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A-476-76
Benilda Dela Cruz Mojica (Requérante) c.
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra- tion (Intimé)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge suppléant MacKay—Toronto, les 9 et 28 septem- bre 1976.
Compétence—Demande aux termes de l'art. 52a) visant l'annulation de l'avis introductif d'instance déposé en vertu de l'art. 28—Absence de compétence de la Cour étant donné les dispositions de l'art. 29 de la Loi et de l'art. 23 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration—Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, c. I-2—Loi sur la Commission d'appel de l'im- migration, S.R.C. 1970, c. I-3—Loi sur la Cour fédérale, art. 28, 29 et 52a).
L'intimé demande l'annulation de l'avis introductif d'ins- tance déposé par la requérante, lequel visait l'examen et l'annu- lation de l'ordonnance de la Commission d'appel de l'immigra- tion qui avait rejeté l'appel interjeté contre l'ordonnance d'expulsion, prononcée aux termes de la Loi sur l'immigration, et la requête visant la prorogation du délai pour obtenir permis sion d'interjeter appel devant la Cour fédérale. La requérante prétend que la Commission a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.
Arrêt: la demande d'annulation est accueillie. L'erreur qu'au- rait commise la Commission pourrait faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 28 si ce n'étaient l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale et l'article 23 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration.
Arrêts appliqués: L'État portoricain c. Hernandez [1973] C.F. 1206; Castagnetto c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (non publié, A-103-75); Lubin c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration (non publié, A-102-75) et Lugano c. Le ministre de la Main- d'oeuvre et de l'Immigration [1976] 2 C.F. 438.
DEMANDE en vertu de l'article 52a). AVOCATS:
W. E. Maxwell, c.r., pour la requérante. P. Evraire pour l'intimé.
PROCUREURS:
Risk, Cavan, Gardner, Toronto, pour la requérante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE RYAN: L'intimé demande une ordon- nance aux termes de l'alinéa 52a) de la Loi sur la Cour fédérale', visant l'annulation de l'avis intro- ductif d'instance déposé par la requérante en vertu de l'article 28 de la Loi. La demande d'annulation repose sur l'absence de compétence de la Cour pour juger la demande présentée en vertu de l'arti- cle 28, étant donné les dispositions de l'article 29 de la Loi.
L'avis introductif d'instance présenté en vertu de l'article 28 vise l'examen et l'annulation d'une ordonnance de la Commission d'appel de l'immi- gration rendue le 29 juin 1976. Selon les motifs d'examen invoqués dans l'avis, la Commission a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Après une enquête tenue en vertu des disposi tions de la Loi sur l'immigration 2 , une ordonnance d'expulsion était prononcée le 15 janvier 1976 contre la requérante ayant engagé les procédures conformément à l'article 28. L'appelante, une immigrante reçue, a interjeté appel devant la Commission d'appel de l'immigration, en vertu de l'article 11 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration'. L'appel a été rejeté. Une requête visant la prorogation du délai pour obtenir la permission d'interjeter appel devant cette Cour a également été rejetée.
La demande d'annulation a été soumise par écrit conformément à la Règle 324. L'avocat de la requérante qui a présenté la demande conformé- ment à l'article 28 a sollicité et obtenu que la demande d'annulation soit plaidée oralement. A l'appui de cette requête l'avocat a déclaré:
[TRADUCTION] La demande présentée en vertu de l'article 28 se fondait principalement sur l'article 28(1)c) et sur l'allégation
L'alinéa 52a) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit:
52. La Cour d'appel peut
a) mettre fin aux procédures dans les causes intentées
devant elle, lorsqu'elle n'a pas compétence ou que ces
procédures ne sont pas engagées de bonne foi;
2 S.R.C. 1970, c. I-2.
' S.R.C. 1970, c. I-3 et ses modifications, S.C. 1973-74, c.
27, art. 5.
selon laquelle la Commission d'appel de l'immigration a fondé sa décision de rejeter l'appel sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La Commission n'a pas tenu compte du témoignage convaincant et non contredit d'un méde- cin réputé sur les circonstances exceptionnelles qui prévalent chez M. et Mm' Ahmad de Toronto et sur le fait que leurs enfants ont grand besoin de la requérante. Le refus de la Commission de tenir compte du témoignage du Dr. Hawke et d'agir en conséquence ne peut être qualifié que d'absurde ou arbitraire ou de décision prise sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ....
Le témoignage auquel on se réfère a été rendu dans le cadre d'une demande de redressement discrétionnaire présentée en vertu de l'article 15 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration.
Aucun autre moyen n'a été plaidé.
Dans l'arrêt L'État portoricain c. Hernandez 4 , le juge Thurlow (tel était alors son titre) a déclaré aux pages 1207 et 1208:
Les motifs sur lesquels on peut fonder une demande déposée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale sont définis dans ce texte de manière suffisamment large pour comprendre toute question de droit ou de compétence. Cette procédure ne constitue cependant pas une nouvelle audition de la cause, mais un examen de la légalité du déroulement de l'affaire. Bien que la Cour puisse annuler la décision ou l'ordon- nance et renvoyer l'affaire devant le tribunal avec des directi ves, elle n'a pas le pouvoir, alors qu'en général les dispositions relatives aux appels le prévoient, de rendre la décision ou l'ordonnance qu'à son avis le tribunal aurait rendre. La Cour n'a pas non plus compétence pour procéder à une nouvelle évaluation de la preuve et pour substituer son appréciation des faits à celle du tribunal. En la matière, la compétence de la Cour ne l'autorise qu'à annuler une décision basée sur une conclusion de fait qui n'est pas fondée en droit et qui relève ainsi de l'article 28(1)c).
A mon sens, c'est dans ce cadre que la Cour avait compé- tence pour examiner la décision en cause. Selon la Loi sur l'extradition, S.R.C. 1970, c. E-21 et l'article X du Traité Ashburton, le juge d'extradition doit lancer un mandat pour faire incarcérer le fugitif en vue de son extradition lorsqu'il est produit une preuve qui d'après le droit canadien justifierait son incarcération préventive si le crime avait été commis au Canada. Si cette preuve n'est pas produite, le juge doit ordon- ner que le fugitif soit élargi. Suivant l'article 475 du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, un juge de paix procédant à une enquête préliminaire, doit «si à son avis, la preuve est suffisante pour faire passer la personne en jugement«, renvoyer la per- sonne inculpée pour qu'elle subisse son procès. Si, à son avis, il n'a pas été établi de motif suffisant pour la faire passer en jugement, il doit libérer la personne inculpée. Le type de preuve exigée n'est ni absolu ni précis, il dépend d'un jugement de valeur qui détermine si la preuve est suffisante pour justifier le procès de l'inculpé pour l'infraction alléguée. Il semble évident,
4 [1973] C.F. 1206.
du moins dans les cas où, de bonne foi, on peut avoir des avis différents quant au caractère suffisant de la preuve, qu'on ne saurait prétendre entachée d'une erreur de droit la décision d'un juge de paix pour l'unique motif qu'une Cour procédant à l'examen de cette décision, ou certains de ses membres, aurait incliné vers une solution différente si c'est elle qui avait mené l'enquête. Il est certain que ce motif ne suffirait pas à justifier l'intervention d'une Cour procédant à l'examen de la décision, même si cette dernière était compétente pour examiner les faits et pour rendre une décision fondée sur sa propre appréciation de ceux-ci. Dans les cas tels que celui-ci, la compétence d'examen est limitée aux questions de droit, la Cour, à mon sens, ne peut intervenir, en dehors de toute interprétation erronée du juge ou d'erreur de droit au cours des procédures, que lorsque l'erreur commise dans l'appréciation du dossier soumis est si lourde qu'elle ne constitue pas seulement une erreur de jugement quant à l'effet d'une preuve marginale, mais un tel mépris des éléments de preuve présentés à la Cour que cela revient à une erreur de droit ou porte à conclure qu'on a fait application d'un principe erroné, l'article 28(1)c) s'appli- quant alors.
Il semble donc que l'erreur alléguée sur laquelle est fondée la demande aux termes de l'article 28 pourrait faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 28 si ce n'étaient l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérales et l'article 23 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration 6 .
5 L'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale prévoit:
29. Nonobstant les articles 18 et 28, lorsqu'une loi du Parlement du Canada prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant la Cour, la Cour suprême, le gouver- neur en conseil ou le conseil du Trésor, d'une décision ou ordonnance d'un office, d'une commission ou d'un autre tribunal fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou ordonnance ne peut, dans la mesure il peut en être ainsi interjeté appel, faire l'objet d'examen, de restric tion, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf dans la mesure et de la manière prévues dans cette loi.
6 L'article 23 de la Loi sur la Commission d'appel de l'im- migration prévoit:
23. (1) Sur une question de droit, y compris une question de juridiction, il peut être porté à la Cour d'appel fédérale un appel d'une décision de la Commission visant un appel prévu par la présente loi, si permission d'interjeter appel est accor- dée par ladite Cour dans les quinze jours après le prononcé de la décision dont est appel ou dans tel délai supplémentaire qu'un juge de cette Cour peut accorder pour des motifs spéciaux.
(2) Le gouverneur en conseil peut établir des règles régis- sant la pratique et la procédure relatives aux demandes d'autorisation d'interjeter appel et aux appels à la Cour d'appel fédérale en conformité du présent article. Ces règles sont obligatoires, nonobstant toute règle ou pratique par ailleurs applicable.
(3) Aucune ordonnance quant aux frais ne doit être rendue relativement à une demande d'autorisation d'interje- ter appel ou à un appel à la Cour d'appel fédérale en conformité du présent article.
Le motif invoqué pour justifier l'examen de la décision de la Commission d'appel de l'immigra- tion soulève une question de droit dont on peut appeler en vertu de l'article 23 de la Loi sur la Commission d'appel de l'immigration. Cet article ne limite pas le fondement d'un appel sur cette question. Il est certainement suffisamment large pour comprendre les motifs invoqués à l'appui d'un examen en vertu de l'article 28 et tels que les précise la requête visant une plaidoirie orale. En conséquence, j'estime que l'article 29 exclut l'exa- men en vertu de l'article 28 7 . Nous ne pouvons donc pas connaître de cette demande en vertu de l'article 28.
La demande d'annulation est accueillie.
* * *
LE JUGE HEALD: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT MACKAY: J'y souscris.
Voir Castagnetto c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration du greffe: A-103-75, jugement prononcé le 15 niai 1975; Lubin c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration, du greffe: A-102-75; jugement prononcé le 15 mai 1975; Lugano c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration [1976] 2 C.F. 438.
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