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T-1680-77
Alftar Construction Inc. (Demanderesse)
c.
La Reine (Défenderesse)
Division de première instance, le juge Dubé—
Montréal, 11 décembre 1979; Ottawa, 18 mars 1980.
Couronne Contrats La demanderesse réclame une somme en coûts additionnels et perte de temps encourus suite à la réalisation d'un contrat de travaux publics L'ambiguïté du contrat en ce qui concerne les travaux relatifs au plafond s'interprète en faveur de la demanderesse, mais les réclama- tions exorbitantes et non prouvées sont rejetées Rejet de la réclamation de la demanderesse de coûts additionnels pour les conduits de système de téléphones qui n'étaient pas indiqués sur les dessins car selon les règles de l'art, il n'est pas nécessaire d'indiquer les détails de ce genre sur les plans en dehors des devis Rejet de la réclamation pour perte de temps et manque à gagner, lesquels ne sont pas prouvés de même que la responsabilité financière du propriétaire La somme de $5,000 accordée à la demanderesse porte intérêts calculés selon la formule prévue dans le contrat Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 35.
ACTION. AVOCATS:
R. Talbot pour la demanderesse.
J. Ouellet, c.r. pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Mercure & Côté, Laval, pour la demande- resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DUBÉ: La demanderesse («Alftar») réclame du ministère des Travaux publics la somme totale de $43,237.09 en coûts additionnels et perte de temps encourus suite à la réalisation par elle d'un contrat d'entreprise pour l'aménage- ment d'un Centre de main-d'oeuvre du Canada à l'intérieur d'un édifice fédéral à Chicoutimi, P.Q.
Le contrat suivant plans et devis au montant de $100,690 est intervenu le 30 août 1976.
Les réclamations à l'endroit de travaux addi- tionnels portent sur deux chefs différents: démoli- tion imprévue du plafond existant ($34,306.93) et installation de conduits téléphoniques non prévus ($4,851.33).
1. Démolition du plafond existant
Alftar allègue que ni les plans, ni les devis ne contenaient une indication spécifique et particu- lière à l'effet que les travaux à accomplir incluaient la démolition du plafond existant. La défenderesse admet que la démolition n'était pas indiquée aux plans et devis mais prétend que la nécessité d'une telle démolition devenait évidente puisque le contrat prévoyait un nouveau plafond à 8'5" du plancher alors que l'élévation de l'ancien plafond variait entre 8'6" et 8'7 1 / 4 ".
La demanderesse prétend qu'elle pensait suspen- dre le nouveau plafond à l'ancien: solution plau sible et pratique selon le témoin expert de la demanderesse, solution irréalisable à cet endroit d'après l'architecte du Ministère qui a lui-même conçu les plans et devis.
En l'occurrence il s'agissait d'un plafond de 10,000 p.c. en plâtre pesant quelque soixante tonnes. Le plafond comprenait diverses trappes d'accès. Il y avait un espace de 15" entre le plafond et les poutrelles permettant l'installation des gaines de ventilation et conduits électriques. Selon le président d'Alftar et l'ingénieur expert, cet espace était plus que suffisant pour permettre l'accrochage du nouveau plafond en tuiles acousti- ques. Il est admis qu'une telle méthode d'exécution s'emploie couramment lorsque l'espace le permet.
La liste des travaux à effectuer se retrouve à la clause 1.2.301 du devis et comprend 21 items différents. Elle inclut la démolition des cloisons existantes, mais pas la démolition du plafond en question. A la clause 2.1.301 intitulée «Portée de l'ouvrage», il est question de «démolir au complet les cloisons intérieures», et également de démolir «tous les fils, gaines, appareils de plomberie et électricité et ventilation non requis dans le nouvel aménagement». Aucune indication particulière quant au plafond.
Le devis en question était un devis général ser vant de base à des aménagements analogues à l'intérieur de plusieurs édifices fédéraux. Pour indiquer précisément la démolition du plafond en ce qui a trait à l'édifice de Chicoutimi, il aurait fallu, selon l'ingénieur du Ministère, effectuer un relevé complet de l'édifice. Une tâche que ne justi- fiait pas, selon lui, l'importance du contrat.
A mon sens, une indication précise aurait pré- venu toute ambiguïté et alerté l'entrepreneur. Dans certains édifices les plafonds existants doi- vent être conservés et à d'autres endroits ils doi- vent être démolis: les responsables des devis ne peuvent prendre pour acquis que l'entrepreneur général doit nécessairement tirer lui-même les con clusions qui s'imposent dans son contrat sans plus d'indication. D'ailleurs, selon le Code civil comme la common law, en cas d'ambiguïté le contrat s'interprète généralement contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
En toute justice et équité Alftar doit donc être rémunérée pour ce travail imprévu, accompli d'ail- leurs sous protêt. Je trouve cependant la réclama- tion de $34,306.93 pour le moins exorbitante. L'éventail des coûts présenté à la déclaration de la demanderesse contient des éléments manifeste- ment inacceptables, tels que «transport par avion, $2,069.70», «restaurant et hôtellerie, $1,478.05». Les autres montants réclamés pour «main-d'oeuvre et bénéfices marginaux», «réparation au plâtre», etc., n'ont pas été prouvés comme ayant été des dépenses encourues pour la démolition du plafond en question.
Je trouve beaucoup plus réaliste l'expertise tout à fait impartiale de la firme J. Euclide Perron Ltée de Chicoutimi, telle que présentée par l'ingénieur Georges H. Perron du même endroit. Cet ingé- nieur local bénéficie d'une expérience de plus de vingt-cinq années dans des travaux semblables. Il aurait accepté à l'époque le contrat de démolition du plafond à 25¢ le pied carré, soit précisément $2,891 pour 11,564' de superficie.
Il y a lieu cependant de prendre en considération le fait que le démolisseur Perron soumissionnait à partir d'une situation idéale. Par contre la deman- deresse avait été prise au dépourvu et devait réor- ganiser ses disponibilités à une distance importante
de sa base d'opération de Montréal. Il faut aussi retenir que, selon l'entente, tous les lieux n'étaient pas libérés dès le début du contrat. Alftar devait donc oeuvrer avec précaution. Dans les circons- tances, je crois qu'il serait raisonnable d'accorder un montant plus généreux à la demanderesse au chapitre de la démolition du plafond, soit la somme arbitraire de $5,000.
Donc, jugement en faveur de la demanderesse au montant de $5,000.
2. Coûts additionnels pour conduits téléphoni- ques non prévus.
Le problème afférent à cette réclamation touche l'interprétation du premier paragraphe de la clause 16.2.22 du devis qui se lit comme suit:
16.2.22 Système de conduits vides pour téléphones
La présente section comprend la fourniture et l'installation d'un réseau de tubes vides, boîtes de tirage, boîtes de raccorde- ments, boîtes de sorties et tout ce qui est nécessaire à l'installa- tion d'un système de téléphones tel qu'indiqué sur les dessins.
Sous ce chef le sous-traitant Grimard Electrique Inc. a fait parvenir à Alftar une facture de $2,875 pour l'addition d'un conduit téléphonique de deux pouces. Alftar prétend qu'il n'y avait pas de tel conduit prévu à la clause précitée ni aux dessins. L'ingénieur en mécanique-électricité Alban Nor- mand, dont la firme a participé à la confection des plans et devis pour le Ministère, a expliqué à la Cour pourquoi il n'est pas nécessaire de dessiner les conduits sur le plan. Il suffit qu'ils soient indiqués au devis.
Le premier paragraphe de la clause précitée du devis stipule bien que l'entrepreneur doit fournir et installer un réseau de tubes vides, etc., et tout ce qui est nécessaire à l'installation d'un système de téléphones. Alftar allègue que la phrase «tel qu'in- diqué sur les dessins» ne s'applique pas seulement au «système de téléphones», mais à tout le paragra- phe et que donc les conduits devaient être indiqués aux dessins.
Le système de téléphones indiqué sur les dessins montrait une chambre d'équipement et trente-neuf sorties de téléphone localisées sur l'étage.
L'expert du Ministère précise qu'il n'est pas nécessaire de montrer les conduits sur les plans d'électricité, ces derniers étant régis par des exi- gences très précisées de la part des compagnies de téléphone, exigences que tout entrepreneur qualifié ne peut ignorer. Le devis demandait un système de téléphones complet avec conduits, boîtes, etc. Les plans indiquaient l'ampleur du système et la locali sation des sorties, sans nécessairement montrer toutes les composantes du système.
L'expert estime qu'il n'est pas nécessaire de dessiner les conduits sur les plans, au même titre que tous les écrous, vis, boulons, ou pièces de métal ne sont pas indiqués.
Cette expertise de l'ingénieur Alban Normand m'a paru claire, précise et conforme à la réalité. Les plans et devis ne peuvent tout expliciter jus- qu'au dernier détail. Après tout, les règles de l'art et la compétence de l'exécutant ont un rôle à jouer.
En l'espèce, il m'apparaît que le sous-traitant en électricité a commis une erreur dans sa soumission. Il a mal interprété les plans et devis et en consé- quence a présenté une réclamation additionnelle à Alftar qui l'a incorporée dans sa demande contre le Ministère.
Cette réclamation ne peut être acceptée.
3. Réclamation pour perte de temps et manque à gagner
Une entente est intervenue le 12 juillet 1976 quant à la libération des lieux telle que reproduite dans cette lettre.
Pour faire suite à notre visite au bureau chez M. R. Girard pour le projet précité, il est convenu que les lieux seront libérés au complet la première semaine d'août 1976 l'exception de documentation et salle de conférence qui le seront seulement le ler septembre; le tout conditionnel à l'octroi du contrat le 16 juillet 1976. Sans aucuns frais pour le ministère, et ce seule- ment pour les conditions précitées.
Alftar prétend que cette date n'a pas été respec- tée. Le chargé du projet pour le Ministère, Jean Houle, s'est rendu à Chicoutimi le 10 août pour rencontrer le surintendant de chantier pour Alftar, Marcel Legros, au sujet de la libération des lieux. Il y est retourné le 16 août et à ce moment-là, seules les deux salles précitées n'étaient pas libé- rées. Il n'y a pas de preuve directe quant à la date exacte de libération de l'aire principale entre Je 10 et le 16 août, ni quant à la date éventuelle de
libération des deux salles. La demanderesse n'a pas produit son surintendant Legros pour établir ces dates.
D'ailleurs la clause 2.1.303 du devis prévient toute réclamation financière à l'égard de retards. La clause se lit:
2.1.303 Retards
L'entrepreneur en démolition ne pourra aucunement tenir le propriétaire financièrement responsable des retards ou obsta cles provenant de quelque cause que ce soit au cours de l'exécution d'une partie quelconque ou de l'ensemble des travaux.
Si toutefois le retard était attribuable à un acte ou à une négligence quelconque de la part du propriétaire, celui-ci accor- dera à l'entrepreneur pour compléter l'ouvrage un délai suffi- sant pour compenser le retard mais ne sera en aucune façon responsable financièrement des retards qui pourront survenir par sa faute. Tout délai dans ce sens sera déterminé par l'ingénieur qui fera, la surveillance des travaux.
Cette réclamation est donc rejetée.
La demanderesse réclame de plus des intérêts depuis la date des travaux. Selon les dispositions d' l'article 35 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10, la Cour n'accorde d'intérêt sur une demande contre la Couronne que s'il existe un contrat ou une loi prévoyant un tel intérêt en pareil cas. Alftar présente sa demande d'intérêt en vertu de l'article 6 du chapitre des modalités de paiement apparaissant au document contractuel. L'article se lit comme suit:
6. Retard de paiement
Le retard par Sa Majesté à faire un paiement lorsqu'il devient et exigible en vertu des Modalités de paiement, est censé ne pas être une rupture de contrat par Sa Majesté, mais tel retard, si le paiement en question est exigible en vertu du paragraphe (4) de l'article 4 des Modalités de paiement et si le retard se prolonge au delà de 15 jours, donnera droit à l'Entre- preneur à des intérêts sur le montant arriéré et Sa Majesté, lorsqu'elle effectuera le paiement du montant arriéré, versera à l'Entrepreneur des intérêts sur le montant arriéré, calculés pour la période dudit délai au taux de 1 1 / 2 p. 100 plus le taux moyen des soumissions acceptées pour les bons du Trésor à trois mois du gouvernement du Canada, selon l'annonce faite chaque semaine par la Banque du Canada au nom du ministre des Finances, ledit taux moyen devant être celui qui est annoncé immédiatement avant la date le paiement était d'abord à l'Entrepreneur.
Il y a donc lieu d'accorder à Alftar des intérêts sur le montant de $5,000 calculés selon la formule précitée.
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