T-4829-79
John Christopher Doyle (Demandeur)
c.
La Reine et le ministre du Revenu national
(Défendeurs)
Division de première instance, le juge Mahoney—
Ottawa, 10 et 12 juin 1980.
Pratique — Requête en radiation des plaidoiries — Les
défendeurs demandent la radiation de la déclaration par ce
motif qu'il y a emploi abusif des procédures — Le demandeur
a formé cet appel contre une nouvelle cotisation faite confor-
mément au jugement rendu en appel — Il échet d'examiner si
le demandeur a le droit de demander à la Cour de juger à
nouveau la même cause entre les mêmes parties, du fait que
des faits nouveaux se sont produits après le jugement initial
Requête accueillie — Règles 419(1)a),c)J), 1733 de la Cour
fédérale — Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c.
63, art. 175(3).
REQUÊTE.
AVOCATS:
Michael Phelan et Penny Bonner pour le
demandeur.
W. Lefebvre et J. Coté pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Herridge, Tolmie, Ottawa, pour le deman-
deur.
Le sous-procureur général du Canada pour
les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MAHONEY: Les défendeurs demandent
conformément aux Règles 419(1)a), c) et f), la
radiation de la déclaration par ce motif qu'il y a
emploi abusif des procédures de la Cour, et c'est
sur cette conclusion que je me prononcerai.
En 1959, le ministre du Revenu national a fait
une nouvelle cotisation de l'impôt sur le revenu du
demandeur pour 1954, et a notamment ajouté
$2,080,000 son revenu. Appel a été formé en
temps utile contre cette nouvelle cotisation.' L'ad-
dition de $2,080,000 au revenu a été maintenue, et
I 70 DTC 6262.
la conclusion subsidiaire du demandeur, à savoir la
déduction, à titre de dépense, de la valeur de
522,000 actions de Canadian Javelin Limited
transférées par le demandeur à un certain Robert
Sherwood, a été rejetée. Par la suite, la Cour
suprême du Canada a rejeté le pourvoi formé
contre ce jugement de la Cour de l'Échiquier du
Canada 2 .
Postérieurement à l'arrêt de la Cour suprême,
mais antérieurement à la nouvelle cotisation du
demandeur, faite en conséquence par le Ministre,
Sherwood n'a pas réussi à faire confirmer par la
Cour de céans la décision rendue en juin 1972 par
la Commission de révision de l'impôt, selon
laquelle il n'était pas un résident du Canada en
1954. Sherwood a été cotisé en 1962, et la valeur
des actions susmentionnées, savoir $1,040,000, a
été incluse dans son revenu de 1954. Le dossier ne
contient aucune indication sur l'état de tout appel
qu'il aurait pu interjeter de cette décision.
Le demandeur ayant été cotisé de nouveau con-
formément à l'arrêt d'appel a déposé un avis d'op-
position, à la suite de quoi le Ministre a confirmé
sa nouvelle cotisation et le demandeur a formé cet
appel. Il soutient qu'on ne saurait, en droit, cotiser
à la fois Sherwood et lui-même pour la même
recette et à l'égard de la même année d'imposition.
Je ne me prononce pas sur le bien-fondé de cet
argument qui, à mon avis, pourrait très bien se
défendre aux fins de l'appel. Il est indéniable que,
au moment où la Cour de l'Échiquier entendit et
jugea l'appel du demandeur, Sherwood avait déjà
été cotisé sur la valeur de ses actions. Ce qui
manquait, jusqu'à ce que la Cour suprême se fût
prononcée sur son appel, c'était la décision défini-
tive sur la validité de la cotisation de Sherwood.
Le demandeur s'est fondé sur la Règle 1733,
pour conclure à la modification du jugement initial
pour la réduction de $1,040,000, de la somme
cotisée de $2,080,000 3 . La requête a été rejetée, et
2 [1978] 1 R.C.S. 547.
3 Règle 1733. Une partie qui a droit de demander en justice
l'annulation ou la modification d'un jugement ou d'une ordon-
nance en s'appuyant sur des faits survenus postérieurement à ce
jugement ou à cette ordonnance ou qui ont été découverts par la
suite, ou qui a droit d'attaquer un jugement ou une ordonnance
pour fraude, peut le faire, sans intenter l'action, par simple
demande à cet effet dans l'action ou autre procédure dans
laquelle a été rendu ce jugement ou cette ordonnance.
l'appel contre cette décision a été rejeté le 17
janvier 1980 par la Cour d'appel fédérale".
Le demandeur soutient qu'une nouvelle cotisa-
tion, lors même qu'elle fait suite au jugement
rendu sur l'appel formé contre une cotisation anté-
rieure, est elle-même susceptible d'opposition et
d'appel par le contribuable. Ce principe ne souffre
aucune exception, sinon le contribuable se verrait
refuser tout accès aux tribunaux s'il voulait s'assu-
rer que la nouvelle cotisation est effectivement
conforme au jugement.
Le demandeur soutient en outre que le Ministre
doit tenir compte des faits tels qu'ils sont au
moment où il revoit la nouvelle cotisation après
réception d'un avis d'opposition, y compris les faits
que la Cour n'avait pas pris en considération parce
qu'ils n'existaient pas au moment de son jugement,
et que si le Ministre n'applique pas la loi à ces
faits, le contribuable a le droit de demander à la
Cour de requérir le Ministre de le faire.
Par cet argument, le demandeur soutient essen-
tiellement qu'il a le droit de demander à la Cour
de juger à nouveau la même cause entre les mêmes
parties, du fait que des faits nouveaux se sont
produits après le jugement initial. La Cour a déjà
décidé a) que l'intégralité de la somme $2,080,000
fait partie intégrante du revenu du demandeur
pour l'année d'imposition 1954 et b) que le contri-
buable ne peut déduire nulle fraction du montant
de $1,040,000 à titre de dépense pour 1954.
Selon le paragraphe 175(3) de la Loi de l'impôt
sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, un appel
formé contre une cotisation est réputé être une
action devant la Cour. Dans Reichel c. Magrath 5 ,
le lord Chancelier Halsbury s'est prononcé en ces
termes:
[TRADUCTION] ... une Cour de justice est certainement com-
pétente pour empêcher la partie perdante de soulever à nouveau
la même question qu'elle a déjà jugée dans une autre action.
Je suis convaincu que toute cour de justice jouit d'une
compétence naturelle pour prévenir un tel abus de procédure
Le droit d'interjeter appel d'une nouvelle cotisa-
tion faite à la suite d'un jugement n'est pas le droit
de remettre en cause les litiges déjà jugés. Ce droit
4 N°' du greffe: T-2646-77 et A-51-79. [Aucun motif écrit de
jugement n'a été fourni—l'arrêtiste.]
5 (1889) 14 App. Cas. 665, à la page 668.
n'ouvre pas la voie à un recours de rechange par
lequel le contribuable pourrait chercher à faire
modifier ou annuler le jugement initial, ce qui
constituerait un emploi abusif des procédures de la
Cour.
ORDONNANCE
La déclaration est radiée et l'action rejetée avec
frais.
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