A-322-79
La Reine (Appelante)
c.
Farmparts Distributing Ltd. (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald et Ryan et le juge
suppléant Kerr—Ottawa, 5 et 28 février 1980.
Impôt sur le revenu — Non-résidents — Retenue aux fins
de l'impôt — Somme versée par un distributeur canadien à
une compagnie américaine pour le droit exclusif d'achat de
machines aux fins de revente aux revendeurs, de sa technique
de commercialisation, de son nom commercial et de sa marque
de fabrique — Le prix d'achat des machines n'est pas compris
dans cette somme — Revente aux distributeurs sous forme
d'un «marché global»; mais seules les machines provenaient de
la compagnie américaine — Il s'agit de savoir si les montants
versés à la compagnie américaine sont assujettis à l'impôt de
15% que prévoit l'art. 212(1)d) de la Loi de l'impôt sur le
revenu et l'article XI de la Convention relative à l'impôt entre
le Canada et les Etats-Unis — Loi de l'impôt sur le revenu,
S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 212(1)d) — Loi de 1943 sur la
Convention relative à l'impôt entre le Canada et les Etats-Unis
d'Amérique, S.C. 1943-44, c. 21.
Il s'agit d'un appel d'un jugement de la Division de première
instance accueillant, avec dépens, l'appel de l'intimée d'une
cotisation lui enjoignant de payer une somme, et les intérêts y
afférents, qu'elle aurait dû prélever, aux fins de l'impôt sur le
revenu, sur des versements faits à un non-résident. L'intimée
s'est vu prélever, par des avis de cotisation, un impôt corres-
pondant à 15% de deux sommes payées par elle à Wonder
International Ltd. du New Jersey (E.-U.) sur le fondement que
le montant en question aurait dû être retenu et payé au titre de
l'impôt sur le revenu. Les montants versés par l'intimée lui
assuraient le droit exclusif d'acheter des cintreuses de tuyaux
d'échappement aux fins de revente à ses propres distributeurs,
la conception de commercialisation des systèmes d'échappe-
ment de rechange, l'usage du nom commercial et des marques
de fabrique, mais ne couvraient pas le prix d'achat des machi
nes elles-mêmes. L'intimée revend à ses distributeurs non seule-
ment la machine, mais encore un programme de publicité, une
enseigne, des décalcomanies et le premiet stock: seule la
machine provient de la compagnie américaine. Il s'agit de
savoir si les montants versés par l'intimée à la compagnie
américaine conformément à leur accord sont assujettis à l'im-
pôt de 15% prévu par l'article 212(1)d) de la Loi de l'impôt sur
le revenu et l'article XI de la Loi de 1943 sur la Convention
relative à l'impôt entre le Canada et les Etats-Unis d'Améri-
que, pour l'année d'imposition 1976.
Arrêt: l'appel est rejeté avec dépens. D'une part, l'usage du
nom commercial .Wonder Muffler» et des symboles sociaux de
Wonder International représente l'utilisation d'une appellation
et elle est manifestement visée par les dispositions de l'article
212(1)d)(i) portant assujettissement à l'impôt. De même,
deuxièmement, la conception ou la technique de commercialisa
tion des systèmes d'échappement de rechange tombe manifeste-
ment sous le coup de l'article 212(1)d)(i). Cette conception
peut être considérée comme un »plan» ou, peut-être, un »pro-
cédé de fabrication» au sens de l'article 212(1)d)(i). Je crois
également que le mot «biens» tel qu'utilisé à l'article
212(1)d)(i) et tel que défini à l'article 248(1) peut être consi-
déré comme comprenant une telle conception de commerciali
sation. Troisièmement, toutefois, le droit exclusif d'acheter aux
fins de revente la machine «Wonder Matic» ne peut, en aucun
cas, être considéré comme constituant l'utilisation ou le droit
d'utilisation de cette machine. Le «droit» octroyé à l'intimée ne
relève pas des dispositions de l'article 212(1)d)(i), du fait que
les paiements en question ne peuvent être considérés comme des
paiements au titre «du loyer, de la redevance ou d'un semblable
paiement». Il s'agissait de paiements forfaitaires, «uniques»,
valant pour la durée des accords; ils devaient être faits sans
tenir compte de l'étendue de l'utilisation faite par l'intimée en
vertu des accords et n'étaient aucunement reliés aux profits
réalisés par l'intimée par suite de quelque forme d'utilisation.
D'après les conclusions de fait du juge de première instance, le
Ministre n'a pas réussi à établir la fraction de ces paiements
faite au titre des «choses», au sens des dispositions portant
assujettissement à l'impôt de l'article 212(1)d)(i), et la cotisa-
tion doit donc être annulée.
Arrêts appliqués: Le Ministre du Revenu
national c. Pillsbury Holdings Ltd. [1965] 1
R.C.É. 676; Conway c. Le Ministre du
Revenu national [1966] R.C.É. 64.
APPEL.
AVOCATS:
J. R. Power, c.r. et D. Olsen pour l'appelante.
D. H. Wright, c.r. et G. Chad pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
MacDermid & Company, Saskatoon, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit d'un appel d'un juge-
ment de la Division de première instance [[1979] 2
C.F. 506] accueillant, avec dépens, l'appel de l'in-
timée d'une cotisation lui enjoignant de payer une
somme, et les intérêts y afférents, qu'elle aurait dû
prélever, aux fins de l'impôt sur le revenu, sur des
versements faits à un non-résident, ladite cotisa-
tion étant datée du 29 avril 1976.
Le seul point en litige en l'espèce porte sur la
question de savoir si des versements totalisant
115,000 $ÉU faits par l'intimée, résidente cana-
dienne, à une résidente américaine, Wonder Inter
national Ltd. (ci-après appelée Wonder) sont assu-
jettis à l'impôt de 15% que prévoit l'article
212(1)d) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, c. 148, modifié par S.C. 1970-71-72, c. 63,
art. 1 et par l'article XI de la Loi de 1943 sur la
Convention relative à l'impôt entre le Canada et
les Etats-Unis d'Amérique, S.C. 1943-44, c. 21'.
L'appel concomitant n° A-323-79 porte sur une
question identique et sur des versements totalisant
$75,000 faits par l'intimée à Wonder. L'audition
des appels des deux cotisations en Division de
première instance était fondée sur une preuve com
mune puisque les points en litige dans les deux cas
étaient identiques. La présente Cour a aussi pro-
cédé à une audition conjointe de ces appels.
Au procès, les plaidoiries des parties ont été
modifiées pour soulever la question de savoir si les
versements en cause étaient exempts d'impôt en
vertu des dispositions des articles I et II de la Loi
de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre
' Les parties pertinentes de l'article 212(1)d) de la Loi et de
l'article XI de la Convention relative à l'impôt entre le Canada
et les États-Unis sont ainsi rédigées:
212. (1) Toute personne non résidante doit payer un impôt
sur le revenu de 25% sur toute somme qu'une personne
résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est
réputée en vertu de la Partie I lui payer ou porter à son
crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel
d) du loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement, y
compris, mais sans restreindre la portée générale de ce qui
précède, tout paiement fait
(i) en vue d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au
Canada, des biens, inventions, appellations, brevets,
marques de commerce, dessins ou modèles, plans, for-
mules secrètes, procédés de fabrication, ou toute autre
chose,
ARTICLE XI
1. Le taux de l'impôt sur le revenu prélevé par l'un des Etats
contractants, en raison de revenus (autres que le revenu
gagné) tirés de sources qui se trouvent en cet Etat, sur des
personnes physiques résidant dans l'autre Etat contractant,
ou sur des sociétés constituées en vertu de la législation de ce
dernier Etat, et qui n'ont pas d'établissement stable dans le
premier État, ne devra pas dépasser quinze pour cent par
année fiscale.
le Canada et les Etats-Unis d'Amérique 2 et de
l'article 6 du Protocole.'
L'intimée a été constituée le 9 décembre 1974
sous le régime des lois de la province de Saskatche-
wan. Son entreprise comprenait la distribution de
machines et de pièces détachées d'automobiles, de
machines agricoles et de pièces détachées pour ces
machines ainsi que l'exploitation de garages et de
postes d'essence pour la vente de pièces d'automo-
biles et la réparation d'automobiles. Wonder est
une société constituée au New Jersey (E.-U.) qui
fabriquait et vendait une cintreuse de tubes appe-
lée «Wonder Matic» grâce à laquelle l'opérateur
peut adapter les tuyaux d'échappement de modèle
universel aux systèmes d'échappement des automo
biles américaines.
L'intimée a conclu deux accords (pièces 1 et 2)
avec Wonder en vertu desquels elle a versé à
2 Lesdits articles I et II sont ainsi rédigés:
ARTICLE I
Toute entreprise de l'un des Etats contractants n'est impo-
sable par l'autre Etat contractant en raison de ses bénéfices
industriels et commerciaux que pour la part de ces bénéfices
imputables, aux termes de la présente Convention, à l'établis-
sement stable qu'elle exploite dans ce dernier Etat.
En vue du calcul de l'impôt dans l'un des Etats contrac-
tants, il ne sera pas tenu compte des simples opérations
d'achat de marchandises effectuées dans ce dernier par une
entreprise de l'autre Etat.
ARTICLE II
Pour les fins de la présente Convention, l'expression «béné-
fices industriels et commerciaux» ne vise pas le revenu qui se
présente sous la forme de loyers, de redevances, d'intérêts, de
dividendes, de droits de gestion ou de gains retirés de la vente
ou de l'échange de biens de capital.
Sous réserve des clauses de la présente Convention, ces
chefs de revenu seront taxés séparément ou avec les bénéfices
industriels et commerciaux suivant les lois respectives des
Etats contractants.
3 La partie importante du Protocole est ainsi libellée:
PROTOCOLE
Au moment de procéder à la signature de la Convention
tendant à éviter la double imposition et à établir des règles
d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts
sur le revenu, intervenue ce jour entre les Etats-Unis d'Amé-
rique et le Canada, les plénipotentiaires soussignés sont
convenus des dispositions et des définitions ci-après:
6. a) L'expression «loyers et redevances» dont il est fait
usage à l'article II de ladite Convention comprend les
loyers et les redevances que rapportent la location de biens
meubles ou immeubles ou un intérêt quelconque dans ces
biens, y compris les loyers et redevances pour usage ou
droit de se servir de brevets, de droits d'auteur, de formu-
les et de procédés secrets, d'achalandage, de marques de
fabrique et de commerce, de concessions et de tous autres
biens analogues;
Wonder $115,000 d'une part (objet de l'appel n°
A-322-79) et $75,000 d'autre part (objet de l'appel
n° A-323-79).
Le savant juge de la Division de première ins
tance est arrivé aux conclusions suivantes relative-
ment à ces accords [aux pages 508 et 509] (D.A.,
pages 19 21):
En vertu des accords, Farmparts a obtenu de Wonder
International:
1. le droit exclusif d'achat chez Wonder International de cin-
treuses de tubes «Wonder Matic», aux fins de revente dans les
provinces du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la
Colombie-Britannique, dans les territoires du Nord-Ouest et du
Yukon, et en Alaska (il s'agit de machines servant au cintrage
de tuyaux d'échappement de rechange de modèle universel,
adaptables au système d'échappement des voitures américai-
nes);
2. la conception ou la technique de commercialisation des
systèmes d'échappement de rechange fabriqués à l'aide de
cintreuses «Wonder Matic»; et
3. l'usage du nom commercial «Wonder Muffler» et des mar-
ques de fabrique de Wonder International.
Les versements effectués en vertu des accords précités ne
donnaient pas à Farmparts le droit de recevoir sans frais des
machines «Wonder Matie». Au contraire, elle devait acheter à
Wonder International chaque cintreuse qu'elle revendait à ses
propres distributeurs. A part les cintreuses, Farmparts n'a
acheté rien d'autre à Wonder International, et elle n'avait pas
l'obligation de le faire.
Farmparts ne revendait pas à ses propres distributeurs la
cintreuse seule mais un «marché global» au prix de $17,950 et
comprenant les articles suivants:
1. une cintreuse de tubes «Wonder Matic», avec toutes les
matrices, etc., permettant d'adapter les tuyaux d'échappement
de modèle universel au système d'échappement des automobiles
américaines, en même temps qu'un jeu de cartes indiquant les
différents angles de cintrage requis pour les adaptations;
2. un programme de publicité de lancement (préparé par
l'agence publicitaire de Farmparts);
3. un stock de certaines formules d'affaires;
4. des décalcomanies de la marque «Wonder»;
5. une enseigne; et
6. un premier stock de tuyaux d'échappement, d'anneaux d'ac-
couplement et d'autres pièces nécessaires à l'installation du
système d'échappement de rechange à bord des automobiles.
De tous les articles formant ce marché global, seule la
cintreuse de tubes «Wonder Matic» provenait de Wonder
International.
Ces distributeurs, qui achetaient ce «marché global» à Farm -
parts, pouvaient utiliser la marque de commerce «Wonder
Muffler» ainsi que l'emblème de Wonder International, mani-
festement sans aucune opposition de la part de cette compagnie.
Celle-ci n'exigeait aucun contrôle de cette utilisation. Mais
dans les deux accords classés pièces I et 2, la clause 17 intitulée
[TRADUCTION] «Mesures applicables en cas de résiliation» (des
accords) mentionne seulement le nom commercial «Wonder
Muffler», et les marques et étiquettes de Wonder International.
Dans chacun de ces deux accords, cette clause prévoit que
Farmparts cessera d'utiliser le nom commercial et restituera à
Wonder International tous documents, manuels et bulletins
publicitaires. (Aux fins des appels en instance, il n'est pas
nécessaire, pour ce qui est de la marque de fabrique «Wonder
Muffler», de se demander ce qu'il «reste» à «restituer» à Wonder
International, compte tenu de l'utilisation qu'en font Farmparts
et ses distributeurs, manifestement avec le consentement tacite
de Wonder International.)
Il a ensuite appliqué les dispositions de l'article
212(1)d) (i) (supra) aux faits de l'espèce, déclarant
ce qui suit [à la page 515] (D.A., page 27):
En conséquence, à la lumière des faits établis en l'espèce, et
par application du sens de l'alinéa susmentionné à ces faits, il
appert que, en échange de paiements effectués conformément
au sens de cet alinéa, à savoir des paiements faits à titre de
revenu (par conséquent, tombant dans le domaine d'application
des dispositions portant assujettissement à l'impôt sur le
revenu), Farmparts n'a obtenu de Wonder International que le
droit d'utiliser le nom commercial et la marque de fabrique
«Wonder Muffler», ainsi que toute «autre chose» dont Farm -
parts aurait pu jouir du fait que Wonder International ne s'est
pas opposée à ce que les distributeurs de Farmparts se prévalent
de ce nom commercial et de cette marque de fabrique.
A la lumière des preuves administrées, il est impossible de
déterminer la fraction des paiements qui revient à ces «autres
choses» à titre de revenu. Mais la fraction restante doit être
imputée au compte capital, donc soustraite aux dispositions de
l'alinéa susmentionné, portant assujettissement à l'impôt. Cette
fraction, elle aussi, est impossible à déterminer.
En conséquence, la demanderesse a établi que les cotisations
ont été fondées sur des conclusions en partie erronées. Elle a
donc droit à un redressement (voir M.R.N. c. Pillsbury Hold
ings Limited [[1965] 1 R.C.E. 676]). En outre, à la lumière des
faits de la cause, des cotisations établies et des plaidoiries en
l'espèce, c'est au Ministre qu'il incombait d'établir la fraction
de ces paiements faite au titre des «choses» au sens des disposi
tions portant assujettissement à l'impôt du sous-alinéa
212(1)d)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu, donc assujettie à
l'impôt sur le revenu qui n'aurait pas été payé. La demande-
resse est donc pleinement fondée en sa demande.
Par ces motifs, les appels sont accueillis avec dépens.
J'entends examiner d'abord l'attaque de l'appe-
lante contre la décision du juge de première ins
tance relativement à l'interprétation qui doit être
donnée des dispositions dudit article 212(1)d)(i)
précité. L'appelante prétend que les mots qui sui-
vent immédiatement le passage introductif de l'ali-
néa 212(1)d), c'est-à-dire: «... y compris, mais
sans restreindre la portée générale de ce qui pré-
cède, tout paiement fait ...», ont pour effet d'éten-
dre la portée de l'article aux paiements visés aux
sous-alinéas (i) à (v), y compris un paiement
unique ou forfaitaire; elle prétend en outre qu'un
tel paiement est assujetti à l'impôt visé par cet
article, qu'il relève ou non de la catégorie du loyer,
de la redevance ou d'un semblable paiement.
A l'appui de cette prétention, l'appelante soumet
que l'intention du législateur d'élargir la portée de
l'article 212(1)d) est démontrée par le fait que
l'article 106(1)d), remplacé par l'article 212(1)d),
a été modifié en 1968 par la suppression des mots
«tout semblable paiement» et leur remplacement
par les mots «tout paiement». L'appelante prétend
en outre que l'expression «y compris» est employée
dans son sens large aux fins d'étendre la significa
tion des mots qui précèdent et, à l'appui de cette
prétention, l'avocat de l'appelante cite les affaires
Verrette 4 et Robinson 5 .
Je conclus au bien-fondé de cette prétention de
l'avocat de l'appelante. Je suis d'accord avec lui
que, pris ensemble, la modification de 1968 et
l'emploi de l'expression «y compris» constituent
une indication claire que le législateur avait l'in-
tention d'assujettir les paiements visés aux sous-
alinéas (i) à (y) à l'impôt prévu par l'article 212,
que ces paiements puissent ou non être considérés,
en application de la règle ejusdem generis, comme
tombant dans la catégorie «du loyer, redevance ou
semblable paiement».
Cette conclusion ne règle toutefois pas définiti-
vement la question puisqu'il reste à déterminer si
les paiements en cause tombent sous le coup de la
lettre de la Loi 6 , c'est-à-dire, en l'espèce, s'ils se
situent dans le champ d'application de l'article
212(1)d)(1).
Le savant juge de première instance, en se fon
dant sur son interprétation des accords en cause et
sur son appréciation de la preuve au procès, a
conclu que l'intimée avait obtenu de Wonder, en
vertu desdits accords:
1. l'usage du nom commercial «Wonder Muf
fler» et des symboles sociaux de Wonder
International;
4 La Reine c. Verrette [1978] 2 R.C.S. 838, à la page 844, le
juge Beetz: «Dans les définitions, le mot `comprend' est généra-
lement utilisé par opposition au terme restrictif `désigne'.»
5 Robinson c. The Local Board for the District of Barton -
Eccles (1882-83) 8 App. Cas. 798, à la page 801; le lord
Chancelier Selborne.
6 Voir: Le procureur général du Québec c. Stonehouse
[1978] 2 R.C.S. 1015, à la page 1025.
2. la conception ou la technique de commercia
lisation des systèmes d'échappement de
rechange fabriqués à l'aide de cintreuses
«Wonder Matie»; et
3. le droit exclusif, dans les deux territoires
mentionnés dans les pièces 1 et 2 (dans le cas de
la pièce 1—les provinces du Manitoba, de la
Saskatchewan et de l'Alberta; dans le cas de la
pièce 2—dans la province de la Colombie-Bri-
tannique, dans les territoires du Nord-Ouest et
du Yukon et en Alaska), d'acheter chez Wonder
des cintreuses de tubes «Wonder Matie», aux
fins de revente dans les territoires mentionnés
ci-dessus.
A mon avis, d'après la preuve présentée et à
l'examen des accords mêmes, cette conclusion du
savant juge de première instance est justifiée. A
l'audition de l'appel, j'ai compris que l'avocat de
l'appelante était d'accord que le savant juge de
première instance pouvait légitimement arriver à
ces conclusions et qu'elles étaient appuyées par des
témoignages et des éléments de preuve littérale.
J'examinerai maintenant la question de savoir si
les trois catégories énoncées ci-dessus peuvent être
considérées, comme l'a fait le savant juge de pre-
mière instance, comme des paiements faits «en vue
d'utiliser, ou d'obtenir le droit d'utiliser, au
Canada, des biens, inventions, appellations, bre-
vets, marques de commerce, dessins ou modèles,
plans, formules secrètes, procédés de fabrication,
ou toute autre chose».
Pour ce qui concerne la première catégorie, je
conclus sans hésitation qu'elle représente l'utilisa-
tion d'une appellation et qu'elle est manifestement
visée par les dispositions de l'article 212(1)d)(1)
portant assujettissement à l'impôt.
Pour ce qui concerne la seconde catégorie, il est
instructif de voir la description de cette conception
qu'a faite le savant juge de première instance
d'après la preuve.
Aux pages 23 et 24 du volume 1 du dossier
d'appel [aux pages 511 et 512 du jugement
publié], il a décrit cette conception ou technique
comme suit:
Wonder International est une compagnie du Delaware, ins-
tallée au New Jersey (États-Unis). Elle fabrique et vend une
cintreuse de tubes appelée «Wonder Matic» grâce à laquelle
l'opérateur peut adapter les tuyaux d'échappement de modèle
universel au système d'échappement des automobiles américai-
nes.
Il s'agit d'une conception relativement nouvelle de commer
cialisation des systèmes d'échappement de rechange pour les
automobiles.
Pendant très longtemps, les pièces de rechange des systèmes
de silencieux de voitures américaines étaient fournies par les
concessionnaires des constructeurs de ces voitures. L'installa-
tion était faite par les concessionnaires, par des ateliers privés
de réparation ou par des postes de distribution d'essence,
auxquels ces pièces de rechange étaient fournies par les conces-
sionnaires autorisés.
Récemment, au moins deux compagnies bientôt suivies par
d'autres, se sont établies comme entreprise spécialisée dans
l'installation des systèmes d'échappement de rechange, dans
plusieurs villes. Midas Muffler et Speedy Muffler sont les deux
compagnies les plus connues. Leur stock provient de certaines
usines canadiennes. Dans leurs établissements, Midas et Speedy
ont un stock considérable de tuyaux et de pots d'échappement,
d'anneaux d'accouplement, etc.
La commercialisation des systèmes d'échappement de
rechange de la demanderesse diffère de la technique appliquée
par les deux firmes susmentionnées.
La machine fabriquée par Wonder International permet à un
opérateur de cintrer les tuyaux d'échappement de modèle uni-
versel selon la courbe voulue afin de les adapter au système
d'échappement de n'importe quelle voiture américaine; ainsi les
vendeurs-installateurs de systèmes d'échappement de rechange
ne sont plus obligés de garder en stock de larges quantités de
tuyaux et de pots d'échappement. Équipés de cette machine,
des petits postes d'essence, de petits garages ainsi que tout
autre établissement pourraient ajouter une nouvelle activité à
leur entreprise sans avoir à immobiliser une partie substantielle
de leur fonds de roulement dans un stock de tuyaux et d'autres
pièces nécessaires. Telle est la caractéristique première de cette
machine, servant de base à une stratégie de commercialisation.
D'après cette description, il me semble également
que cette catégorie tombe manifestement sous le
coup des dispositions de l'article 212(1)d)(i) por-
tant assujettissement à l'impôt. D'après moi, cette
conception ou technique peut être considérée
comme un «plan» ou, peut-être, un «procédé de
fabrication» au sens de l'article 212(1)d)(i). Je
crois également que le mot «biens» tel qu'utilisé à
l'article 212(1)d)(i) et tel que défini à l'article
248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu' peut
être considéré comme comprenant une telle con
ception de commercialisation. Je conclus donc,
pour ce qui concerne cette catégorie, que l'intimée
obtient l'utilisation ou le droit d'utilisation d'un
plan ou d'un procédé de fabrication ou de biens, au
sens où les emploie l'article 212(1)d)(i).
' La partie pertinente de l'article 248(1) est ainsi rédigée:
«biens» signifie des biens de toute nature, meubles ou
immeubles, corporels ou incorporels et comprend, sans
restreindre la portée générale de ce qui précède,
a) un droit de quelque nature qu'il soit, une action ou part,
b) à moins d'une intention contraire évidente, de l'argent,
et
c) un avoir forestier;
Venons maintenant à la troisième catégorie.
Pour répondre à cette question, il est nécessaire
d'examiner la nature du «droit» dont il est question
en l'espèce. Il me semble clair que ce que l'intimée
reçoit, dans cette catégorie, c'est le droit exclusif
d'achat et de revente de la cintreuse de tubes
Wonder dans les territoires mentionnés dans les
pièces 1 et 2 précitées. D'après moi, ce «droit» ne
peut, en aucun cas, être considéré comme consti-
tuant l'utilisation ou le droit d'utilisation de cette
machine. Si tel est le cas, il s'ensuit, à mon avis,
que le «droit» octroyé à l'intimée sous cette catégo-
rie ne relève pas de l'article 212(1)d)(i).
En résumé, je suis d'avis que les première et
deuxième catégories mentionnées ci-dessus tom-
bent dans le domaine d'application des dispositions
de l'article 212(1)d)(i) portant assujettissement à
l'impôt mais que la troisième catégorie n'est pas
visée par ces dispositions.
Le savant juge de première instance a conclu,
après avoir appliqué différents critères, que seule
la première catégorie mentionnée ci-dessus tom-
bait sous le coup des dispositions de cet article
portant assujettissement à l'impôt. Il était d'avis
que le facteur déterminant était de savoir si ces
«choses» reçues par l'intimée pouvaient être consi-
dérées comme des paiements faits à titre de revenu
ou à titre de capital. Sauf le respect que je lui dois,
je ne suis pas d'accord avec cette opinion pour les
motifs mentionnés ci-dessus. Après avoir conclu
que le contribuable intimé avait établi que les
conclusions sur lesquelles était fondée la cotisation
du Ministre étaient en partie erronées, le savant
juge de première instance a conclu que le contri-
buable intimé avait droit à un redressement en se
fondant, pour ce principe, sur l'affaire M.R.N. c.
Pillsbury Holdings Limited 8 . Il a en outre décidé
que c'était au Ministre qu'il incombait d'établir
quelle fraction de ces paiements faits au titre des
«choses» tombait sous le coup des dispositions de
cet article portant assujettissement à l'impôt; que
le Ministre ne s'était pas acquitté de cette obliga
tion de preuve et qu'en conséquence, le contribua-
ble intimé était pleinement fondé en sa demande.
Aux fins de l'établissement de la cotisation de
l'intimée, le Ministre s'est fondé sur les conclusions
suivantes (voir D.A. page 8):
8 [1965] 1 R.C.É. 676.
[TRADUCTION] a) que durant toute la période pertinente, la
demanderesse était une société constituée sous le régime des
lois de la province de la Saskatchewan et était une personne
résidante au Canada et Wonder était une société constituée
sous le régime des lois de l'État du Delaware, États-Unis
d'Amérique, et était une personne non résidante;
b) qu'en vertu de l'accord daté du Zef mars 1976, Wonder a
octroyé à la demanderesse l'utilisation ou le droit d'utilisation,
au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, des systèmes, des
méthodes, des machines, des produits et du nom commercial de
Wonder et le droit d'exploiter une entreprise sous le nom
commercial «Wonder Muffler» et d'utiliser les autres noms
commerciaux, marques, dénominations, symboles sociaux et
étiquettes que Wonder offrira à la demanderesse;
c) que le versement de 115,000 $ÉU fait par la demanderesse à
Wonder était un paiement fait en vue d'utiliser, ou d'obtenir le
droit d'utiliser, au Canada, des biens, inventions, appellations,
brevets, marques de commerce, dessins ou modèles, plans,
procédés de fabrication ou toute autre chose, au sens du
sous-alinéa 212(1)d)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu;
d) que la somme de 115,000 $ÉU versée par la demanderesse à
Wonder en vertu de l'accord du 1" mars 1976 était un droit de
concession pour obtenir la concession de Wonder Muffler;
e) que dans l'exploitation du commerce, en conformité de
l'accord du 1" mars 1976, la demanderesse a employé la raison
sociale «Wonder Muffler (Western), a Division of Farm Parts
Distributing Ltd.»
D'après les conclusions de fait du juge de première
instance, précitées, le Ministre n'a pas réussi à
établir les conclusions énoncées dans les paragra-
phes b), c) et d) (supra). Tel étant le cas, il me
semble que les décisions dans les affaires Pillsbury
(supra) et Conway 9 s'appliquent et que la cotisa-
tion doit être annulée.
L'appelante a prétendu, à titre subsidiaire, que
si les paiements faits par l'intimée à Wonder ne
tombaient pas sous le coup du sous-alinéa (i) de
l'alinéa d) de l'article 212(1), alors, de toute façon,
ces paiements étaient en réalité des paiements «du
loyer, de la redevance ou d'un semblable paiement»
tel que prévu dans la partie introductive de l'alinéa
d) de l'article 212(1). Étant donné les conclusions
du juge de première instance mentionnées ci-des-
sus quant à ce que l'intimée a reçu en vertu de ses
accords, il semble très clair que ces paiements ne
peuvent aucunement être considérés comme des
loyers ou des redevances ou des paiements qui sont
semblables à des loyers ou à des redevances. Le
paiement fait par l'intimée était un paiement for-
faitaire, un paiement «unique» qui valait pour la
durée de l'accord (25 ans), que l'intimée pouvait
renouveler pour 15 autres années sans paiement de
9 Conway c. M.R.N. [1966] R.C.É. 64, à la page 69.
droits supplémentaires; le paiement devait être fait
sans tenir compte de l'étendue de l'utilisation faite
par l'intimée en vertu des accords et n'était aucu-
nement relié aux profits réalisés par l'intimée par
suite de toute utilisation 10 . Les paiements faits en
l'espèce semblent sans rapport avec des loyers,
redevances ou paiements semblables. Je rejette
donc l'argument subsidiaire de l'appelante.
Étant donné les conclusions auxquelles je suis
arrivé ci-dessus, il devient inutile d'examiner la
prétention de l'appelante selon laquelle les verse-
ments faits par l'intimée étaient faits en vue d'ob-
tenir l'utilisation ou le droit d'utilisation au
Canada de la concession Wonder Muffler. "
Par ces motifs, je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE RYAN: J'y souscris.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KERR: J'y souscris.
' 0 Voir: United Geophysical Co. of Canada c. M.R.N. 61
DTC 1099, aux pages 1104 et 1105.
Voir également: Vauban Productions c. La Reine 75 DTC
5371, la page 5372.
Voir également: Murray c. Imperial Chemical Industries,
Ltd. [1967] 2 All E.R. 980, la page 983.
Voir également: La Reine c. Saint John Shipbuilding & Dry
Dock Co. Ltd. 79 DTC 5297, aux pages 5300 5303.
" La question de l'application en l'espèce des articles I et II
de la Loi de 1943 sur la Convention relative à l'impôt entre le
Canada et les Etats-Unis d'Amérique et de l'article 6 du
Protocole et, par conséquent, la question de la concession ne
doivent être examinées que si l'on conclut que les paiements en
cause tombent sous le coup des dispositions de l'article 212(1)
portant assujettissement à l'impôt.
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