Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1920-76
La Reine (Demanderesse) c.
Eastern Provincial Airways (1963) Limited (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Cattanach— Ottawa, les 8 et 22 février 1978.
Accise Taxe de vente fédérale Remise de taxe Achat d'un aéronef commercial Sur un total de cinq aéronefs, quatre sont exclusivement affectés au service natio nal et le cinquième, surtout affecté aux vols internationaux Litige portant sur les chiffres à substituer aux lettres figurant au dénominateur de la formule de calcul de la remise de la taxe de vente Méthode correcte de calcul de la remise de la taxe de vente Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés), DORS/70-87, art. 2, 3.
La demanderesse cherche à recouvrer de la défenderesse la taxe de vente frappant le prix d'achat d'un aéronef. Par appli cation du Décret de remise à l'égard des aéronefs (Service combiné international et national) la défenderesse a droit à une remise sur la taxe de vente qu'elle doit payer. Des cinq aéronefs appartenant à la défenderesse, quatre sont exclusivement utili- sés pour le service national et le cinquième, surtout pour le service international. Le litige porte sur le montant de la remise de la taxe de vente qu'elle doit payer. La formule propre au calcul de cette remise est:
Tonnes-milles disponibles en service
international du matériel volant x Taxe = Remise
Tonnes-milles disponibles du de vente possible matériel volant
Les parties ne s'entendent pas sur les chiffres qui doivent prendre la place des mots «Tonnes-milles disponibles du maté riel volant» figurant au dénominateur.
Arrêt: l'action est accueillie. L'adjectif «combiné» employé dans l'expression «aéronefs ... qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national» du décret de remise modifie et qualifie «international» et «national», lesquels sont d'ailleurs reliés par la conjonction de coordination «et». La combinaison visée au décret de remise est une combinaison complète de services. Le dénominateur, exprimé en lettres, est «l'ensemble des tonnes-milles disponibles [du] matériel volant». «Tonnes-milles disponibles» désigne les «milles payants ... mul- tipliés par la capacité de la charge payante ... exprimée en tonnes», et «milles payants» désigne les milles parcourus et qui produisent un revenu. L'expression littérale du dénominateur «ensemble des tonnes-milles disponibles du matériel volant» ne fait nulle distinction entre les milles payants en service interna tional et les milles payants en service national. L'ensemble des tonnes-milles disponibles est la somme des tonnes-milles enre- gistrées en service national et en service international. Étant donné que les services combinés englobent le service internatio nal et le service national assurés par la défenderesse, il importe peu que quatre de ses aéronefs soient utilisés exclusivement pour les vols nationaux car ils ont contribué malgré tout au service combiné. La transposition en chiffres de l'expression
littérale du dénominateur a été faite par la demanderesse de façon correcte, de même que son calcul de la remise à accorder à la défenderesse.
ACTION. AVOCATS:
E. R. Sojonky et J. P. Malette pour la demanderesse.
J. M. Coyne, c.r. et K. L. W. Boland pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour la défende- resse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE CATTANACH: Par cette action, la demanderesse cherche à recouvrer de la défende- resse la taxe de vente (moins la remise applicable) frappant l'aéronef Boeing 737, immatriculation canadienne CF-EPU, que celle-ci a acheté en octo- bre 1973 au prix de 5,362,248 dollars des États- Unis ou 5,331,683.19 dollars du Canada. Calculée sur le prix de vente, cette taxe s'établit à $639,- 801.98, soit la somme de la quotité de 9 p. 100 prévue par l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, et de la quotité de 3 p. 100 prévue par l'article 24 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, S.R.C. 1970, c. O-6, la quotité totale étant donc de 12 p. 100.
La défenderesse ne conteste pas que l'achat de cet aéronef ne soit assujetti à la taxe prévue par la Loi sur la taxe d'accise ou que la taxe de vente due ne soit correctement établie à $639,801.98.
Par application du Décret de remise à l'égard des aéronefs (Service combiné international et national), DORS/70-87 modifié par DORS/ 71-50, la défenderesse a droit à une remise sur la taxe de vente qu'elle doit payer.
Le litige porte sur le montant de cette remise et plus particulièrement sur la méthode propre à établir ce montant.
D'après la formule appliquée par la demande- resse, la remise s'établit à $13,469.35.
A titre de remède indiqué dans son acte intro- ductif d'instance, la demanderesse réclame le paie- ment de la somme de $587,769.63 et de l'amende prévue à l'article 50(4) de la Loi sur la taxe d'accise, à savoir deux tiers pour cent du montant en souffrance à l'égard de chaque mois ou fraction de mois pendant lequel le défaut de paiement se continue. L'article 50(4) est une disposition impérative.
Pour arriver au chiffre de $587,769.63 que la demanderesse réclame à la défenderesse, elle a pris pour point de départ le montant de la taxe de vente payable par la défenderesse et dont les deux par ties conviennent qu'il s'établit à $639,801.98.
De ce montant de $639,801.98, la demanderesse a déduit la somme de $13,469.35 laquelle, d'après ses calculs, représente la remise qui pourrait être accordée à la défenderesse, ce qui donne un solde débiteur de $626,332.63.
De ce solde débiteur de $626,332.63, la deman- deresse a encore déduit la somme de $38,563 que la défenderesse lui avait versée à titre de taxe de vente, déduction faite de la remise que cette der- nière, selon ses propres calculs, avait fixée à $601,- 238.98. C'est la différence entre $626,332.63 et $38,563, à savoir $587,769.63, que la demande- resse cherche à recouvrer de la défenderesse.
De son côté, la défenderesse convient que la taxe de vente s'élève à $639,801.98 mais fixe, d'après ses calculs, la remise applicable à $601,238.98, ce qui produit un solde débiteur de $38,563 qu'elle a réglé à la demanderesse.
Telle est la conclusion de la défenderesse dans son mémoire de défense. En conséquence, elle conclut au rejet des prétentions de la demande- resse, dont l'imposition de l'amende, au motif qu'il ne saurait y avoir d'amende sans défaut de paiement.
Ainsi qu'il est indiqué au début des présents motifs, le litige porte donc sur le montant de la remise auquel a droit la défenderesse.
La demanderesse et la défenderesse ont adopté chacune sa propre formule de calcul de la remise et sont arrivées, de ce fait, à' des résultats fort divergents. Selon les calculs de la défenderesse, cette remise s'établit à $601,238.98 alors que la demanderesse la fixe à $13,469.35.
Pour savoir laquelle des deux différentes formu- les est celle qui convient, il faut considérer la formulation du décret de remise tel qu'il s'applique aux faits de la cause, dont les deux parties sont convenues.
Avant le procès, les deux parties sont convenues de l'exposé des faits suivant:
[TRADUCTION] EXPOSE CONVENU DES FAITS
1. La défenderesse, Eastern Provincial Airways (1963) Limited est une compagnie constituée sous le régime des lois de la province de Terre-Neuve et ayant son siège en la ville de Gander, dans la même province.
2. La défenderesse a importé au Canada cinq aéronefs Boeing 737 aux dates suivantes:
i) Immatriculation canadienne CF-EPL, le 27 novembre 1969
ii) Immatriculation canadienne CF-EPR, le 11 décembre 1969
iii) Immatriculation canadienne CF-EPO, le 18 juillet 1970
iv) Immatriculation canadienne CF-EPP, le 19 mars 1973 y) Immatriculation canadienne CF-EPU, le 29 octobre 1973
3. Eastern Provincial Airways (1963) Limited a acheté l'appa- reil CF-EPU au prix de 5,362,248.00 dollars des Etats-Unis (soit 5,331,683.19 dollars canadiens).
4. La taxe de vente exigible sur le prix de l'appareil CF-EPU est prévue par l'article 27 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, c. E-13, modifié par l'article 24 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, S.R.C. 1970, c. O-6, remaniée. Le montant de la taxe exigible s'élève à $639,801.98. Ce montant ne vaut pas en cas d'application des dispositions du Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés), C.P. 1970-356 modi- fié par C.P. 1971-142.
5. En cas d'application des dispositions du Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés), la taxe de vente exigible s'élève à $38,563.00 et ce montant a été réglé par la défenderesse.
6. En 1973 les seuls aéronefs possédés ou loués par la défende- resse et ayant un poids brut autorisé au décollage de 64,500 livres au moins, selon les normes de la Commission canadienne des transports, étaient les appareils CF-EPL, CF-EPR, CF-EPO, CF-EPP et CF-EPU.
7. Utilisé en service international, un aéronef Boeing 737 a une charge utile de 16 tonnes et demie. Cette charge utile est de 11 tonnes lorsqu'il s'agit de service national.
8. En 1973 la défenderesse détenait divers permis accordés par la Commission canadienne des transports pour le transport
aérien public, dont un service aérien à horaire fixe entre divers points au Canada et un service international d'affrètement.
9. Les milles payants parcourus par les cinq aéronefs Boeing 737 visés au paragraphe 2 des présentes sont comme suit, pour le service international et pour le service national:
NATIONAL INTERNATIONAL
EPO 1,004,880
EPL 1,014,939
EPR 970,140
EPP 81,553
EPti 2,827 44,076
3,074,339 44,076
Les dispositions applicables du décret de remise sont les paragraphes (1) et (2) de son article 3 que voici:
3. (1) Sous réserve de la présente Partie et du paragraphe 15(3), remise est accordée à un importateur d'une partie, définie en conformité du paragraphe (2), de la taxe de vente exigible en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et de la Loi sur la sécurité de la vieillesse à l'égard
a) des aéronefs admissibles, et
b) des moteurs conçus pour propulser les aéronefs admissi- bles
qui sont importés par lui à partir du 1°f janvier 1970, pour être utilisés dans un service combiné international et national.
(2) La partie de la taxe de vente mentionnée au paragraphe (1) consiste en un pourcentage de la taxe de vente égal au pourcentage d'utilisation internationale du matériel volant de l'importateur pendant l'année d'importation.
A l'article 2 du décret de remise, qui est l'article d'interprétation, figurent les définitions pertinentes suivantes:
[1] «tonnes-milles disponibles» s'entend des milles payants par- courus par un aéronef multipliés par la capacité de la charge payante de cet aéronef exprimée en tonnes;
[2] «transporteur admissible» s'entend d'un transporteur aérien ordinaire constitué en société sous l'autorité des lois du Canada ou d'une province et muni d'une licence délivrée par la Com mission canadienne des transports l'autorisant à assurer un service international au public;
[3] «matériel volant» désigne sauf à la Partie III, les aéronefs admissibles appartenant à un transporteur admissible ou loués par lui, et qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national;
[4] «vol international» s'entend de tout vol autre qu'un vol en provenance et à destination du Canada.
[5] «pourcentage d'utilisation internationale» s'entend du pour- centage que représentent les tonnes-milles disponibles d'un matériel volant qui effectue des vols internationaux par rapport à l'ensemble des tonnes-milles disponibles dudit matériel volant au cours d'une année;
[6] «aéronef admissible» s'entend d'un aéronef dont le poids brut autorisé au décollage, prescrit par la Commission cana- dienne des transports, est d'au moins 64,500 livres; [et]
[7] «milles payants» s'entend des milles parcourus par un aéronef, à l'égard desquels une rémunération est reçue pour le transport des passagers ou de la cargaison par le transporteur exploitant l'aéronef; .. .
Aux termes de l'article 3(1) du décret de remise, remise est accordée à un importateur d'une partie, définie en conformité du paragraphe (2), de la taxe de vente exigible â l'égard d'aéronefs admissi- bles importés à partir du ler janvier 1970 pour être utilisés dans un service combiné international et national.
L'aéronef CF-EPU, pour lequel une remise est réclamée, est un «aéronef admissible» au sens de la définition ci-dessus et il a été importé après le ler janvier 1970.
De même, la défenderesse est un «transporteur admissible» conformément à la définition de ce terme.
Par application du paragraphe (2) de l'article 3 du décret de remise, la partie de la taxe dont la remise est prévue au paragraphe (1) consiste en «un pourcentage de la taxe de vente égal au pour- centage d'utilisation internationale du matériel volant de l'importateur pendant l'année d'importa- tion». L'année en cause est l'année 1973.
Aussi bien la fraction propre â déterminer la partie de la taxe de vente faisant l'objet d'une remise est-elle le «pourcentage d'utilisation inter- nationale».
Le «pourcentage d'utilisation internationale» se définit comme le «pourcentage que représentent les tonnes-milles disponibles d'un matériel volant qui effectue des vols internationaux par rapport à l'en- semble des tonnes-milles disponibles dudit matériel volant au cours d'une année», cette année étant, ici encore, l'année 1973.
La définition de «tonnes-milles disponibles» a été citée ci-dessus, ainsi que celle de «vol internatio nal».
Au paragraphe 7 de l'exposé convenu des faits, les deux parties conviennent que la charge utile d'un Boeing 737 est de 16 tonnes et demie en service international, et de 11 tonnes en service national. Ce détail est essentiel au calcul des «ton-
nes-milles disponibles».
De même, il est indispensable de connaître le nombre de «milles payants» parcourus, détail qui figure au paragraphe 9 de l'exposé convenu des faits.
La défenderesse possédait et exploitait cinq «aéronefs admissibles», c'est-à-dire des aéronefs dont le poids brut autorisé au décollage est d'au moins 64,500 livres, tous les cinq étant des Boeing 737.
En 1973 la défenderesse utilisait quatre de ces aéronefs exclusivement pour le service national, l'appareil CF-EPU étant seul utilisé pour les vols internationaux.
Les milles payants parcourus en 1973 par les cinq aéronefs Boeing 737 sont indiqués, séparé- ment pour le service international et pour le service national, au paragraphe 9 de l'exposé convenu des faits.
L'appareil CF-EPU est le seul à assurer des vols internationaux. Il a parcouru 44,076 milles payants en service international et 2,827 milles payants en service national.
Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les quatre autres aéronefs n'assuraient que le service national et, compte tenu des 2,827 milles payants parcourus par l'appareil CF-EPU en service national, le total des milles payants parcourus en service national s'élève à 3,074,339 en 1973.
Je reviens maintenant à la fraction servant au calcul du pourcentage susceptible de remise ainsi que le prévoit l'article 3(2) du décret de remise.
Dans le langage courant, «remise» signifie renon- ciation à tout ou partie d'une dette, d'une taxe, d'une amende ou d'une somme du même genre. Il s'ensuit que si la remise portait sur une somme supérieure au montant de la taxe, on ne saurait plus parler de remise. Il n'y a remise que jusqu'à concurrence du montant de la taxe. Au-delà, on doit parler de subvention.
Aux termes de l'article 3(2) du décret de remise, la remise ne peut porter que sur une «partie» de la taxe de vente.
Bien que ce point ne soit pas en cause, il est entendu que la «totalité» de la taxe ne saurait être remise parce que seule une «partie» peut l'être, et une partie n'est qu'un élément de la totalité et non pas cette totalité elle-même.
Il s'ensuit que la partie visée à l'article 3 du décret de remise doit être une fraction ordinaire, avec un numérateur au-dessus de la barre de frac tion et un dénominateur au-dessous, et que cette fraction ordinaire doit être une fraction propre- ment dite, le numérateur est plus petit que le dénominateur. Le numérateur ne peut pas être plus grand que le dénominateur: autrement on serait en présence d'une expression fractionnaire. Il ne pourrait pas être égal non plus au dénomina- teur: on serait alors en présence d'une unité.
Il est manifeste que plus la fraction proprement dite approche de l'unité, plus grande sera la remise et qu'à l'inverse, plus la fraction proprement dite diverge de l'unité, plus petite sera la remise.
L'expression littérale, plutôt que numérique, de la fraction prévue à l'article 3 du décret de remise, se présente de la façon suivante:
Tonnes-milles disponibles en service international du matériel volant Tonnes-milles disponibles du matériel volant
et la formule propre au calcul de la remise comme suit:
Tonnes-milles disponibles en service
international du matériel volant X Taxe = Remise
Tonnes-milles disponibles du de vente possible matériel volant
Les parties conviennent que cette expression littérale représente la formule correcte. Les diffi- cultés surgissent lorsqu'il s'agit de substituer les chiffres aux lettres.
Les deux parties ne se querellent pas sur le chiffre à substituer au numérateur ni sur celui à attribuer au multiplicateur, c'est-à-dire la taxe de vente.
C'est au sujet du dénominateur, c'est-à-dire les «tonnes-milles disponibles du matériel volant», qu'elles divergent sur le chiffre qui doit prendre la place de ces lettres.
Cette divergence ressort le mieux lorsqu'on substitue les chiffres applicables aux lettres figu- rant dans les deux formules qui diffèrent quant au dénominateur.
Voici la formule appliquée par la demanderesse:
44,076X 161/2 X $639,801.98 = $13,469.35
(44,076 X 16 1 / 2 ) + (3,074,339 X 11)
Au numérateur, le chiffre 44,076 représente le nombre de milles parcourus en service internatio nal, à multiplier par 16 1 / 2 dont les parties convien- nent qu'il représente la capacité de la charge payante lors de vols internationaux.
Le multiplicateur est $639,801.98, soit le mon- tant de la taxe de vente sur lequel les deux parties sont tombées d'accord.
Au dénominateur, la demanderesse a calculé le total des tonnes-milles du matériel volant en addi- tionnant le produit des 44,076 milles parcourus en service international et de 16 tonnes et demie, et le produit des 3,074,339 milles payants parcourus en service national par le matériel volant et de 11 tonnes, soit la capacité de la charge payante en service national. La somme de ces deux produits constitue pour la demanderesse le dénominateur de la fraction utilisée dans sa formule.
Le calcul effectué avec cette formule donne $13,469.35 comme remise possible.
La formule adoptée par la défenderesse est sen- siblement la même, sauf pour ce qui est du déno- minateur et du montant final de la remise.
Voici, exprimée en chiffres, la formule de la défenderesse:
44,076 X 161/2 X $639,801.98 = $601,238.98 (44,076 x 16 1 / 2 ) + (2,827 X I 1)
Aux fins du dénominateur, la défenderesse uti lise d'une part, le produit des milles parcourus en service international par l'appareil CF-EPU et de la charge de capacité payante en service interna tional en tonnes et, d'autre part, le produit des milles parcourus en service national par l'appareil CF-EPU et de la charge de la capacité payante en service national en tonnes. La somme de ces deux produits constitue le dénominateur.
Après calculs, cette formule donne $601,238.98 comme remise possible.
En substituant les chiffres aux expressions litté- rales du dénominateur qui, à mon avis, représen- tent aux termes de la définition «l'ensemble des tonnes-milles disponibles (d'un) matériel volant au cours d'une année», «tonnes-milles disponibles» s'entendant des milles payants parcourus par un aéronef multiplié par la capacité de la charge payante exprimée en tonnes, la demanderesse a pris en compte le total des tonnes-milles enregis- trées en service national par tous les cinq aéronefs admissibles qu'exploite la défenderesse ainsi que les tonnes-milles enregistrées en service internatio nal par l'appareil CF-EPU, le seul parmi les cinq à effectuer des vols internationaux en 1973. La demanderesse n'a fait abstraction d'aucun mille payant.
De son côté, la défenderesse écarte de son déno- minateur les tonnes-milles enregistrées en service national par les quatre autres aéronefs, et ne tient compte que des tonnes-milles enregistrées, en ser vice national et en service international, par l'ap- pareil CF-EPU.
La défenderesse fonde cette interprétation sur la définition que donne le décret de remise du terme «matériel volant»: «[tous] aéronefs admissibles .. qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national».
Des termes analogues sont repris à l'article 3(1) du décret de remise qui prévoit la remise à l'égard des aéronefs admissibles importés «pour être utili- sés dans un service combiné international et natio nal». La seule différence porte donc sur l'expres- sion «sont utilisés» figurant à la définition et l'expression «pour être utilisés» figurant dans cet article.
L'avocat de la défenderesse soutient que seul l'appareil CF-EPU a été utilisé et pour le service international et pour le service national et que, par suite, les tonnes-milles enregistrées en service international et national par cet appareil sont seules propres au calcul de l'ensemble des tonnes- milles disponibles du matériel volant en 1973.
La majeure partie des milles parcourus par l'ap- pareil CF-EPU a été enregistrée en service inter-
national, ses vols en service national ne représen- tant qu'une fraction infime des milles parcourus.
Si l'appareil CF-EPU n'avait effectué aucun vol en service national, il découlerait logiquement de l'argument de la défenderesse qu'il ne saurait y avoir de remise à l'égard de cet appareil qui n'au- rait parcouru des milles qu'en service international et qu'il n'y aurait aucune combinaison possible avec les milles parcourus en service national, qui étaient le fait exclusif des autres aéronefs admissi- bles du matériel volant ainsi que le prétend en substance la demanderesse.
En présence de ces deux thèses opposées, je suis d'avis que dans le cas d'une loi qui se prête à deux interprétations différentes par suite d'une certaine imprécision de la langue utilisée, il faut adopter l'interprétation qui est conforme à l'esprit de la loi et non pas celle qui lui fait échec. Dans cet ordre d'idées, la compréhension de la langue utilisée dans une loi exige la connaissance préalable de son objectif.
En d'autres termes, l'intention du législateur doit dépendre dans une large mesure de l'objectif particulier de la loi à interpréter, dans la mesure cet objectif peut se dégager de la langue utilisée.
Le titre du texte, tout comme son préambule, peut servir à éliminer toute ambiguïté des termes qui y figurent et à préciser l'objectif de ce texte.
En l'espèce, le titre intégral du décret de remise est Décret de remise à l'égard des aéronefs (Ser- vice combiné international et national) et son titre abrégé, Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés).
La question qui se pose est de savoir en quoi consiste la combinaison.
L'avocat de la défenderesse a attiré mon atten tion sur l'article 4 de la Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, aux termes duquel cette loi s'applique au transport par air également régi par la Loi sur l'aéronautique, S.R.C. 1970, c. A-3. Les fonctions de la Commis sion sont définies à l'article 21 de la Loi nationale sur les transports. L'article 14 de la Loi sur l'aéronautique prévoit le pouvoir d'établir des règlements établissant la classification et la forme
des permis ainsi que les modalités auxquelles ces permis sont assujettis.
L'article 16 prévoit la délivrance de permis d'ex- ploitation d'«un service aérien commercial> et l'ar- ticle 17 interdit l'exploitation sans permis d'«un service aérien commercial».
Les classes de permis d'exploitation d'«un ser vice aérien commercial» sont énumérées à l'article 3 du Règlement sur les transporteurs aériens, DORS/72-145, promulgué sous l'autorité de l'arti- cle 14 de la Loi sur l'aéronautique.
Les classes 1 à 7 ont trait à ce qu'on pourrait appeler le service national puisqu'elles visent tout le service aérien commercial «exploité entièrement au Canada». La classe 8 et les classes 9-2 9-5 ont trait à ce qu'on pourrait appeler service aérien international parce qu'elles visent un «service aérien commercial» exploité entre des points situés au Canada et des points situés dans un autre État.
L'avocat de la défenderesse a voulu établir que nul texte ne faisait état d'un «service combiné international et national» et que, cette expression n'étant employée dans aucun contexte artistique, scientifique ou technique, il y avait lieu de l'enten- dre dans son sens courant.
Je conviens que l'expression «service combiné international et national» n'est pas une expression technique et ne saurait revêtir un sens technique, de même qu'elle n'a pas trait à un sujet artistique ou scientifique et que, de ce fait, il y a lieu de l'entendre dans son acception courante.
Je sais bien qu'il ne faut pas voir dans les dictionnaires les interprètes autorisés de la signifi cation des termes utilisés dans un texte de loi. Cependant, les cours de justice ont toujours posé pour règle que si un mot doit être entendu dans son acception courante, on peut s'éclairer au moyen de dictionnaires. J'ai eu bien souvent recours aux ouvrages de ce genre.
Je reviens à l'argument de l'avocat de la défen- deresse selon lequel seul l'appareil CF-EPU a été utilisé à la fois pour le service international et pour le service national et, par suite, seuls les milles payants parcourus par cet appareil en service
international et national doivent entrer en ligne de compte pour calculer l'ensemble des tonnes-milles disponibles du matériel volant de la défenderesse en 1973. C'est dans ce sens qu'il entend l'expres- sion «utilisé pour ... [le] service combiné interna tional et national» et seul l'appareil CF-EPU justi- fie de cette qualification. Il résulte de ce raisonnement que les aéronefs faisant partie du matériel volant qui sont exclusivement utilisés pour le service national ne peuvent être rangés dans la catégorie des aéronefs utilisés pour le service combiné international et national. De même ceux qui sont utilisés exclusivement pour le service international. Seuls les aéronefs faisant partie du matériel volant qui sont utilisés à la fois pour le service international et pour le service national peuvent entrer en ligne de compte pour le calcul de «l'ensemble des tonnes-milles disponibles dudit matériel volant au cours d'une année».
De même, si l'on poussait un peu plus loin les arguments de la défenderesse, il en résulterait que si un transporteur affectait certains de ses «aéro- nefs admissibles» au sens du Décret exclusivement aux vols internationaux et certains autres aux vols nationaux, aucun de ces aéronefs ne bénéficierait d'une remise, l'argument de la défenderesse étant, à mon avis, que pour prétendre à une remise de la taxe de vente, un aéronef doit avoir assuré à la fois un service international et un service national au cours de l'année il est acheté. Cet argument se fonde sur la définition de matériel volant qui com- prend les «aéronefs ... qui sont utilisés pour assu- rer un service combiné international et national».
A l'opposé, la demanderesse soutient qu'il importe peu que certains aéronefs du matériel volant du transporteur soient utilisés exclusive- ment en service international et que le reste soit utilisé en service national, puisqu'il en résulte un «service combiné international et national» et, bien entendu, qu'un aéronef soit utilisé exclusivement en service international ou en service national, cette utilisation s'inscrit toujours dans le cadre du service combiné.
L'avocat de la demanderesse a fait valoir qu'un matériel volant ne saurait consister en un seul aéronef. Dans le langage courant, matériel volant s'entend d'un certain nombre d'aéronefs formant une unité.
Au sens de l'article 2 du décret de remise, «matériel volant» s'entend des aéronefs admissibles (ce qui s'applique à tous les cinq Boeing 737) appartenant à un transporteur admissible (c'est-à- dire un transporteur aérien ordinaire constitué en société sous l'autorité des lois du Canada ou d'une province et muni d'une licence l'autorisant à assu- rer un service international au public, ce qui est le cas de la défenderesse), la qualification essentielle étant que ces aéronefs «sont utilisés pour assurer un service combiné international et national».
Par parenthèse, si un «matériel volant» ne peut consister en un seul aéronef, il s'ensuivra qu'un transporteur qui exploite en tout et pour tout un aéronef à titre de matériel volant en service com- biné international et national ne saurait bénéficier d'une remise de la taxe de vente relative à cet aéronef unique, mais qu'un transporteur qui pos- sède deux ou plusieurs aéronefs utilisés de la même façon aurait droit à une remise de la taxe de vente sur tous ses appareils, ce qui, à mon avis, consti- tuerait une injustice flagrante et une violation de l'esprit du décret de remise qui vise à accorder une remise de la taxe de vente exigible du transporteur à l'importation d'un aéronef admissible au sens du décret de remise.
En matière d'interprétation, la règle d'or veut que l'on s'en tienne à l'acception courante des termes employés dans une loi à moins qu'une telle interprétation ne risque de donner dans l'absurde ou d'entraîner une injustice flagrante, auquel cas ces termes pourraient être modifiés, mais juste pour éviter l'absurdité ou l'injustice flagrante.
A mon avis, je ne suis pas tenu à cette règle d'or et ce, pour les raisons indiquées ci-dessous.
La solution du litige opposant les deux parties réside dans le calcul correct du contenu du déno- minateur de la fraction servant au calcul du mon- tant de la remise possible. Ce contenu est l'ensem- ble des tonnes-milles disponibles du matériel volant au cours de l'année 1973. La solution adop- tée par la défenderesse est que, par l'expression «aéronefs ... qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national», il faut entendre qu'un aéronef donné doit être utilisé pour assurer à la fois un service international et un service national, et qu'il s'agit de la combinaison visée par le texte de loi.
Le paragraphe 8 de l'exposé convenu des faits porte:
En 1973 la défenderesse détenait divers permis accordés par la Commission canadienne des transports pour le transport aérien public, dont un service aérien à horaire fixe entre divers points au Canada et un service international d'affrètement.
Il est clair que la défenderesse est un transpor- teur aérien ordinaire, muni d'une licence l'autori- sant à assurer un service aérien commercial sous le régime du Règlement sur les transporteurs aériens.
Les spécifications relatives à un service aérien commercial exploité entièrement à l'intérieur du Canada s'inscrivent effectivement dans la défini- tion de l'expression «service national» employée dans le décret de remise et celles qui ont trait à l'exploitation d'un service aérien international d'affrètement correspondent à la définition de l'ex- pression «service international» figurant dans le même décret.
Il s'ensuit que la défenderesse est autorisée, à exploiter à la fois un service national et un service international.
C'est le transporteur qui fait l'objet d'un permis, lequel ne s'applique pas à l'aéronef utilisé pour assurer de tels services, pour autant qu'un certifi- cat de navigabilité a été délivré par le ministère des Transports à son égard et que l'aéronef utilisé s'accorde avec la définition d'«aéronefs admissi- bles» figurant au décret de remise, comme c'est le cas de tous les cinq Boeing 737 appartenant en 1973 à la défenderesse.
A part ces restrictions, il appartient au transpor- teur seul de décider quel aéronef il affecte au service national, quel autre au service international ou au service combiné.
La défenderesse détient un permis l'autorisant à assurer à la fois un service national et un service international avec ses cinq aéronefs, et il lui appar- tient de décider lequel de ces derniers elle veut affecter à l'un ou l'autre des deux services ou aux deux à la fois, sans doute en fonction des nombreu- ses exigences qui s'attachent à l'exploitation d'un service aérien commercial.
A mon avis, il importe peu en l'espèce que la défenderesse ait choisi d'affecter quatre de ses
aéronefs au service national et le cinquième, l'ap- pareil CF-EPU, à un service surtout international et comportant un minimum de vols nationaux.
A mon avis, le service aérien commercial que la défenderesse est autorisée à exploiter équivaut, en raison de la variété des permis qu'elle détient, à un service aérien commercial mixte composé sans aucun doute de plusieurs classes de service natio nal ainsi que d'un service international, le tout sous la raison sociale d'un seul service aérien commer cial. C'est un service d'ensemble que la défende- resse assure et c'est dans le cadre de ce service complet que s'inscrivent le service national et le service international.
L'adjectif «combiné» employé dans l'expression «aéronefs ... qui sont utilisés pour assurer un service combiné international et national» du décret de remise modifie et qualifie «international» et «national», lesquels sont d'ailleurs reliés par la conjonction de coordination «et».
Par ailleurs, des éléments qui sont «combinés» forment une «combinaison».
Il en résulte que la combinaison de deux classes de service aérien commercial donne un service aérien commercial unique.
Le dictionnaire définit «combinaison» comme [TRADUCTION] «l'action d'assembler des choses distinctes» et comme [TRADUCTION] «l'ensemble des choses combinées en un tout».
Les deux choses que la défenderesse a combi nées sont un service aérien commercial national et un service aérien commercial international. Le résultat en est un service aérien commercial unique, bien que le service fourni par la défende- resse au public consiste en un service aérien natio nal et un service international.
Cette conclusion, à savoir tout simplement que la combinaison visée au décret de remise est une combinaison de services, est confirmée par le titre même de ce texte qui est Décret de remise à l'égard des aéronefs (Service combiné internatio nal et national) et, en abrégé: Décret de remise à l'égard des aéronefs (Services combinés).
La fraction servant au calcul de la remise de la taxe de vente est prévue à l'article 3(2) du décret
de remise en ces termes: «pourcentage de la taxe de vente égal au pourcentage d'utilisation internatio- nale du matériel volant».
Le «pourcentage d'utilisation internationale» est le «pourcentage que représentent les tonnes-milles disponibles d'un matériel volant qui effectue des vols internationaux par rapport à l'ensemble des tonnes-milles disponibles dudit matériel volant au cours d'une année».
Il en résulte que le dénominateur, exprimé en lettres, est «l'ensemble des tonnes-milles disponi- bles [du] matériel volant».
«Tonnes-milles disponibles» désigne les «milles payants ... multipliés par la capacité de la charge payante ... exprimée en tonnes».
«Milles payants» désigne les milles parcourus et qui produisent un revenu.
L'expression littérale du dénominateur «ensem- ble des tonnes-milles disponibles du matériel volant» ne fait nulle distinction entre les milles payants en service international et les milles payants en service national.
C'est pour les raisons susmentionnées que j'ai conclu que le service aérien commercial assuré par la défenderesse consiste en une combinaison de service national et de service international. Il s'en- suit donc que l'ensemble des tonnes-milles disponi- bles est la somme des tonnes-milles enregistrées en service national et en service international.
Étant donné que les services combinés englobent le service international et le service national assu- rés par la défenderesse, il importe peu que quatre de ses aéronefs soient utilisés exclusivement pour les vols nationaux car ils ont contribué malgré tout au service combiné, de même que l'appareil CF-EPU. Tous les cinq aéronefs étaient utilisés pour le service combiné.
Il en résulte, à mon avis, que la transposition en chiffres de l'expression littérale du dénominateur a été faite par la demanderesse de façon correcte, de même que son calcul de la remise à accorder à la défenderesse.
La demanderesse est ainsi en droit de recouvrer de la défenderesse la somme de $587,769.63, et l'amende prévue par l'article 50(4) de la Loi sur la
taxe d'accise et arrêtée à la date de ce jugement, ainsi que les dépens à liquider.
A mon avis, l'article 50(4) de la Loi sur la taxe d'accise impose de façon impérative une amende égale à deux tiers pour cent du montant en souf- france à l'égard de chaque mois ou fraction de mois pendant lequel le défaut de paiement se continue.
L'article 5 du décret de remise prévoyant que le paiement du reste de la taxe de vente peut être reporté jusqu'au dernier jour du mois de février de l'année suivant celle de l'importation de l'aéronef, et cette importation ayant eu lieu en octobre 1973, j'estime que l'amende court du 1 er mars 1974 et s'arrête à la date de ce jugement. Le taux d'intérêt annuel sera alors celui qui s'applique à un juge- ment et qui est inférieur au taux de l'amende.
J'aurais aimé fixer un montant spécifique pour cette amende mais je n'ai pas été saisi des conclu sions des avocats à ce sujet et, en conséquence, j'ai prononcé le jugement dans les termes figurant trois paragraphes plus haut.
Si les avocats des deux parties n'arrivent pas à tomber d'accord sur le montant de l'amende, la Cour pourra les entendre de nouveau.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.