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A-243-76
Antares Shipping Corporation (Demanderesse) (Intimée)
C.
Le navire Capricorn (alias le navire Alliance), Delmar Shipping Limited et Portland Shipping Company Inc. (Défendeurs) (Appelants)
Cour d'appel, les juges Ryan et Le Dain et le juge suppléant Hyde—Montréal, les 8 et 9 mars 1977.
Compétence Appel d'une ordonnance refusant à «D» la permission de déposer un acte de comparution conditionnelle et une suspension des procédures La Cour a-t-elle exercé à bon droit son pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401? La Règle 1716 s'applique-t-elle? La signification ex juris a-t-elle été ordonnée à bon droit? La Cour fédérale pos- sède-t-elle la compétence ratione materiae? Règles 401 et 1716 de la Cour fédérale.
La défenderesse D prétend que la Division de première instance n'a pas exercé à bon droit son pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401 en refusant de permettre le dépôt d'un acte de comparution conditionnelle pour qu'elle puisse deman- der une suspension d'instance pendant l'audition de sa requête visant l'annulation des procédures. D prétend que la Règle 1716 n'autorisait pas la Cour à la contraindre à devenir une partie défenderesse à l'action in rem, qu'une entente prévoyant l'arbi- trage intervenue entre les parties et le fait que la demanderesse avait institué à New York des procédures contre D n'ont pas été dévoilés dans les procédures ex parte en vue d'obtenir une signification ex juris et que la Cour fédérale ne possède pas de compétence ratione materiae.
Arrêt: l'appel est rejeté. La permission de déposer un acte de comparution conditionnelle n'est pas un droit et la principale considération qui régit l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401, à savoir, si le défendeur a soulevé à première vue un doute quant à la régularité des procédures ou à la compétence de la Cour, a été observée. L'objection concer- nant la jonction en vertu de la Règle 1716 n'a pas été soulevée devant la Division de première instance et en conséquence ne peut être considérée en appel; l'objection soulevée relativement à la signification ex juris a déjà été examinée par la Cour suprême qui a fait valoir que seule la Cour fédérale peut faire exécuter un jugement; et la question de compétence ratione materiae peut être soulevée à tout stade des procédures et la Division de première instance n'a pas à la juger en exerçant son pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401.
APPEL. AVOCATS:
Guy Vaillancourt pour la demanderesse.
S. J. Harrington pour Delmar Shipping
Limited.
Gilles de Billy, c.r., pour Portland Shipping
Co. Inc.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin, Roy, Fréchette & Gau- dreau, Québec, pour la demanderesse.
McMaster, Minnion, Patch, Hyndman, Legge, Camp & Paterson, Montréal, pour Delmar Shipping Limited.
Gagnon, de Billy, Cantin, Dionne, Martin, Beaudoin & Lesage, Québec, pour Portland Shipping Co. Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE LE DAIN: Il s'agit d'un appel d'une ordonnance de la Division de première instance qui a refusé de permettre le dépôt d'un acte de compa- rution conditionnelle. La question en litige est celle de savoir si la Cour a exercé à bon droit son pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401 des Règles de la Cour fédérale dont voici le texte:
Règle 401. Un défendeur peut, avec la permission de la Cour, déposer un acte de comparution conditionnelle en vue de soule- ver une objection
a) contre une irrégularité commise au début de la procédure,
b) contre la signification qui lui a été faite de la déclaration ou du statement of claim, ou de l'avis y afférent, ou
c) quant à la compétence de la Cour, et une ordonnance accordant cette permission doit prévoir toute suspension d'instance nécessaire pour permettre de soulever cette objec tion et de statuer à son sujet.
Les parties sont engagées dans des procédures relatives à une prétendue entente prévoyant la vente du navire Capricorn (connu également sous le nom d'Alliance) par l'appelante Delmar Ship ping Limited à l'intimée Antares Shipping Corpo ration (ci-après appelée «Antares»). Plusieurs démarches et plusieurs jugements sont déjà inter- venus, mais il suffit d'évoquer brièvement la nature générale de l'action et les jugements qui paraissent avoir une incidence sur le litige en cause ici. Voici plus de trois ans, Antares a intenté une action in rem qui visait à obtenir: une déclaration portant que la vente du navire par l'appelante à l'intimée Portland Shipping Company Inc. (ci- après appelée «Portland») était nulle et de nul effet et qu'en conséquence l'appelante demeurait pro- priétaire du navire; une ordonnance enjoignant à l'appelante de s'acquitter des obligations contenues dans la prétendue entente prévoyant la vente du navire à Antares; et des dommages-intérêts. A la
suite d'une ordonnance rendue par la Division de première instance en vertu de la Règle 1716, l'ap- pelante et Portland ont été jointes à l'action comme parties défenderesses. Les jugements de la Division de première instance et de la présente cour rejetant une demande d'ordonnance pour signification ex juris à l'appelante et à Portland ont été infirmés par la Cour suprême du Canada et conformément à cet arrêt, une ordonnance enjoi- gnant de procéder à la signification a été délivrée par la Division de première instance. Après la signification, l'appelante a sollicité la permission de déposer un acte de comparution conditionnelle, et la suspension pendant trente jours des procédu- res pour lui permettre de chercher à obtenir l'an- nulation de celles-ci pour des motifs prévus à la Règle 401. La Division de première instance a rejeté la demande de l'appelante dans les termes suivants:
[TRADUCTION] Requête rejetée. La défenderesse Delmar n'a pas réussi à démontrer qu'il y avait irrégularité ou incompé- tence de la présente cour. Dépens adjugés à la demanderesse.
Selon l'appelante, les motifs qu'elle invoque pour s'opposer aux procédures sont d'une nature telle que la Division de première instance ne peut, en exerçant à bon droit son pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401, refuser de permettre le dépôt d'un acte de comparution conditionnelle. Ces motifs, formulés dans la plaidoirie présentée à cette cour, peuvent être résumés ainsi:
1. La Règle 1716 n'autorisait pas la Division de première instance à contraindre l'appelante à devenir une partie défenderesse à l'action in rem, et, en outre, la déclaration, amendée con- formément à l'ordonnance de la Division de première instance, ne contient pas la mention de l'ordonnance prévue par ladite Règle 1716;
2. Dans les procédures ex parte en vue d'obtenir une signification ex juris, il n'a pas été dévoilé aux tribunaux que la prétendue entente relative à la vente du navire contenait une disposition prévoyant l'arbitrage, ni qu'Antares avait insti- tué au sujet de ladite entente des procédures contre l'appelante dans l'État de New York;
3. La Cour fédérale ne possède pas de compé- tence ratione materiae.
La permission de déposer un acte de comparu- tion conditionnelle n'est pas une question de droit. A notre avis, la principale considération qui doit
régir l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401 est celle de savoir si le défendeur a soulevé à première vue un doute suffisant quant à la régularité des procédures ou à la compétence ratione personae exigée par la justice pour lui permettre de comparaître de façon qu'il ne se désiste pas de son opposition. A la lecture des motifs de l'ordonnance de la Division de première instance, la Cour en vient à la conclusion que le bien-fondé des objections invoquées par l'appelante à l'appui de sa demande de dépôt d'un acte de comparution conditionnelle n'est pas établi à pre- mière vue. Nous ne voyons aucune raison d'inter- venir dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.
Il a été admis devant la présente cour que l'objection concernant la jonction de l'appelante en vertu de la Règle 1716 n'avait pas été soulevée devant la Division de première instance. Ceci ne permet pas cependant, à notre avis, de conclure que la Division de première instance n'a pas exercé à bon droit son pouvoir discrétionnaire.
Quant à l'objection soulevée relativement à la signification ex juris, elle est de peu de portée compte tenu de l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Cette décision signifie essentiellement, à notre humble avis, que seule la Cour fédérale peut effectivement faire exécuter un jugement. La dis position prévoyant l'arbitrage et le fait qu'une poursuite ait été instituée dans l'État de New York ne paraissent avoir aucune incidence sur cette considération.
Quant à l'objection concernant la compétence ratione materiae, une telle objection peut être soulevée à tout stade des procédures et le refus de permettre le dépôt d'un acte de comparution con- ditionnelle ayant pour fin de formuler une telle objection ne constitue donc pas un exercice erroné du pouvoir discrétionnaire prévu à la Règle 401.
Pour tous ces motifs, nous sommes d'avis que l'appel devrait être rejeté avec dépens.
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