Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

A-147-80
La Reine (Appelante)
c.
Melford Developments Inc. (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Urie et le juge suppléant Kelly—Toronto, 14 et 15 janvier 1981.
Impôt sur le revenu Non-résidents Retenue au titre de l'impôt Appel formé contre le jugement de la Division de première instance qui a infirmé les cotisations visant les frais de garantie payés par l'intimée à une banque commerciale allemande, société non résidente Il échet d'examiner si la Convention entre le Canada et l'Allemagne en matière d'impôt sur le revenu exonère cette société de tout impôt canadien et, par voie de conséquence, exonère l'intimée de l'obligation de retenir et de payer au fisc l'impôt qui eût été payable L'appelante soutient que le paiement de frais de garantie étant assimilable au paiement d'intérêts, les frais de garantie sont eux-mêmes assimilables aux intérêts, et que par conséquent, le revenu reçu par cette société, qui provient de paiements d'«in- térêts», est imposable sous le régime de l'Art. 111(5) de la Convention Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, art. 212(1)b), 214(15)a) et 215(1),(6) Loi de 1956 sur un accord entre le Canada et l'Allemagne en matière d'impôt sur le revenu, S.C. 1956, c. 33, art. 2, 3, Convention, Art. 11(2), 111(1),(5).
Il s'agit d'un appel formé contre le jugement de la Division de première instance qui a infirmé les cotisations établies par le ministre du Revenu national à la suite du défaut, par l'intimée, de retenue et de paiement au fisc, de l'impôt sur les frais de garantie payés à une société non résidente, en l'occurrence une banque commerciale allemande. Il échet d'examiner si la Con vention entre le Canada et l'Allemagne en matière d'impôt sur le revenu exonère cette société de tout impôt canadien sur ces paiements et, par voie de conséquence, exonère l'intimée de l'obligation de retenir et de payer au fisc l'impôt qui eût été payable. L'appelante soutient que le paragraphe 214(15) de la Loi de l'impôt sur le revenu assimilant le paiement de frais de garantie au paiement d'intérêts, les frais de garantie sont eux-mêmes assimilés aux intérêts, et que le revenu reçu par la société, provenant de paiements d'«intérêts», est par conséquent imposable sous le régime de l'Article III(5) de la Convention.
Arrêt: l'appel est rejeté. Le paragraphe 214(15) n'assimile pas les frais de garantie aux «intérêts»; il prévoit seulement que le paiement de ces frais est réputé être «un paiement d'intérêt». Le simple fait d'attribuer au paiement un caractère qu'il n'a pas ne change rien à la nature de ce qui est payé. On ne pourrait jamais assimiler à un paiement d'intérêt ce qui a toujours été le paiement de frais que le garant perçoit pour assumer un risque, alors qu'il n'aura peut-être jamais à indem- niser le prêteur, ce qui n'est pas le cas des «intérêts». En outre, la Convention n'autorise pas la conversion des frais de guaran- tie en intérêts. L'Article III(5) se rapporte aux revenus expres- sément visés par les Articles suivants de la Convention (c.-à-d. les revenus imposables au Canada). N'y sont pas incluses les opérations réputées être des paiements d'intérêts, ni les sommes
qui ne sont pas véritablement des intérêts mais qui sont répu- tées tels. On ne saurait étendre le sens du mot «intérêt». Ce que l'Article II(2) de la Convention entend par sens des termes est le sens attribué à ces termes par la loi en vigueur au moment la Convention fut négociée.
Arrêts examinés: In re Farm Security Act, 1944 [1947] R.C.S. 394; Le procureur général de l'Ontario c. Barfried Enterprises Ltd. [1963] R.C.S. 570; R. c. The County Council of Norfolk (1891) 60 L.J.Q.B. 379.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
C. G. Pearson pour l'appelante. J. R. Dingle pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'appelante.
Blaney, Pasternak, Smela & Watson, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris aux motifs du juge Urie pour conclure que les frais de garantie en cause dans cet appel sont, par applica tion de la Loi de 1956 sur un accord entre le Canada et l'Allemagne en matière d'impôt sur le revenu, S.C. 1956, c. 33, exemptés de l'impôt prévu à la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, et que l'appel n'est pas fondé et doit être rejeté avec dépens.
* * *
Ce gui suit est la version française des motifs du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE URIE: Il s'agit de l'appel formé contre un jugement de la Division de première instance [[1980] 2 C.F. 713] infirmant les cotisations faites par le ministre du Revenu national qui exigeait le paiement de l'impôt et des pénalités pour les années d'imposition 1975, 1976 et 1977. Ces coti- sations faisaient suite au défaut, par l'intimée, de retenue et de paiement au fisc, respectivement pour les années 1975 et 1976, de la somme de $9,000 sur les $60,000 qu'elle avait payés les mêmes années à un non-résident et pour 1977, de la somme de $4,500 sur les $30,000 payés cette dernière année au même non-résident.
La décision a été rendue en instance sur le fondement d'un exposé conjoint des faits qui se résument comme suit. En 1973, l'intimée, qui est une entreprise de promotion immobilière, négocia un emprunt de $6,000,000 (canadiens) auprès de La Banque de Nouvelle-Ecosse. La garantie requise par la banque a été assurée, pour le mon- tant total de la dette, par une banque commerciale allemande, la Bayerische Vereinsbank Incorpora ting Bayerische Staatsbank AG (ci-après appelée «Vereinsbank»). En contrepartie, la Vereinsbank demanda des frais de garantie calculés au taux annuel de 1 p. 100 du principal, et payables par versements trimestriels de $15,000. La Vereins- bank n'était pas une résidente du Canada et n'y disposait d'aucun établissement de quelque nature que ce soit. En payant à cette dernière l'argent qu'elle lui devait, l'intimée n'a rien retenu, au titre de l'impôt, des versements trimestriels faits au cours des années visées par les cotisations en cause alors que, selon l'appelante, elle y était tenue par application de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée par l'art. 1, c. 63, S.C. 1970-71-72.
Il est constant que si la Vereinsbank n'est pas exonérée de l'impôt sur le revenu du Canada par la Convention de 1956 entre le Canada et l'Allema- gne en matière d'impôt sur le revenu, mise en vigueur par la Loi de 1956 sur un accord entre le Canada et l'Allemagne en matière d'impôt sur le revenu, S.C. 1956, c. 33, l'intimée est requise par la Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu de retenir l'impôt à raison de 15 p. 100 de chaque paiement fait à la banque, et de le remettre entre les mains du receveur général du Canada. Il échet donc d'examiner si la Convention exonère la Vereinsbank de tout impôt canadien sur ces paie- ments et, par voie de conséquence, exonère l'inti- mée de l'obligation de retenir et, de payer au fisc l'impôt qui eût été payable. Le savant juge de première instance a décidé qu'il en est bien ainsi.
Voici les articles applicables de la Partie XIII de la Loi de l'impôt sur le revenu:
212. (1) Toute personne non résidante doit payer un impôt sur le revenu de 25% sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la Partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel
b) d'intérêts, sauf
214. (15) Aux fins de la présente Partie,
a) lorsqu'une personne non résidante a conclu une entente aux termes de laquelle elle consent à garantir le rembourse- ment, en tout ou en partie, du principal d'une obligation, d'un billet, d'un mortgage, d'une hypothèque ou d'un titre semblable d'une personne résidant au Canada, toute somme versée ou créditée en contrepartie de la garantie est réputée être un paiement d'intérêt sur cette obligation; ...
215. (1) Lorsqu'une personne verse ou crédite ou est réputée avoir versé ou crédité une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente Partie, elle doit, nonobstant toute disposition contraire d'une convention ou d'une loi, en déduire ou en retenir le montant de l'impôt et le remettre immédiatement au receveur général du Canada au nom de la personne non résidante, à valoir sur l'impôt, et l'accompagner d'un état en la forme prescrite.
(6) Lorsqu'une personne a omis de défalquer ou de retenir, comme l'exige le présent article, une somme sur un montant payé à une personne non résidante ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non résidante ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie, au nom de la personne non résidante, la totalité de la somme qui aurait être défalquée ou retenue, et elle a le droit de défalquer ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non résidante ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non résidante toute somme qu'elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d'impôt sous le régime de la présente Partie.
Il y a lieu de noter que la Convention réduit à 15 p. 100 le taux de prélèvement fiscal de 25 p. 100 sur les intérêts reçus par les non-résidents.
Il est aussi constant que la Vereinsbank, n'étant pas résidente du Canada, n'était pas assujettie à l'impôt sous le régime de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu. Elle n'était pas employée dans une entreprise au Canada, elle n'y exerçait aucune entreprise et, à aucun moment durant les années d'imposition en question, elle n'a disposé d'un bien canadien imposable. L'appelante sou- tient cependant qu'il ressort des articles rappelés ci-dessus que la Vereinsbank est tenue à l'impôt, et l'intimée à l'obligation de retenir et de verser au receveur général l'impôt provenant des paiements trimestriels à la banque garante.
De son côté, l'intimée soutient que les frais de garantie versés à la Vereinsbank étaient des «béné- fices industriels et commerciaux» au sens de la Convention et étaient ainsi exemptés de l'impôt canadien. En conséquence, l'intimée n'était pas
requise par le paragraphe 215(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu de retenir et de payer l'impôt.
La Loi de 1956 sur un accord entre le Canada et l'Allemagne en matière d'impôt sur le revenu prévoit, entre autres, ce qui suit:
2. L'accord conclu entre le Canada et la République fédérale d'Allemagne, reproduit dans l'Annexe, est ratifié et il est déclaré que cet accord a force de loi au Canada.
3. En cas d'incompatibilité entre les dispositions de la pré- sente loi ou de l'accord et l'application de toute autre loi, les dispositions de la présente loi et de l'accord l'emportent dans la mesure de cette incompatibilité.
L'impôt sur le revenu canadien figure parmi ceux qui font l'objet de la Convention, reproduite dans l'annexe de la Loi.
L'Article II(2) porte:
ARTICLE II
2. Pour l'application des dispositions de la présente Conven tion par l'un des Etats contractants, tout terme ou expression que la présente Convention ne définit pas autrement a, sauf indication contraire du contexte, le sens qui lui est attribué dans la législation en vigueur sur le territoire de cet Etat et relative aux impôts qui constituent l'objet de la présente Convention.
L'intimée se prévaut de l'Article III(1) pour soutenir que la Vereinsbank est exemptée de l'im- pôt canadien par ce motif que les frais de garantie par elle reçus sont des «bénéfices industriels ou commerciaux» d'une entreprise n'exerçant aucune activité commerciale ou industrielle au Canada par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Cet Article porte:
ARTICLE III
1. Les bénéfices industriels ou commerciaux d'une entreprise de l'un des territoires ne sont soumis à l'impôt de l'autre territoire que si l'entreprise exerce une activité commerciale ou industrielle dans celui-ci par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce une activité com- merciale ou industrielle dans l'autre territoire par l'intermé- diaire d'un établissement stable y situé, lesdits bénéfices peu- vent être imposés dans ce territoire, mais seulement dans la mesure ils proviennent dudit établissement stable.
De son côté, l'appelante soutient que la Vereins- bank est exclue de l'exemption par l'Article III(5) qui porte:
ARTICLE III
5. Les alinéas 1 et 2 n'ont pas pour effet d'empêcher l'un des Etats contractants de lever, dans le cadre de la présente Con vention, un impôt sur le revenu, c'est-à-dire sur les dividendes, intérêts, droits de location ou redevances, provenant de sources situées dans son territoire par un résident de l'autre territoire si ledit revenu n'est pas attribuable à un établissement stable situé dans le territoire du premier Etat.
Le savant juge de première instance a décidé que les versements trimestriels des frais de garan- tie constituaient des «bénéfices industriels et com- merciaux» au sens de l'Article III(1). Il appert que l'avocat de l'appelante n'a pas contesté cette con clusion. Il soutenait cependant que par application de l'alinéa 5 de l'Article III, la Vereinsbank était exclue de l'exemption prévue à l'alinéa 1 de l'Arti- cle III car elle recevait un revenu issu de paie- ments d'«intérêts» «provenant de sources situées dans son territoire par un résident de l'autre terri- toire» (c'est-à-dire l'Allemagne), parce que, à son avis, le paragraphe 214(15) qui assimilait les frais de garantie à un paiement d'intérêt sur l'obliga- tion, avait pour effet d'assimiler ces frais aux intérêts.
Je ne saurais accueillir cette thèse. Quel que soit le sens attribué au dernier membre de phrase: «réputée être un paiement d'intérêt sur cette obli gation» (il s'agit en toute vraisemblance du rem- boursement du mortgage), il est clair que les frais de garantie ne sont pas assimilés aux «intérêts», et que c'est seulement le paiement de ces frais qui est réputé être «un paiement d'intérêt». Evidemment, le simple fait d'attribuer au paiement un caractère qu'il n'a pas ne change rien à la nature de ce qui est payé. En fait, on ne pourrait jamais assimiler à un paiement d'intérêt ce qui a toujours été le paiement de frais en contrepartie d'une garantie.
A supposer même que le paragraphe 214(15) puisse s'interpréter comme assimilant les frais de garantie aux intérêts et non simplement à un paiement d'intérêt, ces frais ne sont pas, en fait, des intérêts. Dans l'arrêt La Reine c. The County Council of Norfolk', il a été ainsi jugé:
[TRADUCTION] ... de manière générale, de dire qu'une chose est réputée être quelque chose d'autre ne revient pas à dire qu'elle est exactement ce qu'elle est réputée être. Cela revient
1 (1891) 60 L.J.Q.B. 379, aux pp. 380 et 381.
plutôt à reconnaître qu'elle n'est pas exactement ce qu'elle est réputée être, mais que, même si elle ne l'est pas, elle est réputée l'être aux fins de la Loi.
Il s'ensuit qu'en l'absence d'une définition du terme «intérêt» dans la Convention, il faut donner à ce terme, aux fins de la Convention et en appli cation de l'Article II(2) précité, le sens qui lui est attribué au Canada. Dans l'arrêt In re Farm Secu rity Act, 1944 2 , «intérêt» a été défini comme suit:
[TRADUCTION] L'intérêt est, d'une manière générale, la con- trepartie ou le dédommagement de l'utilisation ou de la déten- tion par une personne d'une certaine somme d'argent qui appartient, au sens courant de ce mot, à une autre ou qui lui est due.
Cette définition a été reprise dans l'arrêt Le procureur général de l'Ontario c. Barfried Enter prises Ltd. 3 Si l'on admet cette définition d'intérêt, on ne saurait voir comment des frais de garantie peuvent être qualifiés d'«intérêts». Le prêteur qui reçoit des intérêts sur l'argent qu'il a prêté n'a plus cet argent en sa possession avant le rembourse- ment. Les intérêts lui sont payés en contrepartie de cette dépossession et du risque y afférent. Par contre, le garant garde toujours son argent jus- qu'au moment où, le cas échéant, il doit honorer sa garantie. En conséquence, les frais qu'il perçoit en paiement de la garantie ne peuvent être considérés comme des intérêts perçus pour le prêt de l'argent dont il n'aurait plus la garde. Il s'agit stricte- ment de frais perçus pour assumer un risque, alors qu'il n'aura peut-être jamais à indemniser le prêteur. 4
A la lumière de cette jurisprudence, je conclus que le paiement des frais de garantie ne constitue pas un «paiement d'intérêt». A plus forte raison, on ne peut dire que les frais de garantie sont des «intérêts».
En outre, même si l'on admet l'argument de l'appelante voulant qu'aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, le paragraphe 214(15) ait pour effet d'assimiler les frais de garantie aux intérêts, j'es- time que l'alinéa 5 de l'Article III de la Conven tion n'autorise pas une telle conversion. Ma con clusion est fondée sur les deux motifs suivants.
En premier lieu, comme indiqué plus haut, il est constant que les frais de garantie en question sont
2 [1947] R.C.S. 394, la p. 411.
3 [1963] R.C.S. 570, la p. 575.
4 Comparer—Holder c. Inland Revenue Commissioners [1932] All E.R. Rep. 265, la p. 271, et Bennett and White Construction Co. Ltd. c. M.R.N. [1949] C.T.C. 1, à la p. 4.
des «bénéfices industriels ou commerciaux». N'em- pêche que selon l'alinéa 5 de l'Article III, le Canada peut lever, dans le cadre de la Convention, un impôt sur le revenu reçu de sources canadiennes par un résident de l'Allemagne si ce revenu n'est pas attribuable à un établissement stable situé au Canada. L'alinéa énumère les revenus visés, savoir dividendes, intérêts, droits de location ou redevan- ces. Le membre de phrase souligné ci-dessus— dans le cadre de la Convention—éclaire le sens à attribuer à cet alinéa. A mon avis, l'expression «dans le cadre de» ne peut signifier dans ce con- texte que «dans les limites» de la Convention. D'autres expressions restrictives pourraient aider à déterminer le sens de l'expression «dans le cadre de», mais, à mon avis, celle-là l'illustre parfaite- ment. S'il en est ainsi, il faut examiner le reste de la Convention pour déterminer quels sont les reve- nus exclus par les lois fiscales du Canada de l'exemption prévue à l'alinéa 1 de l'Article III pour les bénéfices industriels ou commerciaux.
On voit immédiatement que l'Article VI traite des dividendes, l'Article VII de «l'intérêt des titres, valeurs, billets, obligations ou toutes autres créan- ces l'exception de ...)», l'Article VIII des droits d'auteur et de la propriété industrielle, et l'Article XIII de tout revenu provenant d'un bien immobi- lier. Tous les types de revenu visés par ces Articles sont repris à l'alinéa 5 de l'Article III et, comme tels, sont autant d'exemples de revenu que le Canada pourrait imposer, bien qu'ils puissent être aussi considérés comme des «bénéfices industriels ou commerciaux». Cet alinéa n'habilite pas le Canada à déclarer imposables les revenus exemp tés par la Convention, au titre de ces bénéfices et qui ne sont pas expressément visés par les Articles qui suivent. A mon avis, une telle action unilaté- rale ne serait pas admissible, car elle violerait les clauses d'une convention ayant force obligatoire librement conclue par deux Etats souverains. Cette convention ne peut être modifiée que par un accord entre les parties et non par l'action d'une des parties, qui modifie ses lois fiscales par l'adop- tion d'une disposition comme le paragraphe 214(15) en 1974, quelque dix-huit ans après la signature de la convention.
En résumé, je conclus que l'alinéa 5 de l'Article III se rapporte aux revenus expressément visés par les Articles suivants de la Convention et qui relè-
vent des catégories énumérées dans cet alinéa. L'intérêt proprement dit en fait partie. N'y sont pas incluses les opérations réputées être des paie- ments d'intérêts, ni les sommes qui ne sont pas véritablement des intérêts mais qui sont réputées tels.
En second lieu, l'appelante ne peut se prévaloir de cet alinéa 5 attendu qu'à mon avis, ce que l'Article II(2) de la Convention entend par sens des termes est le sens attribué à ces termes par les lois en vigueur au moment la Convention fut négociée. Cette interprétation est conforme à la règle présidant à la détermination du sens des termes employés dans un accord (la Convention dont s'agit est essentiellement un accord entre les États contractants), savoir qu'il faut donner à ces termes le sens qui leur est habituellement attribué dans les États contractants au moment de l'adop- tion de l'accord. On conçoit mal que les parties contractantes aient pu prévoir que quelques années après la négociation de la Convention, l'une d'elles pourrait, sans autre négociation ou discussion et sans modification de la Convention, étendre, res- treindre ou modifier de toute autre manière le sens des mots ou de la terminologie, admis par les parties dans leurs lois fiscales en vigueur au moment de la négociation et de la signature de la Convention. Voilà ce que l'appelante nous demande de faire en extrapolant le sens courant d'«intérêt», par le biais de l'application du paragra- phe 214(15) de la Loi (adopté dix-huit ans après la Convention), rapproché de l'alinéa 5 de l'Article III de la Convention. Je ne saurais accueillir une telle conclusion.
Par ces motifs, je conclus que le savant juge de première instance n'a commis aucune erreur en concluant que les frais de garantie versés à la Vereinsbank ne sont pas imposables au Canada, et que le paragraphe 215(1) n'impose pas à l'intimée l'obligation de retenir et de remettre à l'appelante l'impôt sur les frais payés à la Vereinsbank.
En conséquence, je rejetterais l'appel avec dépens.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux motifs ci-dessus.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.