T-340-79
Leslie Tomossy (Demandeur)
c.
James Hammond, la Reine et Selim Shakra
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Toronto, le 26 février; Ottawa, le 1 e mars 1979.
Compétence — Couronne — Délits — Négligence — Acci
dent de la circulation mettant en cause un véhicule apparte-
nant à la Couronne et conduit par le défendeur Hammond —
L'action intentée contre le défendeur Hammond doit-elle être
rejetée pour défaut de compétence? — Loi sur la Cour fédé-
rale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 17(4)b) — Acte de
l'Amérique du Nord britannique, 1867, 30 & 31 Vict., c. 3, art.
101 [S.R.C. 1970, Appendice IIJ.
DEMANDE.
AVOCATS:
John Davis pour le demandeur.
Paul Evraire pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Lawson, McGrenere, Wesley, Jarvis & Rose,
Toronto, pour le demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Il s'agit ici d'une action en
responsabilité intentée à la suite d'un accident
d'automobiles impliquant deux véhicules proprié-
tés respectives du demandeur et du défendeur
Shakra et conduits par ces derniers, et un troi-
sième véhicule propriété de Sa Majesté la Reine et
conduit par son préposé, le défendeur Hammond.
L'avocat de Sa Majesté et d'Hammond demande
le rejet de l'action intentée contre Hammond au
motif que cette cour n'a pas compétence pour
l'entendre.
La Loi sur la Cour fédérale' prévoit que:
17....
(4) La Division de première instance a compétence concur-
rente en première instance
' S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10.
b) dans les procédures dans lesquelles on cherche à obtenir
un redressement contre une personne en raison d'un acte ou
d'une omission de cette dernière dans l'exercice de ses fonc-
tions à titre de fonctionnaire ou préposé de la Couronne.
A première vue, cette disposition semblerait inves-
tir cette cour de la compétence nécessaire. Cepen-
dant, c'est l'article 101 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, 1867 2 qui confère au Parlement
le pouvoir de définir la compétence de cette cour:
101. Le parlement du Canada pourra, nonobstant toute dis
position contraire énoncée dans le présent acte, lorsque l'occa-
sion le requerra, adopter des mesures à l'effet de créer, mainte-
nir et organiser une cour générale d'appel pour le Canada, et
établir des tribunaux additionnels pour la meilleure administra
tion des lois du Canada.
Dans Quebec North Shore Paper Company c.
Canadien Pacifique Limitée, 3 de même que dans
sa décision postérieure, quoique rapportée plus tôt,
McNamara Construction (Western) Limited c. La
Reine, 4 la Cour suprême du Canada définit l'ex-
pression «lois du Canada» comme excluant tant le
droit statutaire provincial que la common law, sauf
«Dans la mesure où la Couronne, en tant que
partie à une action, est régie par la common law». 5
La Couronne dont il est question est, bien sûr, la
Couronne du chef du Canada.
La responsabilité personnelle d'un individu pour
un délit qu'il a commis naît de la common law.
Elle existe qu'il ait agi ou non dans le cadre de son
emploi. Qu'un individu soit un préposé de la Cou-
ronne et ait commis un délit dans le cadre de cet
emploi ne change rien au fondement juridique de
sa responsabilité. Celle-ci n'est pas créée par les
«lois du Canada» ou le «droit fédéral» tel que défini
par les décisions McNamara et Quebec North
Shore. La portée de ces décisions a été étudiée à
fond par la Cour d'appel fédérale dans Associated
Metals & Minerals Corporation c. L'«Evie W» 6 et
il serait superflu de ma part de citer ou de résumer
cette analyse.
2 30 & 31 Vict., c. 3 (R.-U.). -
3 [1977] 2 R.C.S. 1054.
4 [1977] 2 R.C.S. 654.
5 [1977] 2 R.C.S. 1054, à la page 1063.
6 [1978] 2 C.F. 710, aux pages 711 à 716, motifs du juge en
chef Jackett.
Depuis McNamara, la présente cour semble
avoir rendu des décisions incompatibles. En effet,
Attridge c. La Reine,' semble indiquer que la Cour
croyait avoir compétence pour entendre une action
intentée contre deux agents de la G.R.C. dans une
situation semblable à celle dans laquelle se trouve
ici le défendeur Hammond. Il est cependant évi-
dent que la requête pour faire rejeter cette action à
l'égard de certains défendeurs ne visait que ceux
qui n'étaient pas préposés de la Couronne et non
pas les agents de la G.R.C. Ultérieurement, quand,
le même juge eut à se prononcer sur une requête
basée sur ce même motif, il rejeta l'action délic-
tuelle personnelle intentée contre un ministre de
Sa Majesté. 8 Dans Parsons c. La Reine 9 , le juge
en chef adjoint en arriva à une conclusion identi-
que relativement à une action en négligence inten-
tée à la suite d'un accident d'automobiles.
Quoiqu'il s'agisse manifestement d'un obiter, la
Cour d'appel fédérale s'est exprimée en ces termes
dans Murray c. La Reine 10 :
Il y a un autre aspect du litige qui n'a pas été soulevé par les
parties mais, qu'à mon avis, la Cour doit signaler. Compte tenu
des décisions récentes [par exemple, l'arrêt McNamara], une
question se pose: la Division de première instance est-elle
compétente pour connaître des réclamations contenues dans la
déclaration, autres que celles intéressant Sa Majesté?
Dans cette affaire, l'action était basée sur (1) une
inexécution de contrat, (2) des dommages-intérêts
résultant d'une conspiration au civil et (3) la diffa-
mation. Plusieurs fonctionnaires fédéraux, en plus
de Sa Majesté, étaient poursuivis.
ORDONNANCE
L'action intentée contre le défendeur Hammond
est rejetée, cette cour n'ayant pas la compétence
pour l'entendre. Le délai accordé à Sa Majesté
pour produire une défense est prolongé jusqu'au 30
mars 1979. Le défendeur Hammond a droit aux
dépens de sa requête, sur demande.
7 (1978) 86 D.L.R. (3') 543.
8 Matichuk c. La Reine. Une décision non rapportée, rendue
le 16 novembre 1978. N° du greffe T-2549-78.
9 Une décision non rapportée, rendue le 3 mai 1978. N° du
greffe T-463-77.
10 Une décision non rapportée, rendue le 11 mai 1978. N° du
greffe A-639-77.
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