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A-810-80
L'Association des débardeurs d'Halifax, section locale 269 de l'Association internationale des débardeurs (Requérante)
c.
David C. N auss, Peter H. Roberts, l'Association des employeurs maritimes et le Conseil canadien des relations du travail (Intimés)
et
Le sous-procureur général du Canada
Cour d'appel, le juge en chef Thurlow, le juge Pratte et le juge suppléant Lalande—Halifax, 29 avril; Ottawa, 21 mai 1981.
Examen judiciaire Relations du travail Demande d'examen et d'annulation d'une décision du Conseil canadien des relations du travail enjoignant à" la requérante d'admettre l'intimé Nauss dans ses rangs et d'inscrire l'intimé Roberts sur la liste des détenteurs de cartes La requérante est un syndicat qui fournit des débardeurs à des sociétés de débar- dage Les intimés ne sont pas membres de ce syndicat Il échet d'examiner si le Conseil a outrepassé sa compétence en vertu du Code canadien du travail en rendant l'ordonnance Demande accueillie Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28 Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié, art. 121, 136.1, 161.1, 185f), 187, 188, 189.
Il s'agit d'une demande d'examen et d'annulation d'une décision du Conseil canadien des relations du travail ordonnant à la requérante d'admettre l'intimé Nauss dans ses rangs et d'inscrire l'intimé Roberts sur la liste des détenteurs de cartes. Cette décision a également enjoint à la requérante de rédiger et d'afficher un ensemble de règles régissant la présentation à un employeur de débardeurs en quête d'un emploi, conformément à l'article 161.1 du Code canadien du travail que, selon le Conseil, elle avait violé. La requérante est un syndicat qui fournit des débardeurs à des sociétés de débardage. Dans ses activités, elle donne la préférence à ses membres, puis aux travailleurs non syndiqués détenteurs de cartes. Ni Nauss ni Roberts n'étaient membres du syndicat; le premier détenait toutefois une carte. En raison de la politique de la requérante, on a refusé de les admettre au syndicat. Ils se sont plaints devant le Conseil de ce que la requérante avait contrevenu à divers articles du Code. Le litige porte sur la question de savoir si le Conseil a outrepassé sa compétence en donnant des ordres relativement à Nauss et à Roberts.
Arrêt: la demande est accueillie. En application de l'article 189 du Code canadien du travail, le Conseil pouvait enjoindre à la requérante de se conformer à l'article 161.1 et la requérir de faire ou de s'abstenir de faire toute chose propre à remédier ou à parer à toute conséquence d'une violation de cet article. De telles ordonnances, relativement à Nauss et à Roberts, n'ont pas été rendues et ne pouvaient pas l'être à cette fin. Il est inconcevable que l'exclusion de Nauss du syndicat requérant et
[1981] 2 C.F. à la p. 828
La troisième ligne à compter du haut de la pag doit se lire comme suit: «Le juge en chef ThurloN et le juge suppléant Lalande:»
Conseil d'edicterou a'etaour ces - regles a la place du syndicat, ou d'ordonner une mesure qui y déroge. Cela ne veut pas dire que le Conseil ne pourrait jamais ordonner à un syndicat d'admettre un membre. Mais en l'espèce, il ne s'agit pas d'un cas un syndicat fait des règles établies une application contraire à l'alinéa 185f) du Code. L'ordre d'admettre Nauss comme membre semble avoir été donné pour discipliner le syndicat plutôt que pour remédier ou parer aux conséquences entraînées par la seule violation de la loi relevée contre ce dernier.
DEMANDE d'examen judiciaire. AVOCATS:
Gerald J. McConnell et R. F. Larkin pour la requérante.
D. Merlin Nunn, c.r. et T. Roane pour l'in- timé David C. Nauss.
Yves Raic pour l'intimée l'Association des employeurs maritimes.
E. B. Durnford pour l'intimé le Conseil cana- dien des relations du travail.
PROCUREURS:
Kitz, Matheson, Green & MacIsaac, Halifax, pour la requérante.
Cox, Downie, Nunn & Goodfellow, Halifax, pour l'intimé David C. Nauss.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour l'intimée l'Association des employeurs maritimes. McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour l'intimé le Conseil canadien des relations du travail.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF THURLOW: J'ai pris connais- sance des motifs de jugement rédigés par le juge Pratte, et je partage son avis selon lequel il y a lieu d'annuler la partie attaquée de la décision du Conseil canadien des relations du travail. Je suis en outre d'accord, dans l'ensemble, avec les motifs par lesquels il en arrive à une telle conclusion.
Les faits ont été relatés par le juge Pratte et j'estime qu'il est inutile d'y revenir. La question est de savoir si le Conseil canadien des relations du
travail a outrepassé la compétence qu'il tient du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, c. L-1, modifié, en ordonnant au syndicat requérant d'ad- mettre l'intimé Nauss dans ses rangs et d'inscrire l'intimé Roberts sur la liste des détenteurs de cartes.
Deux dispositions du Code ont été invoquées pour justifier l'ordonnance, savoir les articles 121 et 189. Le premier, qui se trouve parmi les disposi tions relatives aux pouvoirs généraux du Conseil, constitue, à mon avis, une simple autorisation de faire ce qui est nécessaire ou accessoire à l'exercice efficace des autres pouvoirs, et n'ajoute rien à ce que le Conseil peut valablement ordonner en vertu de l'article 189, lequel est ainsi conçu:
189. Lorsque, en vertu de l'article 188, le Conseil décide qu'une partie que concerne une plainte a enfreint le paragraphe 124(4) ou l'un des articles 136.1, 148, 161.1, 184, 185 ou 186, il peut, par ordonnance, requérir ladite partie de se conformer à ce paragraphe ou à cet article et il peut,
a) lorsqu'un employé est touché par une infraction à l'article 136.1, ordonner à un syndicat d'agir au nom dudit employé ou d'aider ce dernier à prendre les mesures ou à entamer et à continuer les procédures que, de l'avis du Conseil, le syndicat aurait prendre ou entamer et continuer au nom de l'em- ployé ou aurait aider celui-ci à prendre ou à entamer et à continuer;
a.1) pour défaut de se conformer au paragraphe 124(4) ou à l'alinéa 148b) requérir un employeur, par ordonnance, de payer à un employé une indemnité ne dépassant pas la somme qui, de l'avis du Conseil, est équivalente à la rémuné- ration qui aurait été payée par l'employeur à l'employé, n'eût été ce défaut;
b) pour défaut de se conformer à l'un des alinéas 184(3)a), c) ouf) requérir un employeur, par ordonnance,
(i) de prendre ou de garder à son emploi tout employé ou autre personne que l'employeur ou une autre personne agissant en son nom a refusé de prendre ou de garder à son emploi ou a suspendu ou a congédié pour un motif qu'in- terdit l'un de ces alinéas, ou de permettre audit employé de reprendre son travail,
(ii) de payer à un employé ou à une autre personne concernée par ce défaut une indemnité ne dépassant pas la somme qui, à son avis, est équivalente à la rémunération qui aurait été payée par l'employeur à cet employé ou autre personne n'eût été ce défaut, et
(iii) d'annuler toute mesure disciplinaire prise à l'égard d'un employé concerné par le défaut et de payer à cet employé une indemnité ne dépassant pas la somme qui, à son avis, est équivalente à toute peine pécuniaire ou autre imposée à l'employé par l'employeur;
c) pour défaut de se conformer à l'alinéa 184(3)e), requérir un employeur, par ordonnance, d'annuler une mesure disci- plinaire prise à l'égard d'un employé concerné par le défaut et de payer à cet employé une indemnité ne dépassant pas la
somme qui, de l'avis du Conseil, est équivalente à toute peine pécuniaire ou autre imposée à l'employé par l'employeur;
d) pour défaut de se conformer à l'un des alinéas 185f) ou h) requérir un syndicat, par ordonnance, de réintégrer ou d'ad- mettre un employé comme membre du syndicat; et
e) pour défaut de se conformer à l'un des alinéas 185g), h) ou i), requérir un syndicat, par ordonnance, d'annuler une mesure disciplinaire prise à l'égard d'un employé concerné par le défaut et de payer à cet employé une indemnité ne dépassant pas la somme qui, à son avis, est équivalente à toute peine pécuniaire ou autre imposée à l'employé par le syndicat;
en outre, afin d'assurer la réalisation des objectifs de la pré- sente Partie, le Conseil peut, à l'égard de toute infraction â quelque disposition visée par le présent article, exiger d'un employeur ou d'un syndicat, par ordonnance, de faire ou de s'abstenir de faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre de faire ou de s'abstenir de faire afin de remédier ou de parer à toute conséquence défavorable à la réalisation des objectifs susmentionnés que pourrait entraîner ladite infraction, et ce en plus ou à la place de toute ordonnance que le Conseil est autorisé à rendre en vertu du présent article.
Il est à noter que cet article, en ce qui concerne les violations des dispositions mentionnées, auto- rise le Conseil:
(1) à requérir un syndicat de se conformer à la disposition enfreinte,
(2) à rendre certains types particuliers d'ordon- nances à l'égard des violations de certaines dis positions particulières ne comprenant pas l'arti- cle 161.1,
(3) et, afin d'assurer la réalisation des objectifs de la Partie V du Code, et ce en plus ou à la place de toute ordonnance que le Conseil est autorisé à rendre en vertu de cet article, à requérir un «syndicat ... de faire ... toute chose qu'il est juste de lui enjoindre de faire ... afin de remédier ou de parer à toute conséquence défavorable à la réalisation des objectifs sus- mentionnés que pourrait entraîner ladite infrac tion.»
Indubitablement, il s'agit d'un large pouvoir permettant au Conseil de trouver et d'ordonner les mesures qui s'imposent dans chaque cas. Mais ce pouvoir n'est pas assez large pour autoriser le Conseil, comme ce dernier l'a affirmé, à «prendre les mesures qu'il estime nécessaires ou appropriées afin de corriger les erreurs du passé et d'atteindre les objectifs du Code». Ce que, selon moi, le Con- seil est autorisé à prescrire se limite à ce qu'«il est juste [d']enjoindre» au syndicat de faire «afin de remédier ou de parer à toute conséquence» défavo-
rable à la réalisation des objectifs de la Partie V que pourrait entraîner «ladite infraction». L'ex- pression «ladite infraction» réfère au passage anté- rieur «toute infraction à quelque disposition visée par le présent article».
Les conclusions du Conseil figurent dans les passages suivants de sa décision:
Nous concluons que le syndicat a enfreint l'article 161.1 en ce sens qu'il n'a pas établi et affiché des règles comme il est stipulé. Nous concluons que ces règles doivent nécessairement inclure des règles relatives à l'adhésion et que si ces règles donnent la priorité aux détenteurs de cartes, ce qui est raison- nable à notre avis, elles doivent obligatoirement contenir des règles permettant à un détenteur de carte de déterminer à l'occasion si son nom a été inscrit à l'endroit approprié sur la liste prioritaire et s'il maintient son rang. Toutes ces règles doivent être justes et non discriminatoires. L'article 161.1(1) stipule qu'un syndicat, après avoir établi des règles, doit les appliquer de façon juste et sans discrimination. Dans Keith Sheedy, supra, nous avons affirmé: «Comme il n'existe pas de règles, on ne peut dire qu'elles sont appliquées «de façon juste et sans discrimination» comme l'exige le paragraphe 161.1(1) (pp. 405 et 14,288). Le même principe s'applique en l'espèce. Nous ne sommes pas tenus de déterminer si M. Nauss a été traité plus mal que les autres ouvriers, mais plutôt si les règles ont été appliquées de façon juste et sans discrimination. Ce point est encore véritable aujourd'hui.
Après avoir cité de larges extraits de ses motifs dans l'affaire Keith Sheedy, le Conseil poursuit:
Nous concluons qu'il y a eu infraction au paragraphe 161.1(1).
Parce que nous considérons que les règles relatives à l'adhé- sion constituent une partie intégrante des règles relatives à la présentation à l'employeur des personnes en quête d'emploi, nous n'estimons pas qu'il soit nécessaire de rendre une décision au sujet de l'alinéa 185f) étant donné que M. Nauss n'a pas été traité plus mal que les autres ouvriers. En ce qui concerne les dispositions de l'article 136.1 portant sur le devoir de représen- tation juste, nous ne croyons pas qu'elles soient particulière- ment pertinentes en l'espèce. Nous désirons indiquer qu'à notre avis, la négociation de certains avantages préférentiels à l'égard des membres du syndicat, qui sont les ouvriers rattachés au secteur en question, ne vont [sic] pas à l'encontre de cet article. De même, nous ne croyons pas que le syndicat ait manqué à son devoir et violé l'article 15 (Règles relatives à l'affectation) d'une façon qui soit différente de l'infraction qu'il a commise à l'article 161.1, mais que les deux sujets de plainte s'équivalent. En outre, puisque nous avons conclu qu'il y avait eu infraction à l'article 161.1, nous ne jugeons pas nécessaire d'apporter plus de précision à l'égard de l'article 136.1.
Il est à noter que bien que le Conseil ait conclu que le syndicat requérant avait violé les trois para- graphes de l'article 161.1 en n'établissant et n'affi- chant pas de règles relatives à la présentation à un employeur de personnes en quête d'un emploi et en n'appliquant pas ces règles sans discrimination, il
n'a pas déclaré que le syndicat avait enfreint de quelque autre façon l'obligation, que lui imposait l'article 136.1, de représenter tous les employés de l'unité de négociation de façon juste et sans discri mination. Le Conseil n'a pas non plus conclu que le syndicat avait contrevenu à l'alinéa 185f) en refusant d'admettre Nauss ou Roberts comme membre par l'application à l'un ou à l'autre, d'une façon discriminatoire, des règles d'adhésion du syndicat. Par conséquent, la seule ordonnance que le Conseil pouvait valablement prononcer en vertu de l'article 189 (hors une ordonnance de se confor- mer à l'article 161.1) était une ordonnance enjoi- gnant au syndicat de faire toute chose qu'il était juste de lui enjoindre de faire afin de remédier ou de parer à toute conséquence que pourrait entraî- ner le défaut par le syndicat d'établir et d'afficher des règles de présentation et de les appliquer de façon juste et sans discrimination.
Il est facile de concevoir qu'un employé puisse être injustement, ou en tout cas en raison d'une discrimination, privé de l'occasion qu'il aurait pu sans cela avoir de travailler, de faire des heures supplémentaires ou d'avoir un horaire lui conve- nant. En pareil cas, il pourrait, selon les circons- tances, être équitable d'exiger du syndicat qu'il compense la perte que l'employé a subie en lui donnant priorité lorsqu'une occasion du genre de celle dont il a été privé se représentera. Si ce redressement était accordé, cela aurait pour effet de remédier à la conséquence que pourrait entraî- ner le défaut par le syndicat de se conformer à l'article 161.1. Une autre ordonnance destinée à «parer» à toute conséquence persistante pourrait également être appropriée. Il se peut qu'il existe aussi d'autres types de redressement, par exemple une ordonnance prescrivant le paiement de la perte subie par l'employé, qui pourrait être également pertinente.
Mais dans la situation constatée par le Conseil, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il était équita- ble à l'égard de personnes qui, selon les règles d'adhésion que pouvait avoir le syndicat, auraient été admises comme membres de préférence à Nauss, ou à l'égard du syndicat lui-même, d'or- donner à ce dernier d'admettre Nauss dans ses rangs. Le syndicat est en droit d'établir et de suivre ses propres règles d'adhésion. Il n'appartient pas au Conseil d'édicter ou d'établir ces règles à la
place du syndicat, ou d'ordonner une mesure qui y déroge. Cela ne veut pas dire que le Conseil ne pourrait jamais ordonner à un syndicat d'admettre un membre. Mais en l'espèce, il ne s'agit pas d'un cas un syndicat a fait des règles établies une application contraire à l'alinéa 185f).
Je ne pense pas non plus que l'ordre d'admettre Nauss comme membre du syndicat puisse être regardé comme une mesure propre à remédier ou à parer à toute conséquence résultant pour Nauss ou quelque autre personne du défaut par le syndicat d'établir et d'afficher des règles de présentation et de les appliquer de façon juste et sans discrimina tion. La conclusion selon laquelle il y a eu violation de l'article 161.1 a été rédigée dans les termes les plus généraux, et il n'a pas été constaté que Nauss avait subi une conséquence ou une perte particu- lière en raison de cette infraction. Dans ces cir- constances, le fait d'avoir ordonné au syndicat d'admettre Nauss comme membre ne semble ni se rapporter à la violation de l'article 161.1 ni cons- tituer un redressement pour une conséquence résultant pour Nauss de l'infraction. En outre, dans un passage qui précède immédiatement l'or- dre d'accepter Nauss comme membre, le Conseil dit ceci:
En l'espèce, il s'impose de faire comprendre au syndicat et à ceux qui se prévalent de son service de présentation l'impor- tance de son rôle et sa façon négligente de mener ses affaires. A cette fin, nous nous proposons d'appliquer les mesures suivantes:
En l'occurrence, l'ordre d'admettre Nauss comme membre semble avoir été donné pour discipliner le syndicat plutôt que pour remédier ou parer aux conséquences entraînées par la seule violation de la loi relevée contre ce dernier.
J'estime donc que le Conseil a outrepassé sa compétence en ordonnant au syndicat requérant d'admettre Nauss dans ses rangs. Pour les mêmes raisons, j'estime que le Conseil a outrepassé sa compétence en ordonnant au syndicat requérant d'inscrire le nom de Roberts sur la liste des déten- teurs de cartes. Il y a en conséquence lieu d'annu- ler ces parties de la décision du Conseil.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE PRATTE: La demande, fondée sur l'ar- ticle 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, tend à l'examen et à l'annulation d'une décision du Conseil canadien des relations du travail.
La requérante est un syndicat qui représente les débardeurs travaillant dans le port d'Halifax. Elle a conclu une convention collective avec l'Associa- tion des employeurs maritimes, l'une des parties intimées à l'instance, qui représente les diverses sociétés occupant des débardeurs dans ce port. En vertu de cette convention, la requérante est respon- sable du fonctionnement d'un bureau d'embau- chage servant à fournir des débardeurs aux diver- ses sociétés qui en ont besoin. La requérante donne la préférence à ses propres membres. Quand ceux-ci ne suffisent pas pour répondre à la demande des sociétés de débardage, le syndicat fait appel à des travailleurs non syndiqués, et, parmi eux, la priorité est accordée à un groupe de travailleurs désignés sous le nom de «détenteurs de cartes», ces derniers ayant acheté au syndicat requérant une carte les identifiant comme débar- deurs réguliers à temps partiel.
Au début de 1980, les intimés Nauss et Roberts se sont plaints de ce que la requérante avait, selon eux, contrevenu à divers articles du Code canadien du travail. Tous deux étaient des débardeurs non syndiqués qui désiraient devenir membres du syn- dicat requérant. Nauss détenait une carte, mais non Roberts. Ils étaient victimes de la politique de la requérante consistant à admettre très peu de nouveaux membres et à restreindre le nombre des détenteurs de cartes. Ils prétendaient que la requé- rante avait violé les articles 136.1, 161.1 et l'alinéa 185f) du Code'.
' Ces dispositions sont ainsi conçues:
136.1 Lorsqu'un syndicat est accrédité à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation, il doit, de même que ses représentants, représenter tous les employés de l'unité de négociation de façon juste et sans discrimination.
161.1 (1) Lorsque, conformément à une convention collec tive, un syndicat s'occupe de la présentation à un employeur de personnes en quête d'un emploi, il doit appliquer de façon juste et sans discrimination, les règles qu'il a établies à ce sujet.
(2) A l'intérieur des locaux du syndicat se réunissent habituellement les personnes qui désirent être présentées à un
Après une longue audition de ces plaintes, le Conseil a rendu une décision écrite il concluait
A. que la requérante avait violé l'article 161.1 en n'établissant pas et en n'affichant pas de règles régissant la présentation à un employeur de débardeurs en quête d'un emploi;
B. qu'il n'était pas nécessaire de rendre une décision au sujet de l'alinéa 1850, puisque rien ne prouvait que Nauss et Roberts avaient été traités plus mal que les autres ouvriers; et
C. que les dispositions de l'article 136.1 n'étaient pas «particulièrement pertinentes en l'espèce» et que, la violation de l'article 161.1 ayant été constatée, il n'était pas nécessaire d'apporter plus de précision à l'égard de l'article 136.1.
Sur la base de ces conclusions, le Conseil ordonna
1. que Nauss soit admis comme membre du syndicat requérant et que le nom de Roberts soit inscrit sur la liste des détenteurs de cartes; et
" 2. que, afin de garantir que l'article 161.1 soit respecté à l'avenir, la requérante rédige et affi- che, avant le le' mars 1981, une série de règles relatives à la présentation, y compris des règles sur l'adhésion au syndicat et l'octroi des cartes.
C'est contre cette décision qu'est dirigée la demande fondée sur l'article 28.
Le seul grief de la requérante est que le Conseil aurait outrepassé sa compétence en ordonnant
employeur doivent être affichées d'une manière visible les règles que le syndicat applique en vertu du paragraphe (1).
(3) Le syndicat doit établir, sans délai après la mise en vigueur du présent article, les règles visées au paragraphe (1) dans le cas elles n'ont pas été établies avant cette date.
(4) Dans le présent article «présentation» comprend l'affec- tation, la désignation, l'inscription et la sélection.
185. Nul syndicat et nulle personne agissant pour le compte d'un syndicat ne doit
J) exclure définitivement ou temporairement un employé du syndicat ou lui refuser l'adhésion au syndicat en lui appliquant d'une manière discriminatoire les règles du syndicat relatives à l'adhésion;
l'admission de l'intimé Nauss au syndicat et l'ins- cription de l'intimé Roberts sur la liste des déten- teurs de cartes. D'après la requérante, il ne s'agit pas d'ordonnances que le Conseil était autorisé à prononcer sous le régime du Code.
Il est constant que les plaintes des intimés Nauss et Roberts étaient fondées sur l'article 187 du Code. Le Conseil était, aux termes de l'article 188, tenu de les instruire et de les juger, et il était autorisé à rendre les ordonnances prévues à l'arti- cle 189. Cet article porte notamment ce qui suit:
189. Lorsque, en vertu de l'article 188, le Conseil décide qu'une partie que concerne une plainte a enfreint ... l'un des articles 136.1 ... 161.1 ... 185 ... il peut, par ordonnance, requérir ladite partie de se conformer ... à cet article ..
en outre, afin d'assurer la réalisation des objectifs de la pré- sente Partie, le Conseil peut, à l'égard de toute infraction à quelque disposition visée par le présent article, exiger d'un employeur ou d'un syndicat, par ordonnance, de faire ou de s'abstenir de faire toute chose qu'il est juste de lui enjoindre de faire ou de s'abstenir de faire afin de remédier ou de parer à toute conséquence défavorable à la réalisation des objectifs susmentionnés que pourrait entraîner ladite infraction, et ce en plus ou à la place de toute ordonnance que le Conseil est autorisé à rendre en vertu du présent article.
En l'espèce, le Conseil a jugé que la requérante avait enfreint l'article 161.1 en n'établissant et n'affichant pas de règles de présentation; il n'a pas dit que la requérante avait violé quelque-_ autre disposition du Code. Il s'ensuit que, en application de l'article 189, le Conseil pouvait enjoindre à la requérante de se conformer à l'article 161.1 et, en outre, la requérir de faire ou de s'abstenir de faire toute chose propre à remédier ou à parer à toute conséquence d'une violation de cet article. Il s'en- suit également que le Conseil ne pouvait rendre aucune autre ordonnance.
Comme les directives du Conseil concernant les intimés Nauss et Roberts n'ont de toute évidence pas ordonné l'observation de l'article 161.1, la seule question est de savoir si ces directives ont imposé à la requérante de faire ou de s'abstenir de faire quelque chose afin de remédier ou de parer à quelque conséquence d'une violation de cet article. J'estime que de telles ordonnances n'ont pas été rendues et ne pouvaient pas l'être à cette fin. Il est inconcevable que l'exclusion de Nauss du syndicat requérant et de Roberts des rangs des détenteurs
de cartes ait pu découler de l'absence de règles concernant la présentation de personnes en quête d'emploi. De plus, il n'était pas dans l'intention du Conseil de donner ces ordres pour remédier ou parer à quelque conséquence d'une violation de l'article 161.1; le Conseil a donné ces ordres dans le dessein déclaré de faire comprendre «au syndicat ... l'importance de son rôle et sa façon négligente de mener ses affaires» en présumant, ainsi qu'il est énoncé expressément dans la décision attaquée, qu'il pouvait, en application des articles 121 et 189, rendre toute ordonnance qu'il jugerait appro- priée pour atteindre les objectifs du Code. J'ai déjà indiqué que je me faisais une conception plus étroite des pouvoirs accordés au Conseil par l'arti- cle 189. J'estime aussi que l'article 121 n'ajoute rien de substantiel à ces pouvoirs.
Par ces motifs, j'estime que le Conseil a ou- trepassé sa compétence en donnant des directives relativement aux intimés Nauss et Roberts. J'es- time, par conséquent, qu'il y a lieu d'accueillir la demande et d'annuler les parties attaquées de la décision dont il s'agit.
* * *
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE y a souscrit.
Page 837
La concordance du juge suppléant Lalande est retranchée de la fin de l'arrêt et insérée à la page 833 la suite des motifs du jugement du juge en chef Thurlow.
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