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T-238-75
In re Douglas A. MacDonald et in re une demande de jugement déclaratoire contre le commissaire des pénitenciers
Division de première instance, le juge Mahoney— Hâlifax, le 15 avril 1975.
Redressements extraordinaires—Certiorari—Détenu sous surveillance obligatoire renvoyé sous garde—Est-il envoyé au pénitencier pour une période déterminée quand il a été renvoyé sous garde ou au moment de l'émission du mandat de nouvel emprisonnement?—Loi sur la libération conditionnelle de détenus, S.R.C. 1970, c. P-2, art. 15(2), 16(1), (2) et (5), 18(2) et 20(1)—Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, c. P-6, art. 22(1)—Règles 319, 400 et 603 de la Cour fédérale.
Le requérant a été mis en liberté sous surveillance obligatoire alors qu'il lui restait 576 jours à purger sur deux condamna- tions. Sa libération sous surveillance obligatoire a été suspendue le 13 juillet 1974 et un mandat de nouvel emprisonnement émis le 13 janvier 1975. Le requérant soutient qu'il n'a pas été crédité de la réduction de peine statutaire pour la période allant du 13 juillet 1974 au 13 janvier 1975.
Arrêt: l'ordonnance de certiorari est accordée; l'article 15(2) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus a pour effet de rendre le requérant assimilable à un détenu bénéficiant de la liberté conditionnelle qui se la voit suspendue en vertu de l'article 16 et qui a été renvoyé sous garde le 13 juillet 1974. En vertu de l'article 16(5), il était censé purger sa sentence à compter du 13 juillet. Il avait été arrêté par suite d'un mandat émis en vertu de l'article 16; aucune disposition de cet article ne prévoit qu'il doit de nouveau comparaître devant un magistrat et être renvoyé au pénitencier si sa libération conditionnelle est révoquée. Le 13 juillet 1974 est la date à laquelle le requérant a été condamné, aux fins de l'article 22(1) de la Loi sur les pénitenciers, en ce qui concerne la partie de sa peine non encore purgée.
Arrêts examinés: Sherman and Ulster Ltd. c. Le commis- saire des brevets (1974) 14 C.P.R. (2e) 177; In re Zong [1975] C.F. 430. Arrêt appliqué: Marcotte c. Le sous-pro- cureur général du Canada (1975) 19 C.C.C. (2') 257, infirmant (1974) 13 C.C.C. 114 et confirmant (1973) 10 C.C.C. 441. Arrêts désapprouvés: Re Morin (1969) 2 C.C.C. 171; Ex parte Gannon (1971) 3 C.C.C. (2e) 267 et Ex parte Allard (1971) 1 C.C.C. 461.
REQUÊTE. AVOCATS:
P. Harvison pour le requérant. D. Richard pour l'intimé.
PROCUREURS:
Les services juridiques pénitenciaires, Sack- ville (N.-B.), pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Cette demande visait ini- tialement à obtenir un jugement déclaratoire. L'avocat de l'intimé a soulevé une exception préli- minaire s'opposant à ce que cette cour accorde un jugement déclaratoire sur une demande présentée en vertu des Règles 319 et suivantes et non sous forme d'action en vertu de la Règle 400, et à l'appui il a cité l'arrêt Sherman & Ulster Ltd. c. Le commissaire des brevets' de cette Cour. La solution de cette question dépend de l'interpréta- tion que l'on donne à la Règle 603. J'ai conclu que l'exception était bien fondée. Je dois signaler que la même objection n'avait été ni soulevée ni exami née dans la récente décision de mon collègue Addy dans l'affaire In re Zongz. Les parties se sont mises d'accord pour modifier l'avis introductif de requête, qui vise maintenant à obtenir [TRADUC- TION] «une ordonnance de certiorari pour exami ner les lois applicables aux peines que le requérant est en train de purger et l'interprétation qu'elles doivent recevoir».
La preuve révèle que le requérant a été déclaré coupable d'introduction par effraction le 25 novembre 1970 et condamné à 4 ans et demi de prison. Le 20 avril 1971, il a été déclaré coupable d'être illégalement en liberté et condamné à une peine supplémentaire consécutive de six mois. Les parties reconnaissent qu'au moment de sa mise en liberté sous surveillance obligatoire le 7 avril 1974, il avait purgé 1250 jours et qu'il lui en restait 576. Le 13 juillet 1974, il était arrêté et sa libération sous surveillance obligatoire suspendue à la suite de la perpétration d'une infraction dont il a été ultérieurement déclaré coupable et condamné sur déclaration sommaire de culpabilité. Il paraît qu'un membre de la Commission des libérations conditionnelles aurait examiné la suspension dans les 14 jours, conformément à l'article 16(3) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus 3 ; il pouvait soit annuler la suspension soit renvoyer l'affaire à la Commission. Il la renvoya. Le 13 janvier 1975 le requérant fut amené devant un magistrat, informé que la Commission avait le 3
' (1974) 14 C.P.R. (29 177.
2 [1975] C.F. 430.
S.R.C. 1970, c. P-2.
septembre 1974 ordonné la révocation de sa libéra- tion sous surveillance obligatoire. Le magistrat émit un nouveau mandat d'emprisonnement.
En substance, le requérant se plaint de ce qu'il n'a pas bénéficié de la réduction de peine statu- taire pour la période allant du 13 juillet 1974, date de son arrestation au 13 janvier 1975, date du nouveau mandat d'emprisonnement, soit une période de 184 jours.
La réduction statutaire de peine est prévue à l'article 22(1) de la Loi sur les pénitenciers'.
22. (1) Quiconque est condamné ou envoyé au pénitencier pour une période déterminée doit, dès sa réception à un péni- tencier, bénéficier d'une réduction statutaire de peine équiva- lant au quart de la période pour laquelle il a été condamné ou envoyé au pénitencier, à titre de remise de peine sous réserve de bonne conduite. [C'est moi qui souligne.]
Il s'agit essentiellement de déterminer si un détenu renvoyé sous garde en vertu de l'article 16 de la Loi sur la libération conditionnelle de déte- nus, est, en vertu du paragraphe (5) dudit article, censé, dès ce moment, être envoyé au pénitencier pour une période déterminée ou s'il l'est seulement quand un mandat de nouvel emprisonnement est émis. En l'espèce, l'article 15(2) de la Loi sur la libération conditionnelle de détenus a pour effet de rendre le requérant assimilable à un détenu bénéficiant de la liberté conditionnelle qui se la voit dûment suspendue en vertu des dispositions de l'article 16 et qui a été renvoyé sous garde confor- mément audit article le 13 juillet 1974. La para- graphe (5) de cet article prévoit que:
16. (5) Un détenu qui est sous garde en vertu du présent article est censé purger sa sentence.
Ainsi à partir du 13 juillet 1974, le requérant était censé purger sa sentence. Il soutient qu'à cette date, il était légalement condamné ou envoyé au pénitencier pour une période déterminée et que l'article 22(1) de la Loi sur les pénitenciers entrait en jeu dès ce moment. L'intimé soutient que l'arti- cle 22(1) n'est entré en jeu que lorsque le requé- rant a été formellement incarcéré de nouveau au pénitencier, le 13 janvier 1975. Dans la Loi, il n'est question du mandat pour le nouvel emprisonne- ment d'un détenu à liberté conditionnelle qu'à l'article 18(2). Cela ne s'applique pas en l'espèce. C'est un fait que le requérant avait été arrêté par
S.R.C. 1970, c. P-6.
suite d'un mandat émis non pas en vertu de l'arti- cle 18, mais en vertu de l'article 16.
16. (1) Un membre de la Commission ou toute personne qu'elle désigne peuvent, au moyen d'un mandat écrit, signé par eux, suspendre toute libération conditionnelle d'un détenu à liberté conditionnelle ... et autoriser son arrestation .
(2) Un détenu à liberté conditionnelle arrêté en vertu d'un mandat émis aux termes du présent article doit être amené, aussitôt que la chose est commodément possible, devant un magistrat. Ce dernier doit renvoyer le détenu sous garde jus- qu'à ce que la suspension de sa libération conditionnelle soit annulée ou que sa libération conditionnelle soit révoquée ou frappée de déchéance.
Aucune disposition de l'article 16 ne prévoit que le détenu arrêté doit de nouveau comparaître devant un magistrat et être renvoyé au pénitencier si sa libération conditionnelle est révoquée. Il est déjà sous garde et, est censé purger sa sentence en vertu de l'article 16(5). La sentence qu'il est censé purger est une sentence déterminée.
Le problème se pose parce que l'article 20(1) exige qu'un détenu dont la libération condition- nelle a été révoquée, soit incarcéré de nouveau.
20. (1) Lorsque la libération conditionnelle accordée à un détenu a été revoquée, celui-ci doit être envoyé de nouveau au lieu d'incarcération d'où il avait été autorisé à sortir et à rester en liberté au moment la libération conditionnelle lui était accordée, pour purger la partie de sa peine d'emprisonnement qui n'était pas encore expirée au moment la libération conditionnelle lui était accordée, y compris toute période de réduction de peine alors inscrite à son crédit notamment la réduction de peine méritée, moins toute période passée sous garde par suite d'une suspension de sa libération conditionnelle.
Il ne semble pas que la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Marcotte c. Le sous-procureur géné- ral du Canada' ait examiné le point précis qui fait l'objet du présent litige. Dans cet arrêt, le juge Dickson semble avoir accepté le 29 août 1968 comme la date décisive. Le jugement de première instance' du juge Henderson révèle que:
[TRADUCTION] ...la libération conditionnelle de Marcotte a été suspendue le 29 août 1968 et révoquée le 28 février 1969.
Le jugement du juge d'appel Martin de la Cour d'appel de l'Ontario' révèle que le mandat pour le nouvel emprisonnement avait été aussi émis le 28 février 1969.
(1975) 19 C.C.C. (2e) 257.
6 (1973) 10 C.C.C. 441, à la page 442.
7 (1974) 13 C.C.C. 114, à la page 125.
Je ne veux pas tirer trop de conclusions du fait que l'arrêt Marcotte a apparemment retenu comme date décisive la date de la suspension plutôt que celle de la révocation ou du nouvel emprisonnement. Cependant je considère que l'ar- rêt Marcotte passe outre l'arrêt Re Morin' sur lequel le juge Ruttan de la Cour suprême de la Colombie-Britannique s'était fondé 9 pour ne pas suivre son collègue Smith quand ce point précis a été débattu. Les modifications, apportées en 1969 à la Loi sur la libération conditionnelle de détenus", que le juge Dickson a pris le soin de souligner, n'étant pas entrées en vigueur quand la libération conditionnelle de Marcotte avait été sus- pendue et révoquée, n'ont aucun effet sur le point précis présentement en litige.
A la lumière de l'arrêt Marcotte, on doit préfé- rer la solution de l'arrêt Allard à celle de l'arrêt Gannon. Cette solution dispense d'examiner si les retards qui se sont produits en l'instance auraient donné au requérant un droit à redressement devant cette cour.
Je conclus que le 13 juillet 1974 est la date à laquelle le requérant a été «condamné ou envoyé au pénitencier pour une période déterminée», aux fins de l'article 22(1) de la Loi sur les pénitenciers, en ce qui concerne la partie de sa peine non encore purgée. L'ordonnance sollicitée sera rendue en conséquence. Le requérant doit recouvrer ses frais, y compris les frais de voyage raisonnables débour- sés par son avocat pour aller de Sackville (N.-B.) à Halifax (N.-E.).
8 (1969) 2 C.C.C. 171.
9 Ex. p. Gannon (1971) 3 C.C.C. (2') 267. 0 Ex. p. Allard (1971) 1 C.C.C. (2') 461. " S.C. 1968-1969, c. 38.
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