A-81 1-77
Dryden House Sales Limited, faisant affaires sous
la dénomination sociale Ambassador -Dryden
House (Requérante)
c.
Le Tribunal antidumping (Intimé)
Cour d'appel, les juges Urie et Ryan et le juge
suppléant Kelly—Toronto, le 14 septembre;
Ottawa, le 5 octobre 1979.
Examen judiciaire — Antidumping — Demande d'examen
et d'annulation de la décision du Tribunal antidumping qui a
conclu que le dumping au Canada des marchandises en cause
avait causé, causait ou était susceptible de causer un préjudice
sensible à la production de marchandises semblables au
Canada — /1 échet d'examiner si le Tribunal a refusé d'exer-
cer sa compétence en omettant d'enquêter sur la question de
savoir si le dumping avait causé, causait ou était susceptible
de causer un préjudice sensible à la production de marchandi-
ses semblables au Canada — 11 échet d'examiner s'il a refusé
d'exercer sa compétence en omettant de se prononcer sur la
question de savoir s'il existe des marchandises semblables
produites au Canada — Loi antidumping, S.R.C. 1970, c.
A-15, art. 13, 14(1), 16(1),(3) — Loi sur la Cour fédérale,
S.R.C. 1970 (2r Supp.), c. 10, art. 28.
Demande fondée sur l'article 28 et tendant à l'examen et à
l'annulation de la décision du Tribunal antidumping qui a
conclu que le dumping au Canada d'une catégorie de marchan-
dises—sacs à main pour dames en cuir véritable et similicuir
originaires ou en provenance de Corée, de Hong Kong et de
Taïwan—avait causé, causait et était susceptible de causer un
préjudice sensible à la production de marchandises semblables
au Canada. Avant cette décision, le sous-ministre du Revenu
national, Douanes et Accise, avait fait une détermination préli-
minaire concernant cette catégorie de marchandises, signifié
l'avis de la détermination préliminaire au secrétaire de l'intimé
et communiqué au Tribunal intimé une description des mar-
chandises en cause. L'avocat de la requérante soutient que
l'intimé a refusé d'exercer sa compétence en omettant d'enquê-
ter sur la question de savoir si le dumping des marchandises en
cause avait causé, causait ou était susceptible de causer un
préjudice sensible à la production au Canada de marchandises
semblables et en omettant d'aborder la question de savoir s'il
existe des «marchandises semblables» produites au Canada.
Arrêt: la requête est rejetée. On peut conclure d'une lecture
objective des motifs de jugement de l'intimé que celui-ci, dans
l'enquête qu'il est requis par la loi de tenir, a examiné de façon
complète les prétentions de la requérante pour conclure que si
ses marchandises et leur mode de distribution étaient uniques,
elles tombaient néanmoins dans la catégorie des marchandises
définies dans la détermination préliminaire, de sorte qu'elles
étaient des «marchandises semblables» au sens de l'alinéa b) de
la définition légale du terme et qu'elles ne devaient pas être
exclues de cette catégorie. Cette conclusion est fondée sur une
preuve abondante et n'est le fruit d'aucune erreur de principe.
DEMANDE d'examen judiciaire.
AVOCATS:
P. J. Brunner et E. Kirshenbaum pour la
requérante.
J. L. Shields pour l'intimé.
PROCUREURS:
Minden, Gross, Grafstein & Greenstein,
Toronto, pour la requérante.
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE URIE: Il s'agit d'une demande présen-
tée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, visant à
faire annuler une décision rendue par l'intimé le 21
octobre 1977, et selon laquelle il a été décidé que
le dumping au Canada de sacs à main pour dames
en cuir véritable et similicuir originaires ou expor
tés de la République de Corée, de Hong Kong et
de Taiwan a causé, cause et est susceptible de
causer un préjudice sensible à la production de
marchandises semblables au Canada. Cette déci-
sion a été rendue conformément à l'article 16(3)
de la Loi antidumping, S.R.C. 1970, c. A-15,
(ci-après appelée la Loi).
Avant qu'elle ne soit rendue, le sous-ministre du
Revenu national (douanes et accise), après avoir
satisfait aux exigences de l'article 13 de la Loi et
conformément à son article 14(1), avait procédé à
une enquête concernant la détermination prélimi-
naire de dumping en ce qui concerne la catégorie
visée de marchandises, savoir les sacs à main pour
dames en cuir véritable et similicuir originaires ou
exportés de la République de Corée, de Hong
Kong et de Taïwan. Le Sous-ministre avait ensuite
ordonné qu'un avis de la détermination prélimi-
naire soit remis au secrétaire de l'intimé. Le même
jour, soit le 25 juillet 1977, le Tribunal intimé était
saisi des faits suivants:
[TRADUCTION] a) Aux fins du paragraphe 14(1) de la Loi, les
marchandises ou la sorte de marchandises auxquelles la déter-
mination préliminaire s'applique, comprennent:
Des sacs à main pour dames en cuir véritable et similicuir
originaires ou exportés de la République de Corée, de Hong
Kong et de Taiwan.
OBSERVATION:
Les sacs à main pour dames se caractérisent par des compar-
timents uniques ou multiples, des courroies ou des bandouliè-
res, et peuvent comporter des poches ou des rabats externes.
Les marchandises en cause ont des mesures, en général, qui
se situent dans une gamme de 67.5 160 pouces carrés, en
mesurant un seul côté, c'est-à-dire la longueur du dessus par
la profondeur du sac.
Les articles, comme les sacs-enveloppes ou pochettes, les sacs
d'avion et les fourre-tout; les sacs du soir; les porte-monnaie;
les étuis à cosmétiques, à appareils-photos et les sacs à toutes
fins, etc., ne sont pas compris.
Après réception des avis requis par les parties
intéressées, obtention des renseignements deman
dés et envoi des mémoires écrits, l'affaire est venue
à audience devant le Tribunal intimé le 7 septem-
bre 1977, pour ensuite être entendue à partir du 12
jusqu'au 23 septembre 1977 et ce, conformément à
l'article 16(1)' de la Loi. Les débats ont eu lieu en
public et à huis clos.
1 16. (1) Le Tribunal, dès réception par le secrétaire, en
vertu du paragraphe 14(2), d'un avis d'une détermination
préliminaire du dumping, doit, relativement aux marchandises
auxquelles s'applique la détermination préliminaire du dum
ping, faire enquête pour savoir
a) si le dumping des marchandises qui font l'objet de
l'enquête
(i) a causé, cause ou est susceptible de causer un préjudice
sensible à la production au Canada de marchandises
semblables,
(ii) a retardé ou retarde sensiblement la mise en produc
tion au Canada de marchandises semblables, ou
(iii) eût causé un préjudice sensible à la production au
Canada de marchandises semblables n'eût été le fait qu'un
droit temporaire a été appliqué aux marchandises; ou
b) dans le cas de marchandises auxquelles s'applique la
détermination préliminaire du dumping,
(i) si
(A) il y a eu une importation considérable de marchan-
dises semblables sous-évaluées, et si ce dumping a causé
un préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables, ou eût causé un préjudice
sensible à cette production n'eût été l'application de
mesures antidumping, ou
(B) l'importateur des marchandises était ou eût dû être
au courant du fait que l'exportateur pratiquait le dum
ping et que ce dumping causerait un préjudice sensible à
la production au Canada de marchandises semblables, et
(ii) si un préjudice sensible a été causé à la production au
Canada de marchandises semblables du fait que les mar-
chandises entrées constituent une importation massive ou
font partie d'une série d'importations de marchandises
sous-évaluées au Canada lorsque ces importations sont
massives dans l'ensemble et se sont produites au cours
d'une période relativement courte, et si, en vue d'empêcher
qu'un tel préjudice sensible ne se répète, l'imposition d'un
droit sur les marchandises entrées paraît nécessaire au
Tribunal.
Le Canadian Handbag Manufacturers' Council
Inc. était le plaignant. A l'instar de la requérante
(une importatrice) en l'espèce, il était représenté
par un avocat au cours de ces auditions. L'Union
internationale des ouvriers du cuir, plastique et
nouveautés ainsi que la The Canadian Handbag
Importers Association qui représentait quatorze
autres importateurs, étaient également assistées
d'un avocat. Seule la requérante en l'espèce,
Dryden House Sales Limited, cherche aujourd'hui
à faire annuler la décision du Tribunal. Au cours
de ces auditions et devant la présente Cour, elle a
fait valoir que les sacs à main qu'elle importait
étaient uniques et brevetés, de sorte que leur
importation n'avait causé, ne causait pas et n'était
pas susceptible de causer un préjudice sensible à la
production au Canada de marchandises sembla-
bles.
Au début de son argumentation, l'avocat de la
requérante a indiqué à la Cour qu'il contestait la
décision du Tribunal en se fondant uniquement sur
le fait que celui-ci avait refusé d'exercer sa compé-
tence en omettant d'enquêter sur la question de
savoir si le dumping desdites marchandises avait
causé, causait ou était susceptible de causer un
préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises semblables.
Plusieurs jugements de cette Cour traitent de
l'esprit de la Loi. Les conclusions découlant de ces
jugements peuvent se résumer ainsi:
(1) Le soin de définir, conformément à l'article
13(1) de la Loi, la catégorie de marchandises visée
par la détermination préliminaire appartient au
Sous-ministre. 2
(2) Lorsque le Tribunal arrive à la conclusion
que certaines marchandises sous-évaluées compri
ses dans la catégorie définie par le Sous-ministre
dams sa détermination préliminaire, sont des «mar-
chandises semblables» à certaines marchandises
produites au Canada, il s'agit là d'une conclusion
de fait que la présente Cour ne doit pas infirmer
sauf si elle s'avère non fondée ou tirée à partir de
l'application d'un principe erroné.'
2 Mitsui and Co. Ltd. c. Le Tribunal antidumping du
Canada [1972] C.F. 944.
3 In re Y.K.K. Zipper Co. of Canada Ltd. [1975] C.F. 68.
(3) Pour établir si les marchandises en cause
sont des «marchandises semblables», l'intimé doit
considérer toutes les caractéristiques ou qualités
des marchandises et non pas rien qu'une partie
d'entre elles. 4
(4) En vertu de l'article 16(3), l'intimé peut
rendre son ordonnance à l'égard soit de la totalité
ou d'une partie seulement des «marchandises aux-
quelles la détermination préliminaire s'applique» et
sa décision quant à toute possibilité d'exclusion est
une question de fait ou un exercice de son pouvoir
discrétionnaire qui ne peuvent être considérés
comme une question de droit visée à l'article
28(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale.'
La requérante prétend en cette Cour qu'en vertu
de l'article 16(1), l'intimé doit, dès qu'elle est
soulevée, aborder carrément la question de savoir
s'il existe des «marchandises semblables» produites
au Canada, et qu'il doit trancher cette question à
la lumière de toutes les circonstances et faits perti-
nents. Elle allègue en outre que l'intimé a, en
l'espèce, omis de trancher cette question et qu'il
aurait ainsi refusé d'exercer sa compétence.
Je suis d'avis que les motifs de la décision
rendue par l'intimé contredisent les prétentions de
la requérante. Le Tribunal s'est penché sur les
arguments mis de l'avant par le plaignant, Cana-
dian Handbag Manufacturers' Council Inc., par la
The Canadian Handbag Importers Association et
par la requérante. Au sujet des arguments invo-
qués par cette dernière, l'intimé a déclaré ce qui
suit:
La société Dryden House a souligné les caractéristiques
uniques de sa catégorie brevetée de sacs à main «Organizer»
qu'elle importe de Taiwan, et elle a soutenu que ses sacs à main
ne sont pas des «marchandises semblables» à celles qui sont
produites au Canada. Elle a aussi soutenu que ses techniques de
commercialisation ont créé un marché particulier qui ne con
currence pas directement la production canadienne ou est pré-
judiciable à celle-ci de façon importante, étant donné qu'une
forte proportion de ses ventes sont faites dans les régions
rurales éloignées qui, en grande partie, ne sont pas approvision-
4 Sarco Canada Limited c. Le Tribunal antidumping [1979]
1 C.F. 247.
5 Hetex Garn A.G. c. Le Tribunal antidumping [1978] 2
C.F. 507.
nées par les systèmes ordinaires de distribution. Elle a déclaré
en outre que plus de 44 p. cent de ses ventes sont faites à
l'extérieur des provinces de l'Ontario et du Québec qui, pour la
plupart des détaillants, représentent les principaux marchés.
Elle a affirmé également que, en raison de son modèle unique,
son sac à main «Organizer» n'est pas directement compétitif
avec le produit canadien en ce qui a trait au style.
Si ma mémoire est fidèle, l'avocat ne conteste
pas le caractère équitable de cet exposé des préten-
tions formulées par sa cliente devant le Tribunal.
Le Tribunal a ensuite procédé à l'«étude du
préjudice sensible». Il a examiné en détail la
preuve ainsi que les prétentions soumises à ce sujet
par les diverses parties. La requérante a été la
seule à soulever le fait que les marchandises
importées étaient «uniques», de sorte qu'elles diffé-
raient de celles des producteurs canadiens. Ces
marchandises auraient donc dû, selon la prétention
de la requérante, être exclues de toute conclusion
de préjudice sensible à la production au Canada de
marchandises de cette catégorie.
L'intimé a traité succinctement de cette préten-
tion dans l'avant-dernier paragraphe de ses motifs:
Dryden House a demandé au Tribunal d'exclure de toute
conclusion de préjudice sa catégorie de sacs à main «Organi-
zer», en raison du fait que ces sacs à main, ainsi que le système
de distribution utilisé pour les vendre, sont uniques. Bien que
les allégations de caractère unique des sacs à main de cette
société aient été largement corroborées, les éléments de preuve
indiquent également que les ventes de sacs à main importés de
Dryden House, pour lesquels on avait conclu à la sous-évalua-
tion, ont supplanté les ventes de sacs à main fabriqués au
Canada. D'après les éléments de preuve, le Tribunal est d'avis
que le facteur important en cause a été le prix. Dans ces
circonstances, le Tribunal ne peut accepter la demande de
Dryden House.
A mon avis, une lecture objective de cet extrait
nous amène forcément à conclure que l'intimé,
dans l'enquête que la Loi l'obligeait à tenir, a
examiné de façon complète les prétentions de la
requérante et en est venu à la conclusion que
même si les marchandises de cette dernière ainsi
que leur mode de distribution étaient uniques, elles
tombaient néanmoins dans la catégorie de mar-
chandises définies dans la détermination prélimi-
naire, de sorte qu'elles étaient des «marchandises
semblables» au sens de l'alinéa 2(1)b) de la Loi 6 et
qu'elles ne devaient donc pas être exclues de cette
catégorie. Cette conclusion est fondée sur une
preuve abondante et n'est, selon moi, le fruit d'au-
cune erreur de principe. Par conséquent, je suis
d'avis que la présente Cour ne serait pas justifiée
de modifier ces conclusions du Tribunal. La
demande est donc rejetée.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris.
6 2. (1) Dans la présente loi
«marchandises semblables», par rapport à toutes marchandi-
ses, désigne
a) des marchandises qui sont identiques à tous égards
auxdites marchandises, ou
b) en l'absence de toutes marchandises décrites au sous-
alinéa a), des marchandises dont les caractéristiques res-
semblent étroitement à celles desdites marchandises;
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.