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T-4045-74
William Henry Mahaffey (Requérant)
c.
William Nykyforuk, président du conseil arbitral, et la Commission d'assurance-chômage (Intimés)
Division de première instance, le juge Heald — Saskatoon, le 27 novembre; Ottawa, le 3 décem- bre 1974.
Compétence—Assurance-chômage—Autorisation d'inter- jeter appel refusée par le président—Demande de certiorari à l'encontre de ce refus—Compétence de la Cour d'appel fédé- rale—Défaut de compétence de la Division de première ins- tance—Loi sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72, c. 48, art. 91, 94, 95 et 96—Loi sur la Cour fédérale, art. 28 et 102—Règle 603 de la Cour fédérale.
Un fonctionnaire de la Commission d'assurance-chômage avait exclu le requérant, un assuré en vertu des dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage, du bénéfice des presta- tions prévues par cette loi, pour une certaine période. Son appel devant le conseil arbitral fut rejeté. En vertu des articles 95c)(ii) et 96(1) de la Loi, le président du conseil, le défendeur Nykyforuk, refusa d'accorder l'autorisation d'in- terjeter appel devant un juge-arbitre. Le requérant demande un bref de certiorari ou une ordonnance déclarant la nullité de la décision du président. A l'audience, le débat se limita à la question de la compétence de la Division de première instance pour entendre cette demande.
Arrêt: la demande est rejetée; la décision du président en vertu de l'article 96 de la Loi sur l'assurance-chômage, par laquelle il refusa l'autorisation d'interjeter appel, était une décision prise en vertu de pouvoirs statutaires et, à ce titre, était une «décision ou ordonnance» au sens de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Le président relève de la définition des termes «un office, une commission ou un autre tribunal fédéral» donnée à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. L'arme essentielle dont dispose le requérant est le certiorari —l'examen et, le cas échéant, l'annulation de la décision. Les moyens soulevés par la demande relèvent de la compétence de la Cour d'appel fédérale, en vertu de l'article 28(1), ce qui exclut la compétence de la Division de première instance aux termes de l'article 28(3).
Arrêts suivis: Kraynick c. La Commission d'assurance- chômage (T-273-74, le 22 avril 1974) et Creative Shoes Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national [1972] C.F. 115, confirmé par [1972] C.F. 993. Distinction établie avec l'arrêt National Indian Brotherhood c. Juneau [N° 2] [1971] C.F. 73. Arrêt appliqué: In re DanmorShoe Co. Ltd. [1974] 1 C.F. 22.
EXAMEN judiciaire. AVOCATS:
Donald J. Purich pour le requérant. B. Collins pour l'intimé.
PROCUREURS:
Purich & Linn, Saskatoon, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés par
LE JUGE HEALD: La présente demande a été présentée en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale et de la Règle 603, en vue d'obte- nir «une ordonnance portant que cette honora ble Cour émettra un bref de certiorari et une ordonnance déclarant nulle et sans effet la déci- sion de l'intimé, William Nykyforuk, rendue en vertu de l'article 96 de la Loi sur l'assurance- chômage, et une autre ordonnance: «enjoignant les intimés de procéder de la manière prévue à l'article 96 de la Loi sur l'assurance-chômage.»
Les motifs de cette demande sont énoncés dans l'avis de requête de la manière suivante:
[TRADUCTION] a. Qu'il y a une erreur apparente à la lecture du dossier;
b. Que lesdits intimés n'ont pas procédé de la manière prescrite à l'article 96 de la Loi sur l'assurance-chômage;
c. Qu'il y a eu déni de justice naturelle;
d. Que ledit intimé, WILLIAM NYKYFORUK, n'a pas précisé si un principe important était en jeu dans cette affaire et s'il existait d'autres circonstances justifiant une autorisation de porter en appel;
e. Qu'en décidant si l'autorisation de porter en appel devait être accordée, il fallait prendre en considération certaines questions de droit;
Lors de l'audience tenue devant moi, les avo- cats ont seulement discuté la question de la compétence de la Division de première instance pour entendre la requête, ayant convenu que si je concluais à sa compétence, les plaidoiries sur le fond de la demande seraient entendues à une date ultérieure.
Le requérant, un assuré en vertu des disposi tions de la Loi sur l'assurance-chômage, fut exclu du bénéfice des prestations prévues à ladite loi, du 24 juillet 1972 au 28 février 1973
par une décision rendue par un fonctionnaire de la commission intimée. Conformément à l'article 94 de la Loi sur l'assurance-chômage, le requérant interjeta appel de ladite décision auprès d'un conseil arbitral nommé en vertu de ladite loi. L'article 91 de la Loi prévoit l'institu- tion de conseils arbitraux dans différentes régions du Canada. Chaque conseil comprend trois (3) personnes: un représentant des employeurs, un représentant des assurés et un président nommé par le gouverneur en conseil. L'intimé, Nykyforuk, était le président dûment nommé du conseil arbitral qui entendit l'appel du requérant à Saskatoon (Saskatchewan). Ledit conseil rejeta unanimement l'appel interjeté par le requérant.
L'article 95 de la Loi prévoit dans quelles circonstances les requérants ont un nouveau droit d'appel de la décision d'un conseil arbitral devant un juge-arbitre; il se lit de la manière suivante:
95. Toute décision d'un conseil arbitral peut, de la manière prescrite, être portée en appel devant un juge-arbitre,
a) dans tous les cas, sur l'instance de la Commission; 6) dans tous les cas, sous réserve de l'article 97, sur l'instance d'une association de travailleurs dont le presta- taire est membre ou d'une association d'employeurs dont un employeur du prestataire est membre; ou c) sur l'instance du prestataire ou d'un employeur du prestataire,
(i) sans autorisation, dans tous les cas la décision du conseil arbitral n'est pas unanime, et
(ii) avec l'autorisation du président du conseil arbitral, dans tous les autres cas.
Puisque en l'espèce, la décision du conseil arbitral était unanime, l'article 95 c)(ii) s'appli- quait, exigeant donc l'autorisation du président dudit conseil arbitral, savoir, l'intimé Nykyfo- ruk. Ledit intimé refusa d'accorder au requérant l'autorisation d'interjeter appel et c'est ce refus de la part du président qui fait l'objet de cette requête. L'article 96(1) de la Loi prévoit les circonstances dans lesquelles l'autorisation d'in- terjeter appel doit être accordée et se lit de la manière suivante:
96. (1) Une demande d'autorisation de porter en appel une décision d'un conseil arbitral peut être faite par le requérant en la forme et dans le délai prescrits, ce dernier étant d'au moins trente jours à partir de la date à laquelle la décision est communiquée au requérant. Le président du conseil arbitral doit accorder cette autorisation s'il lui paraît
évident qu'un principe important est en jeu en l'espèce ou qu'il y a d'autres circonstances spéciales justifiant cette autorisation.
Au début de l'audience, j'attirai l'attention des avocats sur la décision récente de mon collègue le juge Collier dans l'affaire Kraynick c. La Commission d'assurance-chômage' le redressement demandé à l'encontre de la déci- sion d'un conseil arbitral, rendue en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, était identique, à toutes fins pratiques, au redressement demandé dans la présente requête. Dans cet arrêt, le juge Collier conclut que la requérante demandait, par voie de certiorari, l'examen et l'annulation de la décision du conseil et qu'aux termes de l'article 28(3), la Division de première instance était sans compétence pour toute procédure relative à cette décision puisque la Division d'appel de la Cour fédérale avait compétence pour le faire en vertu de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale. La conclusion du juge Collier suivait la décision du juge Walsh dans l'affaire Creative Shoes Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu natio nal 2 confirmée par la Cour d'appel fédérale'.
Même si dans l'affaire présente, la décision attaquée est la décision du président du conseil arbitral et non celle du conseil lui-même, je suis convaincu que le président du conseil arbitral relève aussi de la définition des termes «office, commission ou autre tribunal fédéral» donnée à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale. En outre, comme dans l'affaire Kraynick (précitée), je suis convaincu, compte tenu de l'objet même de ces procédures, que «l'arme essentielle dont dispose la requérante est le certiorari, c'est-à- dire l'examen et l'annulation, s'il y a lieu, d'une décision». 4 A mon avis, il est évident que les motifs énoncés dans la requête relèvent de la compétence conférée à la Cour d'appel fédérale par l'article 28(1) de la Loi, qui de ce fait exclut la compétence de la Division de première ins tance, aux termes de l'article 28(3) de la Loi.
du greffe: T-273-74, décision en date du 22 avril
1974.
2 [1972] C.F. 115.
[1972] C.F. 993, à la p. 998.
4 Voir l'affaire Kraynick (précitée)—jugement du juge
Collier à la page 7.
Il ne reste donc à examiner que la question de savoir si ce refus de l'intimé Nykyforuk est une «décision ou ordonnance» au sens de ces termes à l'article 28(1). Pour affirmer que ledit refus ne constitue pas une telle «décision ou ordon- nance», l'avocat du requérant invoque les com- mentaires du juge en chef Jackett dans l'affaire National Indian Brotherhood c. Juneau [N° 2] 5 . En toute déférence, je ne vois pas comment ces commentaires peuvent étayer la thèse du requé- rant. A la page 79 de ce jugement, le savant juge en chef déclarait:
Je ne prétends pas avoir formulé d'opinion quant au sens des termes «décision ou ordonnance» dans le contexte de l'art. 28(1), mais il me semble que l'on veut dire qu'il s'agit d'une décision ou ordonnance ultime prise ou rendue par le tribunal en vertu de sa constitution et non pas la myriade d'ordonnances ou de décisions accessoires qui doivent être rendues avant de trancher définitivement l'affaire.
Le savant juge en chef s'est penché sur le même problème dans l'affaire Re Danmor Shoe Co.' il déclarait:
Une décision susceptible d'annulation en vertu de l'article 28(1) doit donc être une décision prise dans l'exercice ou le prétendu exercice d'«une compétence ou des pouvoirs» conférés par une loi du Parlement. Il va de soi qu'une décision du tribunal prise en vertu d'«une compétence ou de pouvoirs» expressément conférés par la loi, est une «déci- sion» relevant de cette catégorie. Une décision prise dans le prétendu exercice d'«une compétence ou des pouvoirs» conférés par la loi relève aussi manifestement de l'article 28(1). Une décision de ce genre a pour effet juridique de régler l'affaire, ou elle prétend avoir cet effet. Une fois que, dans une affaire donnée, le tribunal a exercé sa «compé- tence ou ses pouvoirs» en rendant une «décision», la ques tion est tranchée et même le tribunal ne peut y revenir.
En l'espèce, le tribunal faisant l'objet d'un examen n'est pas l'ensemble du conseil arbitral, mais plutôt le président du conseil arbitral nommé conformément à l'article 91(2). L'ordon- nance attaquée en l'espèce fut rendue en con- formité de l'article 96(1) et constitue une «déci- sion du tribunal, prise en vertu d'«une compétence ou de pouvoirs» expressément con- férés par la Loi.»
En tant que telle il est évident qu'il s'agit d'une «décision ou ordonnance» relevant de l'article 28(1), puisqu'elle a pour effet juridique non seulement de régler l'affaire entre les par
s [1971] C.F. 73, aux pp. 78 et 79. 6 [1974] 1 C.F. 22 à la p. 28.
ties mais en outre de trancher la question de sorte que même le tribunal ne peut y revenir'. A mon avis donc, cette décision du président rendue en vertu de l'article 96 est bien une «décision ou ordonnance ultime prise ou rendue par le tribunal en vertu de sa constitution et non pas la myriade d'ordonnances ou de décisions accessoires qui doivent être rendues avant de trancher définitivement l'affaire», dont parlait le juge en chef dans l'affaire Juneau (précitée).
Pour tous ces motifs, je conclus que la déci- sion de l'intimé Nykyforuk; rendue en vertu de l'article 96 de la Loi, est une «décision ou ordonnance» au sens de l'article 28(1) de la Loi sur la Cour fédérale. Il s'ensuit donc, à mon avis, que la Cour d'appel fédérale a compétence pour entendre cette requête ce qui exclut donc la compétence de la Division de première instance.
La demande est donc rejetée. Aucune ordon- nance ne sera rendue sur les dépens.
Le seul pouvoir de modifier ou d'annuler une décision, conféré par la Loi, est prévu à l'article 102. Cependant, cet article ne donne ce pouvoir qu'à une «commission, à un conseil arbitral ou à un juge-arbitre» et n'est pas étendu au président d'un conseil arbitral.
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