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T-1043-73
James W. Simpson (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Addy— Montréal, les 4, 5 et 6 mai et les 15 et 16 juin; Ottawa, le 2 septembre 1976.
Impôt sur le revenu—Profits que le contribuable aurait tirés ou pertes qu'il aurait subies relativement à la gestion de la société—La société a existé de février 1967 mai 1968— L'état définitif de la société a été publié en mars 1969 et le demandeur a été imposé en conséquence La convention met- tant fin à la société n'autorise pas la soumission d'un état financier préparé contrairement aux principes comptables acceptés—La convention est une transaction entre particuliers en ce qui concerne la défenderesse—Le demandeur n'est pas lié par une décision ayant trait à l'état financier après la dissolu tion de la société—Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, art. 85o tel qu'amendé par S.C. 1953-54, c. 57, art. 24.
Le demandeur et deux collègues (dont les appels seront régis par la décision rendue en l'espèce) ont formé une société avec un bureau de comptables par convention datée du le" février 1967. En mars 1968, un projet de bilan et d'état de la société au 31 janvier 1968, date qui marquait la fin de son année finan- cière, était très défavorable et le demandeur et ses deux collè- gues se sont retirés de la société par convention datée du 18 mai 1968 dans laquelle toutes les parties ont accordé une décharge générale au sujet des sommes exigibles et de l'obligation de rendre compte. Un état définitif pour l'année 1968 a été présenté en mars 1969, et démontrait un bénéfice sur lequel le demandeur a été imposé. Il ne prévoyait aucune disposition pour les comptes douteux, mais la défenderesse prétend que le demandeur ne peut s'opposer à ces principes comptables peu habituels parce qu'il a accordé une décharge générale de toute obligation de rendre compte et parce que la décision de reporter à une année postérieure l'établissement d'une réserve pour compte douteux la passation par profits et pertes était celle de la société encore existante.
Arrêt: l'appel est accueilli et le dossier est renvoyé pour l'établissement d'une nouvelle cotisation.
(1) La convention par laquelle le demandeur s'est retiré de la société mentionne simplement un rapport comptable entre les parties et ne parle pas de rapport comptable aux fins d'impôt. Même si c'était le cas, il serait non exécutoire parce que contraire à l'intérêt public (voir Canadian General Electric Co. c. M.R.N. [1962] R.C.S. 3).
(2) La convention est une transaction entre particuliers et le ministre du Revenu national n'est pas partie à la convention, pas plus qu'on en fait mention comme une personne ayant un droit de la faire exécuter.
(3) La décision de remettre à plus tard la passation des dettes de la société par profits et pertes a été prise après que le demandeur se soit retiré. En fait la société n'existait plus et son nom a été utilisé en affaires par la société qui était le seul et
unique associé restant de la société. En d'autres mots, la convention a été passée entre le demandeur et cette société uniquement.
(4) L'article 85D de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas puisque la convention du 18 mai 1968 ne consti- tuait pas une vente d'entreprise comme l'envisage cet article.
Arrêt appliqué: Canadian General Electric Company c. M.R.N. [1962] R.C.S. 3.
APPEL. AVOCATS:
Mitchell Klein pour le demandeur.
Brian Schneiderman pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Phillips & Vineberg, Montréal, pour le demandeur.
McMaster, Meighen & Associés, Montréal, pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE ADDY: Le demandeur interjette appel d'une décision de la Commission de révision de l'impôt qui confirme une nouvelle cotisation de la défenderesse pour l'année d'imposition 1968.
Les mêmes faits s'appliquent dans les affaires de Julian Evans et de Arthur Ivor Morris. Ces contri- buables avaient interjeté les mêmes appels avec des résultats identiques et les parties ont toutes con- venu que la décision rendue en l'espèce sera égale- ment la décision rendue dans les appels des deux autres contribuables.
Le demandeur et les deux autres contribuables susmentionnnés, tous des comptables agréés, avaient été les associés d'un bureau de comptables connu sous la raison sociale de Riddell, Stead, Graham & Hutchinson (ci-après nommé «Riddell Stead»), la société de personnes portant la raison sociale Simpson, Riddell,. Stead & Partners (ci- après nommée «La Société de personnes»).
L'affaire a trait aux profits que le contribuable aurait tirés ou aux pertes qu'il aurait subies en 1968 relativement à la gestion de ladite Société de personnes dissoute le 18 mai 1968 sur entente entre les associés, de sérieux différends et malen- tendus étant survenus entre eux.
La Société de personnes avait été formée le 1" jour du mois de février 1967 dans le but d'exploiter une entreprise de conseillers en gestion. Conformé- ment à la convention, les profits et pertes devaient se répartir comme suit: le demandeur, 40%, Evans et Morris, 25% chacun et Riddell Stead, 10%. Deux autres personnes, désignées comme étant des associés, n'étaient pas des associés actifs ou asso- ciés de gestion; leurs revenus étaient limités et ils ne participaient pas aux profits. Ils n'avaient aucun droit au chapitre en ce qui concernait l'ex- ploitation de la Société de personnes et leur parti cipation n'intéresse aucunement les questions en litige dont je suis saisi.
La Société de personnes exploitait son entreprise de conseillers en gestion directement et par l'entre- mise d'autres bureaux de comptables et de direc- teurs commerciaux, à divers endroits au Canada et aux États-Unis. Elle fonctionnait aux États-Unis par l'intermédiaire d'une compagnie de conseillers en gestion appelée Stevenson, Jordan & Harrison Management Consultants Inc. (ci-après désignée sous le nom de «Jordan»). Elle possédait une parti cipation de 74% dans ladite compagnie, laquelle participation était détenue par une société de por- tefeuille connue sous la raison sociale de Simpson, Riddell, Stevenson International Limited (ci-après appelée «S.R.S. International»), la Société de per- sonnes possédant 85% des actions de cette société de portefeuille. Il existait aussi à Montréal une autre compagnie de conseillers en gestion, à savoir Samson, Bélair, Simpson, Riddell Inc. (ci-après appelée «Samson Bélair») dans laquelle la Société de personnes possédait 50% des actions, une maison de comptables agréés connue sous la raison sociale Samson, Bélair, Côté & Lacroix (ci-après appelée «Côté Lacroix») détenant les autres 50%. La Société de personnes détenait aussi 81% des actions d'une autre entreprise de conseillers en gestion située à Montréal et connue sous la raison sociale Unica Research Company Limited (ci- après appelée «Unica»). Le demandeur et lesdits Morris et Evans avaient géré la Société de person- nes et soumis des états toutes les quatre semaines.
Un certain Ladanyi, qui avait examiné les états en mars 1968 pour le compte de Riddell Stead, a rédigé un projet de bilan et un état de la Société de personnes au 31 janvier 1968, date qui marquait la fin de son année financière. Cet état étant très
défavorable, on a tenu une série de réunions au terme desquelles le demandeur, Morris et Evans se sont tous trois retirés de la Société de personnes. Un certain Kent avait adressé au demandeur une lettre datée du 2 avril 1968 pour le compte de Riddell Stead. Déposée au procès comme pièce P-3, elle portait que les affaires réunies de la Société de personnes et de ses filiales et compa- gnies associées s'étaient soldées en une perte pour l'année financière prenant fin le 31 janvier 1968 et que, conséquemment, tous les prélèvements effec- tués par les associés en prévision de bénéfices étaient à découvert et immédiatement exigibles par la Société de personnes. La lettre déclarait que selon les livres, les prélèvements nets du deman- deur pendant l'année financière s'élevant à $31,125.51 devaient être remboursés dans un délai de deux jours, faute de quoi il serait présumé avoir manqué à la convention d'association et serait déchu de sa qualité d'associé conformément à l'acte constitutif.
L'état définitif pour l'année 1968 n'a été pré- senté qu'environ un an plus tard, c.-à-d. en mars 1969. Cet état, contrairement aux prévisions anté- rieures, démontrait que la Société de personnes avait réalisé un bénéfice pendant la période en cause. La défenderesse a donc imposé le deman- deur en conséquence.
Le point en litige entre les parties a trait à des sommes d'argent importantes dues à la Société de personnes par ses filiales et firmes associées à l'époque en question et à la disponibilité financière ou tout au moins à la capacité de payer éventuelle de certaines de ces entreprises à l'époque. Plus particulièrement, il s'agit de savoir si pour la période en question, les principes comptables judi- cieux n'exigeaient pas qu'une grande partie sinon la totalité des comptes à recevoir des filiales soient passés par profits et pertes ou inclus dans une réserve spéciale pour comptes douteux ou si, au contraire, dans les circonstances, il était conforme aux principes comptables acceptés de les considé- rer alors comme des comptes à recevoir ordinaires qui seraient payés dans le cours normal des affai- res. Il convient à ce stade de souligner, les avocats des deux parties étant d'accord sur ce point, qu'aux fins de l'espèce il importe peu que les comptes à recevoir douteux aient été passés par
profits et pertes ou qu'ils aient simplement fait l'objet d'une réserve pour comptes douteux, puis- que d'une façon ou de l'autre, les profits et pertes de la Société de personnes pendant la période en question seraient les mêmes.
Quant à savoir s'il faudrait les traiter comme des mauvaises créances et les inclure dans une réserve ou les passer par profits et pertes, des experts apparemment aussi compétents les uns que les autres à qui l'on a posé la question en sont venus à des conclusions diamétralement opposées. Chaque expert s'est montré tout aussi positif et catégorique et s'est déclaré convaincu que ses con clusions étaient les bonnes, tout en affirmant con- naître le raisonnement et les conclusions de ceux qui soutiennent des vues totalement opposées. Des opinions aussi radicalement divergentes ne sont guère utiles à la Cour, et puisque les experts des deux parties semblent fort compétents, on ne peut que faire des conjectures sur leur sincérité et l'inté- rêt qui pourrait les motiver. Il faut en arriver à une réponse, positive ou négative, et par conséquent on doit dans une large mesure, étudier les faits et leur appliquer les règles du bon sens, élucidées ou embrouillées, selon le cas, par les principes géné- raux que les experts ont exposés avec assurance et interprétés de façon catégorique.
Le bilan de la Société de personnes pour l'année financière prenant fin le 31 janvier 1968 sur lequel s'est fondé l'expert de la défenderesse et suivant lequel le demandeur a été imposé (pièce P-17) montre un bénéfice de $36,089 après défalcation d'environ $7,997 pour comptes douteux, alors que celui qu'a préparé et soutenu l'expert du deman- deur indique une perte de $187,719 pendant la même période, déduction faite d'environ $231,805 pour comptes douteux. Nous sommes donc en pré- sence d'une différence de $223,808 relativement aux opérations pendant la période en question, ce qui n'est pas négligeable si l'on considère qu'en l'absence de toute réserve pour comptes douteux, le revenu ne se chiffrerait de toute façon qu'à environ $42,000.
La défenderesse a aussi allégué que même si le défaut de pourvoir aux mauvaises créances va à l'encontre des principes comptables généralement reconnus, le demandeur ne peut s'opposer mainte- nant à ce que les pertes subies soient incluses dans une réserve pour comptes douteux ou soient pas-
Sées par profits et pertes au cours des années subséquentes plutôt que pendant l'année de la dissolution. En effet, aux termes d'une convention datée du 18 mai 1968 par laquelle le demandeur se retirait de la Société de personnes, il accordait à celle-ci ainsi qu'aux autres associés une décharge générale, et plus particulièrement une décharge de toute obligation de rendre compte et, en retour, il a été déchargé des sommes qu'il avait tirées à décou- vert et libéré de l'obligation de les rembourser à la Société de personnes. La défenderesse a aussi allé- gué que, de toute façon, il revenait au contribuable de décider s'il fallait établir une réserve pour comptes douteux et quand il fallait le faire, que la Société de personnes avait décidé de reporter à une année postérieure l'établissement d'une réserve ou la passation par profits et pertes et que la Société de personnes, au moment de cette décision, consis- tait en Riddell Stead.
On a présenté à l'instruction plusieurs éléments de preuve importants ayant trait à la valeur vérita- ble des comptes douteux. La pièce P-11 produite à l'audience était une lettre datée du 29 mars 1968, préparée par un dirigeant principal de la Société de personnes. A cette époque, la Société de person- nes offrait au demandeur de lui vendre pour la somme de $250,000 comptant des actifs se chif- frant à environ $452,000. Ces actifs se compo- saient des actions que détenait la Société de per- sonnes dans Jordan et S.R.S. International, de matériel d'enseignement évalué à $37,669 plus une cession des avances consenties par la Société de personnes à S.R.S. International s'élevant à $17,558 et celles consenties à Jordan se chiffrant à $352,822. Les actions de Jordan ont été vendues en novembre 1968 contre la somme de $45,000. La pièce P-11 établit donc clairement qu'en mars 1968 la Société de personnes était disposée à vendre en subissant une perte de quelque $202,000.
A l'été de 1968, Dunwoody and Company a fait l'offre ferme d'acheter les actions de Jordan et de se rendre acquéreur, moyennant $100,000, du compte inter-compagnies qui était d'environ $389,- 000. Cela aurait représenté une perte de quelque $289,000. La Société de personnes a accepté l'of- fre. L'acheteur a par la suite annulé la transaction car l'offre n'était valable qu'à condition que trois employés essentiels de Jordan restent avec la com-
pagnie après la vente, et il est devenu évident qu'ils ne le feraient pas. Cela illustre clairement la valeur accordée à cette époque par Riddell Stead au compte Jordan. Ce compte a de fait été passé par profits et pertes à la fin de 1968 au montant de $269,000 et la perte finale s'est chiffrée à $168,000.
Il me paraît clair, à tout point de vue, que Jordan était réellement insolvable en janvier 1968 et que ses propres ressources ne lui permettaient pas d'espérer payer le solde débiteur de $206,094 de son compte courant au 31 janvier 1968 comme l'indique la pièce P-6. Quant à la Société de personnes elle-même, l'état à la fin de 1968 (pièce 22) révèle une perte de $287,505 pour l'année et des mauvaises créances s'élevant à quelque $181,000.
Samson Bélair avait travaillé pour la Commis sion Castonguay et l'avait facturée de façon conti nue. Selon le témoin Kent, dont j'accepte la dépo- sition sur ce point, Samson Bélair a agi généralement à titre de mandataire de la Société de personnes. En 1968, de sérieuses divergences d'opinions se sont élevées quant aux montants demandés pour services rendus à la Commission et subséquemment, celle-ci a non seulement nié devoir une somme de $96,488 qui lui était factu- rée, mais elle a de plus affirmé avoir payé en trop les services déjà rendus, ajoutant que même si le trop-perçu lui était rendu, Samson Bélair était en outre légalement tenue de terminer son travail et de faire rapport à la Commission sans exiger aucune autre rémunération. On a établi à l'égard de ce compte une réserve pour mauvaises créances au 31 janvier 1969. Bien que par la suite, la Commission Castonguay ait versé la somme en question, aucun élément de preuve ne vient démen- tir la déposition du demandeur selon laquelle à l'époque a été rédigé l'état pour l'année prenant fin le 31 janvier 1968, c.-à-d. en mars 1969, la réclamation contre la Commission Castonguay ne reposait sur aucune base solide et aucun élément de preuve n'indique qu'à l'époque, il semblait qu'il lui serait fait droit. Les preuves concrètes qui existent nous portent indéniablement à conclure que lors de la préparation de l'état financier, la Société de personnes pouvait s'attendre à perdre la
moitié de ce montant total, conformément à sa participation dans Samson Bélair.
En outre, la pièce P-10 montre un déficit ou une perte de $12,546 la fin de la période. Les pertes ou les profits de la Société de personnes devaient être calculés en tenant compte des affaires globales des compagnies et firmes associées, dont naturelle- ment fait partie Samson Bélair.
La lettre produite comme pièce 3, mentionnée précédemment et dans laquelle le représentant de Riddell Stead dans la Société de personnes préten- dait que pendant la période en question, les affai- res de la Société de personnes avaient subi des pertes considérables, est très importante à mon avis lorsque l'on tente d'établir la façon dont il faut traiter les sommes dues à l'époque à la Société de personnes par Jordan et par Samson Bélair.
Comme elle est beaucoup plus conforme aux preuves dont je dispose portant sur les faits, j'ac- cepte la déposition de l'expert Bessener cité par le demandeur plutôt que celle de l'expert de la défen- deresse, voulant que conformément à une bonne méthode comptable, en l'absence de passation par profits et pertes, il aurait fallu créer une réserve pour mauvaises créances à l'égard de la somme de $54,517 (la moitié du montant susmentionné de $96,488 (Pièce P-19) plus $12,546) que devait Samson Bélair à la Société de personnes, et à l'égard des sommes dues par Jordan, s'élevant à $168,460, ce dernier montant étant celui passé par profits et pertes au mois de novembre 1968 lorsque la Société de personnes a vendu les actions de Jordan, plutôt que la somme de $206,094 due au 31 janvier 1968 dont il est question à la pièce P-6.
Vu la conclusion à laquelle j'en suis arrivé sur le premier point, il faut nécessairement étudier la seconde question soulevée, à savoir si la convention du 18 mai 1968 met en échec le droit du deman- deur de s'opposer à ce que Riddell Stead, à titre de seul et dernier membre de la Société de personnes, ait réclamé plus tard la déduction des pertes plutôt que de l'avoir fait au 31 janvier 1968.
Le paragraphe 4 de l'article 6 de l'acte constitu- tif initial prévoyait que le demandeur participerait pour 40% aux bénéfices et serait responsable de
40% des pertes de la Société de personnes. Aux termes de la convention du 18 mai 1968, l'associé restant, Riddell Stead, et la Société de personnes déchargeaient le demandeur de tous les comptes, et de toutes les actions, poursuites, réclamations, procédures et revendications qu'ils pourraient avoir contre lui à l'égard de toutes pertes subies par la Société de personnes pendant la période en ques tion jusqu'à la date de la démission du demandeur ou à l'égard de tout prélèvement effectué par ce dernier excédant le capital qu'il a apporté ou qui est inscrit à son crédit ou dépassant le montant de toute autre créance qui lui serait due. La conven tion prévoyait aussi qu'aucune des parties n'exige- rait de reddition de comptes et elle annulait une disposition de l'acte constitutif initial selon laquelle un associé démissionnaire était tenu de rembourser les sommes qu'il devait à la Société de personnes. En dernier lieu, le demandeur a déchargé la Société de personnes et Riddell Stead de tous les comptes, et de toutes les créances, actions, réclamations, etc., qu'il pourrait à un moment ou à un autre avoir ou avoir eu contre elles.
Quant à l'essentiel de la convention, celle-ci mentionne simplement un rapport comptable entre les parties et ne parle nullement d'impôt, d'imposi- tion ni d'aucun rapport comptable aux fins d'im- pôt. A mon avis, il est clair que la convention ne prétend nullement autoriser Riddell Stead ou qui que ce soit d'autre à soumettre un état financier préparé contrairement aux principes comptables acceptés, couvrant les affaires de la Société de personnes pour l'année financière se terminant en janvier 1968 et qui lierait le demandeur. De plus, si c'était le cas, j'estime qu'une telle disposition serait non exécutoire parce que contraire à l'intérêt public puisque tout rapport comptable aux fins d'imposition doit être conforme aux principes comptables acceptés (voir Canadian General Elec tric Company c. M.R.N. 1 ).
Deuxièmement, la convention est une transac tion entre particuliers (res inter alios acta) en ce qui concerne la défenderesse: le ministre du Revenu national n'est pas partie à la convention, pas plus qu'on n'en fait mention comme une per- sonne ayant un droit déterminé de faire exécuter l'une quelconque des dispositions de la convention.
1 [1962] R.C.S. 3 le juge Martland à la page 12.
Il s'ensuit que puisqu'il n'existe aucune obligation contractuelle entre les parties, la défenderesse ne peut exiger l'exécution d'aucune stipulation ou promesse de la part du demandeur ni s'en préva- loir, du point de vue contractuel, pas plus qu'elle ne peut prétendre opposer contre le demandeur une fin de non-recevoir en raison de ce contrat. Elle ne prétend même pas indirectement exprimer l'intention qu'aurait le demandeur de permettre à Riddell Stead de préparer les comptes de façon à reporter une perte à une année subséquente. En outre, le demandeur a nié toute intention sembla- ble et la défenderesse n'a présenté aucune preuve qui vienne le contredire.
Pour les raisons susmentionnées, je ne vois pas comment la convention du 18 mai 1968, ou tout accord entre les parties fondé sur elle, peut être utile à la défenderesse ni comment cette dernière peut les invoquer pour faire échec à la réclamation du demandeur.
Ce qui m'amène au dernier point en litige, c.-à-d. la question de savoir si de toute façon le demandeur se trouvait lié par la décision de la Société de personnes de remettre à plus tard la passation de ces dettes par profits et pertes.
De fait, cette décision a été prise assez long- temps après le 18 mai 1968. Les trois associés de gestion, c.-à-d. le demandeur, Evans et Morris s'étaient tous retirés de la Société de personnes à la date mentionnée et ils avaient signé des contrats identiques. Les deux autres personnes qui n'étaient pas des associés de gestion, à supposer qu'elles aient été associées, s'étaient retirées en mai 1968 et elles étaient payées à même un compte salaire tout comme les employés ordinaires. Si elles ne s'étaient pas retirées, j'aurais été disposé à con- clure qu'elles n'avaient jamais été associées au sens juridique puisqu'elles n'avaient fourni aucun apport, n'étaient nullement responsables des pertes et n'avaient pas voix au chapitre en matière de gestion. Bien que la convention initiale les désigne comme étant des associés, elles n'étaient en réalité que des employés dont le revenu était garanti à concurrence d'un montant fixé par une première participation aux bénéfices.
A compter du 18 mai, le seul associé qui conti- nuait à faire partie de la Société de personnes initiale était la Société Riddell Stead décrite dans
la convention précitée comme étant «l'associé res- tant». L'avocat de la défenderesse a allégué que la Société Riddell Stead étant elle-même associée, la Société de personnes dont se sont retirés le deman- deur et les autres le 18 mai 1968 a continué à exister en droit et se composait des associés qui formaient la Société Riddell Stead. Je ne puis admettre cet argument: ni les droits, les devoirs, les rémunérations ni les responsabilités financières de la personne qui constituait la Société Riddell Stead, ne pouvaient, à compter du 18 mai 1968, être déterminés, régis ou fixés de quelque façon par la convention initiale du 1" février 1967, l'acte constitutif de la Société de personnes dont avait démissionné le demandeur. Ces droits, ces devoirs, ces rémunérations et ces responsabilités financiè- res, à partir du 18 mai 1968, ne pouvaient être déterminés que conformément au contrat d'asso- ciation de la Société Riddell Stead elle-même, dans laquelle le demandeur n'a jamais eu de parti cipation. Par conséquent, je juge qu'à compter du 18 mai 1968, la convention du lei février 1967 était annulée puisque toutes les parties sauf une n'y étaient plus tenues et la Société de personnes était dissoute en fait et en droit. Ce qui existait à compter de cette date était la société Riddell Stead, continuant à faire affaire sous la raison sociale de Simpson, Riddell, Stead & Partners, ce qui était en réalité la raison sociale d'une société désormais inexistante.
Par conséquent, il apparaît clairement que, bien que la convention du 18 mai 1968 prétende être passée entre trois parties, à savoir Riddell Stead, associé restant, la Société de personnes elle-même et enfin le demandeur, à mon avis, la convention n'a été passée qu'entre deux parties, c.-à.-d. Rid- dell Stead et le demandeur puisque Riddell Stead était le seul et dernier associé et Simpson, Riddell, Stead & Partners n'existait plus en tant que société de personnes depuis la démission du 18 mai 1968, mais existait simplement en tant que raison sociale sous laquelle Riddell Stead continuait à faire affaire.
Incidemment, j'ajoute que l'article 85D de la Loi de l'impôt sur le revenu 2 ne s'applique pas, notam- ment parce que la convention du 18 mai 1968 ne constitue pas une vente d'entreprise comme l'envi-
2 S.C. 1953-54, c. 57, art. 24.
sage cet article.
Il s'ensuit qu'à compter de cette date, le deman- deur ne pouvait être lié, en ce qui concerne la défenderesse, par aucune décision que pouvait prendre Riddell Stead au sujet de la façon dont les créances à recouvrer seraient passées par profits et pertes, quand elles le seraient et jusqu'à concur rence de quel montant. Cette question ne peut être déterminée entre les parties à la présente action qu'en recourant aux critères des méthodes compta- bles acceptées dans les circonstances.
Puisque j'ai statué que conformément aux méthodes comptables judicieuses, les créances sui- vantes, à la fin de janvier 1968, auraient être passées par profits et pertes ou faire l'objet d'une réserve pour mauvaises créances, à savoir, Samson Bélair: $54,517, Jordan: $168,460, l'affaire sera renvoyée au Ministre qui établira une nouvelle cotisation conforme à ma décision. Le demandeur a droit à ses dépens sauf ceux de l'audition ajour- née des 15 et 16 juin 1976 que j'ai accordés à la défenderesse à l'audience, quelle que soit l'issue de la cause. Un jugement sera prononcé en conséquence.
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