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A-244-80
Johnston Terminais and Storage Limited (Requé- rante)
c.
L'Association des employés du port de Vancouver, section locale 517, Syndicat international des débardeurs et magasiniers (C.T.C.) (Intimée)
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, les juges Heald et Urie—Vancouver, 3 et 6 février 1981.
Examen judiciaire Fonction publique Demande d'exa- men et d'annulation de la décision par laquelle le Conseil canadien des relations du travail a accrédité le syndicat intimé comme agent négociateur pour les employés de bureau de la requérante La requérante a embauché les commis et les a fournis, sur une base exclusive et permanente, à une filiale Cette filiale est une entreprise fédérale Le travail exécuté
fait partie intégrante d'une entreprise fédérale Il échet d'examiner si le Conseil a compétence en l'espèce Il échet d'examiner s'il importe, pour déterminer quel gouvernement a compétence en ce qui concerne les employés, de considérer la nature véritable de l'employeur ou la nature du travail effec- tué par ceux-ci Demande rejetée Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié, art. 108 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28.
Il s'agit d'une demande tendant à l'examen et à l'annulation de la décision par laquelle le Conseil canadien des relations du travail a accrédité le syndicat intimé comme agent négociateur pour les employés de bureau de la requérante. Selon celle-ci, le Conseil aurait à tort décidé que les relations de travail de ses employés travaillant dans les locaux d'une filiale, la Fraser Surrey Docks Ltd., relevaient de la compétence fédérale. La Fraser Surrey Docks Ltd. est une entreprise fédérale. Le travail exécuté par les employés fait partie intégrante d'une entreprise fédérale. La question est de savoir s'il importe, pour déterminer quel gouvernement a compétence en ce qui concerne les rela tions de travail d'un groupe donné d'employés, de considérer la nature véritable de l'employeur ou la nature du travail effectué par les employés.
Arrêt: la demande est rejetée. La question de savoir si une entreprise, un service ou une affaire relève de la compétence fédérale dépend de la nature de l'exploitation. Compte tenu des faits de l'espèce et en application de l'article 108 du Code, l'entreprise à prendre en compte est la Fraser Surrey Docks Ltd., puisque c'est les employés en question travaillent. Il convient, pour trancher la question constitutionnelle, d'exami- ner la nature de l'opération, c'est-à-dire la nature du travail exécuté par les employés. Le Conseil n'a pas conclu à tort à sa compétence en la matière.
Distinction faite avec l'arrêt: Jessiman Bros. Cartage Ltd. c. Letter Carriers' Union of Canada [1972] 1 W.W.R. 289. Arrêts appliqués: The Letter Carriers' Union of Canada (Union des facteurs du Canada) c. Canadian Union of Postal Workers (Syndicat des postiers du Canada) [1975] 1 R.C.S. 178; In re Reference as to Validity of Industrial Relations and Disputes Investiga tion Act [1955] R.C.S. 529; La Régie des services publics
c. Dionne [1978] 2 R.C.S. 191; Le Conseil canadien des relations du travail c. La ville de Yellowknife [1977] 2 R.C.S. 729; Northern Telecom Ltée c. Les Travailleurs en communication du Canada [1980] 1 R.C.S. 115.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Joan McEwen pour la requérante.
Personne n'a comparu pour le compte de
l'intimée.
John M. Baigent pour le Conseil canadien des
relations du travail.
William B. Scarth, c.r. pour le sous-procureur
général du Canada.
PROCUREURS:
Davis & Company, Vancouver, pour la requérante.
Laxton & Company, Vancouver, pour l'inti- mée.
Baigent & Jackson, Vancouver, pour le Con- seil canadien des relations du travail.
Le sous-procureur général du Canada pour le sous-procureur général du Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: La présente demande, fondée sur l'article 28, tend à l'examen et à l'annulation de la décision par laquelle le Conseil canadien des relations du travail (ci-après appelé le Conseil) a, le 27 mars 1980, ordonné que le syndicat intimé soit accrédité comme agent négociateur pour les employés de la requérante décrits comme suit: «tous les employés de Johnston Terminals and Storage Limited, situés au quai Fraser Surrey et préposés au travail de commis se rattachant au chargement et au déchargement des navires«.
Le syndicat intimé n'est intervenu dans les pré- sentes procédures fondées sur l'article 28, ni ne s'est fait représenter à l'audience. Le procureur général du Canada est intervenu et s'est fait repré- senter par avocat. Le Conseil s'est également fait représenter par avocat.
Le seul grief d'appel invoqué dans la présente demande est que le Conseil aurait à tort décidé que les relations de travail des onze employés de bureau de la requérante travaillant dans les locaux de la Fraser Surrey Docks Ltd. relevaient de la
compétence fédérale et, par conséquent, aurait accueilli à tort la demande d'accréditation de l'in- timée en ce qui concerne ces employés.
Dans les motifs de sa décision, le Conseil a déclaré avoir, à l'audition publique, reçu des élé- ments de preuve détaillés portant surtout sur:
(1) Le degré d'autonomie du travail effectué par les employés en question,
(2) et, corrélativement, le degré d'interdépen- dance et de subordination des filiales par rap port au siège social de la requérante (dossier conjoint, vol. 3, pages 290 et 291).
La transcription des témoignages reçus à l'audi- tion publique n'a pas, semble-t-il, été présentée, puisqu'elle ne fait pas partie du dossier de la présente affaire. La Cour n'est donc pas en mesure d'examiner le bien-fondé des constatations de fait auxquelles a procédé le Conseil sur la base de ces témoignages. Toutefois, à la lumière de la preuve, tant orale que documentaire, reçue par le Conseil, il semble que ce dernier ait constaté, entre autres, les faits suivants:
1. La demande d'accréditation de l'intimée vise les onze employés de bureau de la société requérante travaillant dans des lieux de travail ou dans des bureaux situés dans le port Fraser Surrey Docks Ltd., une filiale de la société requérante, effectue des opérations de débardage ou exploite un terminal à Surrey, en Colombie-Britannique (dossier conjoint, vol. 4, pages 434, 435 et 437).
2. La requérante est essentiellement une société mère, qui fournit des services de soutien dans les domaines de l'administration, du personnel et de la technique à environ trente-cinq filiales. On retrouve des employés de la société mère de l'Île de Vancouver à Toronto. Les filiales de la requérante exploitent une variété d'entreprises dont trois sont des entreprises fédérales, les autres étant claire- ment soumises à la compétence provinciale. En plus des services centralisés dans le domaine de l'administration et du personnel fournis à toutes les sociétés d'exploitation par environ 150 employés travaillant au siège social de la requé- rante, il existe un personnel technique, administra- tif et de bureau de presque 300 employés que la requérante met à la disposition de ses filiales situées à l'extérieur de la région du siège social. Les employés de bureau qui font l'objet de la
présente demande appartiennent à ce dernier groupe. Ils constituent le personnel de bureau (ainsi que trois autres employés exclus de l'unité de négociation) embauché par la requérante et travaillant, en vertu d'un sous-contrat, pour la Fraser Surrey Docks Ltd. sur une base exclusive et permanente (dossier conjoint, vol. 4, pages 436 à 439 et dossier conjoint, vol. 3, pages 289 et 294).
3. La Fraser Surrey Docks Ltd. est une entreprise fédérale' (dossier conjoint, vol. 3, page 294).
4. Le travail effectué par lesdits employés est un travail effectué à l'occasion de l'opération d'une entreprise fédérale. Ce travail fait partie inté- grante de cette entreprise. Il doit être effectué quotidiennement pour que se poursuivent les acti- vités de l'entreprise fédérale liées à la manutention des marchandises dans le domaine de la «naviga- tion et les bâtiments ou navires (shipping)». Ce genre de service est nécessaire au bon fonctionne- ment des opérations des compagnies de navires oeuvrant dans le transport de marchandises ainsi qu'à leur chargement et déchargement et à leur expédition et livraison à leurs clients. Les seuls employés faisant uniquement ce travail pour la Fraser Surrey Docks Ltd. sont les onze employés en question (dossier conjoint, vol. 3, pages 294 et 295).
5. A tous égards, lesdits employés agissent pour le compte de la Fraser Surrey Docks Ltd., une entre- prise fédérale, et non pour celui de la société requérante, et la représentent (dossier conjoint, vol. 3, page 294).
6. La société requérante n'exploite aucune entre- prise indépendante, sauf celle de fournir des ser vices de soutien centralisés à ses filiales. Le groupe familial Johnston n'est pas une entreprise tradi- tionnelle. C'est un prétendu groupe de sociétés d'exploitation qui, à part d'être «rattachées» à la société requérante, n'ont en commun que les ser vices centralisés susmentionnés (dossier conjoint, vol. 3, pages 298 et 299).
7. L'avocate de la requérante reconnaît que si la Fraser Surrey Docks Ltd. devait engager ses
in ne me semble pas évident que l'entreprise exploitée par la Fraser Surrey Docks Ltd. constitue vraiment une entreprise fédérale. Toutefois, comme les deux parties ont admis que l'entreprise était fédérale, je statuerai sur la question en tenant ce fait pour acquis.
propres employés de bureau, ceux-ci seraient soumis à la compétence fédérale (dossier conjoint, vol. 3, page 295).
8. Les employés en question effectuent uniquement le travail de bureau qui est nécessaire au mouve- ment des marchandises sur les quais et collaborent étroitement avec les préposés au quai, allant par- fois même jusqu'à travailler sous leurs ordres. Ils fournissent en fait un service qui est essentiel à l'exploitation du quai et qui en constitue une partie intégrante. Les documents sur la cargaison et les frais relatifs à son mouvement sont indispensables à l'entreprise de la Fraser Surrey Docks Ltd. (dossier conjoint, vol. 3, page 290).
L'avocate de la requérante, si j'ai bien compris, accepte la constatation du Conseil selon laquelle le travail effectué par les employés en question était un . travail exécuté pour ou à l'occasion de l'opéra- tion d'une entreprise fédérale. Elle accepte égale- ment l'avis du Conseil selon lequel si la Fraser Surrey Docks Ltd. engageait ses propres employés de bureau pour effectuer ce travail, ceux-ci seraient soumis à la compétence fédérale. Pour ce qui est des autres constatations de fait du Conseil, l'avocate n'a pas pu les contester puisqu'elle ne s'est pas prévalue, avant l'audition, de la procédure des Règles de la Cour fédérale permettant d'ap- porter des modifications au dossier pour y ajouter des preuves par affidavit susceptibles de contredire les éléments de preuve sur lesquels le Conseil a fondé ses diverses constatations de fait susmention- nées. Il incomberait à la requérante de prouver que les constatations de fait du Conseil étaient mal fondées. Or, rien de tel n'a été fait.
De plus, si je comprends bien l'avocate, elle prétend que même sur la base des diverses consta- tations de fait énoncées par le Conseil dans ses motifs, c'est par une fausse interprétation de la loi que ce dernier a conclu à sa compétence à l'égard de ce groupe d'employés. La requérante fait valoir que pour déterminer quel gouvernement a compé- tence en ce qui concerne les relations de travail d'un groupe donné d'employés, il importe de consi- dérer la nature véritable de l'entreprise exploitée par l'employeur plutôt qu'à la nature du travail effectué par les employés. Bien que l'entreprise de la Fraser Surrey Docks Ltd. fasse, de l'aveu de tous, partie intégrante du domaine fédéral de la
«navigation et les bâtiments ou navires (shipping)», celle de la requérante, savoir la fourniture de services de soutien dans le domaine de l'adminis- tration, du personnel et de la technique n'est pas de nature à constituer un ouvrage ou une entre- prise de compétence fédérale. A l'appui de cette prétention, la requérante invoque la décision majo- ritaire rendue par la Cour d'appel du Manitoba dans l'affaire Jessiman 2 . Dans cette affaire, l'ap- pelante Jessiman était une société constituée seule- ment au Manitoba. Ses employés vivaient tous au Manitoba. Elle avait quelque dix-huit contrats avec divers établissements de détail et de gros, ainsi qu'un contrat de transport du courrier avec le ministère fédéral des Postes. Sur un total de quel- que 300 conducteurs, environ 90 travaillaient en exécution du contrat avec le Ministère. Toutefois, une différence de fait importante entre cette affaire et l'espèce présente est que la Jessiman [TRADUCTION] «pouvait facilement remplacer par 90 hommes différents (pris parmi ses 300 conduc- teurs de camion) ceux actuellement affectés à la conduite de camions transportant du courrier en vrac» 3 . A mon avis, ce fait rend cette affaire sensiblement différente de la présente cause, les employés en question sont assignés d'une façon exclusive et permanente à la Fraser Surrey Docks Ltd. Par conséquent, les motifs majoritaires dans l'affaire Jessiman ne me semblent pas devoir être retenus pour trancher les points litigieux de l'es- pèce, tout d'abord à cause de la différence de fait importante susmentionnée et, en second lieu, à cause du fait que la jurisprudence ultérieure penche pour l'approche «fonctionnelle» de la ques tion adoptée par le juge d'appel Hall dans son jugement dissident.
L'avocate de la requérante s'appuie également sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Letter Carriers'. Dans cette affaire, la société détenait sept contrats avec les Postes pour la manutention et le transport du courrier. L'exécution de ces contrats constituait 90% du travail de la société. Celle-ci détenait aussi
2 Jessiman Bros. Cartage Ltd. c. Letter Carriers' Union of Canada [1972] 1 W.W.R. 289.
3 Voir l'affaire Jessiman susmentionnée, à la page 292.
^ The Letter Carriers' Union of Canada (Union des facteurs du Canada) c. Canadian Union of Postal Workers (Syndicat des postiers du Canada) [1975] 1 R.C.S. 178.
un permis pour le transport, à l'échelle provinciale et interprovinciale, de certaines marchandises déterminées. Ce travail, exécuté pendant les mois d'été et occupant de temps à autre quelques-uns des employés appartenant à l'unité proposée, cons- tituait les 10% restants des activités de la société. Il faut observer que, tout comme dans l'affaire Jessiman les employés en question n'étaient pas assignés d'une façon exclusive et permanente à une entreprise fédérale, dans l'affaire Letter Carriers les employés en cause n'étaient pas assignés d'une façon exclusive et permanente à une entreprise provinciale. Mais même en faisant abstraction de cette différence de fait plutôt importante, l'affaire Letter Carriers n'est, à mon avis, d'aucun secours à la requérante en l'espèce. L'avocate de la requé- rante s'appuie sur cette partie du jugement du juge Ritchie, à la page 188, celui-ci dit que puisque 90% des activités de la société étaient consacrés aux Postes, il est évident qu'il s'agissait de la principale et plus importante partie de son entre- prise, ce qui écartait toute revendication de compé- tence de la part de la Commission provinciale. Je ne crois pas que, prise dans son ensemble, la décision du juge Ritchie permette d'affirmer, comme la requérante, qu'il faut considérer la nature de l'entreprise de l'employeur plutôt que celle du travail effectué par les employés en ques tion. A la page 182 de cette décision, à propos du libellé de l'article 108(1) du Code canadien du travail, le juge Ritchie dit ceci «. .. il s'ensuit, à mon avis, que si on en vient à la conclusion que les chauffeurs de camion employés par M & B Enter prises Ltd. sont employés dans le cadre du service des postes, la Commission des relations de travail de la Saskatchewan est sans compétence pour con- naître de la demande d'accréditation.» Il poursuit à la page 183: «A mon avis, le travail ainsi décrit qui est exécuté par ces employés est essentiel au fonc- tionnement du service postal et il est accompli sous la surveillance et le contrôle des fonctionnaires des postes canadiennes ...». A la page 186, après avoir cité et approuvé le jugement rendu par le juge Estey dans l'affaire Stevedores (sur laquelle on reviendra plus loin), le juge Ritchie ajoute: «... il me semble que le travail que les chauffeurs de camion de M & B Enterprises Ltd. effectuent en vertu du contrat passé par celle-ci avec l'adminis- tration des postes canadiennes constitue une partie intégrante de l'exploitation efficace des postes
canadiennes, et que le dernier passage cité des motifs de M. le Juge Estey s'applique directement et entièrement à la tâche exécutée par ces employés dans l'entreprise du service postal cana- dien.» [C'est moi qui souligne.]
J'estime donc que la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Letter Carriers appuie la thèse voulant que le facteur constitution- nel déterminant soit la nature du travail effectué par les employés considérés. Je ne vois pas com ment il pourrait en être autrement compte tenu du texte de l'article 108 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1 modifié par S.C. 1972, c. 18, art. 1 5 . Il découle clairement de cette disposition, selon moi, que l'«entreprise» à prendre en considé- ration est celle â laquelle se livrent les employés. Je pense du reste que l'arrêt Eastern Stevedoring confirme cette thèse 6 . Aux pages 536 et 537, le juge en chef Kerwin dit ceci: [TRADUCTION] «Le fait que la société soit indépendante des sociétés maritimes auxquelles elle était liée par contrat n'influe pas, à mon avis, sur la question, et je trouve difficile d'établir une distinction entre les employés en question et ceux qui effectuent un travail identique, sont engagés directement par une société maritime dont les navires font la navette entre des ports canadiens et étrangers.»
Puis, à la page 569, le juge Estey tient ces propos, que le juge Ritchie a cités et approuvés dans l'affaire Letter Carriers: [TRADUCTION] «Le fait que les débardeurs en question soient les employés de l'Eastern Canada Stevedoring Co. Ltd. n'est pas déterminant, si même il est perti nent, pour trancher le point de savoir s'ils relèvent de la compétence législative du Parlement du Canada ou de celle de la législature d'une pro vince .... Cette question doit être jugée sur la base de la nature et du caractère des services relativement aux activités des lignes maritimes dont il est question en l'espèce.»
5 Ledit article est ainsi rédigé:
108. La présente Partie s'applique aux employés dans le cadre d'une entreprise fédérale, aux patrons de ces employés dans leurs rapports avec ces derniers, ainsi qu'aux organisa tions patronales groupant ces patrons et aux syndicats grou- pant ces employés.
6 In re Reference as to Validity of Industrial Relations and Disputes Investigation Act [1955] R.C.S. 529, que nous appel- lerons en l'espèce l'affaire Stevedores.
Il est indéniable, selon moi, que le raisonnement précédent s'applique aux circonstances de fait de l'espèce, qui ressemblent beaucoup à celles de l'af- faire Stevedores précitée. En l'espèce, le Conseil a constaté que (voir le paragraphe 4 de l'exposé des faits supra) «Le travail effectué par lesdits employés est un travail effectué à l'occasion de l'opération d'une entreprise fédérale. Ce travail fait partie intégrante de cette entreprise. Il doit être effectué quotidiennement pour que se poursui- vent les activités de l'entreprise fédérale liées à la manutention des marchandises dans le domaine de la `navigation et les bâtiments ou navires (ship- ping)'. Ce genre de service est nécessaire au bon fonctionnement des opérations des compagnies de navires oeuvrant dans le transport de marchandises ainsi qu'à leur chargement et déchargement et à leur expédition et livraison à leurs clients.» L'ap- proche fonctionnelle adoptée en l'espèce par le Conseil correspond à celle de la Cour dans l'affaire Stevedores. A propos de la question de télévision par câble, la Cour suprême du Canada a égale- ment adopté cette méthode dans l'affaire Dionne 7 . De même, dans l'affaire La ville de Yellowknife$, le juge Pigeon dit ceci à la page 736:
Cela étant, il reste à trancher la question de savoir si, dans le contexte du Code du travail, la définition de l'expression entreprise, affaire ou ouvrage de compétence fédérale» englobe les activités d'une corporation municipale.
En examinant cette question, on doit se rappeler qu'il est bien établi que la compétence en matière de travail relève du pouvoir législatif sur l'exploitation et non sur la personne de l'employeur.
La décision la plus récente de la Cour suprême du Canada à ce sujet est l'arrêt Northern Telecom Ltée c. Les Travailleurs en communication du Canada 9 . A la page 132, le juge Dickson cite et approuve les six principes juridiques régissant le domaine des relations de travail formulés par le juge Beetz dans l'arrêt Construction Montcalm Inc. c. La Commission du salaire minimum [1979] 1 R.C.S. 754. J'estime que le principe numéro (5) s'applique particulièrement à l'espèce: «(5) La question de savoir si une entreprise, un service ou une affaire relève de la compétence
7 La Régie des services publics c. Dionne [1978] 2 R.C.S. 191.
8 Le Conseil canadien des relations du travail c. La ville de Yellowknife [1977] 2 R.C.S. 729.
9 [1980] 1 R.C.S. 115.
fédérale dépend de la nature de l'exploitation.» Compte tenu des faits de l'espèce et en application de l'article 108 du Code, l'entreprise à prendre en compte est la Fraser Surrey Docks Ltd., puisque c'est les employés en question travaillent. Et en application du principe numéro (5) susmen- tionné, il convient, pour trancher la question cons- titutionnelle, d'examiner la nature de l'opération, c'est-à-dire la nature du travail exécuté.
Par ces motifs, j'estime qu'il n'a pas été établi que le Conseil a conclu à tort à sa compétence en la matière. Il y a donc lieu de rejeter la demande fondée sur l'article 28.
* * *
LE JUGE EN CHEF THURLOW: Je souscris aux motifs ci-dessus.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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