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A-7-80
La Reine (Appelante)
c.
La Banque de Nouvelle-Écosse (Intimée)
Cour d'appel, les juges Heald et Urie et le juge suppléant Kelly—Toronto, 9 avril; Ottawa, 23 avril 1981.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Crédit d'impôt étranger L'intimée revendiquait le crédit de l'impôt sur le revenu payé au Royaume-Uni du fait de l'entre- prise qu'elle y exploitait Appel contre la décision du juge de première instance qui a accueilli le recours de l'intimée contre une nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 1972 Il échet d'examiner si le crédit d'impôt doit être converti en monnaie canadienne au taux de change moyen pondéré applicable pour l'année d'imposition 1972 ou au taux de change qui avait cours au moment du paiement de l'impôt Appel rejeté Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée, art. 126(2) La Convention entre le Canada et le Royaume-Uni en matière d'impôt sur le revenu, S.C. 1966-67, c. 75, Partie IV, Annexe IV, Art. 21(2).
Appel contre la décision du juge de première instance qui a accueilli le recours de l'intimée contre la nouvelle cotisation d'impôt sur le revenu pour son année d'imposition 1972. L'inti- mée revendiquait un crédit pour l'impôt sur le revenu payé au Royaume-Uni du fait de l'entreprise qu'elle y exploitait. Il échet d'examiner si, pour l'application de l'alinéa 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'Article 21(2) de la Convention entre le Canada et le Royaume-Uni en matière d'impôt sur le revenu, l'impôt payé par l'intimée au Royaume- Uni doit être converti en monnaie canadienne au taux de change moyen pondéré applicable pour l'année d'imposition 1972 ou au taux de change qui avait cours au moment l'impôt fut payé. L'avocat de l'appelante soutient que le juge de première instance a commis une erreur pour ne pas avoir conclu que, conformément à l'alinéa 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le droit au crédit d'impôt ne s'acquiert qu'au paie- ment effectif de l'impôt étranger sur le revenu, et que ce dégrèvement devait être calculé selon le taux de change ayant cours au moment du paiement effectif. Il soutient également que le juge a commis une erreur en concluant que le crédit d'impôt prévu au paragraphe 126(2) était «une question de comptabilité commerciale et fiscale», attendu qu'on peut con- clure de l'alinéa 126(2)a) que le calcul du crédit d'impôt requiert l'application de la méthode de comptabilité de caisse, et non celle de la comptabilité d'exercice.
Arrêt: l'appel est rejeté. C'est en 1972 que l'intimée a contracté l'obligation de payer l'impôt sur le revenu britannique pour l'année d'imposition 1972, puisque c'est au cours de cette année qu'elle a réalisé le revenu imposable, lors même que selon la loi britannique, le paiement effectif de l'impôt n'est requis que quelque quatorze mois plus tard. C'est à la fin de son exercice financier, soit le 31 octobre 1972, que l'intimée a contracté l'obligation de payer l'impôt au Royaume-Uni. Le montant du crédit d'impôt ne devrait pas être assujetti aux
fluctuations du taux de change. Le législateur a manifestement voulu, par l'alinéa 126(2)a), protéger le résident canadien contre la double imposition en prescrivant un crédit d'impôt fondé, pour une année d'imposition déterminée, sur le montant de l'impôt payable en fonction du revenu gagné à l'étranger durant cette année, sans tenir compte du moment où, selon la loi étrangère, cet impôt étranger devient exigible. Le taux de change est un fait n'ayant aucun rapport avec l'obligation fiscale. Vu la preuve produite et à la lumière des dispositions légales applicables, le savant juge de première instance était fondé dans ses conclusions.
Arrêt mentionné: Greig (Inspector of Taxes) c. Ashton [1956] 1 W.L.R. 1056.
APPEL en matière d'impôt sur le revenu. AVOCATS:
W. Lefebvre et J. Côté pour l'appelante.
S. E. Edwards, c.r., et G. R. Hiseler pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Fraser & Beatty, Toronto, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE HEALD: Il s'agit en l'espèce de l'appel formé contre le jugement de la Division de pre- mière instance [[1980] 2 C.F. 545] qui a accueilli le recours de l'intimée contre une nouvelle cotisa- tion d'impôt sur le revenu pour son année d'imposi- tion qui prit fin le 31 octobre 1972. La Division de première instance a renvoyé l'affaire au ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation de façon à porter au crédit de l'intimée la somme de £179,596 au titre de l'impôt payé à l'étranger, en l'occurrence au Royaume-Uni pour la même année, en appliquant le taux de change moyen pondéré de $2.52122 CAN la livre sterling.
Il échet d'examiner si, pour l'application de l'alinéa 126(2)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, c. 148, modifiée, et de l'Arti- cle 21(2) de la Convention entre le Canada et le Royaume-Uni en matière d'impôt sur le revenu',
'Voici le texte de ces dispositions: 126... .
(2) Un contribuable qui résidait au Canada à une date quelconque d'une année d'imposition et exploitait une entre- prise, pendant cette année, dans un autre pays que le
l'impôt payé par l'intimée pour l'année d'imposi- tion 1972 au Royaume-Uni pour le revenu prove- nant de ses succursales dans ce pays doit être converti en monnaie canadienne:
a) au taux de change moyen pondéré applicable pour l'année d'imposition 1972, conformément à l'argument de l'intimée, qu'a accueilli le savant juge de première instance, ou
b) au taux de change qui avait cours le lei janvier 1974 au moment l'impôt sur le revenu fut payé au Royaume-Uni, comme le soutient l'appelante.
Voici ce qui ressort de l'exposé conjoint des faits versé au dossier de première instance (Dossier d'appel, pages 141 144 inclusivement):
Selon les lois en vigueur au Royaume-Uni à l'époque en cause, l'intimée était tenue à l'impôt sur le revenu en fonction des affaires réalisées dans ce pays pendant l'année d'imposition 1972, mais n'était requise de payer cet impôt que 14 mois plus tard, c'est-à-dire le ler janvier 1974,
Canada, peut déduire de l'impôt pour l'année, payable par ailleurs par lui en vertu de la présente Partie, une somme ne dépassant pas le moindre des montants suivants:
a) la partie du total de l'impôt sur le revenu tiré d'une entreprise, qu'il a payé pour l'année, relativement à des entreprises exploitées par lui dans ce pays-là, et son report d'impôt étranger relatif à ce pays pour l'année et dont le contribuable peut réclamer la déduction,
b) le montant déterminé en vertu du paragraphe (2.1) pour l'année relativement à des entreprises exploitées par lui dans ce pays-là, et
c) la fraction
(i) de l'impôt pour l'année payable par ailleurs par lui en
vertu de la présente Partie
qui est en sus
(ii) du montant ou de la totalité des sommes, selon le cas, déduits par lui en vertu du paragraphe (1) de l'impôt pour l'année payable par ailleurs en vertu de la présente Partie.
ARTICLE 21.
(2) Sous réserve des dispositions de la Loi du Canada quant à l'admission de l'impôt payable dans un territoire situé à l'extérieur du Canada à titre de crédit à déduire de l'impôt payable au Canada (sans nuire au principe général impliqué), l'impôt du Royaume-Uni payable au titre de revenus provenant de sources situées à l'intérieur du Royaume-Uni est déduit de tout impôt canadien payable au titre de ces revenus. Lorsque ces revenus sont un dividende payé avant le 6 avril 1966 par une compagnie qui est résident du Royaume-Uni, la déduction tient compte de tout impôt du Royaume-Uni sur le revenu se rapportant à ce dividende.
date à laquelle elle a payé l'intégralité de l'impôt exigible, sauf la somme de £15,209 retenue à la source, pour la même période, à titre d'intérêts sur certaines obligations de l'État.
A la fin de chaque trimestre de l'année d'im- position 1972, les bénéfices nets de chacune des sept succursales de l'intimée au Royaume-Uni étaient incorporés dans le revenu de cette der- nière au Canada, la livre sterling étant convertie en monnaie canadienne selon le taux de change applicable à la fin de ce trimestre. Le solde des bénéfices nets de chaque trimestre, déduction faite d'une provision pour impôt au Royaume- Uni, était transféré au Canada et converti en monnaie canadienne à la fin de ce trimestre. Conformément à la politique établie par la Banque d'Angleterre, la provision pour impôt était retenue au Royaume-Uni en livres sterling et l'intimée avait le droit d'en disposer dans son entreprise jusqu'au paiement de l'impôt.
A la page 548, le savant juge de première instance fait ressortir, à la lumière des faits de la cause, la différence qui sépare, en termes pratiques, les points de vue respectifs de l'appelante et de l'intimée:
Aux fins d'imposition au Canada, les profits et pertes en devises étrangères doivent évidemment être convertis en mon- naie canadienne. Étant donné les fluctuations constantes du change, lorsque la comptabilisation des profits et pertes pour une période d'imposition donnée se fait selon la méthode de la comptabilité d'exercice, il serait impossible de convertir au fur et à mesure en monnaie canadienne, d'après le taux de change existant à l'époque, chaque opération qui intervient. C'est donc non seulement un usage comptable et une question de bon sens, mais aussi une pratique entièrement acceptée et reconnue par la défenderesse, que de recourir à un taux de change moyen, connu sous le nom de moyenne pondérée des taux existant à l'époque en question, pour la conversion, à la fin de la période, des profits réalisés et pertes subies en devises étrangères. En l'espèce, il n'est pas discuté que, d'après le cours du change moyen pondéré pour la période d'imposition prenant fin le 31 octobre 1972, 2.52122 dollars canadiens valaient une livre sterling. Par conséquent, si l'on adopte ce taux, le dégrèvement pour 179,596 livres sterling s'élève à $452,794. Par contre, si l'on retient le cours du change en vigueur à la date de paiement, soit 2.3131 pour les 15,209 livres sterling retenues à la source et 2.2954 pour le solde de l'impôt payé au Zef janvier 1974, le crédit d'impôt qui en résulte serait seulement de $412,514. La différence entre les deux calculs est de $40,280.
A la lumière des circonstances de l'espèce, des témoignages rendus et des plaidoiries des avocats
des deux parties, il a conclu en ces termes (aux pages 559 562):
En supposant que l'impôt étranger doive être payé et non simplement payable pour que naisse le droit au dégrèvement, j'en arrive aux conclusions suivantes à partir de tout ce qui précède:
1. La Loi ainsi que les usages comptables exigent que la demanderesse tienne ses livres selon la méthode de la comp- tabilité d'exercice, et c'est ce qu'elle a fait pour l'année en question.
2. Les usages comptables ne s'appliquent pas seulement au calcul des profits et pertes en vertu de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais aussi à toutes questions compta- bles, sauf dispositions législatives- contraires.
3. Normalement, les usages comptables commanderaient d'inscrire les impôts impayés au Royaume-Uni, qui devinrent dus en 1972, dans les livres de la demanderesse pour cette année et, jusqu'au paiement, selon le taux de change moyen pondéré pour l'année 1972.
4. Aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige expressément que la conversion en dollars canadiens du crédit libellé en livres sterling se fasse d'après le taux de change de l'époque du paiement effectif, et une conversion faite selon le taux de change moyen pondéré de l'année l'impôt étranger est devenu n'irait pas à l'encontre de l'économie de la Loi ou de l'une quelconque de ses dispositions.
5. Il n'y aurait pas double imposition si le taux de change de l'époque du paiement était appliqué.
6. Ni l'une ni l'autre des deux méthodes de calcul ne désa- vantage l'une ou l'autre des parties ou n'est plus susceptible de porter atteinte à leurs intérêts, étant donné que le taux de change peut varier aussi bien dans un sens que dans l'autre.
7. La demanderesse ne peut invoquer l'anomalie procédurale qui paraît exclure la réclamation du dégrèvement pour impôt étranger payé après l'expiration de la période de quatre- vingt-dix jours prévue pour former opposition contre la cotisation.
8. Les motifs suivants, quoiqu'ils ne soient pas péremptoires, seraient de nature à favoriser l'adoption du taux de change moyen pondéré de l'année fiscale en question:
a) Il est plus logique et plus simple pour le contribuable (en particulier pour une corporation qui doit rendre compte à ses actionnaires) qui tient ses livres selon la méthode de la comptabilité d'exercice de calculer sur la même base, dans ses déclarations d'impôt et ses états financiers, tant les cotisations fiscales et les crédits d'impôt que les profits et pertes avant impôt.
b) Il est plus logique d'appliquer la même méthode aux alinéas a) et b) de l'article 126(2), plutôt que d'avoir deux méthodes différentes de calcul des crédits d'impôt dans le même article.
c) A l'exception de l'article 127(1), qui porte sur certaines déductions provinciales relatives à l'impôt sur les exploita- tions forestières, la déduction prévue à l'article 126(2)a) est la seule dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui doive être faite pour une année d'imposition qui n'est pas néces- sairement l'année du paiement du montant concerné.
9. Lorsque l'article 126(2)a) est pris isolément, en faisant abstraction des usages comptables et de tous autres facteurs, il peut sembler plus naturel de calculer le montant de l'impôt en dollars canadiens suivant le taux de change de la date de paiement, bien que rien dans l'article ne l'exige réellement.
En dépit du motif 9 ci-dessus, pour les motifs 1, 2, 3, 4 et 8, je suis d'avis que la conversion en dollars canadiens doit se faire d'après le taux de change moyen pondéré de la période d'impo- sition en question.
Au cas ce serait à tort que j'ai jugé que ce principe s'applique à tous les cas de dégrèvement pour impôt étranger, je tiens à ajouter que, en l'espèce, puisque la loi du Royaume-Uni exige la mise en réserve, en livres sterling, de l'impôt durant l'année d'imposition il devient dû, il y a lieu, en tout état de cause, de retenir le taux de change moyen pondéré.
III—Conclusion
Dès lors, que le droit au dégrèvement soit lorsque l'impôt du Royaume-Uni est devenu ou seulement lors de son paiement effectif, le dégrèvement doit être calculé en convertis- sant en dollars canadiens le montant de l'impôt payable en livres sterling d'après la moyenne pondérée du taux de change de l'année d'imposition en question.
Puisque la solution du litige n'exige pas que je tranche la question du moment est le droit au dégrèvement pour impôts du Royaume-Uni, je m'abstiendrai de statuer sur ce point.
L'avocat de l'appelante soutient en premier lieu que le savant juge de première instance a commis une erreur pour ne pas avoir conclu que, conformé- ment à l'alinéa 126(2)a), le droit au crédit d'impôt ne s'acquiert qu'au paiement effectif de l'impôt étranger sur le revenu tiré d'une entreprise, et que ce dégrèvement devait être calculé selon le taux de change ayant cours au moment du paiement effec- tif. Cet avocat soutient également que le savant juge de première instance a commis une erreur en concluant que le crédit d'impôt prévu au paragra- phe 126(2) était «une question de comptabilité commerciale et fiscale», car par l'alinéa 126(2)a), le législateur a expressément prévu que le droit au crédit d'impôt ne s'acquiert qu'au moment du paiement effectif de l'impôt étranger sur le revenu tiré d'une entreprise, ce qui, à son avis, requiert l'application de la méthode de comptabilité de caisse, et non celle de la comptabilité d'exercice, pour le calcul de ce crédit d'impôt.
Je ne saurais accueillir le premier argument de l'avocat de l'appelante. A mon avis, c'est en 1972 que l'intimée a contracté l'obligation de payer
l'impôt sur le revenu britannique pour l'année d'imposition 1972, puisque c'est au cours de cette année qu'elle a réalisé le revenu imposable, lors même que selon la loi britannique, le paiement effectif de l'impôt n'est requis que quelque 14 mois plus tard. J'estime que c'est à la fin de son exercice financier, soit le 31 octobre 1972, que l'intimée a contracté l'obligation de payer l'impôt au Royaume-Uni. Si l'on adoptait le raisonnement de l'appelante, le montant du crédit d'impôt serait nécessairement calculé selon le taux de change en vigueur le jour du paiement. En l'espèce, ce serait le ler janvier 1974. Pour éprouver la validité de cette thèse, on pourrait imaginer des circonstances différentes. On peut fort bien imaginer que, dans certains cas et pour certains contribuables, le mon- tant de l'impôt dû, et partant le montant du crédit acquis au titre de l'impôt payé au Royaume-Uni, sont connus à la fin de l'exercice financier, ou quelques jours après. En supposant que l'exercice financier ait pris fin le 31 octobre 1972, et que le contribuable ait décidé de payer l'impôt avant l'échéance, soit en novembre ou décembre 1972, ou en 1973, on voit que le raisonnement de l'appe- lante à propos de la date de calcul peut donner d'étranges résultats. Si le crédit d'impôt devait être calculé selon le taux de change en vigueur le jour du paiement effectif de l'impôt, il varierait selon les fluctuations quotidiennes du taux de change. L'appelante eût-elle raison, le montant du crédit acquis pour l'impôt payé au Royaume-Uni aurait changé presque quotidiennement entre le 31 octo- bre 1972 et le l e ` janvier 1974, selon le jour l'impôt fut effectivement payé au Royaume-Uni. Je ne pense pas que telle fut la volonté du législa- teur, savoir l'assujettissement du montant du crédit d'impôt aux fluctuations du taux de change. A mon avis, le législateur a manifestement voulu, par l'alinéa 126(2)a), protéger le résident canadien contre la double imposition en prescrivant un crédit d'impôt fondé, pour une année d'imposition déterminée, sur le montant de l'impôt payable en fonction du revenu gagné à l'étranger durant cette année, sans tenir compte du moment où, selon la loi étrangère, cet impôt étranger devient exigible. De même, je ne saurais accueillir le deuxième argument de l'avocat de l'appelante, selon lequel on doit nécessairement déduire du libellé de l'ali- néa 126(2)a) que la méthode de comptabilité de caisse doit s'appliquer au calcul du crédit d'impôt, et non celle de la comptabilité d'exercice. A ce
sujet, le savant juge de première instance est arrivé aux conclusions suivantes à la lumière de la preuve produite:
1. La Loi ainsi que les usages comptables exi gent que l'intimée tienne ses livres selon la méthode de la comptabilité d'exercice, et c'est ce qu'elle a fait pour l'année financière et année d'imposition 1972.
2. Les usages comptables ne s'appliquent pas seulement au calcul des profits et pertes en vertu de l'article 9 de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais aussi à toutes questions comptables, sauf dispositions législatives contraires.
3. Normalement, les usages comptables com- manderaient d'inscrire les impôts impayés au Royaume-Uni, qui devinrent dus en 1972, dans les livres de l'intimée pour cette année et, jusqu'au paiement, selon le taux de change moyen pondéré pour l'année 1972.
4. Aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu n'exige expressément que la conversion en dollars canadiens du crédit libellé en livres sterling se fasse d'après le taux de change en vigueur le ler janvier 1974, date du paiement effectif, et une conversion faite selon le taux de change moyen pondéré pour 1972 n'irait pas à l'encontre de l'économie de la Loi ou de l'une quelconque de ses dispositions.
J'estime que vu la preuve produite et à la lumière des dispositions légales applicables, le savant juge de première instance était fondé dans ses conclusions.
J'en suis d'autant plus convaincu que l'interpré- tation préconisée par l'avocat de l'appelante con duit encore à un autre résultat extraordinaire et injuste. La Loi de l'impôt sur le revenu du Canada prévoit pour toute société canadienne l'obligation de faire sa déclaration d'impôt dans les six mois qui suivent la fin de son année d'imposition (le dernier délai étant, en l'espèce, le 30 avril 1973). Si l'on s'en tient au raisonnement de l'appelante, l'intimée, ne pouvant calculer son crédit d'impôt avant le 1°r janvier 1974, n'aurait pas pu faire sa déclaration d'impôt, elle aurait revendiqué le montant exact du crédit d'impôt étranger, dans le
délai de six mois prescrit par la loi. Il y a lieu également de noter qu'aucune disposition de la Loi ne prévoit la possibilité de nouvelle cotisation en matière de crédit d'impôt étranger. En revanche, la méthode adoptée par l'intimée permet au contri- buable de calculer son crédit d'impôt étranger à la clôture de ses comptes de fin d'exercice, afin d'esti- mer le montant au fisc et de faire sa déclaration d'impôt conformément à la Loi. A mon avis, il faut autant que faire se peut, interpréter la Loi de manière à permettre au contribuable de calculer son impôt et de se conformer àla loi dans les délais prévus. Comme l'article en question n'interdit pas une telle interprétation, celle-ci doit être adoptée en l'espèce.
Les avocats de l'une et l'autre parties ont invo- qué l'Article 21(2) de la Convention entre le Canada et le Royaume-Uni en matière d'impôt sur le revenu, cité ci-dessus, et sont convenus qu'il n'est pas incompatible avec le paragraphe 126(2) de la Loi. Je conviens avec l'avocat de l'intimée que ni l'une ni l'autre de ces dispositions ne prévoit la méthode de conversion de l'impôt sur le revenu britannique en monnaie canadienne, et qu'il en ressort que le crédit acquis au titre de l'impôt payé au Royaume-Uni et que l'intimée peut déduire de son impôt canadien pour l'année d'imposition 1972, est l'impôt britannique frappant son revenu réalisé la même année au Royaume-Uni.
A l'appui de leur thèse respective, les avocats des deux parties ont cité diverses décisions que je ne trouve pas directement applicables en l'espèce, sauf une décision anglaise que je trouve utile dans une certaine mesure, à savoir l'arrêt Greig (Inspec- tor of Taxes) c. Ashton 2 . Dans cette espèce, la contribuable, résidente du Royaume-Uni en 1946, a payé au fisc américain environ $24,000 titre d'impôt sur le revenu gagné dans ce pays comme écrivain. En 1950, le fisc américain lui remboursa $12,000 d'excédent. Le taux de change qui s'était établi à $4 la livre sterling en 1946, est tombé à $2.80 la livre sterling en 1950. Tout comme en l'espèce, elle avait droit au Royaume-Uni, en application de la Convention fiscale entre le Royaume-Uni et les États-Unis et de la loi dite Income Tax Act du Royaume-Uni, à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt payé aux
2 [1956] 1 W.L.R. 1056.
États-Unis. L'article applicable de l'Income Tax Act du Royaume-Uni porte:
[TRADUCTION] 2.—(1) Dans le cas où, en application de ces conventions, il y a crédit à défalquer de l'impôt sur le revenu payable au Royaume-Uni, le montant de cet impôt en est réduit d'autant, sous réserve de la présente annexe.
La Couronne soutenait que pour rajuster, à la lumière du remboursement d'impôt de 1950, le crédit acquis par la contribuable en application de la Convention, il fallait tenir compte du taux de change en vigueur au moment du remboursement. Selon le juge Harman, de la Division de la Chan- cellerie, le paiement de l'impôt américain en 1946 et son remboursement en 1950 constituaient une seule et même opération; le fait que, par suite du retard mis par le fisc américain à rembourser l'excédent, il y a eu une fluctuation du taux de change entre-temps, n'avait aucune importance; et la Couronne n'avait pas le droit d'en tenir compte dans le calcul du crédit acquis par la contribuable au titre de l'impôt payé aux Etats-Unis. Le juge Harman s'est prononcé en ces termes, à la page 1061 du recueil:
[TRADUCTION] A mon avis, le fait que les autorités américai- nes ont mis du retard à rembourser ou que le taux de change a changé entre-temps, de sorte que la somme remboursée valait davantage en livres sterling, ne représente, tout bien considéré, aucune importance en l'espèce. Je ne pense pas du tout que la Couronne puisse s'en prévaloir. La somme aurait pu être rem- boursée plus tôt et laissée aux États-Unis; le montant du bénéfice aurait été le même et la Couronne n'aurait pu l'impo- ser. J'estime qu'il s'agit d'un simple accident, et que les commissaires spéciaux ont eu raison de donner gain de cause à la contribuable. Les prétentions de la Couronne sont erronées.
Les prétentions de la Couronne sont rejetées attendu que le changement du taux de change est un fait n'ayant aucun rapport avec l'obligation fiscale de la contribuable ni avec l'interprétation de la Convention à la lumière de la loi.
J'adopte ce raisonnement qui est également appli cable en l'espèce. A mon avis, les fluctuations du taux de change en 1972, 1973 et 1974 ne peuvent pas entrer en ligne de compte pour le calcul du crédit d'impôt de l'intimée en application du para- graphe 126(2). Ce paragraphe vise à protéger le contribuable contre la double imposition, au cas il est déjà tenu à l'impôt dans un pays étranger. Le taux de change est un fait n'ayant aucun rapport avec l'obligation fiscale.
Par tous ces motifs, j'ai conclu au rejet de l'appel avec dépens en appel et en première instance.
* * *
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT KELLY: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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