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A-654-77
Jacqueline Duplessis, Noël Maheu et Léo Jodoin (Requérants)
c.
Le comité d'appel de la Commission de la Fonc- tion publique (Intimé)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett et les juges Pratte et Le Dain—Ottawa, les 14 et 24 avril 1978.
Examen judiciaire Fonction publique Le premier appel interjeté d'un concours n'a examiné qu'un seul des divers moyens d'appel invoqués Seconde sélection faite à partir d'évaluations antérieures et d'une liste identique à la première sauf l'exception ordonnée par le premier comité. d'appel Second appel' interjeté mais le comité d'appel a jugé qu'il n'était pas compétent pour entendre ledit appel Examen judiciaire de la décision du second comité d'appel Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-32, art. 21.
La Commission de la Fonction publique, à la suite d'une décision d'un comité d'appel déclarant inadmissible un candidat à un concours et rejetant les moyens d'appel invoqués contre les candidats qui avaient réussi, a demandé au comité de sélection de refaire l'évaluation de tous les candidats. La procédure normale aurait été de nommer les autres candidats proposés. Le comité de sélection, qui a pris la liberté de s'en tenir à des évaluations antérieures, a produit une liste identique à la première sauf que le nom du candidat inadmissible n'y figurait pas. Un second comité d'appel a jugé qu'il n'avait pas compé- tence pour entendre le second appel des requérants. C'est cette décision qui est visée par la présente demande en vertu de l'article 28.
Arrêt (le juge Le Dain dissident): la demande est rejetée. L'erreur commise par la Commission de la Fonction publique en agissant de cette façon plutôt que de suivre la procédure normale n'a pas pour résultat de donner aux requérants un nouveau droit d'appel. Les requérants n'auraient pas bénéficié de ce droit si la Commission avait procédé régulièrement. Le second comité d'appel a eu raison de considérer que les requé- rants, après la première sélection, avaient déjà exercé sans succès leur droit de contester la régularité des nominations proposées autres que celle du candidat exclu. Leur premier appel, qui était dirigé contre toutes les nominations proposées, avait été accueilli contre le candidat exclu seul, mais rejeté en ce qui concerne les autres nominations.
Le juge Le Dain dissident: le premier comité d'appel, en n'examinant qu'un seul moyen d'appel, n'a pas implicitement rejeté les autres moyens. La procédure adoptée par la Commis sion a amené les requérants à prendre pour acquis qu'ils auraient la possibilité de faire valoir les moyens que le premier comité d'appel n'avait pas examinés. Puisqu'en fait le comité de sélection s'est réuni de nouveau et a publié une nouvelle liste d'éligibilité fondée sur ses évaluations antérieures, il existait quelque chose contre quoi les requérants avaient un droit d'interjeter appel en invoquant les moyens qu'ils avaient déjà
fait valoir. Si la décision du second comité d'appel est confir- mée, la façon dont le premier comité d'appel et la Commission ont abordé les questions en litige a pour résultat que les requérants ont été effectivement privés d'un droit d'appel.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
John D. Richard, c.r., pour les requérants. Paul Plourde pour l'intimé.
PROCUREURS:
Gowling & Henderson, Ottawa, pour les requérants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement prononcés en fran- çais à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Cette demande, faite en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, est dirigée contre la décision d'un comité établi par la Commission de la Fonction publique qui a jugé ne pas avoir la compétence de décider l'appel fait par les requérants en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique'.
Au printemps 1977, les requérants ont participé sans succès à un concours tenu suivant les disposi tions du Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique pour choisir des personnes capables de remplir le poste de surintendant de la douane (PM-2) au ministère du Revenu national (douanes et accise) à Montréal. Ils ont ensuite fait appel, suivant l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, à l'encontre de toutes les nomi nations proposées en conséquence de ce concours. Le comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique jugea fondé un seul des motifs d'appel invoqués par les requérants, savoir que l'un des candidats ayant réussi le concours, Serge Lafrance, n'avait pas le droit d'y participer. Le comité fit donc droit à l'appel dans les termes suivants:
Le comité d'appel maintient donc les appels de madame Jacqueline Duplessis et des messieurs Noël Maheu et Léo Jodoin, et ce, à l'encontre de la nomination proposée du candi- dat Serge Lafrance.
Il faut noter que si la décision du comité men- tionne que les requérants avaient attaqué toutes les
' S.R.C. 1970, c. P-32.
nominations proposées et avaient formulé plusieurs griefs d'appel, elle ne discute que le seul grief relatif à l'inadmissibilité de Serge Lafrance au concours.
L'effet de cette décision, à mon avis, était tout simplement d'empêcher la Commission de la Fonc- tion publique de procéder à la nomination de Serge Lafrance. La décision ne touchait pas les autres nominations proposées et, normalement, la Com mission aurait les faire. Cependant, au lieu d'agir de cette façon, la Commission demanda au comité de sélection qui avait déjà évalué les candi- dats de refaire l'évaluation des candidats autres que Lafrance. On laissait cependant le comité libre de s'en tenir tout simplement à ses évaluations antérieures. C'est ce que fit le comité qui dressa tout simplement une nouvelle liste d'admissibilité n'apparaissait pas le nom de Lafrance mais qui, à part cela, était en tous points identique à la première.
De nouveau, les requérants interjetèrent appel à l'encontre des nominations proposées prétendant que leurs connaissances et aptitudes avaient été mal évaluées par le comité de sélection. Un second comité d'appel fut établi qui décida n'être pas compétent en l'espèce. L'essentiel de cette décision se lit ainsi:
Après avoir examiné les représentations du ministère et des appelants, j'estime que les appelants ne jouissent pas d'un droit d'appel et que je n'ai aucune juridiction pour entendre leur cause au mérite. Les faits démontrent que les appelants ont déjà exercé leur droit d'appel en vertu de l'article 21 de la Loi à l'encontre des nominations proposées et que suite à un appel maintenu à l'encontre de la nomination du candidat Lafrance, le même processus de sélection et les mêmes conclusions ont permis à l'agent de personnel responsable d'émettre une liste d'admissibilité comprenant le nom des mêmes candidats choisis sauf le nom du candidat Lafrance.
Il m'apparaît donc que les appelants ont déjà exercé leur droit d'appel à l'encontre des mêmes nominations proposées et il ne m'appartient pas de m'immiscer dans une décision déjà rendue qui limitait le maintient de l'appel à l'encontre d'une seule nomination proposée alors que les appelants en avaient appelé à l'encontre de toutes les nominations. En conséquence, je constate que les appelants ne jouissent pas actuellement d'un droit d'appel et je n'ai donc aucune juridiction pour les entendre.
Aucune décision au mérite ne sera rendue dans le présent cas.
C'est cette décision du second comité d'appel que les requérants veulent faire annuler. Ils préten-
dent qu'elle les prive du droit d'appel que leur accorde l'article 21.
La prétention des requérants, à mon sens, ne peut être retenue.
Normalement, après la décision du premier comité d'appel, la Commission devait, suivant l'ar- ticle 21d), faire les nominations proposées autres que celle de Lafrance et, cela, sans consulter de nouveau le comité de sélection. Sans doute par erreur, la Commission n'a pas procédé de cette façon: elle a consulté de nouveau le comité de sélection qui décida de s'en tenir aux décisions qu'il avait déjà prises relativement aux candidats autres que Lafrance. Je ne pense pas que l'erreur qu'on a commise en agissant de cette façon ait pour résultat de donner aux requérants un nouveau droit d'appel dont ils n'auraient pas bénéficié si on avait procédé régulièrement.
Ma conclusion ne serait pas différente si ce cas en était un la Commission, plutôt que de reprendre tout un processus de sélection jugé irré- gulier par un comité d'appel, avait décidé de n'en recommencer que les étapes jugées irrégulières par le comité. En pareil cas, en effet, le candidat qui est écarté au terme de la seconde sélection et qui veut se plaindre d'une irrégularité commise à une étape de la sélection qui n'a pas été recommencée ne bénéficie pas toujours d'un droit d'appel suivant l'article 21. A mon avis, il ne jouit pas de ce droit d'appel si, après la première sélection, il l'a déjà exercé sans succès ou si, encore, il y a renoncé expressément ou tacitement. En l'espèce, je crois que le second comité d'appel a eu raison de consi- dérer que les requérants, après la première sélec- tion, avaient déjà exercé sans succès leur droit de contester la régularité des nominations proposées autres que celle de Lafrance. En effet, leur pre mier appel, qui était dirigé contre toutes les nomi nations proposées, avait été accueilli contre la seule nomination de Lafrance. C'est dire que cet appel avait été rejeté dans la mesure les autres nominations étaient concernées.
Pour ces motifs, je rejetterais la demande.
* * *
LE JUGE EN CHEF JACKETT y a souscrit.
i i *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE LE DAIN (dissident): En toute défé- rence, je ne peux souscrire à la conclusion que propose mon collègue le juge Pratte concernant la présente demande formulée en vertu de l'article 28. A mon avis, l'affaire ne se distingue pas en principe de l'affaire Boucher c. Le Comité d'appel de la Commission de la Fonction publique [1978] 2 C.F. 204. Je ne peux convenir que le premier comité d'appel a implicitement rejeté les autres moyens d'appel. A mon avis, il n'a examiné qu'un seul moyen—celui touchant la candidature ou la nomination éventuelle de Lafrance—et seulement la conséquence de ce moyen. A cet égard, j'établis une distinction entre sa décision et le commentaire portant sur sa décision (dossier d'appel, p. 18). Cette appréciation de la portée et de l'effet de la décision du premier comité d'appel se retrouve dans la décision de la Commission de convoquer de nouveau le comité de sélection *afin de procéder à la réévaluation de tous les candidats à l'exception de monsieur Serge Lafrance». La procédure adop- tée par la Commission, notamment la directive donnée au comité de sélection de publier une nou- velle liste d'éligibilité et sa supposition qu'il y aurait un autre droit d'appel, a amené les requé- rants à prendre pour acquis qu'ils auraient la possibilité, au cours du second appel, de faire valoir les moyens que le premier comité d'appel n'avait pas examinés. C'est trop demander aux requérants, je crois, que de conclure en fait qu'ils auraient prévoir l'attitude de la Commission et choisir de contester la décision du premier comité d'appel, qui leur était favorable jusqu'à un certain point, pour le motif qu'elle ne statuait pas sur les autres moyens d'appel. Puisqu'en fait le comité de sélection s'est réuni de nouveau et a publié une nouvelle liste d'éligibilité fondée sur ses évalua- tions antérieures, il existait quelque chose contre quoi les requérants avaient un droit d'interjeter appel en invoquant les moyens qu'ils avaient déjà fait valoir. Si la décision du second comité d'appel est confirmée, la façon dont le premier comité d'appel et la Commission ont abordé les questions en litige a pour résultat que les requérants ont été effectivement privés d'un droit d'appel.
Pour ces motifs, j'accueillerais la demande for- mulée en vertu de l'article 28 et renverrais l'affaire au comité d'appel pour qu'il statue sur les appels des requérants.
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