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A-157-81
Le procureur général du Canada (Requérant)
c.
David K. Anderson, Eric S. Boyard, Larry V. Deveau, et D. Gary O'Keefe (Intimés)
et
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique (Tribunal)
Cour d'appel, les juges Pratte et Ryan et le juge suppléant Kerr—Ottawa, 17 et 18 septembre 1981.
Examen judiciaire Fonction publique Demande d'an- nulation de la décision rendue par un arbitre faisant droit à des griefs présentés par les intimés Les employés ayant refusé d'indiquer, à la demande de l'employeur, quand, avant la fin de l'année financière, ils désiraient prendre les «jours de remplacement», l'employeur a déterminé unilatéralement les dates auxquelles les intimés devaient prendre leurs jours de congé qui doivent leur être accordés en remplacement de jours fériés La convention collective prévoit que lorsqu'un employé a travaillé un jour férié, il lui «est accordé un congé payé à une date ultérieure» Il y est également prévu que les «jours de remplacement» non utilisés sont reportés à l'année financière suivante, au choix de l'employé Il échet d'exami- ner si l'arbitre a commis une erreur en décidant que l'em- ployeur n'avait pas le droit de déterminer unilatéralement les dates, avant la fin de l'année, auxquelles les intimés devaient prendre leurs «jours de remplacement» par suite du refus des intimés d'indiquer quand ils voulaient les prendre Demande accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2' Supp.), c. 10, art. 28.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
David P. Olsen pour le requérant.
Catherine H. MacLean pour les intimés.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour le
requérant.
Nelligan/Power, Ottawa, pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement prononcés à l'audience par
LE JUGE PRATTE: Cette demande fondée SUT
l'article 28 attaque la décision d'un arbitre rendue sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, c. P-35, faisant droit à des griefs présentés par les intimés.
Les intimés étaient employés à titre de contrô- leurs aériens à Saint-Jean (Terre-Neuve). Ils étaient des «employés préposés à l'exploitation» au sens de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien (Code 402/79) et venant à expiration le 31 décembre 1980. Leurs griefs contestent l'interprétation donnée par leur employeur aux articles 16.04 et 16.05 de cette convention collective.
Ces deux articles régissent les droits des employés préposés à l'exploitation qui travaillent un jour férié. L'article 16.04 prévoit que ces employés peuvent être payés à raison d'une fois et demie (1 1 / 2 ) leur taux horaire normal pour toutes les heures exécutées le jour férié et, en outre, qu'il leur «est accordé un congé payé à une date ulté- rieure en remplacement du jour férié.» Ces congés payés qui doivent être accordés en remplacement du jour férié sont appelés «jours de remplacement» à l'article 16.05 dont voici le texte:
16.05 En ce qui concerne les employés préposés à l'exploitation:
a) Des «jours de remplacement» pourront être pris par antici pation à partir du début d'une année financière donnée pour tous les jours fériés désignés de cette même année.
b) Aux fins de l'alinéa (a) ci-dessus seulement, les années le Vendredi saint et (ou) le lundi de Pâques tombent pendant le mois de mars, ils sont réputés tomber pendant le mois d'avril, sauf lorsque l'application du présent alinéa ferait perdre à l'employé son droit aux jours fériés.
c) Les jours de remplacement peuvent être accordés comme prolongation des congés annuels ou comme congés occasion- nels et sont imputés sur les crédits de jours de remplacement au rythme d'un poste pour un jour.
d) Tout en satisfaisant aux nécessités du service et sur préavis suffisant, l'employeur fait tous les efforts raison- nables pour accorder des jours de remplacement au moment l'employé les désire.
e) Lorsque pendant une année financière, l'employé n'a pas bénéficié de tous les jours de remplacement portés à son crédit, la partie non utilisée de ceux-ci est reportée à l'année financière suivante.
Au choix de l'employé, les jours de remplacement qui ne peuvent être épuisés avant la fin de l'année financière lui sont payés au taux alors applicable de sa rémunération journalière.
f) Tout congé accordé en vertu des dispositions de la présente clause par anticipation des jours fériés intervenant après la date de départ d'un employé ou le commencement d'un congé de retraite ou après la date il est assujetti à la clause 13.01, doit faire l'objet d'un recouvrement sur la paye.
En septembre et en décembre 1979, l'employeur demanda aux intimés de lui indiquer quand, avant la fin de l'année financière prenant fin le 31 mars, ils désiraient prendre les jours de remplacement portés à leur crédit. Ils refusèrent de se conformer à cette demande. Ils ne désiraient pas prendre les jours de remplacement avant la fin de l'année; ils voulaient soit les prendre au cours d'une année financière subséquente ou se les faire payer en espèces à la fin de l'année. L'employeur détermina alors de façon unilatérale les dates auxquelles les intimés devaient prendre leurs jours de remplace- ment.
La seule question soulevée par les griefs des intimés est de savoir si l'employeur avait le droit de déterminer unilatéralement lès dates, avant la fin de l'année, auxquelles les intimés devaient prendre leurs jours de remplacement par suite du refus des intimés d'indiquer quand ils voulaient les prendre. L'arbitre trancha en faveur des intimés et statua que l'employeur n'en avait pas le droit. Pour arriver à cette conclusion, il a établir des distinctions avec des cas précédents d'autres arbitres et, dans un cas, la Commission elle-même, avaient donné une interprétation différente à des dispositions semblables aux articles 16.04 et 16.05'. D'après l'arbitre, ces deux articles donnent aux employés le droit de choisir, premièrement, s'ils vont prendre leurs jours de remplacement avant la fin de l'année financière et, deuxième- ment, au cas ils ne les prendraient pas au cours de cette année, s'ils vont les prendre au cours d'une année subséquente ou s'ils se les feront payer en espèces. L'arbitre est arrivé à cette conclusion en se fondant sur deux motifs principaux. En premier lieu, il estime que l'emploi du verbe «accorder» aux articles 16.04 et 16.05 implique nécessairement que les jours de remplacement doivent être accor dés à la demande des employés. En second lieu, il se dit d'avis que si l'on comprend bien et si l'on prend bien en considération la nature très spéciale des jours de remplacement, il ressort clairement des dispositions de l'alinéa 16.05e) que les employés ont, premièrement, le choix de prendre ou de ne pas prendre leurs jours de remplacement
1 Webb c. Le Conseil du Trésor (l'arbitre en chef, Edward B. Jolliffe, c.r.); Kenna c. Le Conseil du Trésor (l'arbitre en chef, Edward B. Jolliffe, c.r.); Low & Duggan c. Le Conseil du Trésor (une décision de la Commission).
pendant l'année au cours de laquelle ils sont acquis et, deuxièmement, le choix soit d'être payés en espèces pour les jours de remplacement à leur crédit à la fin de l'année, soit de les prendre au cours d'une année subséquente.
A mon sens, cette décision est fondée sur une mauvaise interprétation de la convention collec tive. Aux termes de l'article 16.04, il «est accordé un congé payé à une date ultérieure» à l'employé qui a travaillé un jour férié. Selon moi, contraire- ment à l'interprétation de l'arbitre, le mot «accordé», dans cet article, n'implique aucune demande faite par l'employé, de telle sorte que si cet article était pris isolément, je n'hésiterais aucu- nement à dire que l'employeur aurait toujours le droit de décider unilatéralement quand les jours de remplacement seraient accordés. Ce droit est-il modifié ou restreint par d'autres dispositions de la convention? La seule disposition applicable est l'article 16.05. Selon moi, il ressort clairement des alinéas a), b) et e) de cet article que le calcul et la liquidation des jours de remplacement se font sur une base annuelle et que, normalement, les jours de remplacement sont pris pendant l'année au cours de laquelle ils ont été acquis. La seule res triction que l'article 16.05 impose au droit de l'employeur de déterminer quand les jours de rem- placement devront être pris se trouve à l'alinéa d) qui oblige l'employeur à faire tous les efforts rai- sonnables pour accorder des jours de remplace- ment «au moment l'employé les désire.» Cet alinéa impose-t-il à l'employeur l'obligation de faire tous les efforts raisonnables pour acquiescer à la demande d'un employé que ces jours de rempla- cement soient reportés à une année subséquente? J'estime que non parce qu'il s'agit seulement d'ac- corder des jours de remplacement aux dates préci- ses demandées par les employés pendant l'année financière en cours. J'ajouterais que, dans la mesure l'article 16.05 donne aux employés le droit de se faire payer leurs jours de remplacement en espèces, ce droit est clairement limité aux jours de remplacement «qui ne peuvent être épuisés avant la fin de l'année financière». A mon sens, il serait abusif de dire que des jours de remplace- ment ne peuvent être épuisés uniquement parce que l'employé préfère ne pas les prendre.
Par ces motifs, je ferais droit à la demande, annulerais la décision de l'arbitre et lui renverrais
l'affaire pour qu'il rende une décision en considé- rant qu'en vertu des articles 16.04 et 16.05 de la convention collective, lorsque les employés refusent d'indiquer quand, au cours de l'année financière courante, ils désirent prendre leurs jours de rem- placement, l'employeur a le droit de déterminer unilatéralement à quel moment ces jours de rem- placement devront être pris.
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LE JUGE RYAN y a souscrit.
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LE JUGE SUPPLÉANT KERR y a souscrit.
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