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A-474-78
Le navire Doroty (Appelant) (Défendeur) c.
Atlantic Consolidated Foods Limited (Intimée) (Demanderesse)
A - 475 - 78
Le navire Doroty (Appelant) (Défendeur)
c.
Star-Kist Caribe Incorporated (Intimée) (Deman- deresse)
Cour d'appel, les juges Heald, Urie et Ryan— Fredericton, 17 octobre 1979 et 23 janvier 1980.
Droit maritime Contrats Connaissements Appels
formés contre les jugements rendus en faveur des intimées Règles de La Haye contractuellement incorporées dans les connaissements Cargaison avariée Limitation de respon- sabilité, quantum et bien-fondé des dommages-intérêts Appels rejetés Interprétation des Règles de La Haye Règles de La Haye, art. I par. e), art. II, art. III par. 2, art. IV par. 5, art. IX.
Appels formés contre les jugements rendus en première instance en faveur des intimées pour avarie causée à la cargai- son. Les connaissements, de par leurs dispositions, étaient soumis aux Règles de La Haye. Les parties ont convenu d'étendre l'application de ces Règles aux dommages survenus pendant tout le temps que les marchandises restaient sous la garde du transporteur, sauf disposition contraire. Les connais- sements limitaient la responsabilité du transporteur, à l'égard des marchandises empaquetées, à un montant par colis fixé par les Règles, et à l'égard des marchandises non empaquetées, à un montant ne dépassant pas le minimum, convenu dans les limites autorisées par les Règles de La Haye, par unité de fret habituelle. Si les circonstances de la perte étaient telles que les Règles ne s'appliquaient pas, alors la valeur des marchandises devait être une somme convenue par colis ou par unité de fret habituelle. Selon l'appelant, c'est par «unité de fret habituelle» et non «par unité» selon les Règles de La Haye que les connaissements prévoyaient la limitation de sa responsabilité. Aussi, ces Règles ne devraient-elles pas s'appliquer aux mar- chandises non empaquetées. Par contre, c'est la limitation de responsabilité par unité de fret habituelle, telle qu'elle était prévue dans les connaissements, qui s'appliquerait. Il échet d'examiner si, dans son interprétation des connaissements, le juge de première instance a conclu à tort que les Règles de La Haye devaient être incorporées in toto et, par conséquent, qu'en cas de contradiction entre les connaissements et les dispositions de ces Règles, celles-ci l'emportaient. Il échet d'examiner en second lieu si le juge de première instance a commis une erreur pour ce qui est du montant et de la justesse des dommages-intérêts.
Arrêt: l'appel est rejeté. L'avarie des marchandises survient dans des circonstances telles que les Règles de La Haye s'appli-
quent de par leurs propres dispositions: elle a eu lieu après le chargement et avant le déchargement. La clause 13 n'est pas applicable à l'avarie causée aux marchandises. Vu l'application des Règles de La Haye, la responsabilité se limite à 100£ sterling par unité et non à 100£ sterling par unité de fret habituelle. L'article IX des Règles de La Haye prévoyant que »Les unités monétaires dont il s'agit dans la présente Conven tion s'entendent valeur or», et puisque la responsabilité se limite à l00£ par poisson, il ressort des faits de la cause que cette limitation dépasserait de beaucoup le montant des réclama- tions, quelle que soit la base utilisée pour l'évaluation de 100£. L'appelant n'a pas établi une erreur de la part du juge de première instance pour ce qui est des demandes de dommages- intérêts. Il appert qu'au moment de l'avarie, les dollars cana- dien et américain étaient considérés comme étant au pair dans l'industrie du thon. Par conséquent, le juge de première ins tance a eu raison de ne pas convertir en dollars canadiens la réclamation des intimées, exprimée en dollars américains. Les intérêts font partie intégrante des dommages-intérêts et le juge de première instance a, en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation, accordé à l'intimée Star-Kist les intérêts sur la fraction du dommage qu'elle n'a pas subie à la date du juge- ment. La Cour ne saurait dire qu'il a outrepassé ce pouvoir.
APPEL. AVOCATS:
M. R. Jette pour l'appelant (défendeur). L. E. Clain pour l'intimée (demanderesse).
PROCUREURS:
Clark, Drummie & Company, Saint - Jean, pour l'appelant (défendeur).
McKelvey, Macaulay, Machum, Saint - Jean, pour l'intimée (demanderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Les présents appels visent les jugements rendus par la Division de première ins tance [[1979] 1 C.F. 283] dans deux actions en dommages-intérêts à la suite de l'avarie de deux cargaisons de thon transportées par le navire appe- lant d'une île panaméenne à St. Andrews (Nou- veau-Brunswick). Par les mêmes motifs de juge- ment, la Division de première instance a statué sur ces deux actions jugées ensemble sur preuve com mune. Les cargaisons dont s'agit faisaient l'objet de deux connaissements délivrés pour le compte du navire, connaissements identiques quant à leur forme.
Une partie du thon appartenant à l'une et à l'autre intimées et chargée dans la partie inférieure des cales de fond du navire, a été trouvée avariée
au déchargement à St. Andrews et a été qualifiée de [TRADUCTION] «douteuse».
Pour déterminer le degré d'avarie et pour préve- nir toute autre avarie, le thon soupçonné d'être avarié a été traité par l'usine de conserve de l'inti- mée Atlantic, située à un quart de mille du poste de déchargement du navire, près de St. Andrews. Habituellement, le thon surgelé livré à l'usine est mis en entrepôt frigorifique pour être traité en temps utile. Il fallait, cependant, traiter tout de suite le poisson avarié en question, et toute la capacité de l'usine a été immédiatement mobilisée à cette fin.
Après traitement, il a été établi que, sur les 397 tonnes courtes de thon «douteux» au décharge- ment, quelque 273 tonnes étaient comestibles et ont été mises en conserve par l'intimée Atlantic. Le reste, soit 124 tonnes courtes, ne pouvait servir que de pâtée pour animaux domestiques ou d'engrais.
Les intimées réclament la valeur marchande de la fraction impropre à la consommation humaine de leurs cargaisons respectives, plus les frais de récupération et le fret. Le savant juge de première instance a fait droit à leurs réclamations, accor- dant à l'intimée Atlantic des dommages-intérêts de $88,279.27 et à Star-Kist des dommages-intérêts de $34,481 majorés dans les deux cas d'un intérêt annuel de 8 p. 100 courant du 6 mai 1974 la date du jugement (13 juin 1978). Chaque intimée avait également droit aux dépens.
Dans les deux cas, l'appelant ne conteste pas la conclusion du juge de première instance selon laquelle le navire était responsable du dommage causé au thon. Dans les deux cas, son appel porte sur deux points d'ordre général:
(i) le droit de l'appelant à la limitation moné- taire de responsabilité; et
(ii) le montant et le bien-fondé des dommages- intérêts accordés à chaque intimée.
L'appelant soulève huit objections aux juge- ments de la Division de première instance, objec tions applicables dans les deux cas, à l'exception de l'objection 8 qui ne s'applique qu'à l'intimée Star-Kist. Je procède à l'examen de ces objections dans l'ordre suivi par l'appelant dans son mémoire:
Objection 1—L'appelant prétend que, dans son interprétation des deux connaissements, le savant juge de première instance a conclu à tort que, par application de leur clause 1, les Règles de La Haye devaient être incorporées in toto dans ces connaissements et, par conséquent, qu'en cas de contradiction entre les clauses des connaissements et les dispositions des Règles, celles-ci l'emportaient.
Voici ce que prévoit la clause 1 des deux connaissements:
[TRADUCTION] 1. En cas de transport de marchandises en provenance ou à destination d'un port des États-Unis, l'exécu- tion du présent connaissement est et sera faite sous réserve des dispositions du Carriage of Goods by Sea Act, 46 U.S.C. § 1300 et suiv., lesquelles sont incorporées au présent titre. Dans le cas contraire, le présent connaissement est soumis à la «Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles, le 25 août 1924», dans la forme adoptée par la localité d'où les marchandi- ses sont expédiées, ou, à défaut, dans la forme adoptée par la Convention (ci-après appelée les Règles de La Haye). Rien dans le présent titre ne doit être interprété comme une renon- ciation, par le transporteur, à l'un quelconque de ses droits ou immunités, ou comme une augmentation de ses responsabilités ou obligations en vertu de l'une quelconque des lois, statuts ou ordonnances applicables ou rendues applicables par le présent titre, et toute disposition y énoncée doit (sauf disposition expresse en sens contraire prévue dans le présent titre) être en vigueur avant le chargement et après le déchargement et pendant tout le temps que les marchandises restent sous la garde du transporteur. Le transporteur n'est pas responsable en quelque qualité que ce soit, pour tout délai, non-livraison ou mauvaise livraison, perte ou avarie de marchandises survenant pendant que les marchandises ne sont pas sous sa garde véritable.
La clause 1 soumet notamment les connaissements en cause aux «Règles de La Haye», qui y sont définies, à toutes fins utiles, comme étant la «Con- vention internationale pour l'unification de certai- nes règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles, le 25 août 1924», c'est-à-dire les Règles telles qu'elles ont été adoptées par la Convention.
Les Règles s'appliquent à tout contrat de trans port dont fait foi un connaissement, depuis le chargement des marchandises à bord du navire jusqu'à leur déchargement'. Toutefois, la clause 1 des connaissements dont s'agit étend l'application des Règles aux pertes ou dommages survenus «.. avant le chargement et après le déchargement et
' Article 1, paragraphe e) de la Convention et voir article II et article Ill, paragraphe 2.
pendant tout le temps que les marchandises restent sous la garde du transporteur.» Ainsi donc, du fait de l'accord des parties, les Règles débordent du champ d'application qu'elles se sont fixé à elles- mêmes pour s'appliquer aux pertes et dommages causés aux marchandises pendant tout le temps qu'elles sont sous la garde du transporteur et non seulement pendant le temps prévu par les Règles elles-mêmes. Néanmoins, ce champ d'application des Règles—qui résulte de leurs propres termes et du surcroît d'application—est tempéré par l'excep- tion suivante: «... sauf disposition expresse en sens contraire prévue dans le présent titre».
L'appelant soutient qu'une exception, contenue dans la clause 13 des connaissements en cause, prévoit la limitation de la responsabilité du trans- porteur à 100£ sterling par «unité de fret habi- tuelle» et non «par unité» au sens de l'article IV, paragraphe 5, des Règles de La Hayet. Cette exception aurait été formulée en ces termes:
[TRADUCTION]
(phrase 1) ... Le transporteur ne doit être tenu d'au- cune perte ou d'aucun dommage subi par les marchandises, ou y relatifs, dont le montant dépasse le minimum convenu permis par colis par les Règles de La Haye, ou, pour les
2 L'article IV, paragraphe 5, des Règles de La Haye porte:
5. Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant, pour une somme dépassant 100 liv. sterl. par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre monnaie, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée au connaissement.
Cette déclaration ainsi insérée dans le connaissement cons- tituera une présomption, sauf preuve contraire, mais elle ne liera pas le transporteur, qui pourra la contester.
Par convention entre le transporteur, capitaine ou agent du transporteur et le chargeur, une somme maximum différente de celle inscrite dans ce paragraphe peut être déterminée, pourvu que ce maximum conventionnel ne soit pas inférieur au chiffre ci-dessus fixé.
Ni le transporteur ni le navire ne seront en aucun cas responsables pour perte ou dommage causé aux marchandi- ses ou les concernant, si dans le connaissement le chargeur a fait sciemment une déclaration fausse de leur nature ou de leur valeur.
marchandises non chargées sous forme de colis, par unité de fret habituelle, à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par écrit par le chargeur avant leur embarquement et que cette décla- ration n'ait été insérée au connaissement, et que le fret supplémentaire y afférent ait été payé suivant les exigences du tarif applicable pour pouvoir profiter de cette estimation excédentaire. 3
(phrase 2) Le rajustement doit se faire au prorata pour les pertes partielles, sur la base de l'estima- tion convenue dans le présent connaissement.
(phrase 3) En cas de pertes ou dommages tels qu'aucune Règle de La Haye n'est pertinente, la valeur des marchandises sera fixée à 100 livres ster ling par colis ou par unité de fret habituelle.
C'est moi qui ai numéroté les phrases contenues dans l'extrait ci-dessus pour en faciliter la consultation.
A ce que je vois, l'appelant prétend que la phrase 1 fixe, en cas de perte ou d'avarie de marchandises empaquetées sous connaissement, le plafond de la responsabilité du transporteur à 100£ sterling par colis, c'est-à-dire le montant fixé par le paragraphe 5 de l'article IV des Règles de La Haye. L'appelant en conclut que les Règles de La Haye seraient applicables en cas de dommage causé aux marchandises empaquetées. Mais, en ce qui concerne les marchandises non empaquetées (en l'espèce, les marchandises n'étaient pas embal- lées), la phrase 1 limitait la responsabilité à une somme indéterminée par unité de fret habituelle. A cet égard, l'appelant estime que les Règles de La Haye ne sont pas applicables: le paragraphe 5 de l'article IV prévoit un montant de 100£ «par colis ou unité» et non «par colis ou unité de fret habi- tuelle». L'absence de mention d'une somme par unité de fret habituelle a été, d'après l'appelant, corrigée par la phrase 3, selon laquelle faute de Règles de La Haye applicables aux unités de fret habituelles, la responsabilité maximale était fixée à 100£ par unité de fret habituelle 4 . C'est cette
3 Les mots «... à moins que la nature ...» figurant à la phrase 1 ne s'appliquent pas en l'espèce, ni la nature ni la valeur des marchandises n'a été déclarée ni portée sur les connaissements et aucun fret supplémentaire n'a été payé, alors que toutes ces conditions sont requises pour l'application de cette clause.
° En l'espèce, je présume qu'on entend par «unité de fret habituelle» une tonne courte.
disposition donc, et non la limitation «par unité», qui opérerait limitation de la responsabilité de l'appelant en l'espèce. Cette limitation était expressément prévue par les connaissements eux- mêmes et était différente de celle visée au paragra- phe 5 de l'article IV des Règles de La Haye. D'après l'appelant, c'est sous ce rapport que les connaissements n'étaient pas soumis aux Règles, et sa responsabilité était limitée par la phrase 3 à 100£ par unité de fret habituelle.
Ce raisonnement ne m'a pas convaincu. L'argu- ment de l'avocat de l'appelant eût-il été fondé, j'aurais du mal à saisir la disposition de la phrase 3 relative à la valeur arbitrairement fixée des mar- chandises empaquetées.
A mon avis, la phrase 3 signifie plutôt que la valeur des marchandises empaquetées ou non empaquetées, telle qu'elle y est fixée, s'applique en cas d'avarie de marchandises transportées dans des circonstances telles que les «Règles de La Haye» (au sens de la clause 1) applicables ou rendues applicables par convention (comme en l'espèce), ne s'appliquent plus de par leurs propres dispositions. J'estime donc que la limitation de responsabilité visée à la phrase 3 est tout au moins assujettie à cette restriction. En l'espèce, l'avarie des marchan- dises survient dans des circonstances telles que les Règles de La Haye s'appliquent de par leurs pro- pres dispositions: elle a eu lieu après le chargement et avant le déchargement. Dans ces conditions, la phrase 3 de la clause 13 n'est pas applicable; c'est le paragraphe 5 de l'article IV des Règles de La Haye qui s'applique.
Par ces motifs, je rejetterais l'objection 1 de l'appelant.
Objection 2—La Division de première ins tance a eu tort de ne pas permettre à l'appelant de limiter sa responsabilité à 100£ sterling par unité de fret habituelle, conformément à l'article 13 des connaissements.
L'appelant soutient qu'aucune disposition des Règles de La Haye ne s'applique aux avaries constatées en l'espèce et, par conséquent, qu'en vertu de la dernière phrase de la clause 13 supra, il est en droit de limiter sa responsabilité à 100£ sterling par unité de fret habituelle. Attendu que j'ai conclu, à propos de l'objection 1, précitée, que la dernière phrase de la clause 13 ne s'applique
pas et que la disposition applicable est le paragra- phe 5 de l'article IV des Règles de La Haye, supra, il s'ensuit que la responsabilité se limite en l'espèce à 100£ sterling par unité et non à 100£ sterling par unité de fret habituelle.
Par ces motifs, je rejetterais l'objection 2 de l'appelant.
Objection 3—La Division de première ins tance a conclu à tort que la valeur monétaire de 100£ sterling devait s'entendre de la «valeur or», et elle a eu tort de tenir cette valeur or pour fait de notoriété publique.
Puisque j'ai déjà jugé que la limitation prévue par la dernière phrase de la clause 13 des connais- sements ne s'applique pas en l'espèce, je ne saurais accueillir l'argument de l'appelant voulant que l'unité monétaire à adopter en l'espèce soit 100£ sterling par unité de fret habituelle. Toutefois, puisque les Règles de La Haye s'appliquent, que selon leur article IX, «Les unités monétaires dont il s'agit dans la présente Convention s'entendent valeur or», et que, par application de ces Règles, la responsabilité se limite à 100£ par poisson, il res- sort des faits de la cause que cette limite dépasse- rait de beaucoup le montant de la réclamation de l'une et l'autre intimées, quelle que soit la base utilisée pour l'évaluation de 100£. Le savant juge de première instance s'est fondé sur une décision rendue en 1965, selon laquelle la valeur or de 100£ s'établissait à 824 $EU. Tetley estime, dans son manuel Marine Cargo Claims écrit en 1965, que la valeur or de 100£ s'établissait à 825 $EU 5 environ. Dans Scrutton on Charterparties 6 , l'au- teur fixait en 1974 cette valeur à un montant bien supérieur à 400£ en papier-monnaie. A la page 240 de son ouvrage, Tetley souligne que la doctrine n'est pas encore fixée quant à la question de savoir si, en appliquant les Règles de La Haye, les tribu- naux doivent fixer cette limite à 100£ en papier- monnaie ou à 100£ en or. Attendu qu'en l'espèce, les deux parties ont convenu que la valeur de la livre s'établit à 2.40 dollars canadiens, peu importe que l'évaluation soit faite en papier-monnaie ou en or, puisque dans les deux cas, la somme réclamée par les intimées reste en-deçà de la limitation fixée
5 Marine Cargo Claims par W. Tetley, à la p. 240. 6 18 e éd., à la p. 441.
par les Règles de La Haye. Par ces motifs, je rejette l'objection 3 de l'appelant.
Objection 4—La Division de première ins tance a accueilli à tort les réclamations au titre des «frais de récupération», savoir:
1. Déficit de la production;
2. Perte des contributions;
3. Majorations;
et
Objection 5—La Division de première ins tance a eu tort d'accueillir les éléments de preuve produits par les intimées comme preuve concluante des dommages-intérêts réclamés.
L'appelant n'a pas établi à mes yeux une erreur de la part du savant juge de première instance sur ces points. Pour décider s'il échet d'infirmer la conclu sion de l'instance inférieure sur le montant des dommages-intérêts, une cour d'appel ne doit jamais oublier qu'elle n'est pas fondée à substituer son propre chiffre à celui de l'instance inférieure du seul fait qu'elle aurait accordé un autre mon- tant si elle avait jugé l'affaire au fond. Avant d'intervenir, elle doit être convaincue qu'il y a eu erreur d'application d'un principe de droit ou, à tout le moins, que les dommages-intérêts accordés sont si bas ou si élevés qu'ils ne peuvent être le résultat que d'une erreur fondamentale dans l'éva- luation du préjudice'. Je ne saurais conclure des éléments de preuve administrés en l'espèce que le savant juge de première instance a commis une erreur de droit ou a accordé des dommages-inté- rêts excessivement élevés.
En l'espèce, M. Gregory L. Deering, vice-prési- dent responsable de la conserverie de St. Andrews avait été effectuée l'opération de récupération, a déposé au sujet de l'étendue du dommage. Les pièces P-35 et P-36 faisaient ressortir les calculs multiples et détaillés à ce sujet. Le savant juge de première instance a accepté ce témoignage, que l'appelant n'a pas réfuté. A mon avis, il était tout à fait loisible au savant juge de première instance d'accepter la déposition de M. Deering et d'accor- der des dommages-intérêts sur la base de ce témoignage.
' Voir Nance c. British Columbia Electric Railway Company Ld. [1951] A.C. 601à la p. 613.
Par ces motifs, je rejette les objections nos 4 et 5 de l'appelant.
Objection 6—La Division de première ins tance a conclu à tort que les intimées n'étaient pas tenues de réduire les pertes et que toute mesure prise à cet effet l'était au bénéfice de l'appelant.
Cette erreur de droit reprochée au savant juge de première instance perd toute signification pratique puisqu'il ressort des preuves rapportées que les intimées ont effectivement réduit les pertes par leur conduite efficace des opérations de récupéra- tion.
Objectif 7—La Division de première instance a eu tort de ne pas convertir en dollars canadiens la réclamation des intimées, exprimée en dollars américains.
A ce sujet, le savant juge de première instance s'est prononcé en ces termes à la page 250 du dossier d'appel (Vol. II):
Je suis convaincu que M. Gregory Deering, vice-président responsable de la production à l'usine de St. Andrews, a appliqué les principes de comptabilité généralement suivis et n'essaie pas de recouvrer plus que le montant des pertes subies ... .
Il appert par ailleurs qu'au moment de l'avarie, les dollars canadien et américain étaient considérés comme étant au pair dans l'industrie du thon, même si, en réalité, il existait une prime du change de l'ordre de 3.5 cents pour le dollar canadien 8 .
Par conséquent, je suis d'avis que le juge de première instance n'a commis aucune erreur à ce sujet.
Objection 8—La Division de première ins tance a commis une erreur en accordant à l'inti- mée Star-Kist les intérêts sur la fraction du dommage qu'elle n'a pas subie à la date de l'instruction.
L'appelant soutient qu'à la date de l'instruction, l'intimée Star-Kist n'ayant pas encore payé à l'in- timée Atlantic la somme de $14,019.35, il ne serait pas juste de lui accorder des intérêts sur ce mon- tant. En revanche, l'appelant a pu placer cette
8 Voir les pièces P-27 à P-30 inclusivement (Vol. 1, dossier d'appel pp. 71 à 78 inclusivement). Voir aussi la transcription des dépositions, 16 décembre 1977, pp. 64 à 67 inclusivement.
somme pendant les cinq dernières années, ce qui équivaudrait à un enrichissement sans cause s'il n'avait pas à payer des intérêts sur cette période. En tout cas, les intérêts font partie intégrante des dommages-intérêts et le savant juge de première instance les a accordés, en vertu de son pouvoir d'appréciation souveraine. Je ne saurais dire qu'il a outrepassé ce pouvoir. Par ces motifs, je rejette l'objection 8 de l'appelant.
Ayant rejeté toutes les objections de l'appelant, je suis d'avis que l'appel doit être rejeté et que l'une et l'autre intimées ont droit aux dépens.
Reste à trancher la requête fondée par les inti- mées sur l'article 40 de la Loi sur la Cour fédé- rale, S.R.C. 1970 (2 e Supp.), c. 10 et tendant à porter les intérêts de 5 à 8 p. 100 compter du 13 juin 1978 (date du jugement de la Division de première instance) jusqu'au règlement final. Vu les circonstances de la cause et de par mon pouvoir d'appréciation souveraine, je n'accorde pas une majoration du taux de l'intérêt couru à compter de la date du jugement de la Division de première instance.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
* * *
LE JUGE RYAN: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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