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T-498-74
Regal Wholesale Ltd. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé— Saint-Jean, les 16 et 17 mars; Ottawa, le 2 avril 1976.
Impôt sur le revenu—Compagnies associées—La défende- resse prétend que la demanderesse est _associée à «V Co.»—La défenderesse soutient que «A» a cédé à «W» des actions de la demanderesse et que «E» a fait de même au profit de «L»—La demanderesse nie l'existence de ce transfert, affirmant que «W» et «L» ne sont pas actionnaires de la demanderesse—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148 et ses modifica tions, art. 39, 139(1)ac),(5a),(Sc)a),(5d)a) et (6)—Loi sur les compagnies du Nouveau-Brunswick, S.R.N.-B. 1952, c. 33, art. 73 et 104(1).
La demanderesse a interjeté appel d'une nouvelle cotisation établie au motif qu'elle est associée à V Co. Le Ministre a prétendu que A a cédé 199 actions de la demanderesse à W (son beau-frère) et que E (fils de W) a cédé 199 actions de la demanderesse à L (frère de W et mari d'A). La demanderesse a nié que cette cession ait eu lieu et a affirmé que W et L n'étaient pas actionnaires de la demanderesse. W et L contrô- laient P.J. Ltd. dont V Co. était une filiale en propriété exclusive. La cotisation se fondait sur les endossements des certificats d'actions et sur une convention d'achat d'actions signés par W et L. La demanderesse affirme que A et E n'avaient pas l'intention de céder les actions à W et L et elle allègue qu'il n'y a pas eu de transfert puisque les noms n'ont jamais été portés au registre.
Arrêt: l'appel est rejeté et les nouvelles cotisations sont confirmées. W et L n'ont jamais eu l'intention de se dessaisir de leurs actions dans la demanderesse. On leur avait conseillé de ne pas figurer comme propriétaires sur le registre de la compa- gnie afin d'éviter les dispositions relatives aux compagnies associées. E et A leur ont transmis les certificats de cession par voie d'endossement et ces derniers les ont gardés en leur possession. Le fait qu'ils ont signé la convention d'achat d'ac- tions confirme cette conclusion. Bien que, du point de vue de la compagnie, le cessionnaire ne devienne actionnaire que lorsque son nom est inscrit au registre, entre le cédant et le cession- naire, l'exécution du certificat de cession et sa délivrance constituent les éléments essentiels. W et L étaient les propriétai- res de la majorité des actions de la demanderesse et par conséquent cette dernière et V Co. sont des compagnies associées.
L'argument subsidiaire de la défenderesse est également valable savoir que la demanderesse et V Co. étaient associées sans que l'on ait à considérer l'effet juridique des transferts non enregistrés d'actions). Les trois exigences de l'article 39(4)d) sont satisfaites. (1) V Co. étaient «contrôlée par une personne» (P.J. Ltd.). (2) P.J. Ltd. était «liée à chaque membre d'un groupe de personnes» (A et E) qui contrôlaient la demanderesse et (3) le fait que P.J. Ltd. possède à la fois des actions de la demanderesse et de V Co. suffit pour remplir la troisième
exigence de l'article 39(4)d) savoir «une de ces personnes possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de ... chacune des ...»). Le fait que ni A ni E ne possédaient des actions de V Co. n'empêche pas l'application de cette disposition. Et bien que la demanderesse ait fait valoir que cet argument était fondé sur la proposition selon laquelle A et E constituaient un «groupe» de personnes qui contrôlaient la demanderesse, et qu'ils ne formaient pas un groupe au sens de la Loi, ces deux personnes ont une communauté d'intérêt et d'objectif, des relations courantes et une unité suffisante pour constituer un «groupe».
Arrêts appliqués: Buckerfield's Ltd. c. M.R.N. [1965] 1 R.C.E. 299; Donalan Investments Limited c. M.R.N. [1973] C.T.C. 251; Electric Power Equipment Ltd. c. M.R.N. [1968] 1 R.C.E. 460; Yardley Plastics of Canada Ltd. c. M.R.N. 66 DTC 5183; S. Madill Ltd. c. M.R.N. [1972] C.F. 6; Vina -Rug (Canada) Ltd. c. M.R.N. [1968] R.C.S. 193. Arrêt analysé: Re Montgomery and Wrights Ltd. (1916-17) 38 O.L.R. 335.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
E. N. McKelvey, c.r., pour la demanderesse. O. A. Pyrcz pour la défenderesse.
PROCUREURS:
McKelvey, Macaulay, Machum & Fair- weather, Saint-Jean, pour la demanderesse. Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE DUBÉ: Appel est interjeté d'une nou- velle cotisation établie à l'égard du revenu de la demanderesse pour les années d'imposition 1968 et 1969. Par des avis de nouvelles cotisations datés du 24 mars 1971, le Ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard du revenu de la demanderesse (ci-après appelée «Regal») au motif qu'elle était associée à National Vending Company Limited (ci-après appelée «Vending») au sens du paragra- phe 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu' et que l'impôt payable par Regal sur son revenu imposable de 1968 et 1969 devait être calculé conformément au paragraphe 39(3) de la Loi. Regal prétend que son revenu imposable pour les deux années doit être calculé conformément au paragraphe (1) et non pas d'après les paragraphes (2) et (3) de l'article 39.
S.R.C. 1952, c. 148.
Dans sa déclaration modifiée, la demanderesse prétend également que l'intervalle de vingt-neuf mois entre le dépôt de son avis d'opposition et la ratification de la nouvelle cotisation par le ministre du Revenu national enfreint le paragraphe 58(3) de la Loi selon lequel le Ministre doit procéder à une telle ratification avec «toute la diligence possi ble». A l'ouverture de l'audience, la demanderesse a retiré sa modification et est revenue à la déclara- tion d'origine. L'avocat de la défense a souligné au cours des débats que la modification avait néces- sité un deuxième interrogatoire et que les dépens y afférents devraient être taxés à l'encontre de la demanderesse.
Les parties sont d'accord pour dire que la pièce P-2 produite par la demanderesse reflétait avec exactitude la répartition des actions pour la période en question, selon les registres de la société:
152 actions ordinaires enr1968
William R. Lawlor -159 actions ordinaires en 1969 (père de W. Eric)-1250 actions privilégiées en
68-69
,151 actions ordinaires en 1968
Laurence D. Lawlor__159 actions ordinaires en 1969 (mari d'Adrienne)-1250 actions privilégiées en
68-69
Peter J. Lawlor Ltd.
500 actions ordinaires émises
2,500 actions privilégiées émises,
Francis J. McGrath 200 actions ordinaires Adrienne Lawlor 200 actions ordinaires
W. Eric Lawlor 200 actions ordinaires filiale en
propriété exclusive
1,130 actions privilégiées sans l droit de vote
I v
Société demanderesse National
600 actions ordinaires émises Vending
1,510 actions privilégiées émises Co. Ltd.
Le Ministre prétend que, le 15 juillet 1968 ou aux environs de cette date, Adrienne Lawlor a cédé 199 actions de Regal à William R. Lawlor (son beau-frère) et qu'Eric Lawlor (fils dudit Wil- liam R. Lawlor) a cédé 199 actions de Regal à Laurence D. Lawlor (frère de William R. et mari d'Adrienne). La demanderesse prétend que cette cession n'avait été ni envisagée ni réalisée et que par conséquent les deux frères William R. et Lau- rence D. n'étaient pas actionnaires de Regal. Il est reconnu qu'à toute époque pertinente, les deux frères possédaient la majorité des actions émises et contrôlaient Peter J. Lawlor Ltd.
Lorsqu'il prétend qu'il y a eu un transfert d'ac- tions d'Adrienne et Eric à William et Laurence, le Ministre se fonde essentiellement sur deux raisons: les endossements des certificats d'actions et une convention sur l'achat d'actions en date du 15 juillet 1968.
Voyons d'abord la question des endossements. Neuf certificats d'actions ordinaires ont été pro- duits comme pièces. Les trois premiers concer- naient chacun une action et ont été dûment remis par les fondateurs de la compagnie aux trois actionnaires Francis G. McGrath, W. Eric Lawlor et Adrienne Lawlor. Le quatrième certificat con- cernant une action a été émis au nom de Francis G. McGrath, et le formulaire de cession n'a pas été endossé. Le cinquième certificat concernant une action a été émis au nom de W. Eric Lawlor; le formulaire de cession n'a pas été rempli au dos mais porte la signature de W. Eric Lawlor. Le sixième certificat concernant une action a été émis au nom d'Adrienne et le formulaire de cession porte le blanc-seing d'Adrienne.
Le septième certificat concernant 199 actions a été émis au nom de Francis G. McGrath et le certificat de cession n'a été ni rempli ni signé. Le huitième certificat concernant 199 actions a été émis au nom d'Adrienne Lawlor, mais le dos du formulaire de cession a été complété et porte le nom de William Ronald Lawlor et la signature d'Adrienne Lawlor. Le neuvième certificat concer- nant 199 actions a été émis au nom de W. Eric Lawlor et le certificat de cession rempli au nom de
Laurence David Lawlor et signé par W. Eric Lawlor.
Les noms des trois fondateurs ainsi que ceux de McGrath, Eric et Adrienne Lawlor figurent dans le livre des actionnaires. Ces six noms apparaissent dans le livre du conseil d'administration, McGrath étant président, Adrienne, vice-présidente et Eric, secrétaire.
Le registre indique le transfert d'une action à McGrath, Eric et Adrienne par les fondateurs et le transfert d'une action puis de 199 actions à chacun d'eux par la trésorerie. Les noms des deux frères William et Laurence, n'apparaissent pas sur le registre.
Francis G. McGrath et les quatre Lawlor décla- rent tous dans leurs dépositions qu'Adrienne et Eric n'avaient pas l'intention de céder les actions à William et Laurence. Ils prétendent que tous les documents, y compris les procès-verbaux de l'as- semblée et les certificats, ont été signés chez l'avo- cat lors de la constitution. Ils ont simplement apposé leurs noms lorsque l'avocat le leur a demandé, sans poser de questions.
Adrienne Lawlor déclare qu'elle a payé les $200 pour ces 200 actions avec ses économies et ses allocations familiales et qu'elle n'a vendu ses actions à personne. Elle ne participe pas à l'entre- prise, mais reçoit les états financiers annuels et se rend parfois au bureau.
Eric participe activement à l'entreprise dans laquelle il est entré à la fin de ses études secondai- res. En ce qui le concerne, il a payé les 200 actions avec son argent personnel et en est propriétaire. Il n'a eu connaissance de la prétendue cession que lorsqu'un fonctionnaire des impôts est venu inspec- ter les comptes de Regal. Il conteste qu'il y a eu un accord verbal ou écrit concernant la cession de ses parts à son père. Il ne s'est jamais demandé pour- quoi le nom de son oncle figurait sur le certificat de cession de ses 199 actions.
William R. Lawlor, le père d'Eric, a nié à l'audience s'être entendu avec son fils pour que celui-ci lui cède ses parts. Il a cependant déclaré à l'interrogatoire préalable qu'il [TRADUCTION] «voulait exercer un certain contrôle sur lui pour le
protéger» et que c'était «la raison pour laquelle le certificat avait été signé». A l'interrogatoire, il a également reconnu que les certificats avaient été incorrectement endossés: c'est le certificat d'Eric, et non pas celui d'Adrienne, qui aurait lui être remis par voie d'endossement. A l'audience, il a déclaré qu'il n'avait pas demandé à son avocat de faire endosser certains certificats, mais que son comptable l'avait peut-être fait. Il a reconnu en outre que [TRADUCTION] «pour se soustraire aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu sur les compagnies associées, on lui avait conseillé de ne pas être inscrit avec son frère Laurence au registre des actionnaires».
Laurence D. Lawlor a déclaré n'avoir eu con- naissance des cessions par voie d'endos que lorsque les fonctionnaires des impôts avaient inspecté les livres de la société.
La convention sur l'achat d'actions, sur laquelle le Ministre se fonde pour établir sa nouvelle éva- luation, a été signée le 15 juillet 1968 par McGrath, William et Laurence Lawlor. Ce con- trat précise que les trois «actionnaires» consentent à vendre et à acheter leurs actions ordinaires res- pectives en cas de décès ou de retrait de Regal. Pour disposer des sommes nécessaires aux paie- ments des actions, il était souscrit une assurance de $25,000 auprès de la Compagnie d'assurance- vie de Montréal pour chacun des trois actionnaires et payables à chacun des deux autres. Voici le titre et les premiers paragraphes du document:
CONVENTION RELATIVE À L'ACHAT D'ACTIONS ORDINAIRES SANS FIDUCIAIRE
Sommaire: Trois actionnaires—obligation de vendre et d'ache- ter—chaque actionnaire assure la vie de ses associés—montants à verser aux actionnaires survivants.
1. La présente convention est conclue par Francis Joseph McGrath, William Ronald Lawlor et Laurence David Lawlor, de Saint-Jean (Nouveau-Brunswick), ci-après dénommés actionnaires, pour leur protection mutuelle au cas l'un d'eux viendrait à décéder ou à se retirer de Regal Wholesale Ltd. ainsi que pour la vente et l'achat de leurs actions ordinaires. Ils sont propriétaires des actions ordinaires de la compagnie dans les proportions suivantes:
Francis Joseph McGrath 1/3
William Ronald Lawlor 1/3
Laurence David Lawlor 1/3
Chacun d'eux consent à vendre les actions libellées à son nom et les autres à acheter ces actions dans les circonstances, au prix et aux conditions ci-après mentionnés.
2. Chaque actionnaire a transféré ses actions en blanc et consigné le certificat auprès du secrétaire de la compagnie qui est mandaté pour écrire au recto de chaque certificat la men tion suivante: «Ce certificat est soumis à la convention de juillet 1968 relative à l'achat des actions». Une telle consignation n'affectera pas le droit de vote de l'actionnaire ni son droit de percevoir le dividende avant que lui, son exécuteur ou adminis- trateur n'ait perçu le prix d'achat en exécution de la présente convention. Un inventaire des actions régies par la présente convention est ci-joint. Aucun certificat régi par celle-ci ne sera consigné, gagé ou cédé par tout autre moyen durant la validité de cette convention sous réserve de ces dispositions.
William Lawlor a déclaré à l'audience qu'il ne détenait pas un tiers et qu'il avait signé le docu ment parce qu'un agent d'assurance, Robert Wisted, avait suggéré cette entente afin de leur vendre des polices d'assurance-vie. Mais il a reconnu au cours de l'interrogatoire que quelqu'un, peut-être lui-même, pouvait avoir dit à l'agent d'assurance qu'il était actionnaire de la compagnie pour un tiers.
Je conclus que William R. et Laurence D. Lawlor n'ont jamais eu l'intention de se dessaisir. de leurs actions dans Regal. On leur a conseillé de ne pas figurer comme propriétaires sur le registre de la compagnie afin d'éviter les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives aux compa- gnies associées. Eric et Adrienne ont transmis les certificats de cession à leur père et à leur mari respectivement (en fait les noms ont été inversés par inadvertance) par voie d'endossement. Ces der- niers les ont alors gardés en leur possession au bureau. Le fait qu'ils ont signé la convention avec McGrath est une confirmation évidente de cette conclusion.
La demanderesse prétend que les actions n'ont jamais été cédées à William R. et Laurence D. Lawlor puisque leurs noms n'ont jamais été portés au registre de la compagnie comme l'exige la Loi sur les compagnies du Nouveau-Brunswick 2 . Voici le texte des articles 73 et 104(1) du chapitre 33, S.R.N.-B. 1952, en vigueur à l'époque:
73. Sauf pour constater les droits réciproques des parties à un transfert d'actions et rendre le cessionnaire responsable conjointement et solidairement avec le cédant envers la compa- gnie et ses créanciers, nul transfert d'actions, s'il n'est effectué par vente forcée ou à la suite de l'ordonnance ou du jugement d'une cour compétente, n'est valable à quelque fin que ce soit tant qu'il n'a pas été dûment inscrit sur le registre des trans -
2 S.R.N.-B. 1952, c. 33.
ferts; mais en ce qui concerne le capital social d'une compagnie coté et négocié à une bourse reconnue au moyen de titres, communément en usage endossés en blanc, et transférables par livraison, cet endossement et cette livraison, sauf aux fins de voter lors des assemblées de la compagnie, constituent un transfert valable.
104. (1) La compagnie doit aussi avoir un livre portant le nom de registre des transferts, et dans lequel sont inscrits les détails de tout transfert d'actions du capital de la compagnie.
Le paragraphe 39(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu détermine dans quels cas des compagnies sont réputées associées:
39. (4) Aux fins du présent irticle, une corporation est associée à une autre dans une année d'imposition si, à quelque moment pendant l'année,
a) une des corporations contrôlait l'autre,
b) les deux corporations étaient contrôlées par la même personne ou le même groupe de personnes,
c) chacune des corporations était contrôlée par une personne et si la personne qui contrôlait une des corporations était liée à la personne qui contrôlait l'autre, et si une de ces personnes possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de capital social de chacune des corporations,
d) une des corporations était contrôlée par une personne et si cette personne était liée à chaque membre d'un groupe de personnes qui contrôlaient l'autre corporation, et si une de ces personnes possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de capital social de chacune des corpora tions, ou si
e) chacune des corporations était contrôlée par un groupe lié et si chaque membre d'un des groupes liés était lié à tous les membres de l'autre groupe lié, et si un des membres d'un des groupes liés possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de capital social de chacune des corporations.
La signification du mot «contrôle» à l'article 39(4) a été défini par le président Jackett, mainte- nant juge en chef, dans l'affaire Buckerfield's Ltd. c. M.R.N. 3 :
[TRADUCTION] Il est concevable qu'il puisse exister plu- sieurs façons de comprendre le mot «contrôle» dans un texte législatif tel que la Loi de l'impôt sur le revenu, quand on applique ce mot à une corporation. Il peut par exemple se rapporter au contrôle par les «membres de la direction», lorsque la direction et le conseil d'administration sont distincts, ou il peut se rapporter au contrôle exercé par le conseil d'administra- tion. Le genre de contrôle qu'exercent les membres de la direction ou le conseil d'administration n'est évidemment pas celui que vise l'article 39 en parlant du contrôle d'une corpora tion par une autre de même que du contrôle d'une corporation par des particuliers (voir le paragraphe (6) de l'article 39). On conçoit très bien que le mot «contrôle» puisse se rapporter à un contrôle de fait par un actionnaire ou plus détenant ou non une majorité des actions. Je crois cependant qu'à l'article 39 de la
3 [1965] 1 R.C.É. 299 aux pages 302-303.
Loi de l'impôt sur le revenu, le mot «contrôlé» recouvre le droit de contrôle qui découle de la propriété d'un certain nombre d'actions, donnant droit à la majorité des voix à l'élection du conseil d'administration. Voir British American Tobacco Co. c. I. R. C. [1943] 1 A.E.R. 13 le lord chancelier, le vicomte Simon, a déclaré à la page 15:
Les détenteurs de la majorité des voix dans une compagnie sont effectivement ceux qui ont le contrôle réel sur ses affaires et ses destinées.
La demanderesse soutient que William R. et Laurence D. ne contrôlaient pas Regal. Leurs noms ne figuraient pas au registre de la compagnie et, n'étant pas actionnaires, ils n'étaient pas habili- tés à être informés (règlement 37) des assemblées ni à participer au vote (règlement 38). La deman- deresse soutient en outre que l'on ne pouvait deve- nir actionnaire de Regal que par répartition (règle- ment 42) ou par le transfert (règlement 46) d'actions, et qu'il n'y a pas eu de répartition d'actions.
L'article 73 de la Loi sur les compagnies du Nouveau-Brunswick (précité) et d'autres disposi tions fédérales ou provinciales semblables visent à déterminer la date effective à laquelle les action- naires sont formellement reconnus comme tels aux fins de la compagnie; celle-ci ne reconnaîtra pas comme tel le cessionnaire d'actions avant que le transfert ait été enregistré.
Mais entre le cédant et le cessionnaire, l'exécu- tion du certificat de cession et sa délivrance consti tuent les éléments essentiels. En ce qui concerne le cédant, la transaction est réalisée lorsqu'il trans- met le certificat endossé; il y a eu transfert de propriété bien que du point de vue de la compagnie le cessionnaire ne devienne actionnaire que lorsque son nom est inscrit au registre.
Dans l'affaire Danalan Investments Limited c. M.R.N. 4 , le Ministre a considéré l'appelante et deux autres compagnies comme «corporations associées» au sens du paragraphe 39(4) au motif que la propriété réelle des actions ne correspondait pas à ce qu'indiquaient les registres. A la page 253, le juge Collier a décidé que les propriétaires inscrits au registre n'étaient en fait que des person- nes désignées:
4 [1973] C.T.C. 251.
Les registres des deux compagnies font état de la même répartition des actions que celle mentionnée par les appelantes. Un certain nombre de certificats d'actions confirmant le titre de la plupart des actionnaires mentionnés a été versé au dossier au nom des appelantes. Le paragraphe 50(2) de la Loi des compagnies du Québec prévoit qu'un certificat d'actions fait preuve, par lui-même, que l'actionnaire a droit à l'action y mentionnée. J'estime que l'intimé a réfuté la présomption créée par la Loi. Je conclus que l'intimé a démontré, vu la prépondé- rance de ses preuves, que certains de ces prétendus actionnaires (représentant au moins 6% des actions) n'étaient pas les vrais propriétaires des actions, mais simplement des personnes dési- gnées par Benjamin Wainberg.
Dans l'affaire Re Montgomery and Wright! Ltd.S, le juge Middleton a déclaré que, bien qu'un transfert d'actions doive [TRADUCTION] «être dûment enregistré pour qu'il y ait transfert du titre de propriété, une transaction non enregistrée n'est cependant pas nulle, elle est valable en ce qu'elle constate les droits réciproques des parties». Il a jugé que le transfert non enregistré d'une action conférait au cessionnaire le droit de propriété de l'action, à l'encontre de l'acheteur de cette action à une vente judiciaire.
Je conclus que William R. et Laurence D. Lawlor étaient les propriétaires de la majorité des actions de Regal et que Regal et Vending, recon- nue comme filiale en propriété exclusive de Peter J. Lawlor Ltd., sont des compagnies associées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'avocat de la défense a fait valoir dans sa plaidoirie que Regal et Vending étaient associées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu sans que l'on ait à considérer l'effet juridique des transferts non enregistrés d'actions.
Il a soutenu qu'étant donné que les noms des actionnaires sont inscrits au registre, les compa- gnies sont associées au sens de l'alinéa 39(4)d):
39. (4) Aux fins du présent article, une corporation est associée à une autre dans une année d'imposition si, à quelque moment pendant l'année,
d) une des corporations était contrôlée par une personne et si cette personne était liée à chaque membre d'un groupe de personnes qui contrôlaient l'autre corporation, et si une de ces personnes possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de capital social de chacune des corpora tions, ou si
5 (1916-17) 38 O.L.R. 335à la page 336.
La défenderesse prétend subsidiairement que les compagnies étaient associées de la façon suivante: (1) Vending «était contrôlée par une personne» savoir Peter J. Lawlor Ltd.) et (2) Peter J. Lawlor Ltd. «était liée à chaque membre d'un groupe de personnes» savoir Adrienne Lawlor et Eric Lawlor) «qui contrôlaient» Regal et (3) «une de ces personnes» savoir Peter J. Lawlor Ltd. ou Adrienne Lawlor ou W. Eric Lawlor), «possédait directement ou indirectement une ou plusieurs actions de» Regal et Vending.
La défenderesse prétend que les trois exigences énoncées à l'alinéa 39(4)d), précité, sont satisfaites de la façon suivante:
En premier lieu, Vending était contrôlée par Peter J. Lawlor Ltd., qui est une personne au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu en vertu de l'alinéa 139(1)ac). La preuve en est que Peter J. Lawlor Ltd. possédait au cours des années d'impo- sition en cause toutes les actions émises de Vending;
Deuxièmement, Peter J. Lawlor Ltd. était liée à chaque membre du groupe de personnes savoir Adrienne Lawlor et W. Eric Lawlor) qui contrô- laient Regal. En appliquant les dispositions perti- nentes de la Loi de l'impôt sur le revenu aux faits de la présente affaire, cette exigence prévue à l'alinéa 39(4)d) serait satisfaite car:
William R. Lawlor et Laurence D. Lawlor sont unis par les liens du sang puisqu'ils sont frères; ils sont donc des «personnes liées»:
139. (5a) Aux fins du paragraphe (5), du paragraphe (5c) et du présent paragraphe, des «personnes liées», ou des person- nes liées entre elles, sont
a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;
139. (6) Aux fins de l'alinéa a) du paragraphe (5a),
a) des personnes sont unies par les liens du sang si l'une est l'enfant ou autre descendant de l'autre ou si l'une est le frère ou la soeur de l'autre;
b) des personnes sont unies par les liens du mariage si l'une est mariée à l'autre ou à une personne qui est ainsi unie à l'autre par les liens du sang; et
William R. Lawlor et Laurence D. Lawlor déte- naient ensemble la majorité des actions ordinaires et toutes les actions privilégiées de Peter J. Lawlor
Ltd. En conséquence, William R. Lawlor et Lau- rence D. Lawlor constituent un groupe lié qui contrôle Peter J. Lawlor Ltd.:
139. (5c) Dans le paragraphe (5a),(5d) et le présent paragraphe,
a) «groupe lié» signifie un groupe de personnes dont chaque membre est lié à chaque autre membre du groupe; et
139. (5d) Aux fins du paragraphe (5a)
a) lorsqu'un groupe lié est en mesure de contrôler une corporation, il est réputé un groupe lié qui contrôle la corporation, qu'il fasse ou non partie d'un groupe plus consi- dérable par lequel la corporation est en fait contrôlée; et
Par conséquent, Peter J. Lawlor Ltd. est à la fois liée à William R. Lawlor et Laurence D. Lawlor en vertu du sous-alinéa 139(5a) b)(ii):
139. (5a) Aux fins du paragraphe (5), du paragraphe (5c) et du présent paragraphe, des «personnes liées», ou des person- nes liées entre elles, sont
b) une corporation et
(i) une personne qui contrôle la corporation si cette der- nière est contrôlée par une personne,
(ii) une personne qui est membre d'un groupe lié qui contrôle la corporation, ou
(iii) toute personne liée à une personne décrite au sous-ali- néa (i) ou (ii);
En vertu du sous-alinéa 139(5a)b)(iii), Peter J. Lawlor Ltd. est liée à toute personne qui à son tour est liée à William R. Lawlor et Laurence D. Lawlor. Adrienne Lawlor est liée à Laurence D. Lawlor, son époux. W. Eric Lawlor est lié à Wil- liam R. Lawlor, son père. Peter J. Lawlor Ltd. est donc à la fois liée à Adrienne Lawlor et à W. Eric Lawlor qui forment un groupe contrôlant Regal. L'article 39(4) de la Loi n'exige pas que le groupe ayant le contrôle de Regal soit lié. On prétend donc que même s'il n'y a pas de lien entre Adrienne Lawlor et Eric Lawlor, le paragraphe 39(4) s'applique à la présente situation.
Troisièmement, le fait que Peter J. Lawlor Ltd. possède à la fois des actions de Regal et de Ven ding suffit pour remplir la troisième, exigence de l'alinéa 39(4)d). Même si Adrienne Lawlor et W. Eric Lawlor ne possédaient ni l'un ni l'autre des actions de National Vending Ltd., cela n'empêche pas l'application de cette disposition.
La défenderesse, à l'appui de cette proposition, cite l'arrêt Electric Power Equipment Ltd. c. M.R.N. 6 Dans sa décision, le juge suppléant Shep- pard examinait l'alinéa 39(4)d) et a jugé que par «une de ces personnes» il fallait comprendre «toute personne» dont il est fait antérieurement mention dans le sous-alinéa. En d'autres mots, on prétend que l'expression «une de ces personnes» vise aussi bien «la personne» qui contrôlait elle-même ladite corporation que toute personne du groupe qui con- trôlait l'autre. Par conséquent, si Peter J. Lawlor Ltd. possédait une ou plusieurs actions (pas néces- sairement des actions donnant droit de vote) du capital de Regal et de National Vending, ces deux dernières compagnies seraient alors associées au sens de l'alinéa 39(4)b). Puisque Peter J. Lawlor Ltd. possédait des actions privilégiées dans Regal, et possédait toutes les actions émises de Vending, les deux sociétés étaient associées.
A mon avis, l'argument subsidiaire de la défen- deresse est valable: quelle que soit la conséquence de l'absence d'enregistrement des actions, Regal et Vending demeurent associées au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.
La demanderesse fait valoir que cet argument était fondé sur la proposition selon laquelle Adrienne et Eric Lawlor constituaient un «groupe» de personnes qui contrôlaient Regal et il prétend qu'ils ne formaient pas un «groupe» au sens de la Loi. La demanderesse prétend que, selon les dic- tionnaires Oxford et Webster, le mot «groupe» signifie «entité collective» et, par connotation, implique l'idée de «ségrégation» et de «commu- nauté d'intérêt».
Dans l'affaire Yardley Plastics of Canada Ltd. c. M.R.N. 7 , le juge Noël a déclaré à la page 5188:
[TRADUCTION] Je ne pense pas que le Ministre soit autorisé, comme le prétend l'avocat de ce dernier, à choisir parmi différents groupes possibles un groupe détenant plus de 50% des actions donnant droit de vote, même si les membres du groupe sont actionnaires ordinaires des deux sociétés, ni qu'un tel groupe puisse alors être absolument considéré comme détenant le pouvoir de contrôle aux fins de l'article 39(4) de la Loi. Ceci pourrait en effet conduire à une situation absurde dans laquelle toute société importante de ce pays pourrait être considérée comme associée à une autre.
6 [1968] 1 R.C.É. 460.
7 66 DTC 5183.
Dans l'affaire S. Madill Ltd. c. M.R.N. 8 , le mot «groupe» a été défini comme des personnes ayant «une communauté d'intérêt et d'objectif». Dans l'affaire Vina -Rug (Canada) Ltd. c. M.R.N. 9 , il a i été défini comme des personnes qui [TRADUC- TION] «entretiennent suffisamment de relations courantes à tout moment pertinent».
Dans l'affaire Buckerfield's Ltd. c. M.R.N. ti (précitée) le président Jackett, maintenant juge en chef de la Cour fédérale, a déclaré à la page 304 que [TRADUCTION] «le mot groupe, dans son sens ordinaire, s'applique, à ma connaissance, à tout nombre de personnes allant de deux à l'infini».
Ces deux personnes, Adrienne et Eric Lawlor, ont certainement une communauté d'intérêt et d'objectif, des relations courantes, et une unité suffisante pour constituer un «groupe». La tante et le neveu ne sont pas seulement liés aux deux frères Lawlor, mais ils tirent tous leurs revenus des mêmes activités commerciales. Ce sont tous des Lawlor et ils reconnaissent faire partie d'un groupe familial étroitement uni.
En conclusion, les nouvelles cotisations sont con- firmées et l'appel est rejeté, avec dépens à la défenderesse.
8 [1972] C.F. 6.
9 [1968] R.C.S. 193.
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