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A-152-76
May & Baker (Canada) Ltée (Demanderesse) c.
Le pétrolier à propulsion mécanique Oak et ses propriétaires, Skibs A/S Hassel & A/S Spesial- tank, (A/S Rederiet Odfjell, administrateurs) (Défendeurs)
Cour d'appel, le juge en chef Jackett, les juges Pratte et Heald—Ottawa, le 23 juin 1978.
Pratique Signification Ordonnances rendues sur
demande ex parte en prolongation du délai pour signifier la
déclaration Les défendeurs n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs droits jusqu'à ce que soit présentée la requête en annulation aux motifs que la prolongation du délai a été accordée sans raison suffisante Appel du jugement de la Division de première instance rejetant la requête Règle 306 de la Cour fédérale.
Les compagnies défenderesses interjettent appel du jugement de la Division de première instance rejetant la requête en annulation de la signification de la déclaration «au motif que les prorogations du délai de signification ... ont été accordées sans raison suffisante». Les ordonnances ont été rendues ex parte et les compagnies défenderesses n'ont pas eu l'occasion de faire valoir leurs droits jusqu'à ce que soit présentée la requête en annulation de la signification, laquelle est avant tout une requête en annulation de ces ordonnances dans le but ultime d'obtenir une ordonnance corrélative annulant la signification. Aucun appel n'a été interjeté à l'encontre des ordonnances, ce qui aurait empêché la Cour d'accorder le redressement fondé sur ce motif.
Arrêt: l'appel est accueilli. Les documents produits à l'appui des ordonnances ex parte prorogeant le délai n'ont révélé aucune raison «suffisante» pour proroger le délai de significa tion. Quand une ordonnance est rendue ex parte, sauf disposi tion contraire, la Cour est naturellement compétente, après avoir accordé à la partie lésée l'occasion de faire valoir ses droits, s'il apparaît alors que l'ordonnance ou le jugement ex parte n'aurait pas être rendu, pour annuler l'ordonnance ex parte et pour rendre toute ordonnance corrélative qu'elle juge nécessaire pour remettre la partie lésée dans l'état elle aurait été si l'ordonnance ou le jugement ex parte n'avait pas été rendu. La partie lésée a le droit de se voir accorder l'annulation de l'ordonnance ex parte. L'appelante (les compagnies défende- resses) aurait obtenir ce redressement en vertu du jugement qui fait l'objet du présent appel.
APPEL. AVOCATS:
Gerald P. Barry pour la demanderesse. Victor DeMarco pour les défendeurs.
PROCUREURS:
McMaster, Meighen, Montréal, pour la demanderesse.
Brisset, Bishop, Davidson & Davis, Montréal, pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF JACKETT: Appel est interjeté d'un jugement de la Division de première instance par lequel a été rejetée la demande des appelantes (les compagnies défenderesses) qui visait à faire annuler la signification de la déclaration.
Voici un résumé chronologique des faits pertinents:
27 octobre 1971: Une cargaison consignée chez l'intimée a été prétendument livrée en mauvais état dans la province de Québec par le navire nommé dans la déclaration.
24 octobre 1972: La Division de première ins tance a délivré une déclaration énonçant la demande de l'intimée.
22 octobre 1973: Par une ordonnance, la Divi sion de première instance a prorogé le délai de signification de la déclaration jusqu'au 22 octo- bre 1974.
1" février 1974: Les compagnies défenderesses, propriétaires, ont vendu le navire Oak.
30 septembre 1974: Par une ordonnance, la Division de première instance a prorogé le délai de signification de la déclaration jusqu'au 30 septembre 1975 et a ordonné de [TRADUCTION] «faire la signification conformément à la loi de Norvège».
9 septembre 1975: La déclaration a été signifiée en Norvège au navire et aux compagnies défen- deresses nommées dans l'intitulé de la cause.
6 octobre 1975: Par suite d'une demande d'au- torisation de déposer un acte de comparution conditionnelle, la Division de première instance a accordé à l'appelante un sursis de 30 jours.
29 octobre 1975: L'appelante a déposé un acte de comparution conditionnelle.
3 novembre 1975: Une requête en annulation de la signification de la déclaration [TRADUCTION] «au motif que les prorogations du délai de signi fication ... ont été accordées sans raison suffi- sante» a été renvoyée au juge de première ins tance qui avait accordé la deuxième prorogation.
24 février 1976: La demande susmentionnée a été rejetée.
Les compagnies défenderesses interjettent appel du jugement de la Division de première instance en date du 24 février 1976 par lequel a été rejetée la requête en annulation de la signification de la déclaration [TRADUCTION] «au motif que les pro- rogations du délai de signification ... ont été accordées sans raison suffisante».
Deux aspects de la question peuvent être men- tionnés et mis de côté tout de suite, à savoir:
a) la déclaration a servi à intenter une action in rem contre le navire et une action in personam contre les propriétaires et administrateurs mais le présent appel ne porte que sur la signification de la déclaration aux compagnies défenderesses' et
b) je n'ai pas à étudier certaines objections faites par l'appelante plutôt relatives à la procé- dure (la forme du document signifié et la forme de l'ordonnance de signification ex iuris), vu ma conclusion sur le point de fond formulé dans la requête en annulation de la signification dans la Division de première instance.
Il est intéressant de noter que, bien que la loi impose un délai de 12 mois à compter de la naissance de la cause d'action à toute action sem- blable à l'espèce, si le jugement a quo est bien fondé, l'acte introductif d'instance dans la présente action n'a été signifié que quatre ans ou presque après la naissance de la prétendue cause d'action.
Hormis les objections de procédure que j'ai mentionnées, la signification en cause a été faite de la façon prévue à la Règle 306, dont voici le libellé:
Règle 306. Une déclaration peut être signifiée en vertu de la Règle 304 dans les 12 mois du jour elle a été déposée; mais lorsque, pour toute raison suffisante, une déclaration n'a pas été signifiée dans ce délai, la Cour pourra, par ordonnance rendue soit avant soit après l'expiration de ce délai, prolonger une ou plusieurs fois le délai de signification d'une période ne dépas- sant pas 12 mois chaque fois, chacune des prolongations étant calculée à partir de la date de l'ordonnance.
à moins que les ordonnances prorogeant le délai ne puissent être et ne soient dûment contestées.
' A mon avis, une déclaration dans une action in rem ne peut pas être signifiée ex iuris. Voir Le «Mesis» c. Louis Wolfe & Sons (Vancouver) Limited [1977] 1 C.F. 429.
A mon sens, les documents produits à l'appui des ordonnances ex parte prorogeant le délai n'ont révélé aucune raison «suffisante» pour proroger le délai de signification 2 . Le fait pour le défendeur d'éluder la signification serait une «raison suffi- sante» manifeste. Il peut y avoir, bien sûr, d'autres raisons suffisantes. Je considère cependant que si le défendeur était en mesure de recevoir la signifi cation et que le demandeur n'ait pas été dans l'impossibilité (ou dissuadé par le défendeur) de faire ladite signification, rien ne saurait constituer une «raison suffisante» de ne pas signifier dans le' délai imparti pour la signification. Les documents produits à l'appui des deux ordonnances de proro- gation du délai ne révèlent aucun fait qui dénote une «raison suffisante».
Par conséquent, si l'appelante avait choisi d'in- terjeter appel (après avoir obtenu les prorogations de délai appropriées qui, je crois, auraient été accordées presque assurément, si elles avaient été demandées en temps utile), j'aurais été d'avis d'in- firmer les ordonnances prorogeant le délai et de rendre une ordonnance corrélative d'annulation de la signification faite en vertu de ces ordonnances. 3 Comme aucun appel n'a été interjeté, vu l'état des procédures, la Cour ne peut pas accorder de redressement pour ce motif.
Toutefois, en l'espèce, les ordonnances ont été rendues ex parte et l'appelante n'a pas eu l'occa- sion de faire valoir ses droits jusqu'à ce que soit présentée la requête en annulation de la significa tion, laquelle doit être considérée, selon moi, comme une requête en annulation de ces ordon- nances dans le but ultime d'obtenir une ordon- nance corrélative annulant la signification. Le pré- sent appel a été interjeté à la suite du rejet de cette requête.
En règle générale, quand une cour rend une ordonnance ou prononce un jugement, à moins de disposition particulière, elle n'est pas compétente
2 Comparer Sumitomo Shoji Kaisha Ltd. c. First Steamship Co. [1970] R.C.É. 755 et Grace Kennedy & Company Limited c. Canada Jamaica Line (1968) (non publié), dont copie est jointe aux présentes.
3 Il y aurait lieu de rendre une telle ordonnance corrélative tout comme il y aurait lieu de rendre une ordonnance de remboursement de sommes d'argent perçues en vertu d'un jugement infirmé en appel. Voir Wilby c. Le ministre de la Main-d'œuvre et de l'Immigration [1975] C.F. 636, note 8 à la page 642.
pour réviser cette ordonnance ou ce jugement. Son bien-fondé ne peut être examiné qu'en appel. Tou- tefois, quand une ordonnance est rendue ex parte, à mon sens, sauf disposition contraire, la Cour est naturellement compétente, après avoir accordé à la partie lésée l'occasion de faire valoir ses droits, s'il apparaît alors que l'ordonnance ou le jugement ex parte n'aurait pas être rendu,
a) pour annuler l'ordonnance ou le jugement ex parte à compter du jour elle rend cette ordonnance et
b) pour rendre toute ordonnance corrélative qu'elle juge nécessaire pour remettre la partie lésée dans l'état elle aurait été si l'ordon- nance ou le jugement ex parte n'avait pas été rendu. °
Il s'ensuit, selon moi, dans un tel cas, que la partie lésée a le droit de se voir accorder l'annulation de l'ordonnance ex parte et que l'appelante, en tant que partie lésée, aurait obtenir ce redressement en vertu du jugement qui fait l'objet du présent appel.
Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir l'appel avec les frais, d'infirmer le jugement de la Division de première instance en date du 24 février 1976, d'annuler les ordonnances de la Division de pre- mière instance prorogeant le délai en date du 22 octobre 1973 et du 30 septembre 1974 respective- ment et d'annuler la signification de la déclaration aux appelantes.
* * *
LE JUGE PRATTE y a souscrit.
* * *
LE JUGE HEALD y a souscrit.
ANNEXE
aux motifs de l'affaire
May & Baker (Canada) Ltée c. Le pétrolier à propulsion mécanique «OAK»
J'entends par ordonnance ou jugement ex parte celui la partie lésée n'a pas pu faire valoir ses droits. Quand elle révise la question, la Cour doit tenir compte
a) des nouveaux éléments de preuve présentés par cette partie ou
b) des observations présentées par celle-ci ou par les deux parties.
COUR DE L'ÉCHIQUIER
—EN AMIRAUTÉ—
410
Grace Kennedy & Company Limited (Demande- resse)
c.
Canada Jamaica Line, Canada West Indies Ship ping Company Limited A/S Dovrefjell et A/S
Rudolf (Défendeurs)
et
N°422
Philipp Brothers (Canada) Limited et Eduardo K. L. Earle S.A. (Demanderesses)
c.
Hamburg-Amerika Linie et Balfour Guthrie (Canada) Limited (Défenderesses)
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE PRÉSIDENT JACKETT: Des demandes ont été présentées par courrier dans ces deux affaires pour proroger le délai de signification du bref d'assigna- tion pour une période d'un an.
Dans l'affaire Grace Kennedy & Company Lim ited c. Canada Jamaica Line, le bref a été délivré le 30 décembre 1966 et, selon la mention spéciale, l'objet de l'action est l'insuffisance et la détériora- tion d'une cargaison sur un navire qui est arrivé à Kingston, en Jamaique, le 30 décembre 1965.
Dans l'affaire Philipp Brothers (Canada) Lim ited, le bref a été délivré le 23 janvier 1967 et, selon la mention spéciale, l'action porte sur la perte et la détérioration d'une cargaison sur un navire qui est arrivé à Bilbao, en Espagne, le 7 décembre 1965.
Dans chaque cas, le bref porte une note dont voici un extrait: [TRADUCTION] «Ce bref peut être signifié au plus tard dans les douze mois de la date qu'il porte, à l'exclusion du jour anniversaire de
cette date».
La requête précise dans chaque cas que la demande est présentée en vertu de la Règle 17 des
Règles de l'amirauté, dont voici un extrait:
[TRADUCTION] 17. (1) Un bref d'assignation, dans une action in rem ou dans une action in personam, peut être signifié dans les 12 mois de la date qu'il porte.
(2) Lorsque, pour une raison suffisante, un bref n'a pas été signifié à un défendeur dans le délai imparti pour sa significa tion, la Cour peut par ordonnance rendue soit avant soit après l'expiration de ce délai, proroger une ou plusieurs fois le délai de signification d'une période ne dépassant pas 12 mois chaque fois, chacune des prorogations étant calculée à partir de la date de l'ordonnance.
Dans l'action de Grace Kennedy & Company Limited, la requête est ainsi libellée:
[TRADUCTION] ATTENDU QUE la demanderesse a intenté une action contre les défendeurs dans cette honorable cour sous le numéro 410 au moyen d'un bref d'assignation in personam délivré le 30 décembre 1966.
ATTENDU QUE la demande de la demanderesse est présente- ment l'objet de négociations avec les défenderesses Canada Jamaica Line et Canada West Indies Shipping Company Lim ited et qu'il est possible de conclure une transaction.
ATTENDU QUE, vu les négociations présentement en cours, la signification du bref d'assignation aux défendeurs A/S DOVREF- JELI, et A/S RUDOLF a été retardée.
ATTENDU QU'il est justifié et dans l'intérêt de toutes les parties de proroger le délai de signification du bref d'assigna- tion pour une autre période d'un an jusqu'au 30 décembre 1968 inclus, afin de permettre aux parties de conclure une transaction.
ATTENDU QUE la demanderesse subira un préjudice si la présente requête n'est pas accueillie.
La demanderesse demande la prorogation du délai de signifi cation du bref d'assignation jusqu'au 30 janvier 1968 inclus ou jusqu'à toute autre date que cette honorable cour jugera appro- priée, avec les frais à suivre l'issue de la cause.
La requête est appuyée par la déclaration sous serment faite par Bruce Cleven:
[TRADUCTION] Je, soussigné, Bruce Cleven, avocat, résidant et domicilié au 223 Lazard Avenue, Ville de Mont-Royal, district de Montréal, déclare sous serment:
1. QUE je suis l'un des procureurs des demandeurs.
2. QUE les faits énoncés dans la requête ci-dessus sont vrais.
Dans l'action de Philipp Brothers (Canada) Limited, la requête est libellée exactement comme celle de l'affaire Grace Kennedy & Company Limited, excepté quelques différences de détails, et elle est appuyée par un affidavit de Bruce Cleven portant la même date et énoncé dans les mêmes termes que celui de l'affaire Grace Kennedy & Company Limited.
En fait, la requête dit, dans chaque cas, que puisque des négociations sont en cours avec un ou plusieurs défendeurs, la signification du bref à l'autre défendeur ou aux autres défendeurs a été
retardée et que les demanderesses subiront un préjudice s'il n'est pas accordé une prorogation du délai de signification.
Selon la prétention énoncée dans la requête, il est «justifié» et «dans l'intérêt de toutes les parties» de proroger le délai de signification du bref d'assi- gnation pour une autre année «afin de permettre aux parties de conclure une transaction».
Il s'agit pour moi de décider si ces requêtes énoncent «une raison suffisante» pour expliquer l'absence de signification des brefs aux défendeurs dans le délai imparti au sens de la Règle 17(2) des Règles de l'amirauté de la présente cour.
J'ai déjà, par le passé, rejeté une requête fondée essentiellement sur les mêmes motifs. Lorsque, selon l'esprit de la loi, une action doit être intentée dans un délai précis après la naissance de la cause d'action qui la provoque et que l'acte introductif d'instance doit être signifié au défendeur (ou aux défendeurs) en l'espèce dans un délai précis après l'introduction de l'action, il ne me semble pas que le fait de démontrer que le demandeur a entrepris des négociations en vue d'une transaction avec un autre défendeur constitue une «raison suffisante» de ne pas signifier le bref à un défendeur. Chaque défendeur, à mon sens, a droit à la protection de la loi. Si l'on considérait cette raison comme une «raison suffisante», elle aurait pour effet de contre- carrer l'objet manifeste des lois de prescription.
En l'espèce, il faut remarquer que les demandes de prorogation des délais de signification sont pré- sentées après l'expiration des délais de significa tion.
Depuis l'époque j'avais tranché cette question susmentionnée, le même problème s'est posé à la Cour d'appel en Angleterre dans l'affaire Osborne c. Distillers Company Ltd. et la Cour d'appel l'a tranché dans un jugement publié dans les recueils de jurisprudence du journal London Times, le 18 novembre 1967. Voici un extrait de l'affaire publiée:
[TRADUCTION] Il était désormais clair qu'une action relative à la thalidomide avait été intentée par une autre personne en 1962. Alors, le bref aurait être délivré, signifié et puis faire l'objet de négociations en vue de le reporter en attendant la décision sur l'action antérieure.
Le procureur a délivré le bref le 28 mai 1965, dans le délai de trois ans, contre les trois défendeurs. D'après les dépositions entendues par la Cour, la véritable défenderesse était Distillers Co. (Biochemicals) Ltd. La responsabilité du médecin n'a presque pas été mise en cause.
Le bref demandait des dommages-intérêts pour négligence, manquement à un devoir et autres causes semblables, mais il ne précisait pas quand le préjudice a été causé. Et il n'a pas été signifié.
Les règles accordaient un délai de 12 mois pour signifier un bref aux défendeurs. Mais quand la Statute of Limitations était en vigueur, on avait coutume de ne pas le proroger au-delà de 12 mois à moins de raison valable, par exemple, si le défendeur éludait la signification.
En l'espèce, le procureur n'a pas signifié le bref dans les 12 mois. Il a plutôt demandé ex parte au greffier du district de le renouveler en déclarant, dans un affidavit, «Il y a une affaire pendante appelée à faire jurisprudence ... relative à une demande analogue et, afin d'éviter des frais inutiles, les deman- deurs m'ont donné mandat de ne pas prendre d'autres mesures jusqu'à ce que la Cour ait ... statué sur l'affaire appelée à faire jurisprudence.»
Il n'avait pas lire l'affaire Battersby c. Anglo-American Oil Co. Ltd. ([1945] 1 K.B. 23, à la p. 32) on a dit qu'»ordinairement, le fait que le demandeur veuille retarder la poursuite pendant qu'une autre affaire est en instance ou attendre un fait nouveau ne constitue pas une raison valable (de renouveler un bref)».
Le juge avait raison
Le procureur n'a pas non plus, dans l'affidavit, mentionné la date de la naissance de la cause d'action ni l'expiration du délai de prescription. Le greffier a renouvelé le bref pour 12 mois et ce dernier a été signifié le 2 mai 1967.
Distillers Company était alors mise au courant de la demande pour la première fois. Elle a déposé un acte de comparution conditionnelle et elle a demandé l'annulation du renouvellement parce que l'on n'avait pas démontré l'existence d'une raison valable. Le maître Jacob ne l'a pas annulé, mais le juge Chapman l'a annulé en appel.
L'action avait donc avorté. Sa Seigneurie était convaincue que le juge avait raison. La compagnie aurait être avisée de la demande dès le début et quand le procureur a reçu l'attesta- tion d'aide judiciaire, il aurait non seulement délivrer le bref mais encore signifier celui-ci, préciser la date de naissance du bébé et, lors de sa demande de renouvellement, attirer l'atten- tion sur les dates et sur l'application de la Loi.
Si le greffier avait été avisé, il aurait probablement refusé la prorogation. Le demandeur ayant laissé s'écouler le délai, le renouvellement du bref a causé un préjudice aux défendeurs en permettant d'intenter une action contre eux au moment où, pour ainsi dire, ils avaient arrêté leurs comptes. La Cour avait appris qu'environ 70 brefs avaient été délivrés contre les com- pagnies et que des négociations étaient en cours pour conclure des transactions et que les défendeurs ou leurs assureurs vou-
laient connaître le montant des demandes parce que ce facteur pouvait influer beaucoup sur les négociations. Ils avaient le droit de savoir à quoi ils devaient faire face. Il leur aurait été préjudiciable d'autoriser le renouvellement du bref à moins qu'on n'eût établi l'existence d'une raison valable. On n'a pas démontré l'existence d'une raison valable en l'espèce.
L'affaire est régie par le principe général selon lequel on ne doit pas renouveler un bref de manière à priver le défendeur de la protection de la loi, sauf pour une raison valable.
Je n'ai pas été informé qu'une loi de prescription était applicable en l'espèce.
La décision de la Cour d'appel dans l'affaire Osborne c. Distillers Company Limited confirme mon avis, à savoir qu'ordinairement, le fait que le «demandeur veuille retarder la poursuite pendant qu'une autre affaire est en instance ou attendre un fait nouveau« ne constitue pas une raison valable de proroger le délai de signification d'un bref.
A moins que, dans les dix jours de la date des présents motifs, les demanderesses ne demandent à présenter des prétentions contraires, la demande sera rejetée avec dépens.
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