T-4035-78
Techno Maritime Limitée (Demanderesse)
c.
Deep Diving Systems Limited et le navire Techno
Balsam (Défendeurs)
et
Farquhar Bethune Insurance Ltd. (Intervenante)
Division de première instance, le juge Walsh—
Montréal, 11 mars; Ottawa, 24 mars 1980.
Droit maritime — Contrats — Action tendant à obtenir un
jugement in rem — Réclamation pour touage fondée sur l'art.
22(2)k) de la Loi sur la Cour fédérale — Il échet d'examiner si
la Cour peut exercer la compétence que lui confère l'art. 43(3)
de la Loi relativement à une telle réclamation — Il échet
d'examiner si le défendeur était propriétaire en equity du
navire au moment où la cause d'action a pris naissance —
Date de la cause d'action — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C.
1970 (2» Supp.), c. 10, art. 22(2)k), 43(3) — Code de procédure
civile du Québec, art. 68(2).
Par un contrat passé le 29 septembre 1977 et enregistré le 18
octobre 1977, la défenderesse a acheté le navire Techno Balsam
à la demanderesse qui, le même jour, a conclu un contrat de
touage avec la défenderesse dont le premier chèque envoyé en
paiement partiel du prix a été retourné avec la mention «sans
provision» après avoir été déposé. Le 29 septembre 1977, la
défenderesse a vendu le navire à l'intervenante. Mais, le 1«" juin
1978, l'intervenante a revendu le navire à la défenderesse qui
l'a hypothéqué en faveur de l'intervenante. Le litige, relatif aux
dispositions de l'article 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale,
consiste à déterminer si la Cour peut, relativement à la récla-
mation de la demanderesse pour le touage, exercer sa compé-
tence en matière réelle en faveur de la demanderesse qui a déjà
un jugement in personam contre Deep Diving Systems Limited.
La demanderesse fait valoir que les conditions prévues par
l'article 43(3) sont remplies vu que la défenderesse Deep Diving
Systems Limited était la propriétaire en equity du navire au
moment où l'action a été introduite, soit le 8 septembre 1978 ou
vers cette date (ce fait n'était pas contesté par les parties) et
que la même défenderesse qui fut déclarée redevable à la
demanderesse de la somme réclamée dans l'action in personam
était la propriétaire en equity du navire au moment où la cause
d'action a pris naissance, c'est-à-dire au moment où le contrat
de touage a été conclu. La demanderesse prétend qu'il est
significatif que l'article 43(3) renvoie à la date où la cause
d'action «a pris naissance» («arose» dans la version anglaise) et
non pas à celle où la cause d'action a pris effectivement
naissance. La seule question à trancher est celle de savoir à
quelle date la cause d'action a pris naissance.
Arrêt: l'action de la demanderesse est rejetée. Le contrat de
touage entre la demanderesse et la défenderesse a eu simple-
ment pour effet de donner à la défenderesse le droit d'exiger
que la demanderesse l'exécute et, réciproquement, de donner à
la demanderesse, une fois le contrat exécuté, le droit d'être
payée dans les 30 jours de la présentation de son compte pour
les services rendus. Ni l'une ni l'autre des parties n'avait le
droit d'engager des poursuites sur le fondement de ce contrat à
la date où il a été signé. La présente action a pour objet le
paiement d'un montant d'argent, et la demanderesse n'avait le
droit de l'introduire qu'après avoir exécuté le contrat et dûment
adressé à la défenderesse un compte resté impayé.
Arrêts mentionnés: The Monica S. [1967] 3 All E.R. 740;
The National Drying Machinery Co. c. Wabasso Ltd.
[1979] C.A. 279; Marion c. Société Radio-Canada [1978]
C.S. 509; Bradford Old Bank, Ltd. c. Sutcliffe [1918] 2
K.B. (C.A.) 833; Lewington c. Raycroft [1935] 4 D.L.R.
378; Yellowega c. Yellowega (1969) 66 W.W.R. 241.
ACTION.
AVOCATS:
G. Vaillancourt pour la demanderesse.
G. P. Barry pour l'intervenante.
PROCUREURS:
Langlois, Drouin & Associés, Québec, pour la
demanderesse.
McMaster Meighen, Montréal, pour l'interve-
nante.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: Le litige consiste à déterminer
si la demanderesse, qui a déjà un jugement in
personam contre la défenderesse Deep Diving Sys
tems Limited, peut obtenir maintenant contre le
navire Techno Balsam un jugement in rem, ce à
quoi s'oppose l'intervenante, qui a une hypothèque
sur le navire. La défenderesse ne conteste rien.
Quant aux faits, ils ne sont guère discutés, le point
litigieux en étant un de droit, relatif aux disposi
tions de l'article 43(3) de la Loi sur la Cour
fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, lequel est
ainsi rédigé:
43....
(3) Nonobstant le paragraphe (2), la compétence conférée à
la Cour par l'article 22 ne peut être exercée en matière réelle
relativement à une demande dont il est fait mention aux alinéas
22(2)e), J), g), h), i), k), m), n), p) ou r) à moins que, au
moment où l'action est intentée, le navire, l'aéronef ou les
autres biens qui font l'objet de l'action n'aient pour propriétaire
en equity celui qui en était propriétaire en equity au moment où
la cause d'action a pris naissance.
La réclamation porte sur le touage du navire et est
fondée sur l'article 22(2)k) de ladite Loi. L'inter-
venante prétend que la défenderesse n'était pas la
propriétaire en equity du navire au moment où la
cause d'action a pris naissance, tout en ne niant
pas qu'elle l'était le 8 septembre 1978, date où
l'action a été introduite.
Vu les divers contrats et accords passés par la
demanderesse et les défendeurs d'une part et par
les défendeurs et l'intervenante d'autre part, il me
faut passer en revue toutes les dates, dont certaines
revêtent une importance particulière.
Le 2 septembre 1977 ou vers cette date, Deep
Diving Systems Limited a offert d'acheter le
navire pour $325,000. Le navire appartenait alors
à la demanderesse et était à quai à Sorel, au
Québec. Le 29 septembre 1977, la demanderesse
vendit le navire à la défenderesse et, le 18 octobre
1977, le contrat de vente fut dûment enregistré. A
cette même date, la demanderesse adressa à la
défenderesse une lettre où elle s'engageait à remor-
quer le navire de Sorel à Thunder Bay, en Ontario,
pour un prix d'au plus $15,000 et à arriver à
destination au plus tard le 24 octobre 1977. Elle y
indiquait également le mode de calcul des frais. Le
16 décembre 1977, la demanderesse envoya à la
défenderesse un compte de $15,205. Le 8 juin
1978, la demanderesse et la défenderesse ont con-
venu que ce compte, qui s'élevait maintenant à
$15,909 avec les intérêts, serait acquitté en trois
chèques de $5,303, le premier daté du 31 juillet
1978, le second, du 31 août 1978 et le troisième,
du 30 septembre 1978. Le contrat stipule que
[TRADUCTION] «si les chèques sont envoyés à
Techno Maritime Limitée dans un délai de trois
semaines de ce jour et peuvent être encaissés en
temps utile, ce contrat constituera un règlement
final du compte». Les chèques ont été envoyés par
lettre, le 20 juin, mais le premier, daté du 31 juillet
1978, a été retourné avec la mention «sans provi
sion» après avoir été déposé à la banque le 17 août.
Bien que dans les procédures la demanderesse
parle de «chèques», l'action, en réalité, est fondée
sur le contrat de touage, puisque la réclamation
porte entre autres sur un intérêt de 18%, intérêt
stipulé payable par le contrat lorsque les comptes
ne sont pas acquittés dans les trente jours. En fait,
si la demanderesse avait considéré que le contrat
du 8 juin 1978, qui a donné lieu à l'émission des
trois chèques, créait une novation et remplaçait la
réclamation pour touage, cette Cour aurait été
incompétente pour connaître de cette réclamation
et, en tout cas, aucune action in rem n'aurait été
possible.
Quant à l'intervenante, elle a, le 14 octobre
1977, convenu d'acheter le navire à la défenderesse
Deep Diving Systems Limited au prix de $350,000
et de le lui louer ensuite selon les modalités énon-
cées. Une autre convention en date du 18 octobre
1977 prévoyait qu'elle fournirait les chèques pro-
pres à permettre à la défenderesse de terminer ses
paiements à Techno Maritime Limitée et qu'im-
médiatement après, la propriété intégrale du
navire lui serait cédée. Cette vente a été aussi
enregistrée le 18 octobre 1977. L'intervenante
donna alors le navire en location à la défenderesse
Deep Diving Systems Limited, mais celle-ci
n'ayant pas acquitté plusieurs paiements, l'interve-
nante lui revendit le navire pour $1 et ce contrat
de vente, bien que daté du 1e' juin 1978, n'a, pour
une raison quelconque, été enregistré que le 15
août. Le même jour, la défenderesse hypothéqua le
navire pour $350,000 en faveur de l'intervenante,
hypothèque qui n'a pas non plus été enregistrée
avant le 15 août. On a expliqué dans la preuve que
cela assurait à l'intervenante une bien meilleure
garantie que ne l'aurait fait une simple créance
contre la défenderesse, en sa qualité d'affréteur du
navire.
La demanderesse a produit la copie d'une liste
de dépenses que l'intervenante a faites pour le
compte de Cansub (qui, selon la preuve, est une
entreprise commune de filiales de la défenderesse
et de l'intervenante) jusqu'au 27 septembre 1978,
dépenses qui s'élèvent à $148,841.06. Elles com-
portent deux virements à McMaster et Cie, fondés
de pouvoir de l'intervenante, relatifs à Techno
Maritime Limitée, effectués le 19 septembre 1978
et dont les montants sont respectivement de
$16,000 et de $2,000.
Le 19 mars 1979, la demanderesse a obtenu un
jugement in personam par défaut contre la défen-
deresse pour $15,909, avec intérêt à 18% à partir
du 8 juin 1978 et frais. Ce jugement prévoyait
l'enregistrement d'une charge pour ce montant sur
le navire en vertu de la Règle 1900 de cette Cour.
Un bref de fieri facias a été émis le 29 mars 1979
et la demanderesse a essayé aussi de saisir-arrêter
la somme de $18,000 qui appartiendrait à la défen-
deresse et aurait été retenue par l'intervenante et
déposée entre les mains du fondé de pouvoir de
l'intervenante. Il s'agit ici des $18,000 dont parle
la déclaration. Le 23 avril 1979, le juge Marceau a
rejeté cette prétention sans préjudice du droit pour
la demanderesse de soumettre à nouveau à la Cour
le point litigieux de la saisie-arrêt, si elle était
capable de prouver que l'intervenante avait été
condamnée par jugement à payer un tel montant à
la défenderesse.
La demanderesse a produit un autre document:
un contrat passé le 18 octobre 1977 par l'interve-
nante et la défenderesse en même temps que l'af-
frètement coque nue. Ce contrat prévoit qu'à l'ex-
piration de la charte-partie et s'il a rempli ses
obligations, l'affréteur pourra, en payant une
somme additionnelle de $1, acheter le navire à
l'intervenante (le navire est désigné sous divers
noms: Techno Balsam, MIL Balsam et Le Salva-
ger, mais cela est sans importance pour le litige).
Le contrat donne aussi à la défenderesse Deep
Diving Systems Limited une option d'achat du
navire, sur paiement de trois mois de loyer, pour
un montant égal au solde du principal non amorti
de $350,000. Ce contrat ne semble nullement
affecter le titre de propriété que l'intervenante
avait sur le navire au 18 octobre 1977.
En résumé, la défenderesse a acheté le navire à
la demanderesse le 29 septembre 1977 et le contrat
a été enregistré le 18 octobre 1977. Le même jour,
elle l'a vendu à l'intervenante par un contrat enre-
gistré le 21 octobre et l'a immédiatement affrété.
Mais, le ler juin 1978, l'intervenante a revendu le
navire à la défenderesse et l'a grevé d'une hypothè-
que de $350,000. Du 18 octobre ou (si on retient la
date d'enregistrement) du 21 octobre 1977 au ler
juin 1978, le navire a appartenu à l'intervenante.
Toutefois, lorsque les procédures ont été engagées,
le 8 septembre 1978, le navire appartenait incon-
testablement à la défenderesse. La seule question à
trancher est celle de savoir à quelle date la cause
d'action de la demanderesse a pris naissance. La
cause d'action n'a donné lieu à aucun privilège
maritime, mais à une créance maritime dont l'exé-
cution peut être poursuivie devant cette Cour par
des procédures in rem, à condition que l'article
43(3) de la Loi sur la Cour fédérale (précité) ne
s'y oppose pas. Trois dates sont importantes en
l'espèce: le 18 octobre 1977, date de conclusion du
contrat de touage, le 16 décembre 1977, date où la
demanderesse a présenté son compte aux défen-
deurs et peut-être le 8 juin 1978, date où les
chèques qui se sont révélés ensuite sans provision
ont été émis en règlement de ce compte. Toutefois,
j'ai déjà rejeté la thèse selon laquelle leur accepta-
tion aurait créé une novation ou selon laquelle les
procédures n'auraient pas pu être introduites avant
cette date. Une autre date à noter, et dont j'ai déjà
fait mention, est celle de l'arrivée à Thunder Bay,
qui se situerait en novembre. Toutefois, du 18
octobre (ou au plus tard du 21 octobre) 1977 au ler
juin 1978, le navire n'appartenait pas à la
défenderesse.
La demanderesse a présenté un mémoire très
complet sur la jurisprudence tant britannique que
canadienne afférente aux actions in rem. Toute-
fois, la plupart des jugements cités traitent de la
propriété du navire au moment de l'introduction de
ladite action, ce qui n'est pas en l'espèce le point
litigieux, bien que certaines déclarations faites par
les juges, prises hors de leur contexte, semblent
appuyer les prétentions de la demanderesse. Par
exemple, l'avocat se réfère à ce que déclare le juge
Brandon dans The Monica S. [1967] 3 All E.R.
740, à la page 756, relativement à l'affaire The
Beldis [1935] All E.R. Rep. 760:
[TRADUCTION] Je pense qu'il veut dire exactement ce qu'il a
dit, à savoir qu'une personne à qui la loi reconnaît un droit
d'action in rem sans privilège maritime peut exercer ce droit,
pourvu qu'à la date où l'action est introduite, la chose soit la
propriété de la personne contre qui la réclamation est formée.
Toutefois, il déclare plus loin, à la page 760:
[TRADUCTION] La première condition est que la personne
contre qui la réclamation in personam est formée ait été
propriétaire ou affréteur du navire, ou en ait eu la possession ou
le contrôle, lorsque la cause d'action a pris naissance. La
seconde condition est que, à la date où l'action a été introduite,
cette personne ait été la propriétaire en equity de tout le navire.
La première condition qu'il énonce correspond pré-
cisément aux dispositions de l'article 43(3).
Il n'est ni nécessaire ni opportun de s'éloigner du
texte dudit article; il est fort clair et il faut s'y
conformer.
Toutefois, la demanderesse prétend qu'il est si-
gnificatif que ledit libellé renvoie à la date où la
cause d'action «a pris naissance» («arose» dans la
version anglaise) et non pas à celle où la cause
d'action a pris effectivement naissance. Elle sou-
tient que la cause d'action a pris naissance au
moment où le contrat de touage a été conclu.
L'avocat admet que la cause d'action n'a pris
effectivement naissance que lorsqu'elle a donné
ouverture à une action en justice, ce qui n'est
certainement pas avant que la demanderesse ait
adressé son compte à la défenderesse, le 16 décem-
bre, et probablement pas non plus pendant les 30
jours qui ont suivi, puisque le contrat de touage
prévoyait le versement d'intérêt à 18% si le compte
restait impayé pendant 30 jours et que le compte
lui-même portait la mention [TRADUCTION] «net si
acquitté dans les 30 jours». Une action engagée sur
son fondement avant cette date aurait donc proba-
blement été prématurée. Il faut lire attentivement
certains des jugements que la demanderesse cite à
l'appui de sa prétention, d'autant plus que l'article
68(2) du Code de procédure civile du Québec,
traitant du lieu où l'action doit être introduite,
s'exprime en ces termes: «où toute la cause d'action
a pris naissance». Dans l'affaire The National
Drying Machinery Co. c. Wabasso Ltd. [1979]
C.A. 279, actuellement en appel devant la Cour
suprême, le juge Mayrand a déclaré à la page 288:
De plus, en matière contractuelle, le lieu où la cause d'action a
pris naissance est autant, sinon davantage, celui où le contrat a
été fait que celui où l'inexécution a causé un préjudice.
La demanderesse a aussi invoqué l'affaire Marion
c. Société Radio-Canada [1978] C.S. 509 où le
juge Tôth, à propos du lieu où une action doit être
introduite, déclare dans une note en bas de page
que le droit d'action dérive du contrat qu'il tend à
faire reconnaître plutôt que de sa violation. En
effet, selon lui, le «lien de droit» entre les parties
provient dudit contrat et, dans une action en dom-
mages-intérêts pour cause d'inexécution, le tribu
nal compétent est donc celui du lieu où le contrat a
été passé plutôt que celui du lieu où l'inexécution a
pris place ou du lieu où les travaux ont été effec-
tués. La demanderesse a cité aussi d'autres juge-
ments à l'appui de son argumentation, mais
ceux-ci ne traitent que du lieu où l'action doit être
introduite.
L'intervenante cite une jurisprudence qui va à
l'encontre de cette thèse. Dans l'affaire Bradford
Old Bank, Ltd. c. Sutclfffe [1918] 2 K.B. (C.A.)
833, le lord juge Scrutton déclare à la page 848:
[TRADUCTION] Lorsque la loi de James stipule que les actions
doivent être engagées dans les six ans «qui suivent leur cause»,
le législateur veut dire dans les six ans après que se sont
produits tous les faits que la demanderesse doit prouver, c'est-à-
dire au moment où la demanderesse peut introduire son action
et prouver des faits suffisants pour la soutenir.
Elle invoque aussi l'affaire ontarienne Lewington c.
Raycroft' où la Cour d'appel de l'Ontario déclare
à la page 380:
[TRADUCTION] Lorsque la loi prescrit qu'une action doit être
engagée dans les six ans qui suivent la naissance de la cause
d'action, elle veut dire dans les six ans après que tous les faits
que le demandeur doit prouver se sont produits; en d'autres
termes, le délai court de la date où le demandeur peut intro-
duire une action et prouver des faits suffisants pour la soutenir.
Dans l'affaire manitobaine Yellowega c. Yellow-
ega 2 , le juge Hunt affirme ce qui suit:
[TRADUCTION] Une cause d'action pour chaque paiement
prend naissance lorsque le paiement est exigible et impayé et,
bien entendu, cette loi n'exclut pas les paiements qui ne sont
devenus exigibles que pendant les six années qui ont immédiate-
ment précédé le dépôt de la déclaration.
Comme la demanderesse le fait remarquer, tous
ces jugements traitent d'une prescription qui mani-
festement ne court pas avant le commencement de
la période où est né le droit d'action.
L'article 43(3) semble avoir pour objet de proté-
ger l'acheteur d'un navire contre une saisie in rem
résultant de réclamations contre son auteur qui ne
seraient faites qu'après l'achat et pour une dette
maritime dont ce dernier était redevable, mais qui
n'a créé aucun privilège maritime. Le contrat de
touage entre la demanderesse et la défenderesse a
eu simplement pour effet de donner à la défende-
resse le droit d'exiger que la demanderesse l'exé-
cute et, réciproquement, de donner à la demande-
resse, une fois le contrat exécuté, le droit d'être
payée dans les 30 jours de la présentation de son
compte pour les services rendus. A la date où le
contrat a été signé, ni l'une ni l'autre des parties
n'avait le droit d'engager des poursuites sur le
fondement de ce contrat, et plus tard, la même
journée, le navire a été vendu. La présente action a
pour objet le paiement d'un montant exigible aux
termes du contrat de touage, et la demanderesse
n'avait le droit de l'introduire qu'après avoir exé-
cuté le contrat et dûment adressé à la défenderesse
un compte resté impayé. Bien qu'il eût été préféra-
ble que l'article 43(3) emploie le terme «droit
d'action» au lieu de «cause d'action», il est difficile
de conclure que la cause d'action de la demande-
resse a pris naissance au moment où le contrat de
touage a été signé.
1 [1935] 4 D.L.R. 378.
2 (1969) 66 W.W.R. 241, la page 243.
L'avocat de la demanderesse a présenté d'autres
arguments. Le premier fait valoir que malgré la
vente effectuée par la défenderesse à l'interve-
nante, le 18 octobre 1977, il n'y a eu aucun
transfert de propriété en equity à cause des dispo
sitions de l'affrètement coque nue accordé à la
même date. Le document est un peu inhabituel,
car la défenderesse Deep Diving Systems Limited,
en sa qualité d'affréteur (appelée le «preneur»)
avait à tout moment le droit d'acheter le navire et
pouvait en outre, après avoir rempli ses obligations
pendant sept ans en vertu de la charte-partie,
l'acheter pour $1. Cela me semble une sorte de
charte-partie combinée à une promesse de vente.
Quelque droit de racheter le navire que ce contrat
ait pu donner à la défenderesse Deep Diving Sys
tems Limited, droit dont elle s'est prévalu le 1"
juin 1978, il ne fait aucun doute que l'intervenante
avait, dans l'intervalle, la propriété du navire. On
ne peut donc pas prétendre que la Deep Diving
Systems Limited est toujours restée propriétaire en
equity du navire.
Un autre argument de la demanderesse est celui
des $18,000 que l'intervenante, pour garantir la
réclamation formée contre les défendeurs, aurait
retenus sur les sommes dues à la défenderesse.
L'intervenante prétend qu'elle ne doit pas cet
argent aux défendeurs, car ceux-ci lui en doivent
beaucoup plus. De toute façon, si la demanderesse
peut prouver qu'il s'agit là de sommes dues à la
défenderesse par l'intervenante, elle pourra, en
vertu de son jugement in personam, essayer de les
saisir-arrêter. Il s'agit là d'une question étrangère
au présent litige, ce dernier tendant à l'obtention
d'un jugement in rem contre le navire Techno
Balsam. Je rejetterai donc l'action de la demande-
resse tendant au maintien de la saisie du navire
Techno Balsam jusqu'à ce que la défenderesse ait
versé un montant ou constitué un cautionnement
suffisants pour faire droit à sa réclamation. L'in-
tervenante aura droit à ses frais.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.