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A-552-80
Enrique Alberto Jiminez-Perez et Anne Irena Reid (requérants) (intimés)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, Jean Boisvert, agent d'immigration, en sa qualité de directeur du Centre d'immigration Canada de Winnipeg, et Susan Lawson, agent d'immigration (intimés) (appelants)
Cour d'appel, juges Urie et Le Dain, juge sup pléant Lalande—Winnipeg, 10 mars; Ottawa, 25 mai 1982.
Immigration Appel Avis d'interdiction de séjour Appel formé contre une ordonnance par laquelle la Division de première instance a accueilli une demande de mandamus et a ordonné au Ministre et aux agents d'immigration de permettre à l'intimé de faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'établissement, d'examiner les demandes de droit d'établissement et de parrainage et de statuer sur cel- les-ci Les agents d'immigration ont avisé l'intimé que les demandes de droit d'établissement et de parrainage seraient laissées en suspens jusqu'à ce qu'il demande un visa d'immi- grant à l'extérieur du Canada Il échet d'examiner si les appelants sont tenus d'autoriser l'intimé, sans quitter le pays, à demander une dispense, pour des motifs d'ordre humani- taire, des exigences prévues à l'art. 9(1) Appel rejeté Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, art. 2(1), 9, 19(2)d), 115(1)ii),(2) Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, art. 6, 13.
Appel est formé contre une ordonnance par laquelle la Division de première instance a accueilli une demande de mandamus et a ordonné au Ministre et aux agents d'immigra- tion, appelants: (1) de permettre à l'intimé Jiminez-Perez de faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'établissement ou de résidence permanente sans avoir au préa- lable demandé et obtenu un visa d'immigrant à l'extérieur du Canada; (2) d'examiner sa demande de droit d'établissement, notamment la possibilité d'admission, à titre de mesure spé- ciale, pour des considérations d'ordre humanitaire et de com passion et de rendre une décision à l'égard de cette demande; et (3) d'examiner le parrainage de sa demande par sa fiancée, l'intimée Reid, et de statuer sur ce parrainage. L'intimé Jimi- nez-Perez, citoyen mexicain, fit l'objet d'une enquête tenue en 1980 en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976, laquelle enquête aboutit à l'émission contre lui, le 16 avril 1980, d'un avis d'interdiction de séjour, la date d'entrée en vigueur de cet avis étant le 15 juillet 1980. Jiminez-Perez avait vécu pendant trois ans avec l'intimée Reid, citoyenne canadienne, qui lui donna un enfant le 13 juin 1980. Trois lettres, datées du 10 avril, du 24 juin et du 30 juin 1980 furent écrites par les avocats de Jiminez-Perez, expliquant sa situation et les inten tions de parrainage de Reid, et exposant aussi les motifs d'ordre humanitaire. Le 2 juillet 1980, les intimés eurent un entretien avec un agent d'immigration, l'appelante Lawson, qui fit savoir que la demande de Jiminez-Perez ne pourrait être instruite tant qu'il n'aurait pas demandé un visa à l'extérieur du Canada, et
qu'en outre, la demande de parrainage serait laissée en suspens jusqu'à ce qu'il l'eût fait. La question est de savoir si les appelants sont tenus d'autoriser l'intimé Jiminez-Perez à faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'établissement lorsqu'il demande, pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion, une dispense de l'exigence qu'il doive avoir demandé et obtenu un visa d'immigrant à l'exté- rieur du Canada.
Arrêt: l'appel est rejeté. Étant donné que les articles 9 et 19(2)d) de la Loi sur l'immigration de 1976, que viennent préciser les définitions données par la loi de «visa» et de «agent des visas», exigent qu'on demande et obtienne un visa à l'exté- rieur du Canada, les appelants font valoir qu'ils ne peuvent autoriser Jiminez-Perez à faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'établissement sans avoir rempli cette condition. Bien que les intimés prétendent que l'expression de début du paragraphe 9(1) «Sous réserve des dispositions réglementaires ...» autorise l'octroi à Jiminez- Perez d'une dispense de la condition du paragraphe 9(1), cette expression confère simplement au gouverneur en conseil le pouvoir de faire des exceptions à la règle énoncée au paragra- phe 9(1) pour certaines catégories d'immigrants, par opposition à des cas individuels. Toutefois, est fondé l'argument des intimés que le paragraphe 115(2), il est dit «ou autrement faciliter ...», permet au gouverneur en conseil de dispenser un immigrant, dans un cas donné, de la condition de l'article 9. L'équité administrative exige que la demande de dispense de l'application de l'article 9 puisse être faite au niveau ministériel local. La demande de droit d'établissement et la demande de dispense doivent être instruites ensemble. La demande, y com- pris la demande de dispense et le parrainage du requérant, doit être examinée et tranchée au moyen d'une décision.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Tsiafakis, [1977] 2 C.F. 216 (C.A.).
APPEL. AVOCATS:
Arne Peltz pour les intimés (requérants). Harry Glinter pour les appelants (intimés).
PROCUREURS:
Contentieux d'Ellen St. Community, Winni- peg, pour les intimés (requérants).
Le sous-procureur général du Canada pour les appelants (intimés).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LE DAIN: Appel est formé contre une ordonnance par laquelle la Division de première instance [Cour fédérale, T-3232-80, jugement en date du 9 juillet 1980] a accueilli une demande de
mandamus et a ordonné au Ministre appelant et aux agents d'immigration: de permettre à l'intimé Jiminez-Perez de faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'établissement ou de résidence permanente sans avoir au préalable demandé et obtenu un visa d'immigrant à l'exté- rieur du Canada; d'examiner sa demande de droit d'établissement, notamment la possibilité d'admis- sion, à titre de mesure spéciale, pour des considé- rations d'ordre humanitaire ou de compassion et de rendre une décision à l'égard de cette demande; et d'examiner le parrainage de sa demande par sa fiancée, l'intimée Reid, et de statuer sur ce parrainage.
Les faits essentiels sont établis dans les affida vits soumis par les intimés à l'appui de la demande de mandamus. En 1977, l'intimée Reid, de citoyenneté canadienne, et son époux, S. A. Reid, se sont séparés. Elle a divorcé d'avec lui le 23 juin 1980. Pendant environ trois ans avant le dépôt de son affidavit, le 7 juillet 1980, elle a vécu avec l'intimé Jiminez-Perez, citoyen mexicain. En avril 1980, ce dernier fit l'objet d'une enquête tenue en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, laquelle enquête aboutit à l'émission d'un avis d'interdiction de séjour contre lui aux motifs qu'il était resté au Canada après avoir perdu sa qualité de visiteur le 7 juillet 1979, qu'il avait occupé un emploi sans permis de travail, et qu'il n'avait pas de passeport. L'avis d'interdic- tion de séjour, émis le 16 avril 1980, lui ordonnait de quitter le Canada au plus tard le 15 juillet 1980. Le 13 juin 1980, les intimés eurent un enfant que l'intimée Reid portait au moment de l'enquête. Le 10 avril 1980, l'avocat des intimés écrivit une lettre au Centre d'immigration du Canada à Win- nipeg, vivaient ceux-ci, pour exposer la raison pour laquelle l'intimé Jiminez-Perez ne devrait pas être obligé de quitter le Canada. Il ressort de cette lettre que l'intimée Reid avait l'intention de par- rainer, dès l'irrévocabilité de son divorce, une demande de résidence permanente de l'intimé Jiminez-Perez, à titre de fiancé de cette dernière. Le 24 juin 1980, environ dix jours après la nais- sance de sa fille, et un jour après que son divorce fut devenu irrévocable, l'intimée Reid se rendit au Centre d'immigration du Canada à Winnipeg, et remit une lettre écrite par son avocat à l'appelant Jean Boisvert, directeur, pour demander à ce der- nier d'examiner la demande de droit d'établisse-
ment de l'intimé Jiminez-Perez et le parrainage de cette demande par l'intimée Reid. Cette lettre dit notamment:
[TRADUCTION] M. Perez désire faire une demande de droit d'établissement au Canada. Mme Reid voudrait parrainer la demande de M. Perez en vertu de l'article 4 du Règlement sur l'immigration.
Veuillez accorder une entrevue à ce couple et déterminer si leur demande sera accueillie. Si vous estimez qu'il y a lieu de déroger aux dispositions existantes sur l'immigration, je vous prie par la présente de prendre les mesures nécessaires à cette fin.
Si vous estimez que M. Perez ne peut obtenir le droit d'établis- sement, veuillez donner à ce dernier et à Mme Reid un avis écrit portant rejet des demandes et donnant tous les motifs de rejet.
M. Perez désire que sa demande soit examinée par votre bureau, et, pour le moment, il n'a pas l'intention de demander le statut d'immigrant reçu à un bureau à l'étranger.
Je vous prie d'examiner leurs demandes. M. Perez a reçu un avis d'interdiction de séjour prenant effet le 15 juillet 1980. Une entrevue avec le couple suffira pour faire voir la dure épreuve qui en résulterait, tant sur le plan financier qu'émotif si la famille devait se séparer si tôt après la naissance de l'enfant.
Le 2 juillet 1980, les intimés se rendirent au Centre d'immigration du Canada à Winnipeg, ils furent examinés par l'appelante Susan Lawson, agent d'immigration. A cette occasion, ils étaient représentés par un autre avocat qui remit à l'appe- lante Lawson une lettre en date du 30 juin 1980, adressée à l'appelant Boisvert, concernant le cas des intimés. Après avoir lu la lettre, l'appelante Lawson dit qu'elle connaissait bien le dossier de l'affaire et qu'elle avait notamment pris connais- sance de la lettre du 24 juin 1980 adressée à l'appelant Boisvert. La lettre du 30 juin 1980 contenait le passage suivant:
[TRADUCTION] Lorsque vous serez au fait de cette affaire, vous trouverez d'importants motifs d'ordre humanitaire pour faire une exception aux règlements d'immigration généralement applicables. J'ose espérer que votre bureau n'exigera pas que M. Jiminez-Perez retourne au Mexique, son pays d'origine, pour faire une demande de résidence permanente au Canada. La cellule familiale en serait perturbée et divisée, et ce serait particulièrement fâcheux en raison du fait que ce couple a eu un enfant le 13 juin 1980, il y a à peine deux semaines. Mme Reid reste actuellement à la maison pour s'occuper de l'enfant et touche des prestations de maternité régies par la loi sur l'assurance-chômage.
La lettre du 30 juin a également reproduit une grande partie de la lettre du 10 avril que l'ancien avocat des intimés avait écrite au Ministère. L'af- fidavit de l'intimé Jiminez-Perez dit ceci au para- graphe 7 concernant l'entrevue du 2 juillet 1980:
[TRADUCTION] 7. Le 2 juillet 1980, je me suis rendu au Centre d'immigration du Canada à Winnipeg avec la requérante Anne Irena Reid et mon avocat actuel. J'ai été examiné par l'agent d'immigration Susan Lawson, et j'ai demandé à soumettre une demande de résidence permanente. L'intimée Lawson a refusé de me fournir une formule de demande appropriée, et d'étudier une telle demande jusqu'à ce que je me sois présenté à un bureau des visas se trouvant à l'extérieur du Canada.
A propos de la même entrevue, le paragraphe 7 de l'affidavit de l'intimée Reid est ainsi rédigé:
[TRADUCTION] 7. J'ai demandé à parrainer la demande de résidence permanente de mon fiancé. On m'a autorisé à signer la formule d'immigration 1009, mais Mme Lawson m'a avisée que la demande serait laissée en suspens jusqu'à ce qu'on reçoive confirmation du fait que mon fiancé a quitté le Canada. M me Lawson a en outre fait savoir que c'est seulement après ce départ qu'elle approuverait ma demande de parrainage, qui serait alors envoyée au bureau des visas étranger choisi par mon fiancé. Mon fiancé et moi avons contesté l'inscription par Mme Lawson d'une adresse mexicaine pour M. Jiminez-Perez sur la formule de parrainage, étant donné que nous désirions tous deux que nos demandes soient examinées au Canada. Mme Lawson a refusé de remplacer ladite adresse par notre adresse locale à Winnipeg. J'ai donc signé la formule telle quelle, en protestant.
Par lettre en date du 3 juillet 1980, l'appelante Lawson a avisé comme suit l'intimée Reid du point de vue du Ministère relativement à son parrainage:
[TRADUCTION] La présente a trait au «Parrainage d'une demande par un membre de la catégorie de la famille et Engagement d'assistance« (formule IMM 1009) que vous avez soumis le 2 juillet 1980 en faveur de votre fiancé, Enrique - Alberto [sic] Jiminez-Perez.
La législation en matière d'immigration ne nous autorise pas à prendre en considération séparément un engagement et la demande de résidence permanente faite par votre fiancé; cel- le-ci doit, conformément à l'article 9 de la Loi sur l'immigra- tion, être faite à un de nos bureaux à l'étranger et être examinée par un agent des visas.
Dans son affidavit, l'intimée Reid déclare que si l'intimé Jiminez-Perez était tenu de quitter le Canada afin de faire une demande de droit d'éta- blissement, ce serait pour elle une dure épreuve, tant sur le plan émotif que sur le plan financier, et que l'enfant en souffrirait également.
A mon avis, la question dans le présent appel est de savoir si les appelants sont tenus d'autoriser l'intimé Jiminez-Perez à faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'établis- sement lorsqu'il demande, pour des motifs d'ordre
humanitaire ou de compassion, une dispense de l'exigence qu'une personne qui demande à être admise au Canada doive avoir demandé et obtenu un visa d'immigrant à l'extérieur du Canada.
Cette condition est imposée par l'article 9 de la Loi, lequel est ainsi rédigé:
9. (1) Sous réserve des dispositions réglementaires, tout immigrant et tout visiteur doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.
(2) Toute personne qui fait une demande de visa doit être examinée par un agent des visas qui détermine si elle semble être une personne qui peut obtenir le droit d'établissement ou l'autorisation de séjour.
(3) Toute personne doit répondre sincèrement aux questions de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'il réclame pour établir que son admission ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements.
(4) L'agent des visas, qui constate que l'établissement ou le séjour au Canada d'une personne visée au paragraphe (1) ne contreviendrait ni à la présente loi ni aux règlements, peut lui délivrer un visa attestant qu'à son avis, le titulaire est un immigrant ou un visiteur qui satisfait aux exigences de la présente loi et des règlements.
Le fait qu'un visa doit être obtenu à l'extérieur du Canada se trouve précisé par les définitions que donne le paragraphe 2(1) de la Loi de «visa» et d'aagent des visas»:
2....
«agent des visas» désigne un agent d'immigration en poste à l'étranger et autorisé par ordre du Ministre à délivrer des visas;
«visa» désigne le document délivré ou le cachet apposé par un agent des visas;
Un requérant qui ne s'est pas conformé à l'exi- gence du paragraphe 9(1) n'est pas admissible en raison de l'alinéa 19(2)d) de la Loi, lequel est ainsi conçu:
19....
(2) Ne peuvent obtenir l'admission, les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui
d) ne remplissent pas les conditions prévues à la présente loi ou aux règlements ainsi qu'aux instructions et directives établis sous leur empire.
Se fondant sur l'exigence de l'article 9, les appe- lants font valoir que, loin d'avoir l'obligation d'au- toriser un immigrant à demander le droit d'établis- sement pendant qu'il se trouve au Canada sans avoir au préalable demandé un visa d'immigrant à l'extérieur du Canada, ils ne peuvent le faire en raison de la Loi même.
D'autre part, les intimés invoquent les disposi tions de la Loi qui, selon eux, permettraient à l'intimé Jiminez-Perez d'être dispensé de la condi tion de l'article 9. Ils s'appuient en partie sur l'expression «Sous réserve des dispositions régle- mentaires» employée au paragraphe 9(1). «Pres- crit» ou «réglementaire» est défini par le paragra- phe 2(1) comme signifiant «fixé ou déterminé par les règlements établis par le gouverneur en con- seil», et l'alinéa 115(1)ii) autorise le gouverneur en conseil à établir des règlements «régissant tout sujet qui, aux termes de la présente loi, peut ou doit l'être par règlement». J'estime que ces disposi tions autorisent à faire des exceptions à la règle énoncée au paragraphe 9(1) pour certaines catégo- ries ou classes d'immigrants ou de visiteurs plutôt qu'à accorder des dispenses pour des cas indivi- duels. Il vise des exceptions générales, d'ordre législatif, devant s'appliquer à des cas individuels. C'est ce qui découle, à mon avis, du terme «pres- crit» ou «réglementaire». On ''trouve un exemple d'une telle disposition à l'article 13 du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, modi- fié par DORS/80-779, qui prévoit que «Un visiteur visé à l'annexe II n'est pas tenu de présenter une demande de visa ou d'obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.» L'annexe II énu- mère certaines catégories ou classes de visiteurs. Une telle disposition n'existe pas dans le Règle- ment concernant les immigrants. Mais les intimés invoquent également le paragraphe 115(2) de la Loi qui, selon eux, confère au gouverneur en con- seil le pouvoir de dispenser de l'exigence de l'arti- cle 9 dans un cas donné, pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion. Le paragraphe 115(2) porte ce qui suit:
115....
(2) Lorsqu'il est convaincu qu'une personne devrait être dispensée de tout règlement établi en vertu du paragraphe (1) ou que son admission devrait être facilitée pour des motifs de politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le gouverneur en conseil peut, par règlement, dispenser cette personne du règlement en question ou autrement faciliter son admission.
La première partie du pouvoir conféré par ce paragraphe autorise à dispenser une personne des dispositions d'un règlement et non de celles de la Loi. L'exigence qu'une personne qui demande le droit d'établissement doit avoir demandé et obtenu un visa d'immigrant à l'extérieur du Canada est imposée par la Loi et non par le Règlement. La seule disposition dans le Règlement sur l'immigra- tion de 1978 qui semble se rapporter aux visas d'immigrants, par opposition aux visas de visiteurs, est l'article 6, qui énumère les conditions auxquel- les un visa d'immigrant peut être délivré à une personne appartenant à la catégorie de la famille et aux personnes à charge qui l'accompagnent, mais cette disposition ne parle pas de l'endroit un immigrant doit demander et obtenir un visa. Je suis toutefois d'accord avec l'argument que la seconde partie du pouvoir conféré par le paragra- phe 115(2) en ces termes: «Lorsqu'il est convaincu ... que [1']admission [d'une personne] devrait être facilitée pour des motifs de politique générale ou des considérations d'ordre humanitaire, le gouver- neur en conseil [peut] ... ou autrement faciliter son admission», suffit pour permettre à un immi grant, dans un cas donné, d'être dispensé de l'exi- gence de l'article 9.
La Loi est muette quant à la procédure à suivre pour demander une dispense de la condition de l'article 9. Rien non plus dans le dossier ne jette de la lumière sur la pratique ministérielle à ce sujet, mais j'estime qu'en pratique, la demande doit être soumise aux agents d'immigration locaux qui nor- malement devraient la transmettre au Ministre avec leurs recommandations. Une telle demande relève de l'application générale de la Loi et, en l'absence d'une disposition spéciale, l'équité admi nistrative exige qu'elle puisse être faite au niveau ministériel local. Les lettres datées du 24 et du 30 juin 1980 adressées à l'appelant Boisvert, dont j'ai cité des extraits ci-dessus, constituent une demande suffisamment claire de dispense, pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion, de la condition prévue à l'article 9.
Selon l'avocat de la Couronne, si je le com- prends bien, la demande de dispense n'a pas été faite de la façon appropriée; ce qui voudrait dire qu'une telle demande doit être adressée, de quel- que autre manière, directement au gouverneur en
conseil, et qu'en tout cas, il ne peut y avoir obliga tion de permettre qu'une demande de droit d'éta- blissement soit faite au Canada, tant et aussi longtemps qu'une telle dispense n'a pas été obte- nue. Comme je l'ai indiqué, j'estime que l'équité administrative exige qu'une demande de dispense de la condition de l'article 9 soit examinée par les agents d'immigration locaux. J'estime en outre qu'il n'est pas bon de séparer la demande de droit d'établissement de la demande de dispense. L'in- timé Jiminez-Perez cherche à faire, pendant qu'il se trouve au Canada, une demande de droit d'éta- blissement sur la base de l'obtention, pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion, d'une dispense de la condition de l'article 9. Puis- que la Loi prévoit que cette admission peut être accordée sur cette base dans des cas particuliers, un requérant éventuel a droit à une décision admi nistrative sur la base sur laquelle il présente une demande, et il existe donc une obligation corréla- tive de lui permettre de faire la demande. La demande, y compris la demande de dispense et le parrainage de la demande, doit être examinée et tranchée au moyen d'une décision et non d'une tentative anticipée d'éviter une décision en raison de son effet possible sur le droit d'appel du répon- dant sous le régime de l'article 79 de la Loi. A mon avis, le raisonnement de cette Cour dans l'affaire Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration c. Tsiafakis, [1977] 2 C.F. 216 (C.A.), s'applique également à la présente espèce.
Par ces motifs, je rejetterais l'appel mais je modifierais l'ordonnance rendue par la Division de première instance en remplaçant le membre de phrase [TRADUCTION] ode déterminer s'il ressort de la preuve qu'il existe des considérations d'ordre humanitaire et de compassion pouvant justifier l'octroi au requérant, à titre de mesure spéciale, du droit d'établissement» par [TRADUCTION] «de prendre les mesures nécessaires afin de permettre au gouverneur en conseil de déterminer s'il y a lieu d'accorder, pour des motifs d'ordre humanitaire ou de compassion, une dispense spéciale de la condi tion prévue à l'article 9 de la Loi».
LE JUGE URIE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
LE JUGE SUPPLÉANT LALANDE: Je souscris aux motifs ci-dessus.
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