait à établir la validité des fiducies. Pour ce faire, on aurait pensé que chacun des auteurs aurait faire le récit des événements qui l'ont conduit ou incité à constituer une fiducie. Or, l'appelante n'a cité au procès, pour l'aider à établir son point de vue, aucune de ces person- nes, qui sont toutes apparentées aux frères Shnier, mais elles ont été interrogées sur com mission rogatoire émise à la requête de l'intimé. En conséquence, leur témoignage a servi à éta- blir le point de vue de l'intimé. Apparemment, leurs dépositions, qui sur certains points contre- disent nettement celles des témoins de l'appe- lante, n'ont pas été, de l'opinion du juge de première instance, sensiblement affaiblies par le contre-interrogatoire des avocats de l'appelante. Leurs connaissances sur la nature, les bénéfi- ciaires, les fiduciaires et les buts de la fiducie étaient, pour le moins, rudimentaires et faisaient douter de leur capacité d'avoir l'intention néces- saire pour créer les fiducies en question.
Autre fait significatif à mon avis, les seuls fiduciaires que l'appelante ait cités à témoigner étaient deux des cinq frères Shnier malgré que les familles de chacun figurent parmi les bénéfi- ciaires des fiducies. Le conseiller juridique des frères, fiduciaire de quatre des cinq fiducies, fut le seul témoin cité par l'appelante. On n'a cité aucun des autres frères ni aucun des autres fiduciaires figurant dans l'acte de fiducie, dont les témoignages auraient pu fournir quelques éclaircissements sur la manière dont les fiducies ont été crées.
En ce qui concerne la première question, les avocats de l'appelante soutiennent que, en acceptant les constatations de fait du juge de première instance, les fiducies ont pris nais- sance à la signature des actes, avec effet rétroactif, soit (a) à la date qui figure sur les actes, soit (b) à la date d'ouverture des comptes bancaires au nom des fiducies respectives, soit (c) à la date de la cérémonie de bar mitzvah, date à laquelle on prétend que Jack Shnier a approuvé les termes de la fiducie en son nom personnel et en qualité de mandataire des autres auteurs, soit (d) le 20 décembre quand la somme totale de $250 versée par Jack Shnier a été déposée au compte bancaire de chacune des cinq fiducies à concurrence de $50 pour chacune.
Dans l'ouvrage de Snell, Principles of Equity, 27e édition à la page 111, il est dit:
[TRADUCTION] Article 4. Les trois certitudes
Lord Langdale, maître des rôles, a posé le principe (Knight c. Knight (1840) 3 Beav. 148 à la p. 173) que trois choses sont nécessaires à la création d'une fiducie:
(i) les termes doivent être utilisés de telle façon que le libellé soit péremptoire;
(ii) l'objet de la fiducie doit être certain; et
(iii) l'affectation des fonds ou les personnes destinées à bénéficier de la fiducie doivent être certaines.
C'est ce qu'on appelle «les trois certitudes». (Voir d'une manière générale Glanville Williams (1940) 4 M.L.R. 20).
D'après les constatations de fait du juge de première instance auxquelles je souscris, aucun des disposants à l'exception peut-être de Jack Shnier, n'a manifesté la moindre intention de constituer une fiducie au profit de bénéficiaires déterminés, du moins jusqu'à la réception des actes de fiducie à Oklahoma en mars ou avril 1964. En outre, aucun auteur, sauf Jack Shnier,
n'a avancé de fonds et aucun d'eux n'a autorisé ce dernier à faire aucune avance de fonds en leur nom, même après la signature des actes de fiducies. Ils n'ont pas désigné de fiduciaires et ignoraient même les noms de certains fiduciai- res qu'ils étaient censés désigner.
A la page 115, Snell a précisé ce qui suit:
[TRADUCTION] 4. Absence de certitudes. On peut résumer ainsi les conséquences de l'absence de l'une des certitudes. La certitude principale vise l'objet, pris dans le premier sens; s'il n'y a pas de certitude quant aux biens confiés en fiducie, toute la transaction est nulle. Ensuite, si cette certi tude existe et que les termes soient ambigus, la personne qui a droit aux biens les détient libres de toute fiducie. Enfin, si ces deux certitudes existent et que la destination des biens soit incertaine, il y a une fiducie qui fait retour au disposant car «une fois qu'il est établi qu'une fiducie [portant sur des biens déterminés] a été prévue et que le légataire ne peut pas recueillir les biens» (Briggs c. Penny (1851) 3 Mac. & G. 546 à la p. 557, motifs du lord chancelier Truro), on applique la même règle que lorsque l'incertitude porte sur l'objet en ce qui concerne les droits des bénéficiaires, à moins que l'un d'entre eux puisse prétendre à la totalité des biens.
Il me semble qu'en avançant l'argument sui- vant lequel les actes de fiducie, après leur signa ture, devraient avoir un effet rétroactif, l'appe- lante affirme que les engagements verbaux prétendument pris en décembre par les parents d'Oklahoma de devenir disposants ou l'ouver- ture des comptes bancaires, constituaient des engagements à créer des fiducies pour l'avenir. Dans Law of Trusts and Trustees, 12e édition, Underhill, l'auteur de cet ouvrage qui fait auto- rité, discute de la validité de cette espèce d'en- gagement à la page 47 quand il écrit:
[TRADUCTION] La règle qui veut qu'un engagement valable de créer une fiducie in futuro suffit à créer une fiducie in praesenti, conférant ainsi la saisine des biens aux parties et liant les tiers qui en ont connaissance, repose sur la maxime:
L'equity considère comme fait ce qui devrait être fait.
Il s'ensuit donc que, si on prétend avoir constitué une fiducie par un engagement à faire quelque chose, la fiducie ne sera valable que dans la mesure les tribunaux d'equity ordonneraient l'exécution en nature de l'engagement. S'il s'agissait d'un engagement à titre gratuit (ou même d'une convention passée sous le sceau non assortie d'une considé- ration appréciable en argent) aucune constitution de fiducie n'en résulterait; car l'equity ne vient pas au secours des donataires et, en conséquence, la cour, en vertu de cette maxime, considérerait que rien n'a été fait.
Les constatations du savant juge de première instance indiquent clairement qu'aucun des dis- posants n'agissait à titre gratuit à cette date. Ceci étant, il n'y avait pas d'engagement pou-
vaut être sanctionné par les tribunaux. Alors, il semble découler logiquement que les actes de fiducie, après leur signature, ne pouvaient avoir d'effet rétroactif.
En ce qui concerne la deuxième question, l'appelante a soutenu que si les actes de fiducie n'avaient pas d'effet rétroactif, des fiducies à parfaire avaient été constituées par le contrôle qu'exerçaient les fiduciaires sur les comptes bancaires des fiducies et qu'il s'agissait des mêmes fiducies dont les clauses ont été rédigées et confirmées dans les actes de fiducies. On découvre la fausseté de cet argument dans les preuves, d'où il ressort, d'après les constata- tions du juge de première instance, qu'aucun des auteurs n'a manifesté le moindre intérêt dans la constitution des fiducies au moment de l'ouverture par l'un des frères Shnier dès comp- tes en fiducie aux noms des fiduciaires. Bien que leur création exige moins de formalités que celle des fiducies définitives, les fiducies à par- faire ne peuvent être constituées sans qu'on soit en mesure de constater l'intention des dispo- sants. D'après les constatations du savant juge de première instance, leur intention n'a pas pu être manifeste avant mars ou avril 1964; aucune fiducie à parfaire n'a donc pu exister avant cette date.
L'appelante a alors soutenu que si la signature des actes de fiducie n'avait pas d'effet rétroactif et si on ne pouvait constater l'existence d'au- cune fiducie à parfaire, l'ouverture des comptes bancaires en fiducie a créé des fiducies déclara- toires. Cet argument ne peut être retenu, me semble-t-il, pour deux raisons.
Premièrement, les preuves non réfutées éta- blissent que les frères Shnier ont écarté l'idée initiale de créer les fiducies par déclaration et ont choisi de les constituer par des versements effectués par des non résidents. Tout ce qui a été fait par la suite, y compris toute la documen tation concernant le projet, tendait à la création de fiducies de cette façon. A mon avis, on ne peut pas admettre que l'appelante déclare par la suite que si les fiducies n'ont pas été créées par versements, elles l'ont alors été par des déclara- tions présumément faites par les fiduciaires de chaque prétendue fiducie, ceci découlant de l'ouverture des comptes bancaires en fiducie.
Tout le projet était basé sur l'adoption d'une ligne de conduite donnée et si cette ligne de conduite a échoué, je ne connais pas d'opération juridique qui puisse changer l'échec en réussite en invoquant un concept totalement différent, surtout lorsque ce concept avait été auparavant expressément écarté comme fondement d'une ligne de conduite possible. Le fait est que l'in- tention expresse des fiduciaires se trouve dans les documents de fiducie signés et que cette intention n'était pas de nature déclaratoire mais consistait à affecter les fonds avancés par les disposants aux fiducies qui y étaient prévues. Si, comme je le pense, ces documents n'ont pas réussi à créer de fiducies valables au l er janvier 1964, je suis d'avis que les fiduciaires ne peu- vent invoquer aucune règle de droit ou d'equity pour les rendre valables' à cette date en chan- geant la nature de la fiducie.
Deuxièmement, l'avis d'appel modifié, visant les nouvelles cotisations, fondait l'appel sur le contrat de commandite en vertu duquel chacun des commanditaires était l'une des fiducies, cha- cune étant décrite comme [TRADUCTION] «une fiducie créée par acte de fiducie, en date du 2 décembre 1963 par l'intermédiaire de ses fidu- ciaires actuels ...». On n'a pas plaidé, même subsidiairement, qu'il s'agissait de fiducies déclaratoires et non pas de fiducies constituées par les parents d'Oklahoma conformément aux actes de fiducie. Ce n'est qu'au cours des débats en première instance que l'appelante a adopté ce raisonnement. A mon avis, l'appelante ayant intenté l'action en se fondant sur la validité de certains documents, on ne devrait pas l'autoriser à demander soit au juge de première instance soit à cette cour d'examiner l'affaire sur une base totalement différente.
Dans l'arrêt The Owners of the Ship Tasmania c. Smith (1890) 15 A.C. 223 à la p. 225, lord Herschel], examinant un point que le demandeur avait soulevé pour la première fois devant la cour d'appel, eut à déclarer:
[TRADUCTION] Mes Seigneurs, je pense qu'on devrait exami ner d'une manière très minutieuse un point comme celui-ci, qui n'a pas été soulevé en première instance et est présenté pour la première fois en cour d'appel. Le déroulement d'un procès en première instance est commandé par les points qui y sont soulevés et les questions posées aux témoins s'y rapportent. Et il est évident qu'on ne se soucie pas d'éluci-
der les faits qui ne concernent pas ces points. [C'est moi qui souligne].
Il me paraît que, dans ces circonstances, une cour d'appel ne devrait statuer en faveur d'un appelant sur un motif qui est soulevé pour la première fois que si elle est indubitablement convaincue d'une part qu'on lui a soumis tous les faits relatifs à la nouvelle prétention, aussi complètement qu'on l'aurait fait si la controverse était survenue en première instance; et d'autre part que les témoins dont la conduite est mise en cause n'auraient pu offrir d'explication satisfaisante s'ils avaient eu l'occasion de s'expliquer quand ils étaient à la barre des témoins. [C'est moi qui souligne.]
Dans l'affaire Lamb c. Kincaid (1907) 38 R.C.S. 516 à la page 539, le juge Duff, alors juge puîné, s'est référé, en l'approuvant, à l'ar- rêt Tasmania (précité) et déclarait:
[TRADUCTION] Si on avait affirmé en première instance que les demandeurs devraient suivre la procédure que l'on sug- gère maintenant, on ne peut savoir comment ils auraient expliqué le fait qu'ils n'ont pas procédé de cette façon. Plusieurs explications me viennent à l'esprit, mais une telle spéculation est sans intérêt; et je ne pense pas que l'on puisse légitimement, à ce stade, inviter les demandeurs à justifier leurs attitudes révélées par les preuves figurant au dossier. Une cour d'appel, à mon avis, ne devrait pas donner suite à un tel point, soulevé pour la première fois en appel, à moins d'avoir la certitude que la question, eût-elle été soule- vée en temps opportun, n'aurait pu être élucidée davantage.
Il y a beaucoup d'autres arrêts dans le même sens, mais contrairement aux affaires dans les- quelles le moyen nouveau a été soulevé pour la première fois en appel, en l'espèce il l'a été au cours des débats devant le savant juge de pre- mière instance. Cependant, à ce moment-là les deux parties avaient déjà terminé leur plaidoyer de sorte que le défendeur, à ce stade, ne pouvait plus produire de preuve pour réfuter l'argument; par conséquent, les mêmes principes devraient s'appliquer. Probablement le défendeur avait déjà produit des preuves pertinentes pour répli- quer aux arguments invoqués contre lui. On ne devrait pas placer cette cour ni le juge de pre- mière instance dans la situation d'avoir a déci- der si toutes les preuves possibles ont été oppo sées à chacun des moyens soulevés par l'autre partie, à moins que cette cour ou le juge de première instance soit parfaitement convaincu que toutes les preuves requises permettant au défendeur de réfuter le nouveau moyen du demandeur ont été présentées. Je n'ai pas cette conviction et je ne pense donc pas que cette cour doive prendre en considération la préten- tion de l'appelante relative à la création proba-
ble de fiducies déclaratoires, ou que le savant juge de première instance aurait le faire.
Les troisième et quatrième questions se fon- dent sur l'hypothèse qu'à un moment donné, des fiducies valables ont vu le jour d'une manière ou d'une autre. En admettant cette hypothèse, il s'agit de savoir si une société, en commandite ou en nom collectif, a été créée le l ei janvier 1964 ou postérieurement. Il faut alors présuppo- ser que les fiducies peuvent former une société.
Il est évident, il me semble, que les fiducies ne sont pas des entités juridiques en soi. Elles agissent par l'intermédiaire de leurs fiduciaires. Le contrat de société est censé avoir été signé à Toronto (Ontario) le l ei janvier 1964, de sorte qu'à mon avis on puisse admettre sans risque d'erreur que le droit des sociétés de la province de l'Ontario est applicable.
L'article 2 de The Partnerships Act, S.R.O. 1970, c. 339 se lit comme suit:
[TRADUCTION] 2. La société est le rapport existant entre des personnes qui exploitent ensemble une entreprise, mais le rapport entre les actionnaires d'une compagnie ou les membres d'une association, constituée par ou en vertu de toute loi générale ou spéciale en vigueur en Ontario ou ailleurs, ou enregistrée en tant que corporation en vertu d'une telle loi, ne constitue pas une société au sens de la présente loi. S.R.O. 1960, c. 288, art. 2, modifié.
L'article 30 de The Interpretation Act, S.R.O. 1970, c. 225, définit une personne comme suit:
[TRADUCTION] 30.28 «Une personne» comprend une cor poration, les héritiers, exécuteurs testamentaires, adminis- trateurs ou autres représentants légaux d'une personne visée par le contexte, conformément à la loi.
Il est évident qu'aucune des cinq fiducies familiales des Shnier ne constitue une «per- sonne» en soi au sens de ces articles et ainsi ne pouvait s'associer dans une entreprise commer- ciale. Les avocats de l'appelante le reconnais- sent mais prétendent que, malgré la désignation d'associées donnée aux fiducies, peu importe qu'elles fussent commanditaires ou gérants, les vrais associés étaient les fiduciaires qui agis- saient comme tels, au profit et au nom des diverses fiducies. Pour apprécier la validité de cet argument, il faut naturellement examiner le contrat de société.
Ce faisant, il y a lieu de remarquer d'abord que la partie mentionnée en second lieu est
décrite comme [TRADUCTION] «la fiducie de la famille d'Irving Shnier, créée par acte de fiducie en date du 2 décembre 1963, par l'intermédiaire de ses fiduciaires actuels ci-après appelés la fiducie Irving». Chacune des parties mention- nées en troisième, quatrième, cinquième et sixième lieux qui sont les fiducies respectives de chacun des autres frères, est décrite d'une manière analogue avec le propre nom qui lui a été donné et ce nom est utilisé par la suite tout au long du document pour désigner les associés. Nulle part dans le document le nom d'un fidu- ciaire n'est mentionné ni à titre d'associé, ni à aucun autre titre. Cependant, à la page les signatures sont apposées, sous le nom de chaque fiducie figurent les noms de deux des trois fiduciaires de chaque fiducie, avec leur signature. Le nom du troisième fiduciaire n'est jamais mentionné et sa signature n'apparaît. pas.
A ce sujet, il y a lieu de noter que le paragra- phe 32 de chaque acte de fiducie précise qu'au- cun contrat valable ne pourra lier les fiducies s'il n'est signé par les personnes désignées pour ce faire ou de temps à autre par les fiduciaires. A ma connaissance aucune preuve n'a été pro- duite pour établir l'authenticité du mandat des deux fiduciaires qui ont signé l'acte de société.
En admettant qu'un tel mandat ait existé, quoiqu'aucune preuve en ce sens n'ai été pro- duite, il est clair que les fiduciaires signataires ont signé l'acte en leur qualité respective de fiduciaires et non à titre d'associés, ce qui est spécialement précisé au paragraphe 32 du con- trat de société. S'ils avaient signé en qualité d'associés, on se serait attendu à ce que cela fut précisé dans le contrat et, naturellement, ils n'auraient pu, sans la signature de l'autre fidu- ciaire, lier ce dernier en tant qu'associé.
En outre, le paragraphe 23 de ce dernier contrat précise que [TRADUCTION] «ce contrat est passé sous réserve expresse des dispositions de The Limited Partnership Act de l'Ontario ...» . Dans la mesure cette loi s'applique, le savant juge de première instance, après avoir conclu qu'il n'existait au l er janvier 1964 ni fiducie à parfaire ni fiducie déclaratoire et que, si des fiducies constituées avaient été créées, cela n'a pu se faire avant mars ou avril 1964 et alors sans effet rétroactif, a décidé qu'aucune
société en commandite n'a été créée. Comme les déclarations de sociétés en commandite enregis- trées en Ontario et au Manitoba se réfèrent à des fiducies existant antérieurement au l er jan- vier 1964 et comme aucune n'existait, il s'ensuit logiquement que les constatations du juge de première instance sont exactes.
Après examen de l'ensemble des documents, il est parfaitement clair que la thèse de l'appe- lante, selon laquelle a été formée une société soit en commandite soit en nom collectif, ne saurait prévaloir, parce qu'à mon avis, ces docu ments comportent de nombreux éléments éta- blissant qu'il était entendu que les cinq fiducies étaient et pouvaient valablement être des par ties. Il s'agit, à mon avis d'un point de vue insoutenable, compte tenu de la preuve, et il n'a jamais existé en droit ou en fait de société légalement constituée, en commandite ou en nom collectif, les fiduciaires ayant signé le con- trat de société, non pas en tant qu'associés, mais en leur qualité de fiduciaires. Ceci étant, l'appe- lante n'a pas exploité l'entreprise familiale au nom des fiducies constituées en société et c'est à bon droit que l'intimé a imposé entre les mains de l'appelante le revenu net en provenant. Savoir si par leur conduite les parties aux divers documents ont créé entre elles des droits et obligations juridiques est une question que je n'ai pas à examiner puisque j'ai constaté qu'en ce qui concerne l'intimé, l'appelante n'a pas réussi à démontrer la validité des pièces qu'elle a invoquées à l'appui de ses prétentions.
Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE RYAN: Mon collègue le juge Urie, dans les motifs de son jugement, a fait un exposé complet des points contestés et des faits de l'espèce.
Il semble qu'en 1963 une entreprise était exploitée par une société sous les raisons socia- les de G. E. Shnier Company et Eagle Distribu ting Company. Les associés en étaient cinq compagnies dont la totalité des actions de cha-
cune appartenait à l'un des frères Shnier. Voici le nom de ces compagnies, le nom du frère actionnaire étant entre parenthèses: Phil Shnier Limited (Phil Shnier), Norman Shnier Limited (Norman Shnier), Irving Shnier Limited (Irving Shnier), Eagle Distributing Co. Limited (Allan Shnier) et Wabash Enterprises Limited (Cecil Shnier). Le l er janvier 1962, la société avait acquis l'entreprise à la suite de cessions consen- ties par l'appelante, qui faisait alors le com merce sous le nom de George E. Shnier Com pany Ltd.', et par Eagle Distributing Co. Limited.
Certaines propositions fédérales relatives à l'impôt, formulées au mois de juin 1963, lais- saient prévoir d'importants changements dans le mode d'imposition des compagnies associées. En conséquence, au mois de juillet et par la suite, les conseillers juridiques des frères Shnier ont soumis des propositions visant à doter l'en- treprise d'une structure nouvelle. Ces proposi tions ont pu aussi avoir des objectifs de planifi- cation successorale. Le projet initial était exposé dans une lettre, en date du 18 juillet 1963, adressée à une firme de comptables, avec copie à Norman et Cecil Shnier. Au fond ce projet consistait à remplacer la société existante par une nouvelle dont les associées seraient l'appelante et cinq fiducies familiales, chaque fiducie étant constituée au profit de la femme, des enfants et d'autres parents de chacun des frères Shnier qui contrôlaient les compagnies constituant la société.
Le 7 octobre 1963, les conseillers juridiques envoyèrent aux comptables et aux cinq frères Shnier un document détaillé précisant les diver- ses mesures à prendre. Ce document prévoyait la constitution d'une fiducie par chacun des frères Shnier par voie de déclaration; la nomina tion de trois fiduciaires dont l'un serait le frère ayant fait la déclaration de fiducie; et la dési- gnation de la femme de ce frère, de ses enfants et d'autres parents à titre de bénéficiaires. Une société en commandite serait alors constituée
' Le 27 décembre 1963, l'appelante prit le nom de G. E. Shnier Co. Limited. Par suite d'un autre changement inter- venu le 7 novembre 1969 le présent nom, Kingsdale Securi ties Co. Limited, a été adopté.
par l'appelante et les cinq fiducies familiales, l'appelante étant la gérante et les cinq fiducies les commanditaires.
Les frères Shnier se réunirent le 20 octobre 1963 pour discuter de la constitution des fidu- cies. Il fut décidé de choisir des non-résidents comme disposants des fiducies, chacune ayant un disposant différent. Cecil Shnier avait séjourné quelque temps à Oklahoma City demeurait son frère Jack Shnier. Jack avait épousé sa cousine Esther dont la mère, Anne Rose, demeurait également à Oklahoma City tout comme Peggy Cooper, une cousine issue de germains, et son époux Aubrey Cooper. Il fut apparemment décidé qu'on demanderait à chacun de ces parents d'être le disposant d'une fiducie, et Cecil devait entrer en contact avec eux.
Je pense que l'abandon du projet originaire de créer des fiducies déclaratoires au profit de la création de fiducies constituées a une influence déterminante sur l'arrêt qui sera rendu en l'es- pèce. La réalisation du projet dépendait de la constitution effective des fiducies et de la for mation de la société envisagée dont les fiducies seraient les commanditaires.
Le rôle du disposant ou auteur est naturelle- ment capital dans la création d'une fiducie cons- tituée. C'est le disposant qui cède aux fiduciai- res les biens qui constituent le patrimoine ou les fonds de la fiducie; c'est le disposant qui insti- tue les bénéficiaires de la fiducie; c'est lui qui confère des pouvoirs aux fiduciaires. Seul le disposant est habilité à faire ces choses. Une fois la fiducie créée, la participation du dispo- sant peut se terminer, comme c'était prévu dans la présente affaire; mais lui seul peut créer la fiducie.
L'appelante soutient que la société a été créée le l er janvier 1964 ou vers cette date, à la suite d'un contrat portant cette date intervenu entre l'appelante et les fiducies familiales. Cela revient évidemment à soutenir que les fiducies ont été créées avant la conclusion du contrat de société. L'appelante soutient aussi que la société a été enregistrée à titre de société en commandite, l'appelante étant la gérante et les fiducies les commanditaires, conformément aux
lois de l'Ontario et de chaque autre province elle faisait affaire. A l'appui de cette prétention l'appelante a essayé d'établir qu'avant la tenue d'une cérémonie de bar mitzvah à Regina (Sas- katchewan) qui a débuté le 26 décembre 1963, on avait déjà désigné les personnes qui devaient être les disposants des fiducies; que les dispo- sants comprenaient qu'ils devaient constituer les fiducies en cédant chacun $50 aux fiduciaires de leur fiducie; qu'ils savaient qui étaient les bénéficiaires de la fiducie et comment les fonds devaient être utilisés; et que, par certains actes accomplis à l'occasion du bar mitzvah, les fidu- cies constituées ont été créées. Il y a aussi des preuves attestant que l'appelante et les «fidu- ciaires» des fiducies familiales ont fait des déclarations de société en commandite et les ont enregistrées en Ontario et dans les autres pro vinces la société faisait affaire.
La question de savoir si les fiducies ont été créées à Regina dépend dans une large mesure des témoignages oraux de Cecil Shnier, Norman Shnier et Israel Asper et des témoignages des cinq «disposants» recueillis à Oklahoma sur commission rogatoire. En ce qui concerne ces témoignages, ils sont, pour employer le mot utilisé par le savant juge de première instance, «contradictoires». Le juge de première instance a analysé les preuves en détail et mon collègue le juge Urie les a passées en revue et je n'y reviendrai pas sauf pour ajouter à la déclaration de mon collègue le juge Urie cet extrait du résumé du juge de première instance relatif à ce qui s'est passé à Regina:
Je vais examiner brièvement la preuve relative à ce qui s'est passé à Regina. Elle contient des contradictions. Quel- qu'un a avancé que Jack Shnier avait apporté $250 à Regina en son nom et en celui des autres auteurs afin de faire une donation de $50 aux fiduciaires de chaque fiducie. Ce n'est pas ce que Jack Shnier prétend. Il déclare qu'il se rend fréquemment au Canada et qu'il a toujours trouvé plus pratique et plus économique du point de vue change de se procurer des devises canadiennes à Oklahoma avant d'entre- prendre un voyage. C'est ce qu'il fit en décembre 1963. Il prit quatre ou cinq cents dollars canadiens. A Regina, il préleva $250 sur ses propres fonds pour les donner à quelqu'un qui finit par les remettre à l'avocat qui était également et qui, semble-t-il, les a donnés à Phil Shnier. Phil Shnier devait quitter la cérémonie du bar mitzvah avant la fin pour rentrer à Toronto. L'avocat et Cecil Shnier ont déclaré qu'un projet d'acte de fiducie fut présenté à Regina et que la nature de cette fiducie ainsi que ses dispositions furent expliqués aux trois disposants qui s'étaient rendus
dans cette ville. J'accepte le témoignage de Jack Shnier selon lequel il déclare avoir participé seul aux discussions, bien qu'il en ait touché un mot à sa femme, et ne pas avoir vu le projet d'acte de fiducie. Je rejette les témoignages à l'effet contraire des personnes citées par l'appelante.
A mon avis, voici ce qui s'est vraiment passé à Regina: Jack Shnier fut mis au courant de la nature générale des fiducies projetées, il devait essayer de convaincre sa femme, sa belle-mère et les Cooper d'en être les auteurs, il devait recevoir ultérieurement les documents qu'on signerait si tout le monde était d'accord.
Mon collègue le juge Urie a exposé les cons- tatations du savant juge de première instance. Si elles sont acceptées, il est clair que les fiducies constituées n'ont pas été créées avant la date le contrat de société est censé avoir été passé. En ce qui concerne les disposants, à l'exception de Jack Shnier, aucun d'entre eux n'a cédé de biens, même pas les $50, aux fiduciaires. Aucun d'entre eux, y compris Jack Shnier, n'a désigné les bénéficiaires de sa fiducie ni les attributions ou pouvoirs discrétionnaires des fiduciaires. Enfin il apparaît clairement de ces constatations de fait que la création des fiducies constituées a été reportée à plus tard et que les projets d'acte de fiducie n'ont pas été signés avant mars ou avril de l'année suivante.
On a soutenu que, puisque le savant juge de première instance n'avait pas entendu les dépo- sitions des parents d'Oklahoma mais seulement celles de Cecil Shnier, de Norman Shnier et d'Israel Asper (deux d'entre eux ont participé aux discussions relatives aux fiducies qui se sont déroulées au cours du bar mitzvah à Regina), cette cour n'a aucune raison valable d'accorder à ses constatations de fait la pré- somption d'exactitude qu'une cour d'appel accorde ordinairement aux constatations de fait d'un juge de première instance. Il est vrai, vu les circonstances, qu'on ne doit peut-être pas accor- der aux constatations exactement la même valeur que si tous les témoins avaient déposé devant le juge. Le fait qu'il ait eu à résoudre des contradictions entre les dépositions orales et les dépositions recueillies sur commission rogatoire ne signifie pas cependant que nous sommes aussi bien placés que lui: il a au moins vu et observé Cecil Shnier et les autres témoins qui ont donné des témoignages pertinents. Les constatations de fait fondées sur les contradic tions entre les dépositions recueillies sur com-
mission rogatoire et les dépositions faites effec- tivement devant le juge de première instance sont le résultat de la confrontation des deux. Il serait donc fallacieux de dire que cette cour est aussi bien placée que le juge de première ins tance même pour apprécier les dépositions recueillies sur commission rogatoire. Il appar- tient à l'appelante de démontrer que les consta- tations du juge de première instance, dans la mesure elles résolvent des contradictions dans les témoignages, y compris les contradic tions entre les dépositions recueillies sur com mission rogatoire et les dépositions orales, étaient erronées, ce qu'elle n'a pas fait. J'ac- cepte donc les constatations du juge de pre- mière instance. Il résulte de ces constatations que les fiducies n'existaient pas au début de 1964 et qu'ainsi aucune société n'a été formée entre l'appelante et les fiducies familiales. Il s'ensuit donc que l'appelante n'a pas prouvé ses prétentions.
En parvenant à la conclusion que l'appelante n'a pas prouvé ses prétentions, j'ai tenu compte d'un argument possible fondé sur une clause des actes de fiducies visant à leur donner effet rétroactif. Ces actes de fiducie concernant les fiducies familiales ont été signés en mars ou avril 1964. Chaque acte porte la date du 2 décembre 1963. L'«article I—Constitution» de chacun d'eux stipule:
[TRADUCTION] 1. Par les présentes, le disposant convient et décide de donner et transférer aux fiduciaires une somme de $50, ladite somme de $50 devant être versée aux fiduciaires qui l'utiliseront de la façon décrite ci-après; et en outre le disposant convient et décide que ledit don et transfert de cette somme d'argent est fait de manière irrévocable et définitive en faveur des fiduciaires, conformément aux obli gations prévues dans les présentes.
2. Le disposant doit verser et remettre ladite somme de $50 auxdits fiduciaires dès qu'ils en font la demande, mais, nonobstant tout retard possible dans la transmission, cession et remise effectives de ladite somme auxdits fiduciaires, cette fiducie prendra effet à la première date susmentionnée et, jusqu'à la date du versement effectif auxdits fiduciaires ou à l'un d'eux, le patrimoine de la fiducie sera constitué de la promesse et de l'engagement, de la part du disposant, de faire le don et de remettre la somme.
La clause de chaque acte de fiducie, pré- voyant qu'elle prendra effet le 2 décembre 1963, a-t-elle pour résultat de rendre valable la société en commandite qui, d'après les plai-
doyers, a été formée le 1 er janvier 1964 ou à une date voisine et définitivement constituée par l'enregistrement dans les provinces voulues, des déclarations de société en commandite et par la signature, au cours de l'hiver ou du printemps 1964, du contrat de société daté du l er janvier 1964, mais qui fut en fait signé postérieure- ment? Cela reviendrait à dire qu'à la signature des documents appropriés de société, les fidu- cies avaient été créées (quoique rétroactive- ment), les fiduciaires désignés et capables, en vertu des actes de fiducies, de passer le contrat de société. A cela je réponds que les fiducies familiales ont été constituées, si tant est qu'elles l'aient jamais été, par la signature des actes de fiducie. Chacune de ces fiducies est née (si elle a pu naître) par suite de la signature par le disposant de l'acte exposant son intention de créer la fiducie et désignant des bénéficiaires et par suite de l'attribution aux fiduciaires du patri- moine de la fiducie. La fiducie est née, dans la mesure elle a pu naître, quand les actes constitutifs ont été passés. Dans ce cas, le défaut de constituer les fiducies familiales en décembre 1963 n'a pu être corrigé par la signa ture postérieure des actes de fiducie assortis de clauses destinées à leur conférer une existence rétroactive, même en admettant que les actes aient par ailleurs été valables.
On a soutenu que les fiducies ont été créées en décembre 1963 en tant que fiducies à par- faire qui sont entrées en vigueur dans toutes leurs dispositions et rétroactivement lorsque les disposants et les fiduciaires ont signé les actes de fiducie en mars ou avril 1964. Cette préten- tion se fonde sur l'ouverture des comptes ban- caires en fiducie par Irving Shnier le 24 décem- bre 1963; sur le versement [TRADUCTION] «pour le compte des disposants, aux fiduciaires res- pectifs ou à leur ordre des montants respectifs confiés en fiducie»; sur la signature par les «fiduciaires» des déclarations de société en commandite le ler janvier 1964; sur la participa tion des «fiduciaires» au nom des «fiducies» à titre d'associés de la «société»; et sur la signa ture en bonne et due forme par les «disposants» et les «fiduciaires» des actes de fiducie en mars ou avril 1964, [TRADUCTION] «transformant ainsi lesdites fiducies à parfaire en fiducies définitives».
Dans cette thèse, il n'est pas dit clairement si les fiducies à parfaire ont été créées en décem- bre 1963 par les «fiduciaires» ou par les «dispo- sants». S'agit-il de création par les «fiduciaires», il est difficile de comprendre comment leurs «fiducies à parfaire», si leur existence était prouvée (ce qui, à mon avis, n'est pas le cas), pouvaient devenir définitives par suite des actes de fiducie signés par les «disposants», qui avaient l'intention de créer des fiducies consti- tuées. S'agit-il de création par les «disposants», il est tout à fait impossible, d'après les constata- tions du juge de première instance, de penser qu'ils avaient l'intention nécessaire pour consti- tuer même des fiducies à parfaire en décembre 1963.
Il me semble également évident que l'argu- ment fondé sur un mandat ratifié en ce qui concerne la constitution des fiducies ne tient pas. On a soutenu qu'à Regina Jack Shnier agissait en son nom personnel et prétendument en qualité de mandataire des autres «dispo- sants» pour la mise au point des fiducies et que la signature des actes de fiducie par les autres «disposants» a eu un effet rétroactif. Les cons- tatations du juge de première instance relatives à ce qui s'était passé à Regina détruisent cet argument: «... voici ce qui s'est vraiment passé à Regina: Jack Shnier fut mis au courant de la nature générale des fiducies projetées, il devait essayer de convaincre sa femme, sa belle-mère et les Cooper d'en être les auteurs, il devait recevoir ultérieurement les documents qu'on signerait si tout le monde était d'accord».
J'ai aussi pris en considération la thèse selon laquelle, même si des fiducies constituées n'ont pas été créées au cours du bar mitzvah ou par le dépôt de la somme de $50 dans chacun des comptes des fiducies constituées, des fiducies déclaratoires ont été alors créées. On a soutenu qu'à la fin de décembre un compte bancaire avait été ouvert au nom de chacune des fiducies familiales. A la fin de l'année on avait déposé $50 dans chaque compte, patrimoine initial de la fiducie, et $75,000 qui avaient été empruntés à la banque. On a prétendu que, par la prise de possession de ce compte et par d'autres actes se rapportant à la «fiducie», les fiduciaires de chaque fiducie ont assumé les fonctions de fidu-
ciaires suivant les modalités des fiducies énon- cées dans les actes de fiducies signés postérieu- rement. Il me semble impossible d'admettre que les «fiduciaires» se sont constitués expressé- ment fiduciaires par voie de déclaration impli- cite alors qu'on avait l'intention de constituer les fiducies par voie de disposition, ce dont ils étaient au courant; l'implication suggérée irait à l'encontre de cette intention.
On a soutenu subsidiairement qu'en l'absence de fiducies constituées, les fiduciaires déte- naient les comptes bancaires par suite de fidu- cies implicites, c'est-à-dire des fiducies qui font retour au disposant et des fiducies d'office. D'après les constatations du juge de première instance, seul Jack Shnier a cédé de l'argent aux «fiduciaires» de sorte que, à mon avis, lui seul pourrait prétendre d'une manière quelconque que les «fiduciaires» détenaient les comptes par suite de fiducies qui font retour au disposant; même s'il en était ainsi, ils ne pourraient pas les détenir en vertu des clauses des actes de fiducie soumis en preuve et ils n'auraient pas le pouvoir de constituer une société. Il est possible, je suppose, de soutenir que les «fiduciaires» étaient saisis des comptes en vertu d'une espèce de fiducie d'office; même dans ce cas cepen- dant, leurs fonctions se limiteraient à la restitu tion et, en qualité de fiduciaires d'office, ils n'auraient pas les pouvoirs de constituer une société.
Du reste, l'appelante ne s'est appuyée ni sur des fiducies déclaratoires, ni sur des fiducies faisant retour au disposant, ni sur des fiducies d'office. En ce qui concerne une thèse, avancée évidemment dans les débats en première ins tance, prétendant que si des fiducies consti- tuées, soit définitives soit à parfaire n'ont pas été créées le l er janvier 1964, des fiducies décla- ratoires l'ont été, le juge de première instance déclarait:
J'estime qu'aucune de ces prétendues «fiducies déclaratoi- res» n'a été constituée. De toute façon, ce n'est pas sur ces fiducies-là qu'on s'appuie en l'espèce et ce ne sont pas ces fiducies-là qui sont mentionnées dans les documents versés à l'appui de la société en commandite. Les actes constitutifs de la société en commandite se fondaient sur des «fiducies constituées» et non sur des vagues «fiducies déclaratoires».
Cette conclusion s'applique aussi aux préten- tions qui nous sont soumises, basées sur des
fiducies qui font retour au disposant ou des fiducies d'office.
L'appelante a soutenu par voie d'une autre prétention subsidiaire que, si les fiducies consti- tuées n'ont pas été effectivement créées au début de 1964, nous pouvions néanmoins déci- der que ces fiducies ont pris naissance quand les actes de fiducie ont été signés par les disposants en mars ou avril 1964 et que les fiducies ainsi créées sont devenues des associées, soit à cette date, soit plus tard, conformément aux modali- tés du contrat de société qui figure au dossier comme pièce 5 ou, indépendamment du contrat, à titre d'associées en vertu d'une société de fait.
Même si j'ai déjà résumé les prétentions de l'appelante dans cette affaire, il serait peut-être bon de citer un passage de l'avis d'appel modi- fié, par lequel les nouvelles cotisations ont été soumises à la Division de première instance. Cela peut aider à déterminer si, à ce stade, l'appelante peut soulever les moyens subsidiai- res. Dans l'avis d'appel modifié l'appelante pré- tendait que:
[TRADUCTION] 3. Le 1e1 janvier 1964 ou à une date voisine, l'appelante, suivant contrat portant ladite date, s'est jointe à la fiducie de la famille Irving Shnier, à la fiducie de la famille Norman Shnier, à la fiducie de la famille Cecil Shnier, à la fiducie de la famille Phil Shnier, et à la fiducie de la famille Allan Shnier (chacune représentée par ses fiduciaires respectifs) pour former une société en vue d'ex- ploiter une entreprise de distribution, de commerce et de vente en général. L'appelante demande l'autorisation de se référer audit contrat à l'audition de la présente action.
4. Conformément aux modalités dudit contrat, et d'après les faits, l'appelante a obtenu une participation d'un sixième (1/6) dans ladite société qui a commencé à fonctionner le 1" janvier 1964 sous les raisons sociales de «G. E. Shnier Co.» et «Eagle Distributing Co.».
5. Ladite société a été enregistrée, conformément aux lois de la province de l'Ontario et de celles de chacune des autres provinces elle faisait affaire, à titre de société en commandite dont la gérante était l'appelante. Les autres associés en étaient les commanditaires.
10. L'appelante n'a jamais reçu et n'a jamais eu droit à recevoir plus d'un sixième (1/6) du revenu provenant de l'exploitation de l'entreprise de la société et l'appelante affirme qu'elle a toujours correctement déclaré tous les revenus qu'elle recevait pour chacune des années respecti- ves d'imposition, le tout conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu.
C'est avec ces allégations que l'appelante a introduit l'instance.
La thèse selon laquelle la société a pris nais- sance quand les actes de fiducie et le contrat de société ont été signés soulève des points qui, à mon avis, ne sont pas compris dans les plaidoi- ries. Mon collègue le juge Urie a analysé la jurisprudence applicable quand des moyens nouveaux sont soulevés au niveau de l'appel, et je souscris à ses conclusions. A mon avis, l'ap- pelante ne peut pas soulever cette question à ce stade. En faisant cette affirmation, je me rends compte qu'on peut faire valoir que les alléga- tions contenues dans les paragraphes 3, 4 et 5 de l'avis d'appel visent tant le contrat de société que la validité des actes de fiducie. Cependant, dans ces allégations on affirme que la société et, partant, les fiducies ont pris naissance à un moment donné et par une certaine série d'actes. On ne peut, sans faire violence aux mots, essayer de se servir des allégations contenues dans les paragraphes 3, 4 et 5 pour englober l'allégation suivant laquelle la société est née quelques mois après le 1er janvier 1964, par suite de la signature des actes de fiducie en mars et en avril et de la signature du contrat de société à la même date ou postérieurement. A mon avis, la procédure appropriée aurait con sisté à faire l'allégation par voie de conclusion subsidiaire expresse. Si cela avait été fait, je ne peux pas dire que j'ai la certitude que ces alléga- tions auraient eu le même résultat sur les preu- ves apportées, les interrogatoires et contre- interrogatoires, la jurisprudence invoquée, et les débats.
Je trouve qu'il est encore plus difficile d'ac- cueillir la thèse selon laquelle nous pouvons décider que les fiducies familiales ont été créées par la signature des actes de fiducie en mars ou avril 1964 et que par la suite une société en nom collectif a été formée par tous les co-fiduciaires en raison de leur attitude en ce qui concerne les affaires de la «société». Il est probable que ce point, s'il avait été soulevé en temps utile, aurait donné au procès une orientation différente.
Je rejette l'appel avec dépens.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE SUPPLÉANT BASTIN: L'appelante, la Kingsdale Securities Co. Limited, a été consti- tuée en compagnie en vertu de la loi ontarienne le 22 avril 1948, sous le nom de George E. Shnier & Company Limited. De cette date au ler janvier 1962, elle a exploité une entreprise de distribution et de fabrication de revêtements de sols, de produits en caoutchouc et de matériaux de construction.
Le l er janvier 1962, l'appelante vendit son entreprise à une société composée de cinq com- pagnies détenant chacune une participation égale. Comme indiqué ci-dessous, chacune de ces compagnies était la propriété d'un membre de la famille Shnier, les propriétaires étant tous frères:
a) George Edward Corporation Ltd. (George E. Shnier)
b) Irving Shnier Limited (Irving Shnier)
c) Norman Shnier Limited (Norman Shnier)
d) Phil Shnier Limited (Phil Shnier)
e) Eagle Distributing Co. Limited (Allan Shnier)
La société exploitait l'entreprise sous les rai- sons sociales de G. E. Shnier Co. et Eagle Distributing Co. En juillet 1962, George E. Shnier mourut et la participation de la George Edward Corporation Ltd. dans la société a été par la suite reprise par la Wabash Enterprises Ltd., compagnie appartenant à Cecil Shnier, un sixième frère.
George E. Shnier, durant toute la période qui nous intéresse, a vécu à Toronto jusqu'à sa mort. Irving, Norman et Phil Shnier demeu- raient, durant toute la période qui nous inté- resse, à Toronto ils résident encore. Allan et Cecil Shnier, durant toute la période qui nous intéresse, demeuraient à Winnipeg et ils y rési- dent encore.
Le 27 décembre 1963, l'appelante, par lettres patentes supplémentaires, changea son nom de George E. Shnier & Company Limited en G. E. Shnier Co. Limited. Le 7 novembre 1969, l'ap- pelante, par de nouvelles lettres patentes sup- plémentaires, adopta le nom de Kingsdale Securities Co. Limited, son nom actuel.
Pour éviter les incidences d'une modification qui devait être apportée à la Loi de l'impôt sur le revenu, I. H. Asper a préparé un projet pour remplacer la société en nom collectif par une société en commandite ayant comme gérante l'appelante et comme commanditaires cinq fidu- cies familiales établies au profit de la femme et des enfants de chaque frère Shnier. Le projet prévoyait que l'appelante achèterait l'entreprise familiale aux cinq compagnies personnelles, puis passerait un contrat avec les cinq fiducies familiales pour former une société en comman- dite ayant l'appelante comme gérante et les cinq fiducies comme commanditaires. Il est incontes table que du l er janvier 1962 au l er janvier 1964, l'entreprise de la société appartenait aux cinq compagnies personnelles et que la vente à l'ap- pelante de la participation de chaque compagnie dans la société pour $75,000 était valable. Il est certain que l'un des objectifs de la mutation intervenue dans la propriété de l'entreprise était de réduire les impôts et qu'un autre objectif était de constituer une fiducie au bénéfice de la femme et des enfants de chacun des cinq frères Shnier.
Si, à tous autres égards, le projet était juridi- quement valable, je ne vois pas comment la technique de l'emprunt bancaire utilisée pour financer la cession de l'entreprise pourrait le vicier. L'appelante a reçu de la banque un prêt de $375,000 utilisé pour verser $75,000 à cha- cune des compagnies personnelles; chacune ayant déposé la somme de $75,000 à la banque, ces dépôts ont servi de garantie au prêt de $75,000 consenti par la banque à chacune des cinq fiducies familiales, qui en a fait apport à la société; ces sommes ont alors servi à rembour- ser à la banque le prêt initial de $375,000. Ce procédé peut certainement être décrit comme un jeu d'écritures mais il ne s'ensuit pas que les transactions étaient fictives. Il s'agit de savoir s'il y a eu création de droits que les parties peuvent faire valoir en justice. Dans l'affirma- tive, la cotisation à l'impôt sur le revenu doit alors respecter le droit des fiducies familiales à recevoir 5/6 des revenus de la société.
Le projet prévoyait la signature de cinq actes constitutifs de fiducie par un auteur ou dispo- sant qui devait être un parent des Shnier rési-
dant aux États-Unis, la nomination de l'un des frères Shnier et de deux amis comme fiduciai- res. Chacun des actes contenait les clauses suivantes:
[TRADUCTION] ARTICLE I—CONSTITUTION
1. Par les présentes le disposant convient et décide de donner et transférer aux fiduciaires une somme de $50, ladite somme de $50 devant être versée aux fiduciaires qui l'utiliseront de la façon décrite ci-après; et en outre le disposant convient et décide que ledit don et transfert de cette somme d'argent est fait de manière irrévocable et définitive en faveur des fiduciaires, conformément aux obli gations prévues dans les présentes.
2. Le disposant doit verser et remettre ladite somme de $50 auxdits fiduciaires dès qu'ils en font la demande, mais nonobstant tout retard possible dans la transmission, cession et remise effectives de ladite somme auxdits fiduciaires, cette fiducie prendra effet à la première date susmentionnée et, jusqu'à la date du versement effectif auxdits fiduciaires ou à l'un d'eux, le patrimoine de la fiducie sera constitué de la promesse et de l'engagement, de la part du disposant, de faire le don et de remettre la somme.
Les actes de fiducie ont été signés à Okla- homa City en mars ou avril 1964, mais portaient la date du 2 décembre 1963 qui devait être la date de leur entrée en vigueur. Vers le 28 décembre 1963, un des disposants a versé la somme de $250 à quelqu'un au nom des fidu- ciaires et, en décembre 1963 ou au début de 1964, les fiduciaires désignés dans les actes de fiducie ont signé des déclarations de société en commandite et les ont enregistrées en Ontario et dans les autres provinces la société devait exercer le commerce. En mars ou avril 1964, l'appelante et les fiduciaires des cinq fiducies familiales ont signé un contrat de société daté du l er janvier 1964 qui rendait l'appelante res- ponsable de toutes les dettes de la société. L'en- treprise a été exploitée avec succès en 1964, 1965, 1966, 1967 et 1968 et les déclarations d'impôt sur le revenu ont été faites pour ces années conformément aux actes de fiducie et au contrat de société. Le l er octobre 1968, l'entre- prise en plein fonctionnement a été vendue à une compagnie appelée Gesco Distributors Limited et, vers le 4 mars 1969, les actions de cette compagnie ont été inscrites à la Bourse de Toronto pour vente au public. En juin 1969 le ministre du Revenu national a adressé à l'appe- lante de nouvelles cotisations afférentes aux années 1964, 1965 et 1966, réclamant un impôt
sur les 5/6 des bénéfices que la société était censée avoir versés aux cinq fiducies familiales.
Il s'agit en l'espèce d'un appel interjeté par l'appelante des quatre cotisations datées du 12 juin 1969, afférentes à l'impôt sur le revenu des années 1964, 1965, 1966 et 1967. Le point en litige consiste donc à déterminer si le ministre du Revenu national a fondé ces nouvelles coti- sations sur des motifs valables. Une nouvelle cotisation établie sans motif valable serait illi- cite. Comme l'a déclaré le juge Rand dans l'arrêt Johnston c. M.R.N. [1948] R.C.S., 486 la page 490', «Il faut, bien sûr, supposer que la Cou- ronne, comme elle en a le devoir, a divulgué complètement au contribuable les conclusions de fait et les interprétations juridiques précises qui ont donné lieu à la controverse.» Les pièces dont nous disposons ne nous permettent pas de savoir si le Ministre a fait une telle révélation à l'appelante mais nous pouvons tenir pour acquis que le Ministre, dans sa réponse, a révélé à la Cour les motifs de son action. Les motifs préci- sés sont les suivants:
[TRADUCTION] Il conteste les paragraphes 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de l'avis d'appel et affirme qu'au cours de l'année civile 1963, en prévision de l'adoption de l'article 138A(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont on pressentait l'adoption et l'entrée en vigueur le 1" janvier 1964 et dont l'effet proba ble serait de regrouper, aux fins de l'impôt sur le revenu, tous les prête-noms, et dans le seul but d'y échapper, les cinq frères ainsi que leurs prête-noms et l'appelante ont signé certains documents et décidé de faire certaines choses destinées à simuler une restructuration et une réorganisation de l'entreprise exploitée par l'appelante et la Eagle.
On retrouve dans d'autres paragraphes l'alléga- tion que l'ensemble de la transaction était une simulation, par exemple il est dit au paragraphe 19: [TRADUCTION] «on n'a jamais envisagé l'existence ou la constitution d'une vraie fidu- cie»; au paragraphe 20, [TRADUCTION] «le con- trat de société ... n'était rien d'autre qu'une simulation ou une apparence»; au paragraphe 22, [TRADUCTION] «la prétendue constitution de la fiducie et de la société en commandite était simplement une tentative pour masquer ou déguiser la distribution des bénéfices provenant de l'entreprise que l'appelante exploitait, dans l'espoir qu'elle pourrait éviter le paiement d'im- pôts sur le revenu tiré de l'entreprise qu'elle exploitait.»
Ces citations décrivent clairement le fond du litige, c'est-à-dire la question de savoir si les différentes mesures prises par les frères Shnier pour établir des fiducies au profit de leurs femmes et enfants constituaient uniquement une tentative pour masquer ou déguiser la distribu tion des bénéfices des entreprises familiales qui, en fait, revenaient à l'appelante. Si on avait l'intention de constituer ces fiducies et si en fait elles ont été constituées, conférant irrévocable- ment aux fiduciaires une participation dans les entreprises familiales au profit des femmes et enfants, alors l'appelante devrait avoir gain de cause.
Une fiducie est un rapport juridique concer- nant des biens, entre une personne appelée fidu- ciaire et une personne qui est bénéficiaire. Une fiducie en faveur de la femme et des enfants d'un homme est tout à fait licite et est, en fait, considérée comme louable. La Cour sanction- nera une fiducie quand une personne appelée fiduciaire s'engage à s'occuper de biens certains appelés biens de la fiducie au profit d'un bénéfi- ciaire déterminé ou cestui que trust, lequel peut poursuivre l'exécution de l'engagement. Aucune formule sacramentelle ni formalité n'est exigée pour la création d'une fiducie et il y aura fiducie quand il est certain que la personne qui s'engage à propos des biens se considère comme un fiduciaire et en assume le rôle. Une déclaration orale suffit pour créer une fiducie portant sur des biens mobiliers. Sauf si une disposition éta- blie au moment de sa constitution en prévoit la révocation, la fiducie est irrévocable.
Tous les éléments essentiels à la création de cinq fiducies familiales valables et irrévocables se trouvaient réunis quand les fiduciaires dési- gnés ont accepté leurs obligations de fiduciaires en acquérant, pour chaque fiducie, une partici pation d'un sixième dans les entreprises familia- les et en signant les déclarations de société en commandite. La signature subséquente de l'acte approprié par les fiduciaires ne faisait que tra- duire dans les formes ce dont on avait déjà convenu. Dans ces conditions les fiducies ont été constituées immédiatement. Le juge Parker, dans l'arrêt Von Hatzfeldt-Wildenburg c. Alexander [1912] 1 Ch. 284 aux pages 288 et
289, 81 L.J. Ch. 184, a exposé le principe comme suit:
[TRADUCTION] La jurisprudence semble établir clairement que, si les documents ou lettres constituant un contrat prévoient la conclusion d'un contrat supplémentaire entre les parties, c'est une question d'interprétation de décider si la conclusion du contrat supplémentaire constitue une condi tion de l'accord ou s'il ne s'agit que d'un simple désir exprimé par les parties quant à la façon dont sera exécutée la transaction qui a déjà été conclue. Dans le premier cas, le contrat n'est pas valable soit parce que la condition n'est pas remplie soit parce que le droit ne reconnaît pas un contrat par lequel une personne s'engage à conclure un autre con- trat. Dans l'autre cas, le contrat est valable et on peut ignorer la référence à un document plus solennel.
Même si les disposants n'avaient jamais signé les actes de fiducie, les bénéficiaires auraient pu obliger les fiduciaires à respecter leur obligation de détenir les participations dans les entreprises familiales et de veiller à ce que la part des profits revenant aux bénéficiaires leur soit cré- ditée sur les livres de la Sarah Investments Limited, laquelle, pour des raisons de commo- dité, agissait en qualité d'agent de placements des cinq fiducies. Selon les preuves non contre- dites, les fonds représentés par ces profits appartenaient aux femmes et enfants et à per- sonne d'autre. Ils devenaient propriétaires irré- vocables de ces fonds qui ne faisaient pas retour à l'appelante ni directement ni indirectement. On sait que la Sarah Investments Limited prê- tait ces fonds à l'appelante, mais c'était, paraît-il, un arrangement judicieux et prudent. L'avocat de l'intimé a maintes fois reconnu au cours des plaidoiries qu'il ne trouvait pas à redire au fait que l'une des raisons de cet arran gement était de réduire l'impôt sur le revenu et il n'a jamais prétendu que cet arrangement était entaché de fraude. Il s'agit donc de savoir si cet engagement a eu pour effet de donner l'impres- sion que les 5/6 des bénéfices de l'entreprise allaient aux fiducies familiales alors qu'en fait ils allaient à l'appelante.
Il est admis que, avant et après le l er janvier 1964, tous les profits en sus des salaires des cinq frères étaient laissés dans l'entreprise. Lonsdale, ancien comptable de l'appelante, en a expliqué les raisons à la page 670:
[TRADUCTION] La deuxième préoccupation était simplement, à mon avis du moins, de déterminer le montant des liquidités disponibles à réinvestir dans l'entreprise, car nous étions
une compagnie en expansion, une compagnie en développe- ment, nous avions besoin de capitaux, nous avions besoin de liquidités, et nous ne pouvions pas nous permettre de débourser de fortes sommes en espèces, de sorte qu'il s'agissait uniquement pour les cinq ou six associés de trou- ver les bases d'un minimum d'accord sur les montants à réinvestir et mon objectif a toujours été de réinvestir le maximum que je pouvais parce que nous avions besoin de ces sommes comme fonds de roulement.»
Dans l'affaire Ayrshire Pullman Motor Ser vices c. C.I.R. 14 T.C. 754, que l'avocat de l'intimé a mentionnée, le contrat prévoyait notamment ce qui suit:
[TRADUCTION] La société est censée avoir été formée en janvier 1926. Le capital sera constitué par un prêt déjà consenti par le père et par d'autres avances qu'il pourrait faire. Les enfants se partageront également les bénéfices, le père n'aura droit qu'à la somme avancée et aux intérêts qu'elle aura produits. Les enfants auront un salaire mais ne pourront toucher de bénéfices avant le remboursement des avances faites par le père. Le père sera le seul gérant et lui seul pourra faire des opérations sur le compte bancaire de l'entreprise.
La Couronne soutenait qu'on n'avait pas res pecté le contrat parce qu'à la fin des années financières on n'avait pas réparti les bénéfices accumulés qui avaient cependant été régulière- ment portés au crédit des cinq enfants et que la créance du père n'avait pas été remboursée quoique cela fût possible. Mais le contrat de société prévoyait qu'à l'exception des salaires, les enfants ne toucheraient aucun bénéfice de l'entreprise tant que le prêt ou les prêts consen- tis par le père ne seraient pas intégralement remboursés, intérêts compris—le père n'ayant droit à aucun bénéfice en tant que tel. Ayant conclu que le contrat n'était ni frauduleux ni une simulation, la Cour décida que le simple non-remboursement du prêt du père ne pouvait être considéré comme une non-exécution du contrat puisque, en raison du développement de l'entreprise, il était avantageux d'y laisser les capitaux du père. La Cour fit remarquer que les bénéfices en l'espèce avaient été régulièrement portés au crédit des enfants et qu'après rem- boursement du prêt paternel, ces profits appar- tenaient aux enfants et à eux seuls. Il faut justement noter que ce contrat de société, passé en 1927, devait rétroagir au ler janvier 1926. II a été décidé que le père était soumis à l'impôt sur le revenu qu'il en a retiré au cours de l'année 1926.
Le fait que l'entreprise des Shnier se soit développée vient corroborer la conclusion qu'il s'agissait d'une politique sage et dans l'intérêt de chacun des frères Shnier, de leur femme et de leurs enfants. Indubitablement les frères Shnier connaissaient bien les avantages qu'il y avait à poursuivre cette politique quand ils ont décidé de constituer les fiducies familiales et ont judicieusement choisi des fiduciaires qui, par amitié ou pour d'autres raisons, seraient peu disposés à changer cette politique. A mon avis ce n'est pas un élément plus défavorable que ne le serait le choix, par le propriétaire réel d'une compagnie privée, d'administrateurs qu'il peut amener à partager ses vues. Aux termes de l'acte de fiducie, les fiduciaires, qui n'étaient pas des membres de la famille, et étaient majori- taires dans chaque fiducie, avaient le pouvoir de contrôler l'usage des fonds de la fiducie. Rien ne permet de penser qu'ils n'exerceraient jamais ce contrôle.
Le fait est que, en vertu de cet arrangement, une créance, apparaissant clairement dans les registres comptables et correspondant au mon- tant des bénéfices que les fiducies familiales avaient laissé dans l'entreprise, était née à la charge de la société au profit de la Sarah Invest ments Limited qui, pour des raisons de commo- dité, agissait en qualité d'agent de placements de toutes les fiducies familiales. A mon avis, il n'y a aucune raison de penser que cette créance était fictive. La femme et les enfants de chacun des frères Shnier pouvaient faire valoir leur droit sur ces fonds dont le détournement consti- tuerait une infraction criminelle.
Suivant l'intention exprimée des divers docu ments, on voulait que la société en commandite acquière l'entreprise de la société en nom col- lectif le l et janvier 1964 et cela a été réalisé par l'achat de l'entreprise aux mains des compa- gnies personnelles, la signature des déclarations de société en commandite et la libération par chaque fiducie familiale du montant de son apport de $75,000 à la société en commandite. Ces actes ont eu lieu le l et janvier 1964 ou antérieurement et respectaient la clause du con- trat de société prévoyant que celle-ci commen- cerait ses opérations le ler janvier 1964. Je pense que cette clause devrait produire ses
effets juridiques. D'après Robert Murray Beith, chef d'opérations, section A de la division de l'Évitement fiscal, il est d'usage que le ministère de l'impôt sur le revenu reconnaisse ce qui semble être les réalités juridiques d'une telle situation. Au cours de son interrogatoire préala- ble, il a fait la déposition suivante:
[TRADUCTION] R. Je peux envisager une situation analogue à celle-ci, peut-être, quand cinq parties se réunissent et décident qu'à partir d'aujourd'hui elles vont exploiter une entreprise en société et se partager également les bénéfices, et elles mettent leur décision en application le jour même mais en fait elles le font en exploitant l'entreprise, etc., et remettent à plus tard la rédaction d'un document constatant avec précision les termes du contrat.
Q. Et la société serait-elle quand même valable à compter d'aujourd'hui, aux fins d'impôt?
R. Je le crois.
A mon avis la seule question en litige est de savoir si la cession de la propriété des entrepri- ses familiales et la création des cinq fiducies familiales constituaient une simulation destinée à cacher le fait que l'appelante gardait tous les bénéfices. Je pense que, sur la base des preuves non réfutées, cette question doit être résolue en faveur de l'appelante. Il y a cependant, plusieurs autres points que je veux commenter.
D'après mon interprétation des motifs du jugement du savant juge de première instance, sa ratio decidendi est que la société en comman- dite n'a jamais vu le jour parce que les déclara- tions de société en commandite contenaient des mentions erronées en ce que le nom de chaque fiducie familiale était suivi des mots «créée par acte de fiducie en date du 1 e1 décembre 1963» alors qu'en réalité, même si les actes portaient cette date, ils ont été signés plusieurs mois après la date des déclarations. D'après son raisonne- ment, s'il n'y a pas eu de société en comman- dite, les fiducies n'ont jamais vu le jour. Il a consacré beaucoup de pages aux témoignages des disposants, recueillis sur commission roga- toire, mais il décida, malgré les contradictions de leurs dépositions, que les actes de fiducie ont vu le jour en mars ou avril 1964, leur signa ture par les disposants. Je pense que les extraits suivants des motifs du jugement confirment mes conclusions:
L'appelante fonde principalement ses arguments sur le fait que les fiducies furent constituées avant le 1°" janvier 1964
et qu'à cette date, la société en commandite déjà décrite fut créée et mise sur pied. Ainsi que l'exigent les lois provincia- les, les actes constitutifs de cette société (prétendument entrés en vigueur le 1e" janvier 1964) furent déposés auprès des autorités compétentes de la Colombie-Britannique, des provinces des prairies et de l'Ontario. Si les fiducies n'exis- taient pas en fait et en droit à la date en question, la société en commandite n'avait pas non plus d'existence nonobstant tout ce que les documents ultérieurs peuvent indiquer.
J'en conclus qu'à la date du bar mitzvah, les cinq préten- dus auteurs n'avaient convenu de rien et n'avaient pas à cette date l'intention, au sens juridique de ce mot, de consti- tuer une fiducie. Pour des raisons que j'exposerai plus tard, je suis d'avis que les fiducies ne furent pas constituées avant que les auteurs ne signent en fait les documents imprimés en mars ou avril 1964.
En l'espèce, vu mon interprétation des faits, j'estime qu'a- vant la date de la signature des documents, aucun des auteurs n'avait montré la moindre intention, soit en fait soit en droit, de constituer les fiducies sur lesquelles portent cette action.
Compte tenu de mes conclusions précédentes, j'estime que la société en commandite n'a jamais existé et que cet appel doit donc être rejeté.
En ce qui concerne les déclarations de société en commandite, il faut faire la différence entre le mot «faux» utilisé à l'article 10 de The Lim ited Partnerships Act de l'Ontario et le mot inexact, car le mot «faux» implique une inten tion d'induire en erreur ou de tromper, qu'on ne retrouve pas ici. A la signature des déclarations, les fiduciaires connaissaient les termes de la fiducie et avaient décidé d'agir, la signature des documents solennels était, dans un sens, une formalité. Dans ces circonstances, le principe exposé par le juge Parker dans l'arrêt Von Hatz- feldt-Wildenburg c. Alexander, précité, doit s'ap- pliquer, de sorte que les fiducies auraient déjà été constituées et les expressions utilisées pour décrire la fiducie seraient exactes.
Mais en tout cas, de faux renseignements dans une telle déclaration auraient pour effet non pas de rendre nulle la société mais de rendre inopérante la limitation de responsabilité pour les dettes de la société. L'article 10 de The Limited Partnerships Act de l'Ontario est ainsi libellé:
[TRADUCTION] 10. Aucune société en commandite n'est censée avoir été constituée tant que le certificat n'a pas été dressé, certifié et enregistré, et en cas de fausse déclaration
dans le certificat, tous les associés de la société sont respon- sables de tous les engagements de celle-ci comme s'ils étaient des commandités.
Cet article ne rend pas nulle la société mais prive les commanditaires de la limitation de responsabilité pour les dettes de l'entreprise. Une fausse déclaration dans le certificat produit les mêmes effets dans les autres provinces con- cernées. Il s'ensuit que la société continue d'exister mais que tous les associés sont respon- sables envers les créanciers. Mais, comme l'ap- pelante, en tant que gérante, s'est engagée envers les cinq fiducies, dans le contrat de société, à répondre des dettes de la société, cela revient à un arrangement plaçant les associés dans la situation de commanditaires.
Je ferai un seul commentaire sur les témoi- gnages des disposants, recueillis sur commission rogatoire, en disant qu'ils concernaient des faits qui, à leurs yeux, n'avaient pas d'importance réelle et qui s'étaient passés quatre années aupa- ravant. Accepter de tels témoignages sans réserve va à l'encontre de l'expérience humaine, et ne peut s'expliquer que si l'on admet que le savant juge de première instance n'a pas tenu compte du fait qu'il s'était écoulée une longue période entre les événements en question et la date de l'interrogatoire.
Au cours des débats, on a suggéré que, parce qu'il a été décidé dans l'affaire Johnston c. M.R.N. [1948] R.C.S. 486, que, dans une action intentée par un contribuable en vue d'obtenir l'annulation d'une cotisation, le fardeau de la preuve incombait au contribuable, la Cour est fondée à retenir tout vice relatif aux pièces ou aux formalités, pour rejeter l'action. Je ne suis pas convaincu que cette cour devrait examiner au microscope l'ensemble de la transaction et décider, à la découverte de la moindre imperfec tion, qu'on ne s'est pas déchargé du fardeau de la preuve. Dans l'arrêt Stanley c. National Fruit Company [1929] 3 W.W.R. 522, on a analysé l'effet du fardeau imposé par la loi et on l'a défini comme suit la page 525]:
[TRADUCTION] L'article 43 impose aux défendeurs le fardeau de la preuve. Cela signifie que les défendeurs doivent suc- comber s'il n'y a aucune preuve relative aux circonstances de l'accident ou si les preuves laissent vraiment la cour dans le doute en ce qui concerne la présence ou l'absence de négligence, ou si elles se neutralisent, empêchant ainsi le tribunal de déterminer avec certitude quelle partie est res-
ponsable de l'accident. Mais si sur le point en question il y a des témoignages contradictoires, la règle en faveur de la prépondérance des preuves doit s'appliquer comme dans les procès civils ordinaires et on ne tient pas compte du fardeau imposé par la loi si la cour, après audition et appréciation des témoignages, peut parvenir à une conclusion sûre, dans un sens ou dans l'autre. Le fardeau imposé par la loi n'augmente pas le degré de diligence requise dans la con- duite d'un véhicule automobile.
On a dit que la loi ne devrait pas encourir le reproche de détruire les conventions. Une tran saction qui n'est pas illicite devrait être mainte- nue si elle traduit l'intention des parties et l'exé- cution devrait en être ordonnée à la requête de l'une des parties en application des principes d'equity tels que l'acquiescement, la renoncia- tion, l'exception non est factum, la forclusion pour inaction etc. Si la transaction est valable et subsiste entre les parties, je ne connais aucun principe qui permette à la Cour de l'annuler à la requête du ministre du Revenu national. Si l'un des frères Shnier s'était querellé avec sa femme et ses enfants et avait essayé de faire prononcer la nullité de la fiducie constituée en leur faveur en invoquant les irrégularités dont l'intimé sou- tient l'existence, je suis certain que les tribu- naux de l'Ontario auraient rejeté une action à cette fin. Si une telle affaire avait été jugé un mois avant la présente action, il y aurait un jugement maintenant la fiducie et un jugement de la Cour fédérale la déclarant nulle. Il est impossible de justifier une telle anomalie.
C'est un principe juridique bien établi qu'un contrat ne peut conférer des droits et imposer des obligations qu'aux seules parties et à per- sonne d'autre, et que seule une partie à un contrat a une action pour en obtenir l'exécution ou l'annulation. A cette règle il y aurait cette exception: si le ministre du Revenu national pouvait démontrer qu'un contrat constitue une simulation destinée à créer l'impression qu'une personne touchait un revenu qui en réalité reve- nait à une autre, il pourrait le considérer comme nul. C'est sur cette base que les nouvelles coti- sations ont été établies en l'espèce, mais la preuve ne corrobore pas les allégations du Ministre.
La validité des contrats et des transactions commerciales relève de la loi régissant la pro-
priété et les droits civils, domaine de compé- tence que notre constitution attribue aux provin ces. Il s'ensuit que, dans l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national doit respecter la situation juridique telle qu'elle existe dans le droit provincial. Les majeurs jouissent d'un pouvoir étendu de con- tracter et, généralement parlant, les droits qu'ils veulent créer sont légalement inviolables sous réserve qu'ils ne portent pas atteinte aux droits des créanciers et n'enfreignent pas une interdic tion édictée par une loi provinciale. The Bills of Sale Act et The Limited Partnerships Act visent à la protection des créanciers. Les parties peu- vent se mettre d'accord pour créer rétroactive- ment des droits qui auront un effet obligatoire à leur égard et à l'égard des tiers, sauf s'il en résulte une fraude à l'égard des créanciers. Un accord de ce genre ne peut affecter le principe fondamental de droit fiscal en vertu duquel l'im- pôt sur le revenu est à la charge de la personne qui effectivement a droit au revenu durant l'an- née en question et le Ministre peut lever l'impôt d'après la nature réelle plutôt qu'apparente de la transaction. A tous autres égards, le pouvoir que le Parlement accorde au Ministre doit s'exercer dans le cadre de cette limitation constitution- nelle.
Un principe élémentaire de l'organisation judiciaire exige que les personnes qui seront affectées par une décision de la cour aient l'oc- casion de se faire entendre. Les tribunaux ont toujours admis que les personnes susceptibles de subir indirectement un préjudice par suite d'une décision de la cour devraient, sauf en des circonstances très spéciales, être constituées parties, soit par voie d'ordonnance désignant des représentants ou autrement, avant le pro- noncé d'une décision affectant leurs droits. Voir l'arrêt London Passenger Transport Board c. Moscrop (1942) A.C. 332 à la page 345, 111 L.J. Ch. 50. La Règle 1711 prévoit la nomina tion par la Cour d'une personne pour représen- ter une catégorie de personnes devant être affectées par le résultat de l'action. Il semble qu'on ait perdu de vue qu'en statuant sur la validité des cinq fiducies familiales, les droits des nombreux bénéficiaires, comprenant certai- nement des enfants, seraient affectés. Dans une action entre sujets, on aurait naturellement
rendu une telle ordonnance. Je ne crois pas qu'en l'espèce on se trouvait en présence de circonstances spéciales pouvant justifier une exception à cette Règle.
J'accueillerais l'appel avec dépens.
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