T-1176-80
Dow Jones & Company Inc. (Demanderesse)
c.
Le procureur général du Canada (Défendeur)
Division de première instance, le juge suppléant
Grant—Toronto, 16 avril et 10 juin 1980.
Couronne — Loi sur l'examen de l'investissement étranger
— Requête par voie d'énoncé des faits — Société américaine,
qui avait la propriété de toutes les actions émises et donnant
droit de vote d'une entreprise commerciale canadienne, fusion-
née à une autre société américaine — Il y a lieu de déterminer
si la Loi s'applique aux nouveaux changements de contrôle
étranger d'entreprises canadiennes dont l'acquisition est anté-
rieure à l'entrée en vigueur de la Loi — Il y a lieu de
déterminer si l'acquisition par une société étrangère des mains
d'une autre société étrangère du contrôle d'une entreprise
commerciale canadienne constitue une acquisition de contrôle
au sens du par. 3(3) de la Loi sur l'examen de l'investissement
étranger — Loi sur l'examen de l'investissement étranger, S.C.
1973-74, c. 46, modifiée par S.C. 1976-77, c. 52, art. 2(1),(2),
3(1),(3)a),d), 5(1), 8 — Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970
(2e Supp.), c. 10, art. 17(3)b) — Statut de Westminster, 1931,
22 Geo. V, c. 4 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, n° 26].
Il s'agit d'une requête sous forme de mémoire spécial à la
Cour. Irwin-Dorsey Limited est une société canadienne et une
entreprise commerciale canadienne au sens de la Loi sur l'exa-
men de l'investissement étranger. Toutes ses actions émises et
donnant droit de vote appartenaient à Irwin-U.S., société amé-
ricaine fusionnée en septembre 1975 une autre société améri-
caine, RDI, Inc. Irwin-Dorsey est devenue une filiale en pro-
priété exclusive de RDI, Inc., et Irwin-U.S. a cessé d'exister
comme telle. Les articles de la Loi applicable à cette fusion sont
entrés en vigueur le 9 avril 1974. Les questions soulevées sont
celles de savoir si la Loi s'applique aux nouveaux changements
de contrôle étranger d'entreprises canadiennes dont l'acquisi-
tion est antérieure à l'entrée en vigueur de la Loi et si l'acquisi-
tion par une société étrangère des mains d'une autre société
étrangère du contrôle d'une entreprise commerciale canadienne
constitue une acquisition de contrôle au sens du paragraphe
3(3) de la Loi.
Arrêt: la transaction constitue l'acquisition par une personne
non admissible du contrôle d'une entreprise commerciale cana-
dienne et la Loi sur l'examen de l'investissement étranger s'y
applique. La Loi ne touche pas les acquisitions de contrôle
d'entreprises commerciales canadiennes complétées par des per-
sonnes non admissibles avant l'entrée en vigueur de la Loi, à
moins que l'entreprise n'ait été revendue à une autre personne
non admissible et pas avant une telle revente. Les dispositions
de la Loi visent à réglementer l'acquisition du contrôle de
l'entreprise et non sa création. Chaque fois qu'une personne non
admissible tente d'acquérir un contrôle étranger ou différent,
l'Agence doit recevoir un nouvel avis afin d'apprécier si l'acqui-
sition du contrôle par ces personnes est susceptible d'apporter
des avantages appréciables au Canada. L'entreprise qui fait
l'objet de la Loi est celle qui opère au Canada, et il s'ensuit que
son contrôle doit être exercé ici, quel que soit le lieu du siège de
la société étrangère qui en fait l'acquisition. C'est uniquement
l'acquisition du contrôle de l'entreprise commerciale exploitée
au Canada qui est l'objet de l'examen prévu à l'article 8 de la
Loi. Par suite de la fusion, Irwin-Dorsey est devenue la filiale
de RDI, Inc. De ce fait, il y a eu acquisition de contrôle.
Arrêt mentionné: Croft c. Dunphy [1933] A.C. (C.P.) 156.
REQUÊTE.
AVOCATS:
G. J. Smith, c.r. pour la demanderesse.
J. A. Scollin, c.r. et J. P. Malette pour le
défendeur.
PROCUREURS:
Weir & Foulds, Toronto, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour le
défendeur.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE SUPPLÉANT GRANT: Il s'agit d'une
requête sous forme de mémoire spécial soumis à la
Cour en vertu de l'alinéa 17(3)b) de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, et de
la Règle 475 des Règles de la Cour fédérale. Il y a
accord sur les faits pertinents et ceux-ci sont énon-
cés à un acte du 31 janvier 1980 signé par les
procureurs du sous-procureur général du Canada
et de Dow Jones. En voici l'énoncé:
[TRADUCTION] Les parties sont d'accord sur les faits suivants:
1. Dow Jones & Company Inc. (ci-après appelée «Dow Jones»)
est une société constituée en 1949 en vertu des lois de l'État du
Delaware, un des États-Unis d'Amérique. Dow Jones est une
«personne non admissible» aux termes de la Loi sur l'examen de
l'investissement étranger, S.C. 1973-74, c. 46.
2. Richard D. Irwin Inc. (ci-après appelée «Irwin-U.S.») est une
société constituée en 1967 en vertu de la loi de l'État du
Delaware, l'un des États-Unis d'Amérique.
3. Irwin-Dorsey Limited (ci-après nommée «Irwin-Dorsey») est
une société constituée en 1967 en vertu des lois du Canada, qui
a son siège social et son principal établissement en la ville de
Georgetown, dans la province d'Ontario.
4. Irwin-Dorsey est une «entreprise commerciale canadienne»
au sens de la Loi sur l'examen de l'investissement étranger.
Pendant toute la période pertinente antérieure à la fusion
ci-après mentionnée, Irwin U.S. avait la propriété et le contrôle
de toutes les actions ayant le droit de vote émises et en
circulation de Irwin-Dorsey.
5. RDI, Inc. est une société qui a été constituée en vertu des lois
de l'État du Delaware, l'un des États-Unis d'Amérique, comme
une filiale détenue en propriété exclusive de Dow Jones dans le
but de prendre part, entre autres choses, à la fusion ci-après
décrite. La constitution de cette société n'avait nullement
comme objectif de contourner les dispositions de la Loi sur
l'examen de l'investissement étranger.
6. Plus tard, Dow Jones a fait procéder à la fusion, conformé-
ment aux lois de l'État du Delaware, de Irwin U.S. à RDI, Inc.
Une des conséquences de cette fusion a été la transmission de
tous les biens d'Irwin U.S., notamment les actions d'Irwin-Dor-
sey, à RDI, Inc. La fusion est entrée en vigueur le 30 septembre
1975; la même date, RDI, Inc. a changé sa dénomination
sociale en Richard D. Irwin, Inc. et Irwin U.S. a cessé d'exister
comme telle.
7. La fusion dont il est fait mention au paragraphe 6 des
présentes constituait une étape d'une opération dont l'objectif
était de faire échanger aux actionnaires de Irwin U.S. leurs
actions contre celles de Dow Jones et faire passer les opérations
commerciales d'Irwin U.S. à une filiale en propriété exclusive
de Dow Jones. Cet échange s'est fait au moyen d'une fusion
d'Irwin U.S. à RDI, Inc., la nouvelle filiale de Dow Jones, afin
de procurer aux actionnaires d'Irwin U.S. un échange exempt
d'impôt en vertu des lois fédérales de l'impôt sur le revenu des
États-Unis d'Amérique. Par suite de cette fusion, les actionnai-
res d'Irwin U.S. ont reçu des actions de Dow Jones en échange
de leurs actions. Sans cette volonté d'arriver à un échange
exempt d'impôt pour les actionnaires d'Irwin U.S., la fusion
n'aurait pas été nécessaire et elle n'aurait pas eu lieu. Il n'y a
pas eu acquisition par Dow Jones des actions des filiales d'Irwin
U.S. ni d'aucun autre actif de cette société. La structure
administrative du commerce qu'exploitait Irwin U.S. n'a pas
été modifiée par la fusion. Toutefois, l'une des conséquences de
cette fusion a été de faire d'Irwin-Dorsey, qui était une filiale
en propriété exclusive de Irwin U.S. jusqu'à la fusion, une
filiale en propriété exclusive de RDI, Inc. Par conséquent, tant
avant qu'après la fusion, Irwin-Dorsey se trouvait être une
filiale en propriété exclusive d'une société des États-Unis fai-
sant affaires aux États-Unis sous le nom de Richard D. Irwin
Inc.
8. Avant la fusion mentionnée aux paragraphes 6 et 7 des
présentes, M. Irwin détenait 28% des actions en circulation
d'Irwin U.S. et Mme Irwin en détenait 23%. Puisque M. et Mme
Irwin votaient ensemble, ils contrôlaient par leurs actions la
société Irwin U.S. Pendant toutes les périodes pertinentes, M.
et Mm» Irwin étaient l'un et l'autre des «personnes non admissi-
bles» aux termes de la Loi sur l'examen de l'investissement
étranger. Dow Jones a d'abord acquis une participation impor-
tante dans Irwin U.S. en 1965. De 1965 au 31 décembre 1970,
la proportion des actions en circulation d'Irwin U.S. détenues
par Dow Jones s'est élevée à 19.39%. Du 31 décembre 1970 au
30 septembre 1975,, date de l'entrée en vigueur de la fusion
d'Irwin U.S. à RDI, Inc., cette proportion est passée de 19.39%
à 21.59%. Après la fusion, ni M. Irwin ni Mm» Irwin n'ont
détenu des actions de RDI, Inc. (qui est restée une filiale en
propriété exclusive de Dow Jones). Ils détenaient plutôt des
actions du capital de Dow Jones qu'ils avaient eues en échange
de leurs actions dans Irwin U.S.
S'appuyant sur les faits ci-dessus, les parties demandent con-
jointement par les présentes à cette Cour, en vertu de l'alinéa
17(3)b) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970, 2» Supp.,
c. 10, et de la Règle 475 des Règles et Ordonnances générales
de la Cour fédérale du Canada, de trancher la question
suivante:
Les opérations mentionnées aux présentes constituent-elles
l'acquisition du contrôle d'une «entreprise commerciale cana-
dienne» par une «personne non admissible» à laquelle la Loi
sur l'examen de l'investissement étranger s'applique?
Dans l'affirmative, les parties acceptent que les dépens de la
présente requête soient adjugés à la Partie de seconde part.
Dans la négative, les parties acceptent que les dépens de la
présente requête soient adjugés à la Partie de première part.
Les articles de la Loi sur l'examen de l'investis-
sement étranger, S.C. 1973-74, c. 46, modifiée par
S.C. 1976-77, c. 52, art. 128(2), item 9, utiles pour
répondre à la question soumise sont les suivants:
Loi prévoyant l'examen et l'appréciation des prises de contrôle
d'entreprises commerciales canadiennes par certaines person-
nes et ceux de la création, par certaines personnes, d'entre-
prises nouvelles au Canada.
2. (1) La présente loi est édictée par le Parlement du
Canada parce que celui-ci reconnaît que la mesure dans
laquelle le contrôle de l'industrie et du commerce canadiens est
passé aux mains de personnes autres que des Canadiens et
l'effet de ce contrôle sur la capacité, pour les Canadiens, de
conserver le contrôle effectif de leur milieu économique sont des
sujets de préoccupation nationale et qu'il est donc opportun de
créer un moyen de prendre, sous l'autorité du Parlement, des
mesures visant à faire en sorte, dans la mesure où cela sera
matériellement possible après l'adoption de la présente loi, que
le contrôle des entreprises commerciales canadiennes ne puisse
passer aux mains de personnes autres que des Canadiens et que
des entreprises nouvelles ne puissent être créées au Canada par
des personnes, autres que des Canadiens, qui n'exploitent pas
déjà des entreprises au Canada ou dont les entreprises nouvelles
au Canada n'auraient aucun rapport avec celles qu'ils y exploi-
tent déjà, que s'il a été apprécié que l'acquisition du contrôle de
ces entreprises ou la création de ces entreprises nouvelles par
ces personnes, selon le cas, apporte ou est susceptible d'apporter
des avantages appréciables au Canada, compte tenu de l'ensem-
ble des facteurs devant être pris en considération à cette fin en
vertu de la présente loi.
3. (1) Dans la présente loi
«investissement effectif» a le sens qu'attribue à cette expression
l'alinéa 8(3)b);
«Agence» désigne l'Agence d'examen de l'investissement étran-
ger, créée en application du paragraphe 7(1);
«entreprise» désigne toute activité ou affaire commerciale
exploitée dans un but lucratif;
«succursale canadienne d'une entreprise» désigne une entreprise
exploitée au Canada par une corporation constituée ailleurs
qu'au Canada, qui a au Canada un ou plusieurs établisse-
ments auxquels les employés de la corporation affectés à
l'entreprise se présentent habituellement pour travailler.
«entreprise canadienne» désigne une entreprise exploitée au
Canada
a) par un particulier qui est soit un citoyen canadien, soit une
personne résidant habituellement au Canada,
b) par une corporation constituée au Canada, qui y a un ou
plusieurs établissements auxquels ses employés affectés à
l'entreprise se présentent habituellement pour travailler, ou
c) par un nombre quelconque de particuliers ou de corpora
tions ou groupe de particuliers et de corporations, si l'un ou
plusieurs de ceux qui forment ce nombre ou ce groupe sont
soit des particuliers visés à l'alinéa a), soit des corporations
visées à l'alinéa b) qui, soit seuls, soit en commun ou de
concert avec un ou plusieurs autres particuliers ou corpora
tions visés à l'un ou l'autre de ces alinéas, contrôlent ou sont
en mesure de contrôler la conduite de l'entreprise;
«entreprise commerciale canadienne» désigne une entreprise qui
est soit une entreprise canadienne, soit une succursale cana-
dienne d'une entreprise;
«personne non admissible» désigne
a) un particulier qui n'est pas un citoyen canadien ni un
résident permanent au sens de la Loi sur l'immigration de
1976 et comprend
(i) un citoyen canadien qui ne réside pas habituellement au
Canada et qui fait partie d'une catégorie de personnes
prescrite par règlement aux fins de la présente définition,
et
(ii) un résident permanent qui a résidé habituellement au
Canada pendant plus d'une année à compter de la date où
il est devenu pour la première fois admissible à demander
la citoyenneté canadienne,
b) le gouvernement d'un pays autre que le Canada ou une
subdivision politique d'un tel pays, ou un organisme d'un tel
gouvernement, ou
c) une corporation constituée au Canada ou ailleurs qui est,
d'une manière qui aboutit à un contrôle de fait, que ce soit
directement par l'intermédiaire de la propriété de ses actions
ou indirectement par l'intermédiaire d'une fiducie, d'un con-
trat, de la propriété des actions de quelque autre corporation
ou autrement, sous le contrôle d'une personne visée à l'alinéa
a) ou b) ou d'un groupe de personnes dont un membre est
une personne visée aux alinéas a) ou b);
(3) Aux fins de la présente loi,
a) le contrôle d'une entreprise commerciale canadienne ne
peut être acquis,
(i) s'il s'agit d'une entreprise commerciale canadienne qui
est une entreprise canadienne exploitée par une corpora
tion soit seule, soit en commun ou de concert avec une ou
plusieurs autres personnes,
(A) que par l'acquisition d'actions de la corporation
assorties du droit de vote qui peut être ordinairement
exercé aux assemblées des actionnaires de la corpora
tion, ou
(B) que par l'acquisition de la totalité ou de la presque
totalité des biens utilisés pour l'exploitation de l'entre-
prise au Canada, et
(ii) s'il s'agit de quelque autre entreprise commerciale
canadienne, que par l'acquisition de la totalité ou de la
presque totalité des biens utilisés pour l'exploitation de
l'entreprise au Canada;
d) l'acquisition, par quelque personne ou groupe de person-
nes, de plus de 50% des actions d'une corporation assorties du
droit de vote qui peut être ordinairement exercé aux assem
blées des actionnaires de la corporation, que les actions de la
corporation soient librement négociables ou non, est réputée,
à moins que la personne ou le groupe de personnes qui ont
acquis les actions n'aient, au moment de l'acquisition, exercé
un contrôle de fait sur la corporation, constituer l'acquisition
du contrôle de toute entreprise exploitée par la corporation, à
l'exclusion de toute entreprise exploitée, dans un but sans
rapport avec les dispositions de la présente loi, par elle en
commun ou de concert avec une ou plusieurs autres
personnes;
M. Smith soutient, pour le compte de Dow
Jones, que la Loi ne s'applique pas aux nouveaux
changements de contrôle étranger d'entreprises
canadiennes dont l'acquisition est antérieure à
l'entrée en vigueur de la Loi. En d'autres mots,
quelqu'un qui veut acquérir le contrôle d'une
entreprise canadienne qui a déjà été cédée à des
personnes non admissibles au sens de cette Loi
avant cette époque, n'est pas tenu d'aviser
l'Agence par écrit, selon les dispositions de l'article
8 de la Loi, de son intention de faire cette
acquisition.
Il avance que les objectifs de la Loi et l'intention
du législateur qui y est exprimée peuvent recevoir
leur pleine réalisation en appliquant les disposi
tions de la Loi aux seuls cas où le contrôle d'entre-
prises canadiennes est passé en mains étrangères
pour la première fois après l'entrée en vigueur de
la Loi. La société américaine Irwin-U.S. avait la
propriété et le contrôle de toutes les actions émises
et en circulation d'Irwin-Dorsey avant la fusion en
cause et avant l'entrée en vigueur de la Loi, de
sorte que la fusion qui fait l'objet de la présente
requête porte sur une transmission d'actions d'une
«personne non admissible» à une autre «personne
non admissible» aux États-Unis. Les articles de la
Loi applicables à cette fusion sont entrés en
vigueur le 9 avril 1974. La fusion a pris effet le 30
septembre 1975.
M. Smith prétend que les termes du paragraphe
2(1) de la Loi qui expriment l'objet de celle-ci
autorisent l'interprétation qu'il lui donne. Il cite les
mots «que le contrôle des entreprises commerciales
canadiennes ... puisse passer aux mains de person-
nes autres que des Canadiens et que des entrepri-
ses nouvelles ... puissent être créées au Canada»
et «que l'acquisition du contrôle de ces entreprises
ou la création de ces entreprises nouvelles par ces
personnes, selon le cas, apporte ou est susceptible
d'apporter des avantages appréciables au Canada,
....» Il invoque aussi le paragraphe 5(1) de la Loi
à l'appui de son interprétation, lequel prévoit ce
qui suit:
5. (1) La présente loi s'applique en ce qui concerne toute
forme d'acquisition du contrôle d'une entreprise commerciale
canadienne après l'entrée en vigueur de la présente loi, sauf s'il
s'agit
a) d'une entreprise commerciale exploitée par une corpora
tion qui est mandataire de Sa Majesté du chef du Canada ou
d'une province, ou dont le nom figure à l'annexe D de la Loi
sur l'administration financière;
b) d'une entreprise commerciale exploitée par une corpora
tion dont le revenu imposable est exonéré du paiement de
l'impôt prévu à la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu,
par l'alinéa 149(1)d) de cette loi; et
c) sous réserve du paragraphe 31(3), d'une entreprise
commerciale.
Je ne partage pas son opinion et je ne crois pas
qu'on puisse tirer une telle conclusion de la lecture
de l'ensemble de la Loi. Il n'y a pas l'ombre d'un
doute que la Loi n'est pas rétroactive en ce qu'elle
ne touche pas les acquisitions de contrôle d'entre-
prises commerciales canadiennes complétées par
des personnes non admissibles avant l'entrée en
vigueur de la Loi, à moins que l'entreprise n'ait été
revendue à une autre personne non admissible et
pas avant une telle revente. Les dispositions de la
Loi visent à réglementer l'acquisition du contrôle
de l'entreprise et non sa création.
Lorsqu'une personne ou un groupe de personnes
non admissibles au sens de la Loi tente de prendre
le contrôle d'une entreprise canadienne, elles doi-
vent en donner avis à l'Agence d'examen de l'in-
vestissement étranger, conformément aux disposi
tions de l'article 8 de la Loi. La Loi ne fait pas de
distinction entre l'acquisition par de telles person-
nes d'une entreprise qui est la propriété de Cana-
diens et l'acquisition des mains d'une personne non
admissible qui a elle-même pris le contrôle avant
l'entrée en vigueur de la Loi ou qui a obtenu
l'autorisation requise après l'entrée en vigueur de
la Loi. Selon mon interprétation de la Loi, chaque
fois qu'une personne non admissible tente d'acqué-
rir un contrôle étranger ou différent, l'Agence doit
recevoir un nouvel avis afin d'apprécier si l'acquisi-
tion du contrôle par ces personnes est susceptible
d'apporter des avantages appréciables au Canada
compte tenu de tous les facteurs mentionnés au
paragraphe 2(2) de la Loi.
L'avocat de Dow Jones allègue que l'acquisition
par une société étrangère des mains d'une autre
société étrangère du contrôle d'une entreprise com-
merciale canadienne ne constitue pas une acquisi
tion de contrôle au sens du paragraphe 3(3) de la
Loi et n'y est pas par conséquent assujettie. Une
telle interprétation est contraire à l'objet de la Loi.
L'entreprise qui fait l'objet de la Loi est celle qui
opère au Canada, et il s'ensuit que son contrôle
doit être exercé ici, quel que soit le lieu du siège de
la société étrangère qui en fait l'acquisition.
La Loi ne régit pas l'absorption d'Irwin-U.S. par
RDI, Inc. C'est uniquement l'acquisition du con-
trôle de l'entreprise commerciale exploitée au
Canada qui est l'objet de l'examen prévu à l'article
8 de la Loi. Elle ne vise pas des opérations extra-
territoriales, mais s'applique seulement à l'égard
des activités canadiennes. Les dispositions de la
Loi n'ont pas reçu d'application extra-territoriale,
bien que le Parlement ait le pouvoir d'adopter des
lois qui auraient une telle portée. Croft c. Dunphy
[1933] A.C. (C.P.) 156; Statut de Westminster,
1931, 22 Geo. V, c. 4 (R.-U.) [S.R.C. 1970,
Appendice II, n° 26].
M. Smith s'appuie sur le paragraphe 3(3) pour
affirmer que la fusion en cause n'équivaut pas à
une acquisition de contrôle. Toutefois on reconnaît
au paragraphe 4 du mémoire spécial que, immé-
diatement avant la fusion, Irwin-U.S. avait le con-
trôle et la propriété de toutes les actions émises et
en circulation comportant droit de vote d'Irwin-
Dorsey. Au paragraphe 6 de ce mémoire, les par
ties reconnaissent que le résultat de la fusion d'Ir-
win-U.S. à RDI, Inc. a été de transporter tous les
biens d'Irwin-U.S., y compris les actions d'Irwin-
Dorsey comportant droit de vote, à RDI, Inc. et
qu'Irwin-U.S. a par la suite abandonné sa charte
et a cessé d'exister comme société. Irwin-Dorsey
est alors devenue la filiale de RDI, Inc. De ce fait,
il y a eu acquisition du contrôle par une société
non admissible des États-Unis au sens de l'alinéa
3(3)d) de la Loi.
Je réponds donc par l'affirmative à la question
soumise dans le mémoire. J'estime que la transac
tion dont il a été question aux présentes constitue
l'acquisition par une personne non admissible du
contrôle d'une entreprise commerciale canadienne
et que la Loi sur l'examen de l'investissement
étranger s'y applique.
Conformément à la convention des parties, le
procureur général du Canada aura droit de recou-
vrer les dépens de la requête de Dow Jones &
Company Inc.
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