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A-37-80
L'Association des consommateurs du Canada (Section de la Colombie-Britannique) (Appelante)
c.
British Columbia Telephone Company (Intimée)
Cour d'appel, les juges Pratte, Heald et Urie Vancouver, 10 et 11 décembre; Ottawa, 23 décem- bre 1980.
Examen judiciaire Appel et demande d'annulation d'une décision rendue par le CRTC en vertu de l'art. 9A de la Loi spéciale sur la BC Tel Décision approuvant un accord portant acquisition d'actions Les considérations d'intérêt public sont d'égale valeur Il échet d'examiner si une approbation fondée sur ce principe constitue une erreur de droit Il échet d'examiner si la décision repose sur une conception erronée de la charge de la preuve Loi concernant la .British Telephone Company., S.C. 1916, c. 66, art. 9A, modifiée Loi nationale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, art. 64(2), modifiée Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
Il y a à la fois appel et demande d'examen judiciaire fondée sur l'article 28 contre une décision rendue par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes en vertu de l'article 9A de la Loi concernant la .British Telephone Company.. Par cette décision, le Conseil a approuvé un accord portant acquisition par l'intimée de toutes les actions de GTE Automatic Electric (Canada) Limited. L'appelante prétend que le Conseil a commis une erreur de droit en approuvant un accord dont la preuve ne permettait pas de conclure s'il profite- rait ou nuirait à l'intérêt public. Elle prétend qu'en cas de demande fondée sur l'article 9A, l'approbation ne devrait être accordée que si elle était prouvée conforme à l'intérêt public. Elle prétend également que la décision du Conseil repose sur une conception erronée de la preuve nécessaire pour l'approba- tion d'une demande fondée sur l'article 9A.
Arrêt: l'appel et la demande fondée sur l'article 28 sont rejetés. L'article 9A ne prescrit aucun critère que le Conseil doit observer lorsqu'il exerce son pouvoir d'approuver ou de rejeter un accord de ce genre. Le Conseil est libre d'établir et d'appli- quer ses propres principes. En l'espèce, il a adopté un critère, celui de savoir si cette transaction pouvait être considérée comme conforme à l'intérêt public. Puis, après avoir constaté que la preuve concernant l'intérêt public était d'égale valeur des deux côtés, il a accueilli la demande, sous réserve toutefois de certaines sauvegardes pour protéger cet intérêt. Autrement dit, il est parvenu à la conclusion qu'à l'aide de sauvegardes régle- mentaires adéquates, l'intérêt public serait protégé. La question de la charge de la preuve n'entre pas en ligne de compte. Les jurisprudences invoquées ne portent pas sur la loi dont il s'agit; on ne saurait donc dire que le Conseil a établi une «règle de la charge de la preuve pour ce genre de demande. Le Conseil n'a pas commis une injustice en omettant d'informer les parties d'une modification dans la pratique concernant la charge de la preuve, en admettant qu'il y ait eu modification, car il est habilité à procéder à cette modification.
Arrêts mentionnés: L'Association des consommateurs du Canada c. La Commission d'énergie hydro-électrique de l'Ontario [1974] 1 C.F. 453; Le Syndicat international des marins canadiens c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [1976] 2 C.F. 369.
DEMANDE d'examen judiciaire et appel. AVOCATS:
H. G. Intven pour l'appelante.
P. Butler et B. Gibson pour l'intimée British
Columbia Telephone Company.
G. E. Kaiser et L. Dunbar pour l'intimé le directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
T. S. Robbins pour l'intimée l'Organisation nationale anti -pauvreté.
Bryan Williams pour l'intimé le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
PROCUREURS:
H. G. Intven, Ottawa, pour l'appelante.
Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancou- ver, pour l'intimée la British Columbia Tele phone Company.
Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé le directeur des enquêtes et recherches nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions.
T. S. Robbins, Vancouver, pour l'intimée l'Organisation nationale anti -pauvreté.
Bryan Williams, Vancouver, pour l'intimé le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu- nications canadiennes.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: Les présentes procédures intentées en vertu de l'article 64 de la Loi natio- nale sur les transports, S.R.C. 1970, c. N-17, dans sa forme modifiée, et de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, et jointes plus tard par une ordonnance de la Cour, attaquent une décision du Conseil de la radiodiffu- sion et des télécommunications canadiennes. Par cette décision, rendue en application de l'article 9A de la Loi concernant la «British Telephone Com pany» (S.C. 1916, c. 66, modifiée par S.C. 1960, c. 66, art. 1), (ci-après appelée également la Loi
spéciale sur la Compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique), le Conseil a approuvé l'accord relatif à l'acquisition par British Columbia Telephone Company de toutes les actions de GTE Automatic Electric (Canada)
Limited.
La partie pertinente de l'article 9A de la Loi concernant la British Telephone Company» est ainsi rédigée:
9A. La Compagnie a le pouvoir d'acheter ou d'acquérir autrement les actions d'une ou de plusieurs compagnies dont les buts sont semblables, en tout ou en partie, à ceux de la Compagnie, et le pouvoir de devenir actionnaire de l'une quel- conque ou de plusieurs desdites compagnies; toutefois, aucune convention en l'espèce ne doit prendre effet avant d'avoir été soumise à la Commission des transports du Canada [mainte- nant le CRTC] et approuvée par cette dernière ....
Le Conseil a, du moins selon l'interprétation que donne l'appelante de sa décision, constaté tout d'abord que, le pour et le contre s'équilibrant, il était impossible de dire si l'acquisition projetée porterait atteinte à l'intérêt public et, partant de là, a approuvé cette acquisition. Autrement dit, le Conseil a, d'après l'appelante, approuvé l'accord projeté parce qu'il ne ressortait pas de la preuve qu'il était contraire à l'intérêt public.
Si je comprends bien les arguments de l'appe- lante et des intervenants, le seul grief d'appel contre cette décision porte sur le fait que le Conseil aurait commis une erreur de droit en approuvant un accord alors que la preuve était telle qu'il ne pouvait affirmer si cet accord profiterait ou nuirait à l'intérêt public. Cet argument repose uniquement sur l'emploi du terme «approuvée» dans l'article 9A de la Loi spéciale sur la Compagnie de téléphone de la Colombie-Britannique. Le verbe «approu- ver», dit-on, implique nécessairement que la per- sonne qui donne l'approbation s'est fait une idée favorable de l'objet de son approbation. Il s'ensuit, selon l'appelante, qu'en disant qu'«aucune conven tion ... ne doit prendre effet avant d'avoir été .. . approuvée par [la Commission]», l'article 9A exige qu'aucun accord ne prenne effet avant d'avoir été trouvé opportun par le Conseil. Comme cette cons- tatation doit, selon l'avocat de l'appelante, être expressément fondée sur l'intérêt public, l'article 9A prescrit, d'après lui, que le Conseil, avant d'ap- prouver un accord, doit en arriver à la conclusion
formelle que cet accord profitera, ou tout au moins, ne portera pas atteinte à l'intérêt public.
Si j'interprétais l'article 9A de la même manière que l'appelante, je trouverais bien fondé son argu ment, puisqu'à mon avis il n'est pas impossible de dire de la décision attaquée qu'elle a été approuvée par le Conseil du fait que celui-ci ne pouvait affirmer si l'accord projeté profiterait ou nuirait à l'intérêt public. J'estime toutefois ne pouvoir donner au terme «approuvée» un sens aussi large que l'appelante et tirer les mêmes conclusions qu'elle de l'emploi de ce terme dans l'article 9A. Ce dernier prescrit l'approbation du Conseil. Il n'indique toutefois pas la manière dont le Conseil doit parvenir à une décision. Il ne fixe aucun critère ou norme à suivre par le Conseil. D'après mon interprétation de l'article 9A, le Conseil a toute liberté d'approuver ou de rejeter les deman- des. A mon avis, la Cour n'est pas habilitée à limiter ce pouvoir discrétionnaire en assujettissant à des critères ou à des normes précis la décision du Conseil.
Par ces motifs, j'estime qu'il y a lieu de rejeter la demande.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Le présent appel et la présente demande fondée sur l'article 28 visent la même décision, rendu le 18 septembre 1979 et intitulée «Décision Telecom CRTC 79-17», du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications cana- diennes. L'appel a été formé en vertu de l'article 64(2) de la Loi nationale sur les transports et avec l'autorisation de la présente Cour. Les faits de la cause ne sont pas contestés. Le 13 mars 1979, le CRTC a reçu de l'intimée une demande fondée sur l'article 9A de la Loi concernant la «British Tele phone Company», une loi du Parlement du Canada (ci-après nommée la Loi spéciale sur la
BC Tel)'. L'intimée y a sollicité l'approbation par le Conseil d'un accord intervenu entre elle et GTE International Incorporated, selon lequel elle ache- tait toutes les actions de GTE Automatic Electric (Canada) Limited (ci-après nommée «Automatic Electric»). La société vendeuse est une filiale à 100 p. 100 de General Telephone and Electronics Cor poration, qui contrôle également l'intimée par l'en- tremise d'une société de gestion. Automatic Elec tric est une filiale à 100 p. 100 de la société vendeuse. Automatic Electric et sa filiale fabri- quent des appareils de téléphone, du matériel uti- lisé dans les systèmes de commutation téléphoni- ques, du matériel de transmission et des pièces connexes qui sont vendus à des compagnies de téléphone, dont l'intimée.
Le 9 avril 1979, le CRTC a émis un avis public il était fait état de la demande de l'intimée et de la procédure à suivre, de la part du public, pour tous commentaires, toutes interventions, questions, réponses ou objections à l'égard de ladite demande.
Le CRTC tint alors une audience publique rela- tivement à cette demande. L'audience commença le 12 juin 1979 et dura quatre jours. A l'audience, des éléments de preuve furent produits au nom de l'appelante, de l'intimée et du directeur des enquê- tes et recherches nommé en vertu de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions et relevant de Consommation et Corporations Canada (ci-après nommé le «directeur»). Trois autres intervenants prirent part aux audiences publiques tenues devant le CRTC. Plusieurs autres personnes soumirent des mémoires à ce dernier.
A l'audition du présent appel, l'appelante, l'inti- mée, le directeur et l'Organisation nationale anti - pauvreté ont soumis des observations par l'entre- mise de leur avocat. L'avocat du CRTC a égale- ment comparu, mais seulement en ce qui concerne la compétence du Conseil.
' La partie pertinente de l'article 9A est ainsi rédigée:
9A. La Compagnie a le pouvoir d'acheter ou d'acquérir autrement les actions d'une ou de plusieurs compagnies dont les buts sont semblables, en tout ou en partie, à ceux de la Compagnie, et le pouvoir de devenir actionnaire de l'une quelconque ou de plusieurs desdites compagnies; toutefois, aucune convention en l'espèce ne doit prendre effet avant d'avoir été soumise à la Commission des transports du Canada [maintenant le CRTC] et approuvée par cette der- nière ....
La décision du CRTC a été d'approuver la demande de l'intimée, cette approbation étant cependant assujettie à certaines conditions. La partie pertinente des motifs de décision du Conseil est ainsi rédigée:
Pour conclure, d'après les preuves et les arguments présentés dans cette cause, le Conseil juge que la preuve concernant l'intérêt public est d'égale valeur des deux côtés. Bien que le prix d'achat de l'Automatic pourrait, en l'absence de sauvegar- des réglementaires, entraîner un financement non souhaitable de l'Automatic par les abonnés de la BC Tel, le Conseil est persuadé qu'il est possible d'établir des sauvegardes pour proté- ger les abonnés contre de telles conséquences. Par conséquent, le Conseil approuve la requête et établit, par la même occasion, les sauvegardes suivantes:
1) Aux fins de la réglementation, la participation de la BC Tel dans l'Automatic Electric sera comptabilisée à la valeur de consolidation, moyennant les modifications suivantes.
2) Aux fins de la réglementation, la participation de la BC Tel dans l'Automatic Electric sera rajustée pour toutes les opérations subséquentes portant sur les capitaux propres, de manière à inclure les prêts, les cautions de prêts, les avances et les comptes-clients non commerciaux de la société mère à titre d'investissements en actions.
3) Aux fins de la réglementation, le Conseil exigera comme rendement du capital investi par la BC Tel dans l'Automa- tic Electric, le taux que le Conseil jugera proportionné au risque couru. D'autre part, il estime que le rendement moyen requis de l'investissement dans l'Automatic Electric ne devra pas être inférieur à 15%, après impôts ou sur une base équivalente. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'inclure les gains dépassant 17%, pour les fins de la réglementation.
4) S'il arrivait que les gains réels de l'Automatic soient inférieurs au rendement requis dans une année donnée, un montant égal au rendement requis devrait, pour les fins de la réglementation, être utilisé pour calculer le rendement et l'investissement dans l'Automatic, et pour établir les besoins en revenu de la BC Tel.
5) Tous les autres rajustements relatifs aux capitaux et à l'investissement dans l'Automatic aux fins de la réglemen- tation devront être approuvés par le Conseil.
L'appelante attaque cette décision parce que, d'après elle, celle-ci repose sur une conception erronée de la preuve nécessaire pour l'approbation d'une demande fondée sur l'article 9A de la Loi spéciale sur la BC Tel. Elle renvoie en premier lieu à la page 8 des motifs du CRTC (dossier d'appel, p. 2886), il est dit ceci:
Le Conseil estime qu'en l'absence de critères statutaires, il doit trancher l'affaire en décidant si les transactions sont générale- ment dans l'intérêt public.
Elle mentionne ensuite la page 40 des motifs (dossier d'appel, p. 2918) susmentionnés, le CRTC s'exprime en ces termes:
Pour conclure, d'après les preuves et les arguments présentés dans cette cause, le Conseil juge que la preuve concernant l'intérêt public est d'égale valeur des deux côtés.
Elle renvoie alors à la page 33 des motifs (dos- sier d'appel, p. 2911), le CRTC déclare que lorsque les considérations d'intérêt public sont d'égale valeur des deux côtés, il approuve la demande. L'appelante prétend que l'application de ce principe au cas qui nous intéresse, le CRTC a conclu que la preuve concernant l'intérêt public était d'égale valeur, est une erreur de droit. Selon l'appelante, le CRTC ne devrait approuver une demande de ce genre, fondée sur l'article 9A, qu'après qu'il a été formellement prouvé que l'ap- probation sollicitée est conforme à l'intérêt public. De son côté, l'intimée, tout en faisant valoir que le Conseil n'est pas tenu par l'article 9A de prendre en considération l'intérêt public, déclare qu'en l'es- pèce, le Conseil a tout de même tenu compte de l'intérêt public et approuvé l'accord parce qu'il a constaté, sur le fondement des éléments de preuve, que ce dernier n'était pas contraire à l'intérêt public.
A mon avis, l'affirmation de l'appelante selon laquelle le Conseil aurait commis une erreur ne saurait être acceptée. Aucun précédent portant sur l'article 9A n'a pu être cité par l'avocat. L'article lui-même n'énonce aucun critère que le Conseil devrait prendre en considération lorsqu'il exerce son pouvoir d'approuver ou de rejeter un accord de ce genre. J'estime que le Conseil est libre d'établir et d'appliquer ses propres principes. Il est maître de ses règles 2 . En l'espèce, le Conseil a adopté un critère, celui de savoir si cette transaction pouvait être considérée comme conforme à l'intérêt public. Puis, après avoir constaté que la preuve concernant l'intérêt public était d'égale valeur des deux côtés, il a accueilli la demande, sous réserve toutefois de cinq sauvegardes ou conditions. (Voir page 40 des
2 Voir L'Association des consommateurs du Canada c. La Commission d'énergie hydro-électrique de l'Ontario [1974] 1 C.F. 453, aux pp. 457 et 458. Voir aussi Le Syndicat interna tional des marins canadiens c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [1976] 2 C.F. 369, la p. 373.
motifs du Conseil—dossier conjoint, vol. XX, page 2918, précité.)
A mon avis, ce que le Conseil entend par est qu'il en est arrivé à la conclusion qu'en l'absence de sauvegardes réglementaires, on ne pourrait dire que l'acquisition en question nuit ou profite à l'intérêt public, mais qu'à l'aide de sauvegardes réglementaires adéquates, l'intérêt public serait protégé. Sous cet angle, il n'est pas nécessaire de déterminer si la version de l'appelante ou celle de l'intimée à l'égard de la juste manière de prendre en considération l'intérêt public doit s'appliquer. Le fait est que le Conseil a tenu compte de l'intérêt public et a, dans l'exercice du large pouvoir admi- nistratif discrétionnaire qu'il tient de la loi, établi des sauvegardes pour protéger cet intérêt. Dans les circonstances, la présente Cour ne saurait, à mon avis, intervenir.
L'avocat du directeur prétend que le Conseil a commis une erreur de droit en ce qu'il aurait décider que dans une demande fondée sur l'article 9A, c'est l'intimée qui a la charge de la preuve. J'estime que la question de la charge de la preuve n'a rien à voir. Les causes citées par l'avocat du directeur se rapportent à la charge de la preuve dans les procédures judiciaires et, à mon avis, ne s'appliquent nullement aux faits de l'espèce.
L'avocat du directeur a également rappelé le principe posé par le lord Chancelier Loreburn dans l'arrêt Board of Education c. Rice [1911] A.C. 179, à la page 182:
[TRADUCTION] Il peut obtenir des renseignements de la manière qu'il juge la meilleure, en donnant toujours aux parties engagées dans la controverse une possibilité suffisante de corri- ger ou de contredire toute déclaration pertinente portant préju- dice à leur cause.
Dans cet arrêt, le lord Chancelier traitait des devoirs incombant à un tribunal administratif. D'après l'avocat, le Conseil a, en l'espèce, quant à la charge de la preuve, modifié la règle qu'il avait adoptée dans de précédentes affaires et, à défaut d'avoir avisé expressément les parties de la modifi cation de la règle habituelle, le Conseil a commis une injustice dans la procédure suivie, ce qui équi- vaut à une erreur de droit. Je ferai remarquer tout d'abord que les décisions antérieures invoquées par l'avocat sont des décisions rendues en application soit de la Loi sur la radiodiffusion, soit de la Loi
sur les chemins de fer. Pas une d'entre elles n'a été rendue en application de la Loi considérée, la Loi spéciale sur la BC Tel. Il n'est donc pas exact de dire que le Conseil a établi [TRADUCTION] «une règle de la charge de la preuve» pour ce genre de demande. J'ajouterai que même si le Conseil avait, dans d'autres affaires, adopté une telle pratique, il est en droit de la changer. Une lecture attentive du dossier ne me permet pas de conclure qu'en n'avi- sant pas les parties d'une modification dans la procédure, en admettant qu'il y ait eu modifica tion, le Conseil a commis une injustice quant à la procédure. L'avis d'audience publique émis par le Conseil décrit la demande en ces termes:
Cette requête soulève de nombreuses questions de réglemen- tation d'importance sur lesquelles le Conseil invite les parties intéressées à faire des observations. Quant aux besoins en revenus de la B.C. Tel, le Conseil veut déterminer les consé- quences de l'acquisition proposée sur la structure tarifaire, les exigences en matière de comptabilité et le revenu.
Le rapport entre la B.C. Tel et l'Automatic Electric, toutes deux contrôlées par GTE soit directement soit indirectement, a constitué une source de préoccupation considérable et a été longuement débattu dans des procédures de réglementation antérieures. D'après le Conseil, les conséquences, de l'acquisi- tion proposée sur ce lien doivent être soigneusement étudiées. A cet égard, il sera important de s'assurer que les décisions techniques et les politiques d'achat de la B.C. Tel ainsi que les prix qu'elle paiera pour le matériel seront dans l'intérêt de ses abonnés, si la requête est approuvée. [Avis public, p. 2; dossier conjoint, vol. III, p. 317.]
Il me semble que, dans cet avis, le Conseil a clairement affirmé que sa décision tiendrait compte de l'intérêt public. Il ressort en outre du dossier que la plupart des éléments de preuve produits devant le Conseil ont porté sur cette question, et, qu'on a amplement donné à toutes les parties et à tous les intervenants l'occasion de faire connaître leurs vues sur la question de l'intérêt public. J'estime donc que l'argument de l'avocat du directeur est sans fondement.
L'avocat de l'appelante fait aussi valoir que le Conseil a eu tort de constater que l'approbation de l'accord relatif à l'acquisition n'irait pas, compte tenu des documents devant lui, à l'encontre de l'intérêt public. A l'audition de l'appel, la Cour a, après les plaidoyers de l'avocat de l'appelante et des intervenants l'appuyant, informé l'avocat de l'intimée qu'il ne serait pas nécessaire d'entendre cette dernière au sujet de la prétendue erreur. A mon avis, il est clair que le Conseil disposait
d'éléments de preuve le justifiant pleinement de conclure comme il l'a fait. Je pense aussi qu'il était fondé à rendre la décision considérée, compte tenu du dossier.
Dès lors, j'estime qu'il y a lieu de rejeter l'appel et la demande fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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