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T-2333-80
Le docteur May S.M. Tsang (Requérante)
c.
Medical Council of Canada—Le Conseil médical du Canada (Intimé)
Division de première instance, le juge en chef adjoint Jerome—Ottawa, 5 décembre 1980 et 25 février 1981.
Pratique Requête en radiation des plaidoiries Demande de l'intimé tendant au rejet de l'action pour incom- pétence Le Conseil médical du Canada, créé en 1952 par une Loi du Parlement, a reçu en 1976 des lettres patentes en vertu de la Partie III de la Loi sur les corporations canadien- nes Le Conseil est-il un «office, commission ou autre tribunal fédéral.? La Cour fédérale a-t-elle compétence pour connaître de l'action? La demande est rejetée Le Conseil est un «autre tribunal. au sens de l'art. 2 de la Loi sur la Cour fédérale L'octroi des lettres patentes n'abroge pas les dispositions de la loi de 1952 et ne change rien au caractère à la fois national et public des attributions du Conseil Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 2.
Distinction faite avec l'arrêt: Wilcox c. Société Radio- Canada [1980] 1 C.F. 326.
REQUÊTE. AVOCATS:
J. Arthur Cogan, c.r. pour la requérante. Peter Newcombe, c.r. et David C. Woods pour l'intimé.
PROCUREURS:
Cogan & Cogan, Ottawa, pour la requérante. Gowling & Henderson, Ottawa, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: Une exception d'incompétence de la Cour fédérale du Canada ayant, dans la présente affaire, été soule- vée par l'intimé, j'ai tout d'abord entendu les
avocats sur la question avant de solliciter des observations écrites. Après examen de ces observa tions, j'ai prié les avocats de comparaître à nou- veau afin de présenter oralement leurs derniers arguments.
Après avoir bien considéré toutes les observa tions, j'en suis arrivé à la conclusion que le Conseil
intimé est le genre d'organisme visé à l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale' et que, par consé- quent, la présente Cour a compétence. Le Conseil médical du Canada fut institué par une Loi du Parlement du Canada, soit l'Acte Médical du Canada, de 1902, S.C. 1902, c. 20, remplacée en 1927 et en 1952 par une deuxième et une troisième lois, intitulées Loi médicale du Canada 2 et ne comportant aucun changement majeur quant aux attributions du Conseil. Ce dernier a toujours eu pour attributions, entre autres, d'établir, du moins en partie, le degré d'aptitudes à atteindre pour exercer la médecine au Canada, de délivrer un certificat de capacité appelé licence, de maintenir un bureau fédéral d'examinateurs et un registre, de prendre des mesures disciplinaires contre les membres inscrits et, au besoin, de rayer ou de confirmer les membres qui se sont rendus cou- pables de conduite contraire à certaines normes. Ces attributions ne sont détenues par aucun orga- nisme constitué sous le régime d'une loi provin- ciale, et il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elles n'ont pas un caractère public mais ne concernent que la régie interne. Il est difficile de concevoir chose intéressant plus le public que les aptitudes de ceux qui vont exercer la médecine.
Le seul facteur qui vient compliquer la question de compétence vient de ce que le Conseil médical du Canada a, en 1976, exercé l'option, qui lui était ouverte en vertu des articles 158 et 159 de la Partie III de la Loi sur les corporations canadien- nes 3 , de demander des lettres patentes. Il en découle, selon l'avocat de l'intimé, deux consé- quences d'importance: d'une part, le Conseil s'en trouve changé d'organisme créé par voie législative en société, et d'autre part, par suite de ce change- ment il tombe dans le champ d'application du raisonnement du juge en chef adjoint Thurlow [tel était alors son titre] dans l'affaire Wilcox c. Société Radio-Canada 4 . Je rejette ces deux argu ments. La preuve n'a nullement été rapportée que l'octroi des lettres patentes en 1976 ait eu ne serait-ce que la prétention d'abroger les disposi-
' S.C. 1970-71-72, c. 1 [voir maintenant S.R.C. 1970 (2° Supp.), c. 10] modifiée par S.C. 1973-74, c. 17, art. 8; S.C. 1974-75-76, c. 18.
2 S.R.C. 1927, c. 129 et S.R.C. 1952, c. 27.
3 S.R.C. 1970, c. C-32.
4 [1980] 1 C.F. 326.
tions de la loi de 1956. Et de toute façon, cela ne change rien au caractère à la fois national et public des attributions du Conseil médical du Canada. Pour ce qui est du deuxième point, rappe- lons les propos du juge en chef adjoint Thurlow dans l'affaire Wilcox, supra la page 329]:
Si je ne vois aucune raison de douter que les pouvoirs visés dans la définition de «office, commission ou autre tribunal fédéral» à l'article 2 ne sont pas limités aux pouvoirs dont la loi exige qu'ils soient exercés sur une base judiciaire ou quasi judiciaire, il me semble, d'autre part, que l'expression «une compétence ou des pouvoirs» se réfère à une compétence ou à des pouvoirs de caractère public au sujet desquels les brefs de prérogative, l'injonction et le jugement déclaratoire auraient été autrefois des moyens appropriés d'invoquer le droit de regard des cours supérieures. Je ne pense pas que cela comprenne les pouvoirs qu'une corporation ordinaire constituée en vertu d'une loi fédérale peut exercer à titre privé, et qui ne sont que des accessoires de sa personnalité juridique ou de l'entreprise qu'elle est autorisée à exploiter.
Dans cette cause, le juge en chef adjoint a décidé que les pouvoirs de la Société étaient entièrement reliés à la gestion interne et que si le public s'en trouvait affecté, ce n'était qu'une conséquence indirecte de l'exercice de ces pouvoirs. Je ne puis admettre qu'il en soit de même dans le cas du Conseil intimé. Même si le pouvoir de déterminer qui sera admis à l'exercice de la médecine au Canada est exercé conjointement avec les respon- sables provinciaux, il n'en conserve pas moins une portée nationale et un caractère public. Le pouvoir pour le Conseil de maintenir un registre comporte implicitement celui d'en radier ceux qui y sont inscrits, ce qui, s'ajoutant à son pouvoir discipli- naire, permet à cet organisme de décider qui pourra poursuivre une carrière en médecine au Canada. Il s'agit d'attributions à caractère émi- nemment public.
J'estime donc que le Conseil médical du Canada est un «autre tribunal» au sens de l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale et que cette Cour a compétence pour connaître de la présente action.
ORDONNANCE
La présente demande tendant au rejet de l'ac- tion pour incompétence est rejetée avec dépens.
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