T-975-79
James Vincent Doucette (Demandeur)
c.
Le ministre des Transports (Défendeur)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Halifax, le 22 mars; Ottawa, le 27 mars 1979.
Brefs de prérogative — Demande de prohibition — Rela
tions du travail — Le travail du demandeur consistait à
conduire des véhicules sur l'aire de trafic d'un aéroport pour le
compte d'un entrepreneur en entretien des aéronefs — Le
Règlement sur la circulation aux aéroports assujettit la con-
duite d'un véhicule à moteur sur un aéroport à. la possession
d'un permis provincial nécessaire — Se fondant sur l'interpré-
tation faite du Règlement par un fonctionnaire du défendeur,
l'employeur a renvoyé le demandeur après que le permis de
conduire de celui-ci eut été suspendu — Bien que cette inter-
prétation du Règlement soit erronée, la Cour ne peut ordonner
ni la prohibition ni la réintégration attendu que l'employeur
n'est pas un «office, une commission ou ... autre tribunal» —
Motor Vehicle Act, S.R.N.-É. 1967, c. 191, art. It), 10(1),
57(1) — Règlement sur la circulation aux aéroports,
DORS/74-469, art. 2, 5(1),(2), 6(1),(2) — Règles 319, 400, 603
de la Cour fédérale.
REQUÊTE.
AVOCATS:
G. Michael Owen pour le demandeur.
M. C. Ward pour le défendeur.
PROCUREURS:
Fitzgerald & Company, Halifax, pour le
demandeur.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY: La question en litige est la
suivante: le demandeur doit-il être titulaire d'un
permis de conduire valide émis par la province de
la Nouvelle-Écosse pour conduire un véhicule à
moteur sur l'aire de trafic de l'Aéroport internatio
nal de Halifax? Suivant le consentement des par
ties, l'intitulé de la cause a été amendé à l'audience
pour être formulé de la manière précitée. Le
demandeur sollicite aux termes de la présente
demande engagée par voie d'avis introductif de
requête, une ordonnance de la nature d'un bref de
prohibition et d'un jugement déclaratoire. La
Règle 603 prévoit que les procédures visant l'ob-
tention d'un jugement déclaratoire sont engagées
sous forme d'une action en vertu de la Règle 400
et non sous forme d'une demande faite en vertu
des Règles 319 et suivantes. Ainsi donc, seule la
demande visant l'obtention d'un bref de prohibi
tion a été retenue.
Le demandeur était au service d'un entrepreneur
chargé d'entretenir les aéronefs sur l'aire de trafic
de l'Aéroport international de Halifax. Son travail
consistait à conduire, sur cette aire, les véhicules
de son employeur. Son permis de conduire a été
suspendu. Un fonctionnaire du ministère des
Transports travaillant à l'aéroport a exprimé l'opi-
nion, en réponse à une demande de renseignements
de l'employeur du demandeur, que ce dernier ne
pouvait plus légalement conduire ces véhicules sur
l'aire de trafic. Son emploi a pris fin.
Le Règlement sur la circulation aux aéroports'
prévoit ce qui suit:
2. Dans le présent règlement,
«aire de trafic» désigne la partie d'un aéroport autre que l'aire
de manoeuvre, destinée à l'embarquement et au débarque-
ment des voyageurs, au chargement et au déchargement du
fret, au ravitaillement en carburant, à l'entretien courant et
technique et au stationnement des aéronefs ainsi qu'aux
mouvements des aéronefs, des véhicules et des piétons devant
permettre l'exécution de ces fonctions;
5. (1) Il est interdit de conduire un véhicule à moteur sur un
aéroport à moins
a) d'être titulaire de toutes les licences et de tous les permis
que les lois de la province et les règlements de la municipalité
où est situé l'aéroport obligent à posséder pour la conduite de
ce véhicule à moteur dans cette province et cette municipa-
lité; et
b) que le véhicule à moteur ne soit immatriculé et équipé
conformément aux lois de la province et aux règlements de la
municipalité où est situé l'aéroport.
(2) Aux fins du présent règlement, un certificat provincial
d'immatriculation de véhicule à moteur crée une présomption
jusqu'à preuve du contraire du droit de propriété du véhicule à
moteur.
6. (1) II est interdit de conduire un véhicule à moteur sur un
aéroport, si ce n'est conformément aux lois de la province et
aux règlements de la municipalité où l'aéroport est situé.
(2) Dans la présente partie, l'expression «lois de la province
et règlements de la municipalité» ne comprend pas les lois ou
règlements incompatibles avec les dispositions de la Loi relative
à la circulation sur les terrains du gouvernement ou du présent
règlement.
' DORS/74-469.
Les dispositions pertinentes de la Motor Vehicle
Acte sont les suivantes:
[TRADUCTION] 1 Dans la présente loi,
t) «grande route» désigne une route, une rue, une voie, un
chemin, une ruelle, un parc, une plage ou une place à l'usage
du public et comprend les ponts qui s'y trouvent;
10 (1) Le propriétaire d'un véhicule à moteur, d'une remor-
que ou d'une semi-remorque doit les faire immatriculer par le
Ministère avant de s'en servir sur une grande route de la
Nouvelle-Écosse ...
57 (1) Sauf les personnes visées aux articles 59 et 62 et au
paragraphe 67(6), nul ne doit conduire un véhicule à moteur
sur une grande route de la province sans avoir obtenu du
Ministère, sur demande présentée à cet effet, un permis à titre
de conducteur ou de chauffeur, conformément à la présente loi.
La jurisprudence de la Nouvelle-Écosse applica
ble à l'espèce a fait l'objet d'une étude approfondie
menée par le juge O'Hearn de la Cour de comté
dans R. c. Maclean. 3 Selon cette jurisprudence,
l'expression «à l'usage du public» de l'alinéa 1 t)
s'applique à tout ce qui y est énuméré. La preuve
quant aux circonstances dans lesquelles il est
permis d'entrer sur l'aire de trafic est détaillée.
L'aire de trafic de l'Aéroport international de
Halifax n'est pas un lieu public. Il ne s'agit pas
d'une grande route au sens de la loi provinciale.
Les véhicules utilisés par l'ancien employeur du
demandeur sur l'aire de trafic n'ont pas, selon
l'alinéa 5(1)b) du Règlement sur la circulation
aux aéroports, à être immatriculés conformément
au paragraphe 10(1) de la Motor Vehicle Act; de
fait, ils ne le sont pas. De même, l'alinéa 5(1)a) du
Règlement n'oblige pas une personne qui conduit
un véhicule sur l'aire de trafic à être titulaire d'un
permis conformément au paragraphe 57(1) de la
Loi. L'opinion communiquée par le mandataire du
défendeur à l'ancien employeur du demandeur sur
la signification du Règlement était erronée. Le
demandeur n'aurait pas dû, pour ce motif, perdre
son emploi.
Cela dit, le redressement sollicité n'est pas
approprié et, de ce fait, ne peut être accordé. Le
défendeur n'a pas pris et ne projette pas de prendre
une décision quant au droit du demandeur de
poursuivre son travail. Cette décision a été prise
2 S.R.N.-É. 1967, c. 191, dans sa forme modifiée.
(1974) 17 C.C.C. (2e) 84, aux pages 94 et suiv.
par son ancien employeur qui n'est pas un «office,
une commission ou ... autre tribunal» assujetti au
pouvoir de surveillance de cette cour, comme le
prévoit l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale 4 .
Selon la preuve établie devant moi, il ressort que
cette décision est entièrement fondée sur une hypo-
thèse fausse, savoir que le demandeur devait être
titulaire d'un permis de conduire valide émis parla
province de la Nouvelle-Écosse pour continuer à
travailler. J'ose espérer que la présente décision
justifiera, aux yeux de l'ancien employeur du
demandeur, la réintégration de ce dernier dans ses
fonctions; je ne peux; toutefois, rendre une ordon-
nance à cet effet.
La demande est rejetée sans frais, vu les
circonstances.
JUGEMENT
La demande est rejetée sans frais.
4 S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10.
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