Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-2097-78
La Reine (Demanderesse) c.
B. & J. Music Ltd. (autrefois Buegeleisen and Jacobson Limited) (Défenderesse)
Division de première instance, le juge suppléant Grant—Toronto, 22 et 30 avril 1980.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Compte des déductions cumulatives accordées aux petites entreprises Appel d'une décision de la Commission de révision de l'impôt enjoignant au Ministre de radier le calcul du compte des déductions cumulatives de l'avis de cotisation du contribuable pour 1974 La défenderesse ne devint une corporation privée dont le contrôle est canadien qu'en 1974 et donc ne remplissait pas la condition donnant droit à la déduc- tion accordée aux petites entreprises et, par conséquent, n'avait pas calculé son compte de déductions cumulatives Le Ministre confirma le montant d'impôt à payer pour la cotisa- tion de 1974 mais y ajouta un calcul du compte des déductions cumulatives de la défenderesse La Commission de révision de l'impôt a accueilli l'appel de la défenderesse Il échet d'examiner la compétence de la Commission pour connaître de l'appel Appel accordé Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée.
Appel d'une décision de la Commission de révision de l'im- pôt, relative à l'année d'imposition 1974 de la défenderesse, enjoignant au Ministre de radier le calcul du compte des déductions cumulatives de l'avis de cotisation ou, si après examen il considérait qu'était requis quelque calcul depuis le 24 juin 1974, d'effectuer ce calcul et de modifier la cotisation en conséquence. Le 24 juin 1974, la compagnie défenderesse a rempli pour la première fois les conditions pour être considérée comme une corporation privée dont le contrôle est canadien. Elle ne remplissait donc pas la condition donnant droit à la déduction accordée aux petites entreprises auparavant et n'avait donc pas à effectuer le calcul relatif au compte des déductions cumulatives. La cotisation de 1974 ne modifiait pas l'impôt payable mais incluait un calcul relatif au compte des déductions cumulatives. La défenderesse a formé appel de la cotisation à la Commission de révision de l'impôt, concluant à la radiation du calcul relatif au compte des déductions cumula- tives. La Commission a accueilli l'appel. Il échet d'examiner si la Commission de révision de l'impôt était compétente pour connaître de l'appel et prononcer la décision qu'elle a rendue.
Arrêt: l'appel est accueilli. La Commission est sortie de sa compétence en prononçant la décision rendue; en effet le mon- tant d'impôt à payer pour l'année 1974 par la compagnie n'était pas en cause devant la Commission. La Loi n'oblige pas de calculer le compte des déductions cumulatives dans la déclara- tion du contribuable sauf dans le cas une corporation privée dont le contrôle est canadien veut se prévaloir pour cette année-là de l'article 125(1). La défenderesse ne prétendait, ni ne pouvait, exercer aucun recours au sujet de l'année d'imposi- tion 1974 car elle ne pouvait être considérée comme une corporation privée dont le contrôle est canadien pour l'ensemble de l'année. Ce calcul du Ministre ne modifiait aucunement
l'impôt que la compagnie avait à payer pour l'année. Si éven- tuellement au cours d'une année ultérieure, la défenderesse étant devenue une corporation privée dont le contrôle est canadien, le montant du compte des déductions cumulatives devient un facteur à prendre en compte dans le calcul de l'impôt qu'elle a à payer, elle pourra toujours à ce moment-là contester la chose; les calculs du Ministre relatifs à son impôt de 1974 ne pourront en aucune façon constituer une fin de non-recevoir ni être opposés à la compagnie, ni au Ministre d'ailleurs. La Cour dans le présent appel détient la compétence lui permettant de réformer la Commission même si cette der- nière ne possédait pas le pouvoir, la compétence, ni l'autorité lui permettant de rendre l'ordonnance en cause.
Arrêts appliqués: Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. c. Le ministre du Revenu national 70 DTC 6043; R. c. Gary Bowl Ltd. [1974] 2 C.F. 146; Le ministre du Revenu national c. Gunnar Mining Ltd. [1970] R.C.E. 329. Distinction faite avec les arrêts: Gardner c. Le minis- tre du Revenu national 65 DTC 591; Hullmann c. Le ministre du Revenu national 73 DTC 94. Arrêt mentionné: Gardner c. Le ministre du Revenu national 67 DTC 246.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
M. Lefebvre et C. G. Pearson pour la
demanderesse.
S. D. Paton pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour la demanderesse.
Rosenberg, Smith, Paton, Hyman & Matlow, Toronto, pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT GRANT: (1) Cette espèce est un appel formé par le sous-procureur général du Canada, au nom de Sa Majesté la Reine, de la décision de la Commission de révision de l'impôt, relative à l'année d'imposition 1974 de la défende- resse, en date du 19 janvier 1978, par laquelle elle accueillait l'appel de la défenderesse et enjoignait au Ministre de radier le calcul du compte des déductions cumulatives de l'avis de cotisation éma- nant de lui pour cette année ou, si après examen il considérait qu'était requis quelque calcul depuis le 24 juin 1974, d'effectuer ce calcul et de modifier la cotisation en conséquence.
(2) Les parties sont convenues d'un exposé con joint des faits que leurs avocats respectifs ont signé et qui a été produit comme preuve de tous les faits
y contenus. Comme il rapporte tout ce qui est pertinent en l'espèce, aucune preuve ne fut enten- due viva voce. Voici cet énoncé:
[TRADUCTION] EXPOSE DES FAITS
1. La défenderesse est une compagnie constituée selon la loi ontarienne.
2. Antérieurement au 24 juin 1974, la défenderesse était con- trôlée par des individus ne résidant pas au Canada.
3. Le 24 juin 1974 furent transportées toutes les actions de la défenderesse, de sorte qu'à compter de ce moment-là elle remplissait les conditions pour être considérée comme une corporation privée dont le contrôle est canadien, aux termes de l'art. 125(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952 c. 148, modifiée par l'art. 1 du c. 63 des S.C. 1970-71-72 (la «Loi de l'impôt sur le revenu»).
4. La défenderesse n'était pas une corporation privée dont le contrôle est canadien au cours des années d'imposition 1972, 1973 et 1974 et en conséquence ne remplissait pas la condition donnant droit à la déduction accordée aux petites entreprises pour ces années-là, aux termes de l'art. 125(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
5. La défenderesse a été imposée pour l'année d'imposition 1974 par avis de cotisation, daté du 27 août 1975, portant le numéro 0469724 (la «cotisation»).
6. La cotisation ne modifiait pas l'impôt fédéral payable, soit un montant total de $71,066.12, préalablement déclaré par la défenderesse.
7. La formule annexée à l'avis de cotisation, appelée T7W, disait que le ministre du Revenu national («le Ministre») avait effectué un calcul relatif au compte des déductions cumulatives de la défenderesse.
8. La défenderesse s'est opposée à la cotisation, laquelle fut confirmée par avis du Ministre.
9. La défenderesse a formé appel de la cotisation à la Commis sion de révision de l'impôt.
10. Dans son inscription en appel à la Commission de révision de l'impôt, la défenderesse conclut à:
Radiation du calcul relatif au compte des déductions cumula- tives de l'avis de cotisation lancé pour l'année d'imposition 1974, lequel calcule le compte des déductions cumulatives pour chacune des années d'imposition 1972, 1973 et 1974.
I I. La Commission de révision de l'impôt a accueilli l'appel de la défenderesse et, dans sa décision, a enjoint au Ministre de supprimer le calcul du compte des déductions cumulatives de l'avis de cotisation de l'année d'imposition 1974, ou de faire un nouveau calcul et de modifier la cotisation en conséquence au cas il estimerait celui-ci nécessaire, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, à compter du 24 juin 1974.
12. Les revenus imposables de la défenderesse pour les années d'imposition 1972, 1973 et 1974 étaient de $148,864.07, de $255,675.84 et de $175,252.58 respectivement.
13. La défenderesse n'a pas déclaré de dividende au cours des années d'imposition 1972, 1973 et 1974.
14. La défenderesse, dans ses déclarations d'impôt pour les années 1972, 1973 et 1974, n'a pas effectué le calcul de son compte des déductions cumulatives, aux termes de l'art. I25(6)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
15. Le Ministre, en calculant la différence du compte des déductions cumulatives de la défenderesse, à jour au 31 décem- bre 1974, y a inclut, conformément à son interprétation de l'art. 125(6)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, les sommes de $148,864.07, $255,675.84 et $175,252.58.
16. Est annexée aux présentes, comme pièce 0A», une copie conforme de la déclaration d'impôt sur le revenu de la défende- resse pour l'année 1974, avec ses pièces justificatives.
17. Est annexée aux présentes, comme pièce «B», une copie conforme de l'avis de cotisation, en date du 27 août 1975, relatif à l'année d'imposition 1974 de la défenderesse, avec la formule T7W.
Le premier moyen d'appel qu'invoque la deman- deresse est que la Commission de révision de l'im- pôt n'était pas compétente pour connaître de l'ap- pel ni pour donner la directive qu'elle a donnée. Les articles suivants de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée par l'article 1 des S.C. 1970-71-72 du c. 63, sont en cause:
152. (I) Le Ministre doit, avec toute la diligence possible, examiner chaque déclaration de revenu et fixer l'impôt pour l'année d'imposition et l'intérêt et les pénalités payables, s'il y a lieu.
(2) Après examen d'une déclaration, le Ministre envoie un avis de cotisation à la personne qui a produit la déclaration.
165. (1) Un contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente Partie peut, dans les 90 jours de la date d'expédition par la poste de l'avis de cotisation, signifier au Ministre un avis d'opposition, en double exemplaire, dans la forme prescrite, exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents.
(2) Un avis d'opposition prévu au présent article doit être signifié par la poste, sous pli recommandé, adressé au sous- ministre du Revenu national pour l'impôt, à Ottawa.
(3) Dès réception de l'avis d'opposition, formulé en vertu du présent article, le Ministre doit,
a) avec toute la diligence possible, examiner de nouveau la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière ou établir une nouvelle cotisation, ou
et en aviser le contribuable par lettre recommandée.
169. Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Commission de révision de l'impôt, pour faire annuler ou modifier la cotisation
a) après que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation, ou
mais nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date avis a été
expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.
171. (1) La Commission peut statuer sur un appel
a) en le rejetant, ou
b) en l'admettant et
(i) annulant la cotisation,
(ii) modifiant la cotisation, ou
(iii) déférant la cotisation au Ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation.
172. (1) Le Ministre ou le contribuable peut, dans les 120 jours de la date le régistraire de la Commission de révision de l'impôt transmet par la poste, au Ministre et au contribua- ble, la décision concernant un appel basé sur l'article 169, interjeter appel auprès de la Cour fédérale du Canada.
La déclaration que le contribuable a produite pour l'année 1974 donne un impôt fédéral à payer pour cette année-là de $71,000.12. Le Ministre, dans son avis de cotisation n'a pas modifié ce montant mais a au contraire entériné les calculs du contribuable. On comprend mieux le grief du con- tribuable si on examine les articles de la Loi qui prévoient la réduction de l'impôt des corporations privées dont le contrôle est canadien.
125. (1) Une corporation, qui a été pendant toute l'année une corporation privée dont le contrôle est canadien, peut déduire de l'impôt payable par ailleurs pour une année d'impo- sition, en vertu de la présente Partie, une somme égale à 25% du moins élevé des montants suivants:
a) la fraction, si fraction il y a,
(i) de la totalité des sommes qui constituent chacune le revenu de la corporation pour l'année, tiré d'une entreprise exploitée activement au Canada,
qui est en sus de
(ii) la totalité des sommes qui constituent chacune une perte de la corporation pour l'année, provenant de l'exploi- tation d'une entreprise exploitée activement au Canada,
c) le plafond des affaires de la corporation pour l'année, ou
d) la fraction, si fraction il y a, du plafond global des affaires de la corporation pour l'année qui est en sus du compte des déductions cumulatives à la fin de l'année d'imposition précédente,
sauf que, aux fins de l'application du présent article à une année d'imposition postérieure à l'année d'imposition 1972, le pourcentage de «25%» figurant dans le présent paragraphe doit être remplacé par le pourcentage de «24%» pour l'année d'impo- sition 1973, de «23%» pour l'année d'imposition 1974, de «22%» pour l'année d'imposition 1975 et de «21%» pour les années d'imposition 1976 et suivantes.
(2) Aux fins du présent article,
a) le plafond des affaires d'une corporation pour une année
d'imposition est de $100,000, et
b) son plafond global des affaires pour une année d'imposi- tion est de $500,000,
à moins que la corporation ne soit associée, pendant l'année, à une ou plusieurs autres corporations privées dont le contrôle est canadien, auquel cas, sauf dispositions contraires dans le pré- sent article, son plafond des affaires pour l'année est nul et son plafond global des affaires pour l'année est nul.
(6) Dans le présent article,
a) «corporation privée dont le contrôle est canadien» signifie une corporation privée qui est une corporation canadienne autre qu'une corporation contrôlée directement ou indirecte- ment, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidantes, ou à la fois par une ou plusieurs personnes non résidantes, par une ou plusieurs corporations publiques ou par une combinaison de celles-ci; et
b) «compte des déductions cumulatives» d'une corporation à la fin d'une année d'imposition donnée, signifie la fraction, si fraction il y a, du total
(i) des revenus imposables de la corporation pour des années d'imposition commençant après 1971 et se termi- nant au plus tard à la fin de l'année donnée, et
(ii) des 4/3 des montants déductibles, en vertu de l'article 112 ou du paragraphe 113(1), des revenus de la corpora tion pour ces années
qui est en sus du total obtenu en additionnant
(iii) les 4/3 des dividendes imposables payés par la corpo ration dans ces années, et
(iv) un montant égal à 4 fois la fraction, si fraction il y a, de l'impôt en main remboursable au titre de dividendes de la corporation, (au sens que donne à cette expression le paragraphe 129(3)), la fin de l'année donnée, qui est en sus de son remboursement de dividendes (au sens que donne à cette expression le paragraphe 129(1)) pour l'an- née donnée.
La défenderesse en l'espèce se plaint de ce que le Ministre a ajouté dans l'espace que la formule de déclaration réserve au calcul du compte des déduc- tions cumulatives du contribuable, lorsqu'il y a lieu à ce calcul, le chiffre de $404,539.91 comme revenu imposable total de la compagnie pour les deux précédentes années: 1972 et 1973. La défen- deresse, elle, avait reporté à cet endroit la somme de $175,252.82. Le Ministre a aussi, au bas de la formule, ajouté $579,792.47, le revenu imposable total pour ces trois années, en indiquant qu'il s'agissait du montant du compte des déductions cumulatives du contribuable à la fin de l'année d'imposition 1974.
Dans une note supplémentaire attachée à l'avis de cotisation, le Ministre a fourni comme suit le détail de ce compte:
[TRADUCTION] Le $579,792.47 du compte des déductions cumulatives se décompose comme suit:
REVENU IMPOSABLE
1972 $148,864.07
1973 $255,675.84
1974 $175,252.58
$579,792.49
Ces montants constituent le revenu imposable de la compagnie pour les années d'imposition posté- rieures à 1971. Si ces chiffres lient le contribuable pour les années suivantes cela diminuera, et proba- blement supprimera la déduction dont aurait pu bénéficier ultérieurement la compagnie, selon l'ar- ticle 125(1)d), si elle est alors devenue une corpo ration privée dont le contrôle est canadien. Le «plafond des affaires» de la compagnie aux termes de l'article 125(2) précité était de $100,000 et son «plafond global» de $500,000. Ce dernier chiffre atteint au poste de son compte des déductions cumulatives, une compagnie ne peut plus bénéfi- cier de la déduction aux petites entreprises à laquelle elle aurait droit autrement.
La Loi n'oblige pas de calculer le «compte des déductions cumulatives» dans la déclaration du contribuable sauf dans le cas une corporation privée dont le contrôle est canadien veut se préva- loir pour cette année-là de l'article 125(1). La défenderesse ne prétendait, ni ne pouvait, exercer aucun recours au sujet de l'année d'imposition 1974 car elle ne pouvait être considérée comme une corporation privée dont le contrôle est cana- dien pour l'ensemble de l'année. Ce calcul du Ministre ne modifiait aucunement l'impôt que la compagnie avait à payer pour l'année. Si éventuel- lement au cours d'une année ultérieure, la défende- resse étant devenue une corporation privée dont le contrôle est canadien, le montant du compte des déductions cumulatives devient un facteur à pren- dre en compte dans le calcul de l'impôt qu'elle a à payer, elle pourra toujours à ce moment-là contes- ter la chose; les calculs du Ministre relatifs à son impôt de 1974 ne pourront en aucune façon consti- tuer une fin de non-recevoir ni être opposés à la compagnie, ni au Ministre d'ailleurs.
En l'espèce le Ministre n'a pas modifié le mon- tant d'impôt qu'avait calculé le contribuable mais l'a au contraire entériné. Dans l'affaire Vineland Quarries and Crushed Stone Limited c. M.R.N. 70 DTC 6043, le juge Cattanach, à la page 6045, écrit:
[TRADUCTION] Si je comprends bien le fondement de l'appel d'une cotisation du Ministre, c'est qu'il s'agit d'un appel du montant cotisé.
Dans Harris c. M.R.N. [1965] 2 R.C.É. 653 [64 DTC 5332] mon collègue Thurlow a dit, à la page 662:
... Lors de l'appel que forme le contribuable, la Cour doit d'abord et avant tout juger si la cotisation est trop élevée. Cela peut être fonction des déductions que l'on peut ou non faire lors du calcul du revenu mais à mes yeux on ne décide de ces questions que dans le but de répondre à la question première. ...
Dans l'affaire La Reine c. Gary Bowl Limited [1974] 2 C.F. 146, le juge Thurlow (ayant alors cette qualité) écrit, à la page 149:
En l'espèce, comme il fut admis que l'appel interjeté par l'intimée à la Commission de révision de l'impôt visait des cotisations portant la mention «nul» pour les années 1967, 1968 et 1969, il s'agit de déterminer si, compte tenu de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Okalta Oils Ltd. c. M.R.N. ([1955] R.C.S. 824) il subsiste des points de droit importants ou assez défendables à débattre quant au droit de l'intimée d'en appeler sur une telle question. A mon avis, ce n'est pas le cas.
La Cour dans le présent appel détient la compé- tence lui permettant de réformer la Commission même si cette dernière ne possédait pas le pouvoir, la compétence, ni l'autorité lui permettant de rendre l'ordonnance en cause. Voir l'arrêt M.R.N. c. Gunnar Mining Ltd. [1970] R.C.É. 329 le président Jackett dit, à la page 333:
A mon avis, ce droit d'appel vise le cas la contestation est fondée sur l'absence de juridiction de la Commission d'appel de l'impôt pour rendre le jugement attaqué (Voir l'arrêt Provincial Secretary of Prince Edward Island v. Egan [1941] S.C.R. 396, le juge en chef Duff déclare, à la page 399); par conséquent ce droit peut également s'étendre à un cas où, comme celui que me paraît poser cette affaire, la contestation porte sur le fait que, bien que la matière relève de la compétence de la Commis sion, celle-ci n'avait pas le pouvoir et la faculté de rendre le jugement attaqué.
La défenderesse invoque les affaires Gardner c. M.R.N. 65 DTC 591, il a été dit, aux pages 591 et 592:
[TRADUCTION] L'acte sur lequel l'avocat du Ministre fondait sa requête était un affidavit qu'avait écrit un des avocats du ministère du Revenu national qui avait pris connaissance de tous les documents dont le Ministre a, ou avait eu, la possession ou la garde, relatifs à l'appel en cause. Après avoir fait remar- quer que la seconde cotisation de l'appelant était pour le montant d'impôt qu'il avait déclaré pour les années d'imposi- tion 1959 et 1961, il note que ce dernier ne demandait pas dans son avis d'appel «que le montant d'impôt à payer déclaré par l'intimé soit haussé ou autrement modifié». En d'autres mots, comme dit précédemment, la position du Ministre était que, comme il n'y avait pas litige au sujet du montant d'impôt à
payer pour les années faisant l'objet de l'appel, la Commission ne pouvait, faute de compétence en la matière, être saisie de l'appel. Le Ministre avait bien fait entrer en ligne de compte dans le calcul de l'impôt de l'appelant, pour chacune des années d'imposition 1959 et 1961, des considérations qui, sans modifier le montant de l'impôt à payer, étaient manifestement incluses dans l'espoir de lui permettre de se conformer, en temps opportun, aux dispositions de l'article 85B de la Loi sur les réserves spéciales.
et Hullmann c. M.R.N. 73 DTC 94, il est dit, à la page 95:
[TRADUCTION] Toutefois si, en dépit d'une cotisation zéro, des droits que la Loi de l'impôt sur le revenu confère au contribuable demeurent, pour l'année d'imposition à laquelle la cotisation zéro se rapporte, et si les dispositions de la Loi confèrent des droits au contribuable indépendamment de la cotisation zéro, comme, par exemple, celui de reporter les pertes de son entreprise de l'année précédente ou celui de contester la réserve qu'aurait établie le Ministre pour en arriver à la cotisation zéro, malgré que le contribuable ne s'en soit pas prévalu, je suis d'avis qu'on ne saurait lui interdire de former appel de la cotisation zéro afin d'établir et d'exercer un droit actuel que lui confère la Loi; il peut importer pour lui à ce moment-là de connaître l'ordre de grandeur de la perte qu'il peut appliquer aux années antérieures ou futures ou celui de la réserve dont il devra rendre compte dans les années à venir.
comme fondement de la proposition voulant que le contribuable dont la cotisation par le Ministre est égale à zéro, ou n'indique aucun impôt à payer, peut quand même former un appel. Ces deux espèces étaient des décisions de la Commission de révision de l'impôt et dans chacune la cotisation du Ministre portait atteinte à certains droits actuels du contribuable, reconnus juridiquement, perti- nents aux déclarations pour l'année en cause.
En l'espèce aucun droit du contribuable au sens juridique n'est touché par les calculs du Ministre ni par son énoncé de l'état du compte des déduc- tions cumulatives du contribuable envoyé avec la confirmation que l'impôt que devait la compagnie était bien celui qui apparaissait dans sa déclaration de cette année-là.
L'espèce Gardner précitée n'était qu'un juge- ment d'avant dire droit d'ailleurs différent du juge- ment définitif publié au 67 DTC 246; la page 248 le vice-président de la Commission, qui pro- nonce le jugement, dit:
[TRADUCTION] Il y aurait beaucoup à dire en ce sens mais il suffit de juger, comme je le fais, qu'en dépit de la procédure, quelque peu irrégulière, suivie pour cotiser dans le cas de la période en cause, on n'a nullement porté atteinte ni modifié par la véritable situation fiscale de l'appelant et il n'est prévu aucun recours auquel on pourrait espérer voir la Commission faire droit.
Je dis donc pour droit que la Commission est sortie de sa compétence en prononçant la décision rendue; en effet le montant d'impôt à payer pour l'année 1974 par la compagnie n'était pas en cause devant la Commission. L'appel devrait donc être accordé et l'appel de la cotisation du Ministre rejeté sans frais.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.