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T-219-78
Gene A. Nowegijick (Demandeur)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Mahoney— Ottawa, le 28 février et le 6 mars 1979.
Impôt sur le revenu Indiens Salaire versé à l'intérieur de la réserve par une compagnie y installée pour du travail accompli à l'extérieur Ce salaire est-il assujetti à l'impôt sur le revenu? Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, c. I-6, art. 87.
ACTION. AVOCATS:
P. Burnet pour le demandeur.
W. Lefebvre et J. P. Fortin, c.r. pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
Wyatt, Menczer & Burnet, Ottawa, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: Le demandeur est un Indien qui conteste l'obligation qui lui est faite d'inclure dans le calcul de son revenu imposable pour 1975 le salaire que lui a versé, dans sa réserve, une compagnie installée dans cette réserve pour du travail accompli hors celle-ci. On s'entend sur les faits. Voici le texte complet de l'exposé conjoint. Les mots entre parenthèses représentent les corrections, dont aucune n'est pertinente à la question en litige, apportées par les parties au cours de l'audience.
[TRADUCTION] 1. Le demandeur est un Indien inscrit au sens de la Loi sur les Indiens, S.R.C. c. I-6 telle que modifiée, et est membre de la Bande indienne de Gull Bay (Ontario).
2. Au cours de l'année d'imposition 1975, le demandeur était employé par la compagnie Gull Bay Development Corporation, ci-après appelée la compagnie. Il s'agit d'une compagnie sans capital-actions dont le siège social et les bureaux d'affaires sont situés dans la réserve de Gull Bay. Administrateurs, membres et employés de la compagnie vivent dans la réserve et sont des Indiens inscrits.
3. En 1975, la compagnie se livrait à des opérations forestières. Elle coupait des arbres pour les vendre à des tiers hors la réserve. Ces opérations se déroulaient à [dix] milles de la réserve de Gull Bay.
4. En 1975, le demandeur résidait en permanence dans la réserve de Gull Bay. En tant que bûcheron employé par la compagnie, il quittait chaque matin la réserve pour aller tra- vailler au site des opérations de coupe de bois. Il retournait à la réserve à la fin de sa journée de travail.
5. Le demandeur était payé la pièce] pour son travail. Il recevait un chèque [tous les quinze jours] au siège social de la compagnie dans la réserve de Gull Bay.
6. Le demandeur a ainsi gagné $11,057.08 et son revenu imposable cotisé pour l'année d'imposition 1975 se chiffrait à $8,698.00.
Les lettres patentes de la compagnie Gull Bay Development Corporation, le Bulletin d'interpréta- tion IT-62 de Revenu Canada, en date du 18 août 1972, et les documents transmis par le ministre du Revenu national en vertu du paragraphe 176(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu' ont également été versés au dossier. Le seul autre élément de preuve est le témoignage de Stanley King. Cet Indien inscrit, domicilié dans la réserve de Gull Bay, est membre et conseiller de la Bande de Gull Bay, et est un des administrateurs de la Gull Bay Develop ment Corporation (ci-après appelée la «compa- gnie»). La preuve indirecte qu'il a apportée corro- bore certains faits, énoncés dans l'exposé conjoint, concernant la compagnie et son modus operandi.
Le demandeur peut se prévaloir des dispositions de l'article 87 de la Loi sur les Indiens. 2
87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada ou toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve du paragraphe (2) et de l'article 83, les biens suivants sont exemp tés de taxation, savoir:
a) l'intérêt d'un Indien ou d'une bande dans une réserve ou des terres cédées; et
b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés sur une réserve;
et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concernant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un bien mentionné aux alinéas a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l'un de ces biens. Aucun droit de mutation par décès, taxe d'héritage ou droit de succession n'est exigible à la mort d'un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession audit bien, si ce dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d'aucun bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89 des Statuts revisés du Canada
' S.C. 1970-71-72, c. 63. 2 S.R.C. 1970, c. I-6.
de 1952, ou l'impôt payable en vertu de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, sur d'autres biens transmis à un Indien ou à l'égard de ces autres biens.
L'article 83 de la Loi sur les Indiens ne s'applique pas. Le paragraphe 87(2) a été abrogé en 1960, 3 quoique le renvoi à celui-ci dans ce qui était auparavant le paragraphe (1) demeure. L'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu n'a pas été plaidé et, à mon avis, ne s'applique pas.
Le salaire, une fois touché, perd ce caractère et devient, simplement, entre les mains du salarié, un effet négociable ou de l'argent. Tant qu'il n'a pas été touché, le salaire ne perd pas son caractère. Le salaire constitue une obligation contractuelle, une créance, un bien personnel qui, strictement par- lant, n'a pas de situs; cependant, lorsqu'il a été nécessaire d'attribuer, à des fins juridiques, un situs à une dette, il s'est agi du domicile du débiteur. Le juge en chef Thurlow a récemment examiné les sources à l'appui de cette thèse, et il n'est pas nécessaire de les répéter ici.'
Le fait que les services récompensés par le salaire aient été rendus hors de la réserve Gull Bay n'a pas été invoqué comme étant déterminant sous quelque rapport. D'ailleurs, je ne vois pas sous quel rapport il pourrait l'être. La compagnie n'avait qu'un domicile, la réserve de Gull Bay. C'est que se trouvait le salaire qu'elle devait au demandeur.
Toutefois, ce sont les personnes et non les biens qui sont assujetties à la Loi de l'impôt sur le revenu. 5 En l'espèce, il s'agit de déterminer si le fait d'assujettir le demandeur à une taxation sur la base d'une somme fixée par rapport à son revenu imposable revient à l'assujettir à une taxation «quant à» son salaire lorsque celui-ci est inclus dans le calcul de son revenu imposable. Je crois que oui.
L'impôt payé par un particulier en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu est établi suivant certains taux prescrits applicables à son revenu imposable calculé de la façon prescrite. Si son revenu imposable est augmenté parce qu'on y inclut son salaire, il paiera plus d'impôt. Le mon-
3 S.C. 1960, c. 8.
4 L Reine c. National Indian Brotherhood [1979] 1 C.F. 103.
5 Sura c. M.R.N. [ 1962] R.C.S. 65.
tant de l'augmentation dépendra directement du montant de ce salaire. Je ne crois pas que l'on puisse tirer de cette opération et de son résultat une conclusion autre que celle voulant qu'un indi- vidu soit alors assujetti à une taxation quant à, son salaire.
L'appel de la cotisation établie par le Ministre est accueilli. Il s'agit d'une cause-type. Il était entendu que le demandeur aurait droit, en tout état de cause, à ses frais, taxés sur une base procureur-client.
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