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T-3418-81
La Commission canadienne des droits de la per- sonne (Requérante)
c.
Frank D. Jones et Air Canada (Intimés)
Division de première instance, le juge Walsh— Ottawa, 17 septembre et ler octobre 1981.
Brefs de prérogative Mandamus Demande de bref de mandamus enjoignant à l'intimé Jones d'ordonner à l'intimée Air Canada de mettre fin à un acte discriminatoire Jones a décidé qu'il n'avait pas compétence pour rendre une telle ordonnance, puisqu'il ne pouvait faire exécuter ce redresse- ment qui impliquerait la modification des tarifs, question qui relève de la compétence du Comité des transports aériens Tant la requérante qu'Air Canada se sont adressées à la Cour d'appel pour solliciter un examen judiciaire La requérante prétend que la conclusion de Jones constituait un refus de rendre une décision ou ordonnance, en violation des disposi tions présumément obligatoires de l'art. 41(2) de la Loi cana- dienne sur les droits de la personne Il échet d'examiner si la Division de première instance a compétence en l'espèce, étant donné l'art. 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale Il y a à déterminer si le droit d'appel prévu à l'art. 42.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne exclut toute demande de bref de mandamus Il faut déterminer si le bref de mandamus est le recours approprié, puisque Jones a conclu à son incompétence pour rendre l'ordonnance Demande reje- tée Loi canadienne sur les droits de la personne, S.C. 1976-77, c. 33, art. 41(1),(2), 42.1 Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), c. 10, art. 28(3), 50 Règlement sur les transporteurs aériens, C.R.C. 1978, Vol. I, c. 3, art. 112(8), 113, 115.
Demande de bref de mandamus enjoignant à l'intimé Jones d'ordonner à l'intimée Air Canada de mettre fin à un acte discriminatoire. L'intimé Jones a conclu qu'Air Canada était coupable d'un acte discriminatoire, mais qu'il n'avait pas com- pétence pour enjoindre à Air Canada d'y mettre fin, puisqu'il ne pouvait faire exécuter un tel redressement qui impliquerait la modification des tarifs, question relevant de la compétence du Comité des transports aériens. La Commission a demandé un examen judiciaire de la décision de Jones portant qu'il n'avait pas compétence pour ordonner à Air Canada de mettre fin à son acte, et Air Canada a également demandé un examen judiciaire de la décision selon laquelle elle était coupable d'un acte discriminatoire. La requérante soutient que la décision de Jones qu'il n'avait pas compétence pour ordonner à Air Canada de mettre fin à son acte discriminatoire constituait un refus de rendre une décision ou ordonnance. Elle soutient aussi qu'est obligatoire le paragraphe 41(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui confère le pouvoir de rendre certaines ordonnances contre une personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire. Il échet d'examiner si la Division de première instance a compétence en l'espèce étant donné le paragraphe 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale, qui prévoit que la Division de première instance est sans compétence pour connaître de toute procédure relative à une décision ou ordonnance suscepti ble d'être soumise à un examen judiciaire par la Cour d'appel,
si le droit d'interjeter appel de la décision de Jones prévu à l'article 42.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne exclut toute demande de bref de mandamus, et si le bref de mandamus est le recours approprié, puisque Jones a conclu qu'il n'avait pas compétence pour rendre l'ordonnance.
Arrêt: la demande est rejetée. Le bref de mandamus ne devrait pas être accordé pour divers motifs d'ordre procédural. Jones a considéré qu'il n'avait pas compétence pour rendre l'ordonnance demandée par la requérante. La question de savoir si cette conclusion est correcte ou non en est une qui ne peut probablement être tranchée de façon définitive que par le tribunal de dernière instance, mais c'est la conclusion à laquelle il est arrivé quant à sa compétence. Étant donné que la requérante admet que la Cour d'appel est compétente pour connaître de la demande fondée sur l'article 28 présentée par l'intimée, il serait absurde s'il était décidé que la Cour d'appel n'avait pas compétence pour connaître de la décision par laquelle Jones se déclarait incompétent pour ordonner à Air Canada de déposer un tarif modifié. Il semble douteux que la décision de Jones puisse être divisée en deux. De plus, le bref de mandamus est un redressement qui doit normalement prendre effet dans les meilleurs délais et il en résulterait une situation absurde s'il était ordonné à Jones d'enjoindre à Air Canada de modifier ses tarifs et que la Cour d'appel décidait plus tard que la structure tarifaire actuelle ne contrevient pas aux disposi tions de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Division de première instance n'a donc pas compétence en la matière. L'article 42.1 de la Loi prévoit que la Commission peut interjeter appel dans les 30 jours du prononcé de l'ordon- nance. La requérante n'a pas interjeté appel. Lorsqu'une loi prévoit un droit d'appel, c'est le recours approprié qu'il faut exercer plutôt que de demander un bref de mandamus, qui n'est pas censé être une solution de remplacement. Il ne semble pas que ce soit faire un usage approprié du mandamus que de chercher à obliger Jones à émettre une ordonnance pour l'émis- sion de laquelle il s'est déclaré incompétent. Cela ne semble pas constituer un refus d'accomplir un acte que la loi l'oblige à accomplir, mais plutôt une différence d'opinions quant à savoir si Jones a compétence pour accomplir un tel acte. Une telle différence d'opinions devrait certainement être tranchée en appel. Le refus d'émettre le mandamus ne découle pas d'un exercice de discrétion judiciaire, mais se fonde uniquement sur diverses questions d'ordre procédural.
Arrêts appliqués: Curr c. La Reine [1972] R.C.S. 889; National Indian Brotherhood c. Juneau (N° 2] [1971] C.F. 66, infirmé par [1971] C.F. 73; Harelkin c. L'univer- sité de Regina [1979] 2 R.C.S. 561. Distinction faite avec l'arrêt: La Commission canadienne des droits de la per- sonne c. British American Bank Note Co. [1981] 1 C.F. 578. Arrêts mentionnés: Oscroft c. Benabo [1967] 2 All E.R. 548; Padfield c. Minister of Agriculture, Fisheries and Food [1968] A.C. 997; Albermarle Paper Co. c. Moody 9 EPD 7999; Gana c. Le Ministre de la Main- d'oeuvre et de l'Immigration [1970] R.C.S. 699; Landre- ville c. La Reine [1981] 1 C.F. 15.
DEMANDE. AVOCATS:
R. Juriansz pour la requérante.
Personne n'a comparu pour l'intimé Frank D.
Jones.
R. P. Saul pour l'intimée Air Canada.
PROCUREURS:
Service du contentieux, Commission cana- dienne des droits de la personne, Ottawa, pour la requérante.
Service du contentieux, Air Canada, Mont- réal, pour l'intimée Air Canada.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE WALSH: La requérante demande un bref de mandamus enjoignant à l'intimé Frank D. Jones, en sa qualité de membre de tribunal consti- tué sous le régime de l'article 39 de la Loi cana- dienne sur les droits de la personne', d'ordonner à l'intimée Air Canada de mettre fin à un acte discriminatoire. La demande se base sur le fait que l'intimé Frank D. Jones aurait commis une erreur de droit en refusant d'ordonner à l'intimée Air Canada de mettre fin à un acte discriminatoire. A l'audition de la requête, M. Jones n'était pas repré- senté par un avocat mais ceux de la Commission et de l'intimée Air Canada ont présenté une preuve imposante et des arguments appuyés par une juris prudence abondante. Après avoir examiné attenti- vement ces arguments et la jurisprudence, j'ai décidé de ne pas accorder de bref de mandamus pour divers motifs d'ordre procédural dont je par- lerai séparément. Je ne me prononcerai donc pas sur le fond du litige, mais il est nécessaire de faire état dans une certaine mesure du contexte général pour trancher les questions de procédure qui se posent en l'espèce.
REVUE DES FAITS
Le 21 avril 1978, Nancy Bain, une plaignante, a déposé une plainte devant la Commission cana- dienne des droits de la personne, requérante, sous le régime de l'article 32 de la Loi. Elle y déclarait qu'elle avait des motifs raisonnables de croire que l'intimée Air Canada avait commis un acte discri- minatoire fondé sur la situation de famille. La plainte se résume à ceci: que le fait d'appliquer des tarifs réduits aux membres d'une famille voya- geant ensemble en fondant cette réduction sur la
1 S.C. 1976-77, c. 33.
situation de famille alors que deux adultes céliba- taires voyageant ensemble ne peuvent pas se préva- loir de ces mêmes tarifs constituait un acte discri- minatoire fondé sur la situation de famille en violation de l'alinéa 2a) et de l'article 5 de la Loi. Le 26 septembre 1980, la requérante a nommé l'intimé Frank D. Jones, ci-après appelé le tribu nal, pour examiner la plainte. Sa nomination a été faite conformément à l'article 39 de la Loi. Dans l'exposé conjoint des faits déposé à l'audience, on a prétendu qu'un tarif familial offert au mari et à la femme inclut également les conjoints de fait mais qu'il ne s'applique pas à deux ou plusieurs adultes voyageant ensemble entre lesquels n'existe pas l'un ou l'autre des liens susmentionnés.
L'affaire a été entendue par M. Jones le 3 décembre 1980 et dans une décision rendue le 15 avril 1981, après examen approfondi de la juris prudence et de définitions de divers dictionnaires, il a conclu qu'«il y a une distinction qui affecterait défavorablement un individu qui n'entre pas dans le `groupe familial'» et en outre que «les définitions de ce groupe sont en partie fondées sur la situation de famille. La défaveur que crée cette distinction est la différence entre le tarif régulier et le tarif familial.» Plus loin, il dit: «Ayant établi que j'ai la juridiction d'entendre et de juger, et ayant jugé le cas, je dois maintenant me pencher sur les redres- sements recherchés.» Auparavant dans ses motifs, il avait examiné la jurisprudence relative à la signification du mot «compétence» et avait plus particulièrement retenu la décision de lord Diplock dans l'arrêt Oscroft c. Benabo 2 qui concluait à l'existence de deux genres de compétence; premiè- rement, la compétence d'entendre et de juger l'af- faire et deuxièmement, la compétence de rendre l'ordonnance demandée. Il a ensuite conclu que le tribunal n'avait pas compétence pour ordonner à Air Canada de mettre fin à l'acte discriminatoire ou pour le forcer à présenter une demande au Comité des transports aériens. Il dit que «pour avoir `juridiction' en ce qui concerne les redresse- ments recherchés, c'est le tribunal lui-même qui doit pouvoir les faire exécuter afin d'avoir la juri- diction d'accorder ce redressement, plutôt que de devoir se fier à un appel à un organisme indépen- dant (la Cour fédérale) pour faire exécuter le redressement.» Il ajoute:
2 [ 1967] 2 All E.R. 548.
Le présent tribunal ne peut pas ordonner à une industrie aussi étroitement réglementée que celle des transports aériens le redressement que lui propose la Commission canadienne des droits de la personne, soit d'arrêter d'offrir un tarif aérien discriminatoire. Ce qui ne signifie pas, d'après moi, que la Commission canadienne des droits de la personne ne pourrait pas déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des transports si elle est d'avis que les tarifs sont discriminatoi- res et enfreignent la Loi canadienne sur les droits de la per- sonne. La décision de refuser d'ordonner à Air Canada de faire une demande auprès du Comité des transports aériens (lequel peut recommander ou ne pas recommander à la Commission canadienne des transports de changer les tarifs proposés dans la demande, et la Commission canadienne des transports à son tour peut accepter ou ne pas accepter la recommandation du Comité des transports aériens) est compatible avec celle qui a souvent été citée au cours des procédures, nommément: Roberta Bailey, William Carson, Réal J. Pellerin, Michael McCaffery et la Commission canadienne des droits de la personne v. Sa Majesté la Reine du chef du Canada, telle que représentée par le Ministre du Revenu national.
Le paragraphe 41(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit qu'à l'issue de son enquête, le tribunal qui juge la plainte fondée peut rendre une ordonnance contre la personne trouvée coupable d'un acte discriminatoire. Le paragraphe prévoit plus loin qu'il peut ordonner à cette per- sonne de mettre fin à l'acte discriminatoire et d'accorder à la victime les droits dont l'acte l'avait privée ainsi que d'autres mesures accessoires. C'est une ordonnance de ce genre que l'intimé Jones a refusé de rendre au motif qu'il n'avait pas compé- tence pour le faire.
Le 22 avril 1981, la Commission canadienne des droits de la personne a déposé devant la Cour d'appel fédérale une demande fondée sur l'article 28 tendant à l'examen et à l'annulation de la décision et, le 23 avril 1981, Air Canada a également déposé une demande fondée sur l'article 28 pour obtenir une ordonnance annulant ladite décision. Comme nous l'avons fait remarquer, la décision se divise en deux parties, la première concluant qu'Air Canada était coupable de l'acte discriminatoire dont on s'était plaint et la seconde, que le tribunal n'avait pas compétence pour ordon- ner à Air Canada d'y mettre fin parce que la société ne peut, seule, établir des tarifs qui sont soumis au pouvoir général de surveillance de la Commission canadienne des transports.
Tous les transporteurs aériens doivent déposer leur tarif au bureau du Comité des transports
aériens de la Commission canadienne des trans ports pour entrer en vigueur à 45 jours d'avis. Bien que les tarifs n'aient pas à être formellement approuvés par le Comité, ils peuvent être rejetés. L'article 113 du Règlement sur les transporteurs aériens, C.R.C. 1978, Vol. I, c. 3, se lit comme suit:
113. (1) Tous les taux, les modalités et les conditions de transport établis par un transporteur aérien doivent être justes et raisonnables et doivent toujours, dans des circonstances et conditions sensiblement analogues et à l'égard de tout le trans port du même genre, être imposés de la même façon à toutes personnes au même taux.
(2) Il est interdit à un transporteur aérien, en ce qui concerne les taux,
a) d'établir une distinction injuste au détriment d'une per- sonne ou d'une compagnie;
b) d'accorder une préférence ou un avantage indu ou dérai- sonnable à l'égard ou en faveur d'une personne ou d'un autre transporteur aérien, à quelque point de vue que ce soit; ou
c) de faire subir à une personne, à un autre transporteur aérien ou à un certain genre de transport un désavantage ou préjudice indu ou déraisonnable, à quelque point de vue que ce soit.
L'article 115 du Règlement sur les transpor- teurs aériens est ainsi rédigé:
115. Le Comité peut
a) suspendre ou rejeter un tarif ou un taux qui, à son avis, peut être contraire aux articles 112, 113 ou 114;
b) enjoindre à un transporteur aérien de substituer à un tarif ou à un taux visé à l'alinéa a) un tarif ou un taux jugé satisfaisant par le Comité; ou
c) prescrire un autre tarif ou un autre taux en remplacement d'un tarif ou d'un taux rejeté en vertu de l'alinéa a).
Et le paragraphe (8) de l'article 112 est ainsi rédigé:
112. . ..
(8) Lorsqu'un tarif, portant la date de sa publication et de son entrée en vigueur, est déposé conformément aux règle- ments, ordonnances et directives du Comité, les taux, les moda- lités et les conditions de transport qu'il contient sont, sous réserve d'une suspension ou d'un rejet du Comité, ou encore du remplacement par un nouveau tarif, une preuve concluante de leur légalité et ils entrent en vigueur à la date indiquée dans le tarif; le transporteur, ses agents et représentants doivent, à compter de cette date et jusqu'à ce que le tarif expire, soit suspendu ou rejeté par le Comité, ou encore remplacé par un nouveau tarif, appliquer les taux, les modalités et les conditions de transport spécifiés dans ce tarif.
Donc, s'il est vrai que le Comité des transports aériens de la Commission canadienne des trans ports n'a pas à approuver formellement les tarifs publiés par les compagnies aériennes, il a néan- moins sur eux un pouvoir de contrôle important et
une compagnie aérienne ne peut exiger rien d'au- tre que le tarif publié. Il a également le pouvoir de décider s'il y a eu distinction injuste ou préférence ou avantage indus ou déraisonnables ainsi que de prescrire lui-même un autre taux ou un autre tarif.
A l'audition devant le tribunal constitué en l'es- pèce, John Pageau, chef de la division des tarifs- passagers, des taux et des services du Comité des transports aériens a déclaré que l'article 113 remonte très loin en arrière et qu'il reprend le libellé relatif à la distinction injuste employé pour la première fois dans la Loi sur les chemins de fer et dans ses règlements d'application et que- les commissaires de la Commission canadienne des transports n'ont jamais formellement considéré ni déterminé que le tarif familial n'enfreint pas l'arti- cle 113. Ni le Comité a-t-il donné des directives ou des ordres exigeant l'introduction du tarif familial.
Personne ne peut sérieusement contester le fait que l'introduction du tarif familial a un objectif économique valable, soit d'attirer d'autres passa- gers quand le chef de famille voyagerait autrement seul. Bien que la requérante prétende qu'on obtien- drait les mêmes avantages si un couple n'étant pas uni par les liens du mariage voyageant ensemble bénéficiait du même tarif, je ne peux me prononcer sur cette question étant donné que la question de distinction injuste n'est pas soumise à la Cour dans la présente espèce.
Je crois que c'est toute l'information dont nous avons besoin pour examiner les questions de droit qui se posent sous diverses rubriques dans le cadre de la présente demande de mandamus.
1. ARGUMENT VOULANT QUE LE PARAGRAPHE 28(3) DE LA LOI SUR LA COUR FÉDÉRALE PRIVE LA DIVISION DE PREMIÈRE INSTANCE DE COM- PÉTENCE EN L'ESPÈCE
Le paragraphe 28(3) de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2® Supp.), c. 10, est ainsi rédigé:
2s....
(3) Lorsque, en vertu du présent article, la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger une demande d'examen et d'annulation d'une décision ou ordonnance, la Division de première instance est sans compétence pour connaître de toute procédure relative à cette décision ou ordonnance.
La Cour d'appel est saisie de deux demandes fondées sur l'article 28, l'une présentée par la requérante et l'autre, par l'intimée. Si la Cour d'appel est compétente, alors la Division de pre- mière instance ne l'est pas. La requérante prétend que la Division de première instance a compétence pour connaître de la présente requête en manda- mus parce que la décision de M. Jones qu'il n'avait pas compétence pour ordonner à Air . Canada de mettre fin à l'acte discriminatoire ou pour présen- ter une demande tendant à faire cesser l'acte discriminatoire n'est pas en soi une «décision ou ordonnance» mais un refus d'en rendre une. On a cité la décision de la Cour d'appel dans l'affaire La Commission canadienne des droits de la personne c. British American Bank Note Company 3 . Dans cette affaire, le tribunal des droits de la personne ayant statué qu'il n'avait pas compétence, n'a pas entendu la plainte et aucune ordonnance formelle n'a été rendue. La Cour d'appel suggéra que si la conclusion relative à la compétence était erronée, la Division de première instance, saisie d'une requête en mandamus, pourrait trancher cette question. Le juge en chef Thurlow a déclaré à la page 581:
Je ne pense pas que le fait pour le tribunal de conclure à sa propre incompétence équivaille à un rejet des plaintes dont s'agit. Selon le paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le pouvoir qu'a le tribunal de rejeter une plainte ne se fait jour qu'au moment il la trouve non fondée, à l'issue de son enquête. On ne saurait, en l'espèce, présumer à la légère que le tribunal entendait exercer ce pouvoir et l'a effectivement exercé, alors qu'il ne s'était même pas penché sur le fond de ces plaintes. Une telle présomption serait d'autant moins justifiée que le tribunal n'a rendu aucune ordonnance et qu'il était fondé à conclure à sa propre incompétence et à ne rien faire au sujet des plaintes dont s'agit.
Que ce soit par suite de cette décision ou non, l'intimé Jones a fait exactement le contraire de ce qui avait été fait dans cette affaire. C'est-à-dire qu'il a examiné la plainte, tel que prescrit par le paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne mais, après être arrivé à cette conclusion, décida qu'il n'avait pas compé- tence pour rendre l'ordonnance demandée pour corriger la situation.
La requérante prétend que le mot «peut» au paragraphe 41(2) ne laisse pas au tribunal le choix de rendre une ordonnance ou pas mais qu'il est en pratique obligatoire. Il existe une jurisprudence
3 [1981] 1 C.F. 578.
abondante en ce sens, notamment l'arrêt de la Chambre des lords Padfield c. Minister of Agriculture, Fisheries and Food' un bref de mandamus fut délivré contre le Ministre lui enjoi- gnant d'examiner la plainte conformément au droit, l'arrêt américain Albermarle Paper Com pany c. Moody 5 , une affaire de discrimination
raciale il est dit, à la page 8004:
[TRADUCTION] Les requérants prétendent que la loi ne fournit aucune indication si ce n'est qu'indiquer que l'octroi d'un rappel de salaire relève de la discrétion de la Cour de district. Nous ne sommes pas d'accord. Il est vrai que le rappel de salaire n'est pas un remède automatique ni obligatoire. Comme tous les autres remèdes prévus par la Loi, c'en est un que les cours «peuvent» octroyer. La Loi reconnaît implicite- ment qu'il peut y avoir des cas appelant un remède en particu- lier mais pas un autre, et—étant donné la structure de l'appa- reil judiciaire fédéral—ces choix sont évidemment laissés en premier lieu aux cours de district. Mais ces choix ne sont pas laissés à «l'inclination» de la cour mais à son jugement. Et son jugement doit être guidé par des principes juridiques solides,
et l'arrêt de la Cour suprême Gana c. Le Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration 6 , une affaire d'immigration le juge Spence déclare à la page 709:
On a prétendu de la part du ministre que les premiers mots de l'alinéa (f) du paragraphe (3) de l'article 34 du Règlement «si un fonctionnaire à l'immigration est d'avis» interdisent toute révision. Je ne suis pas d'avis que ces mots du Règlement font obstacle à la révision de l'opinion du fonctionnaire à l'immigra- tion, dans l'accomplissement du devoir statutaire imposé à l'enquêteur spécial par différentes dispositions de la Loi sur l'immigration. A mon avis ces mots signifient simplement que le fonctionnaire à l'immigration doit faire l'appréciation du requérant, mais non que sa conclusion est définitive et sans appel.
On a également cité la décision récente du juge Collier dans Landreville c. La Reine' où, aux pages 50 et suivantes, il passe en revue la jurispru dence d'où il ressort que bien que le libellé d'un texte puisse être rédigé en des termes qui laissent un choix, il impose néanmoins un devoir d'exercer le pouvoir à la demande d'une partie intéressée ayant le droit de présenter la demande. Normale- ment, après qu'un tribunal a conclu, aux termes d'une enquête, que la plainte est fondée, il rendrait certainement une ordonnance conformément au paragraphe (2) de l'article 41 de la Loi canadienne
4 [1968] A.C. 997 la p. 1030.
5 9 EPD 7999 la p. 8018.
6 [1970] R.C.S. 699.
7 [1981] 1 C.F. 15.
sur les droits de la personne contre les personnes trouvées coupables de l'acte discriminatoire. En l'espèce toutefois, le tribunal semble avoir eu de bonnes raisons, ou à tout le moins des raisons défendables, pour refuser de le faire. Il s'est fondé sur l'affaire entendue par un tribunal des droits de la personne, Bailey c. La Reine du chef du Cana- da 8 . Dans cette affaire, on demandait au tribunal de déclarer que certains articles de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, c. 63, modifiés, établissaient une distinction illicite fondée sur la situation de famille. Les motifs étu- dient à fond les arrêts de la Cour suprême et de la Cour fédérale relatifs à la Déclaration canadienne des droits, S.C. 1960, c. 44 [S.R.C. 1970, Appen- dice III], mais finissent par conclure que bien que les articles de la Loi de l'impôt sur le revenu établissent une distinction illicite, il ne suffit pas que les dispositions de la loi incriminée établissant une classification soient déraisonnables pour qu'el- les deviennent inopérantes du fait qu'elles sont en désaccord avec la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il est dit à l'alinéa 1958:
[TRADUCTION] Les dispositions incriminées ne sont pas en désaccord au point d'être inopérantes en droit si la classifica tion établie par la loi est fondée sur des considérations tenues par le Parlement comme pertinentes par rapport au but premier de la législation fiscale qui est la perception des impôts.
On a cité, entre autres, l'arrêt de la Cour suprême Curr c. La Reine 9 le juge Laskin (tel était alors son titre) dit aux pages 899 et 900:
... il faudrait avancer des raisons convaincantes pour que la Cour soit fondée à exercer en l'espèce une compétence conférée par la loi (par opposition à une compétence conférée par la constitution) pour enlever tout effet à une disposition de fond dûment adoptée par un Parlement compétent à cet égard en vertu de la constitution et exerçant ses pouvoirs conformément au principe du gouvernement responsable, lequel constitue le fondement de l'exercice du pouvoir législatif en vertu de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.
M. Jones, le tribunal en l'espèce, a considéré que le pouvoir général de contrôle des tarifs, y compris le droit de déterminer s'ils établissent une distinction injuste, conféré à la Commission canadienne des transports par le Parlement, compétent à cet égard en vertu de la constitution et exerçant ses pouvoirs conformément au principe du gouvernement res- ponsable, l'empêchait de rendre l'ordonnance
8 Canadian Human Rights Reporter, Vol. 1, décision 40, alinéas 1715 1971.
9 [1972] R.C.S. 889.
demandée par la requérante sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La question de savoir si cette conclusion est correcte ou non en est une qui ne peut probablement être tranchée de façon définitive que par le tribunal de dernière instance, mais c'est la conclusion à laquelle il est arrivé quant à sa compétence.
Je ne suis donc pas d'accord avec l'argument soumis par la requérante qu'il ne s'agit pas d'une «décision» dont peut connaître la Cour d'appel dans le cadre d'une demande fondée sur l'article 28.
On pourrait également prétendre que la requé- rante, en présentant sa demande fondée sur l'arti- cle 28, a peut-être admis qu'il s'agissait d'une telle «décision» et cela devrait constituer à son égard une fin de non-recevoir l'empêchant de demander un bref de mandamus en Division de première instance, comme elle l'a fait, au motif que le tribunal n'a pas rendu l'ordonnance demandée sous le régime du paragraphe 41(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et qu'il devrait donc être obligé de le faire par cette Cour, sans attendre l'issue de la demande fondée sur l'article 28.
Au cours des débats, l'avocat de la requérante a suggéré qu'on pourrait appliquer l'article 50 de la Loi sur la Cour fédérale et suspendre les procédu- res au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal ou qu'il est dans l'intérêt de la justice de suspendre les procédures. Cet argument aurait peut-être été convaincant n'eût été de la décision de la Cour d'appel fédérale dans National Indian Brotherhood c. Juneau [No 2 . 1 1 °. Dans cette affaire, j'avais décidé en première instance (juge- ment publié à [1971] C.F. 66) que la Division de première instance ne devrait pas statuer sur les requêtes en mandamus et en certiorari parce que, le même jour, une demande fondée sur l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale tendant à l'annula- tion de l'ordonnance attaquée avait été présentée devant la Cour d'appel et que la Division de première instance ne devrait pas rendre de décision sur la question tant que la Cour d'appel n'aurait pas décidé si elle avait compétence ou non en vertu de l'article 28. J'ai dit, aux pages 70 et 71:
10 [1971] C.F. 73.
Dans ces conditions et en raison de cette autre procédure pendante, il ne semble pas souhaitable qu'un juge de la Division de première instance se prononce sur la question de savoir si la Cour d'appel a compétence pour entendre et juger la requête en examen et annulation de la décision ou ordonnance du comité de direction de l'intimé, le Conseil de la Radio-Télévision canadienne, pendante devant cette même Cour. C'est une déci- sion qu'elle rendra elle-même ultérieurement.
Si la Cour d'appel devait déclarer par jugement définitif ne pas avoir compétence, la Division de première instance pourrait alors avoir compétence en vertu de l'art. 18 ..
Toutefois, lors d'une demande de directives présen- tée subséquemment devant la Cour d'appel, le juge en chef Jackett a dit, aux pages 79 et 80:
... à mon avis, un juge de la Division de première instance ne doit pas se sentir embarrassé pour trancher une question rela tive à la compétence de la Cour d'appel lorsque cette question est accessoire à la détermination de la compétence de la Division de première instance. Il a tout autant le droit de trancher une telle question lorsqu'elle se présente à lui que l'a la Cour d'appel lorsqu'elle lui est présentée.
Il semblerait donc qu'il m'incombe de statuer sur la question de l'application du paragraphe 28(3) et que je ne dois pas avoir recours à l'article 50 pour suspendre les procédures jusqu'à ce que la Cour d'appel ait elle-même statué sur la question de la compétence. Étant donné que la requérante admet que la Cour d'appel est compétente pour connaître de la demande fondée sur l'article 28 présentée par l'intimée, il serait absurde et cela pourrait mener à des résultats malheureux s'il était décidé que la Cour d'appel n'avait pas compétence pour connaî- tre de la décision par laquelle le tribunal se décla- rait incompétent pour ordonner à Air Canada de déposer un tarif modifié. Il semble très douteux que la décision de M. Jones puisse être divisée en deux comme le demande la requérante, la pre- mière partie devant être considérée comme une décision susceptible d'examen par la Cour d'appel et la deuxième, comme n'étant pas une décision du tout et, pâr conséquent, ouvrant droit à manda- mus, ce que soutient la requérante. Le bref de mandamus, comme tous les brefs de prérogative, est un redressement qui doit normalement prendre effet dans les meilleurs délais et il en résulterait une situation absurde s'il était ordonné au tribunal à l'issue de la présente requête d'enjoindre à Air Canada de modifier ses tarifs et que la Cour d'appel décidait plus tard, après audition de la demande fondée sur l'article 28, que la structure tarifaire actuelle ne contrevient pas aux disposi tions de la Loi canadienne sur les droits de la
personne. Il est fort probable qu'un appel serait formé contre une telle décision sur la demande de mandamus et toute la question devrait, de toute façon, être alors tranchée par la Cour d'appel. L'appel peut évidemment être formé également contre une décision refusant de décerner le bref de mandamus. La Cour d'appel pourrait renvoyer la question à la Division de première instance pour qu'elle entende l'affaire au fond si elle décidait que la Division de première instance était compétente. L'autre possibilité, c'est que la Cour d'appel, si elle décidait qu'elle a compétence, tranche elle-même la question dans le cadre de la demande fondée sur l'article 28 présentée par la requérante.
Je conclus donc que la Division de première instance n'a pas compétence en la matière.
2. ARGUMENT VOULANT QU'ON NE PUISSE AVOIR RECOURS AU BREF DE MANDAMUS LORSQU'IL EXISTE UN DROIT D'APPEL
L'article 42.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit que lorsque la décision ou l'ordonnance a été rendue par un tribunal de moins de trois membres, la Commission ou les parties peuvent interjeter appel dans les 30 jours du pro- noncé de la décision ou de l'ordonnance. La requé- rante n'a pas interjeté appel et elle admet qu'il est maintenant trop tard pour le faire. La requérante a cité la décision de la Cour suprême Harelkin c. L'université de Regina" où, par une décision de 4 contre 3, la Cour a décidé que bien qu'il y ait eu infraction à la règle audi alteram partem lorsque l'étudiant fut expulsé de l'université, son droit d'appel devant le sénat de l'université constituait le recours approprié en l'espèce, de préférence à une demande de certiorari et de mandamus. La requé- rante établit une distinction entre cette affaire et la présente espèce en citant le passage suivant des motifs du juge Beetz, page 567, qui rendait le jugement majoritaire:
Mais je ne peux admettre ... ni que la demande de certiorari et de mandamus de l'appelant aurait être accueillie. Il était, et il l'est encore, plus avantageux pour l'appelant de se prévaloir de son droit d'appel devant le comité du sénat; il aurait l'exercer.
En l'espèce, ce droit d'appel n'existe plus. Toute- fois, je ne crois pas que la compétence de la Cour devrait être reconnue dans le cadre d'une requête
" [1979] 2 R.C.S. 561.
en mandamus, compétence qu'elle n'aurait pas autrement uniquement parce que la requérante n'a pas fait preuve de diligence dans l'exercice du droit d'appel dont elle disposait. Une telle conclusion permettrait à la requérante au cas elle préfére- rait faire examiner et casser une décision du tribu nal avec laquelle elle ne serait pas d'accord au moyen d'un bref de prérogative devant la Division de première instance de la Cour fédérale plutôt que d'exercer son droit d'appel prévu à l'article 42.1 de la Loi, d'attendre tout simplement que le délai d'appel soit expiré avant de demander un bref de prérogative. Je ne veux pas insinuer que la requérante ait eu cette arrière-pensée en l'espèce; mais il me semble néanmoins que lorsqu'une loi prévoit un droit d'appel, c'est le recours appro- prié qu'il faut exercer plutôt que de demander à la Cour fédérale un bref de mandamus, qui n'est pas censé être une solution de remplacement. Pour ce motif également, je déciderais que la demande doit être rejetée.
3. ARGUMENT FONDÉ SUR LA FINALITÉ DU MANDAMUS
Il est de droit constant que le mandamus peut être demandé pour obliger une personne à accom- plir un acte de fonction publique qu'elle a omis ou refusé d'accomplir. C'est un recours discrétion- naire que la Cour refusera d'accorder si un autre recours légal est également avantageux, commode ou efficace.
En l'espèce, je ne vois pas comment on peut prétendre que M. Jones a omis d'accomplir un acte de fonction publique qu'il aurait été tenu d'accom- plir en relation avec l'enquête. Comme je l'ai fait remarquer plus tôt, j'estime qu'il est possible d'éta- blir une distinction entre la présente affaire et l'arrêt British American Bank Note. Bien que la requérante prétende qu'en omettant de rendre une ordonnance contre l'intimée Air Canada sous le régime du paragraphe 41(2) de la Loi après avoir conclu à l'existence d'un acte discriminatoire sous le régime du paragraphe 41(1), le tribunal a omis d'accomplir l'acte de fonction publique qu'il était tenu d'accomplir, le mot «peut» au paragraphe 41(2) comportant une obligation et non seulement un choix, j'ai déjà conclu, après avoir examiné attentivement la question, que la décision du tribu nal qu'il n'avait pas la compétence voulue pour
rendre une telle ordonnance est en fait une «déci- sion» qui peut être examinée par la Cour d'appel en vertu des dispositions de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Certes, cela peut ne pas être le genre de décision prévue au paragraphe 41(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais il ne me semble pas que ce soit faire un usage approprié du mandamus que de chercher à obliger le tribunal à émettre une ordonnance pour l'émis- sion de laquelle il s'est déclaré incompétent. Cela ne me semble pas constituer un refus par le tribu nal d'accomplir un acte que la loi l'oblige à accom- plir mais plutôt une différence d'opinions entre le tribunal et la requérante quant à savoir s'il a compétence pour accomplir un tel acte. Une telle différence d'opinions devrait certainement être tranchée en appel et le mandamus n'est pas une forme d'appel contre une décision d'un tribunal inférieur.
En général, un bref de mandamus ne sera pas décerné pour obliger un intimé à faire ce qu'il est impossible de faire en droit ou en fait (voir de Smith: Judicial Review of Administrative Action, édition, page 559). Compte tenu de la conclu sion du tribunal qu'il lui était impossible de rendre l'ordonnance demandée par la requérante, opinion qui peut évidemment être fondée ou non, il semble- rait inapproprié d'ordonner au tribunal de rendre une ordonnance qu'il a déclarée impossible de rendre. D'après les principes généraux donc, j'es- time que le mandamus n'est pas la procédure appropriée en l'espèce et, pour ce motif également, je rejetterais la demande.
Puisque, comme je l'ai déjà mentionné, l'affaire n'a pas été entendue au fond, le refus d'émettre le mandamus ne découle pas d'un exercice de discré- tion judiciaire que la Cour aurait de toute façon, mais se fonde uniquement sur les diverses ques tions d'ordre procédural examinées dans les pré- sents motifs.
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